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University of Ottawa
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CATÉCHISME
DE PERSËVÉRAIË.
Les exemplaires non revêtus de la signature
ci-dessous seront réputés contrefaits.
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TàBIS. — IMFRIKBRIB DB DBC0tmCHA:7T, RUS d'eRTORTH, 1,
CATÉCHISME
PERSÉVÉRANCE,
EXPOSÉ raSTORIQUE, DOGMATIQUE, MORAL ET LITURGIQUE
DE LA RELIGION, DEPUIS L'ORIGINE DU MONDE
JUSQU'A NOS JOURS ;
Par l'abbé J. «AUHE.
CHANOIHK DB RBVBHS.
Jesus-Christus heri et koiie, ipse
et in secula. Hebr. , xiii, 8.
Jésus-Christ hier, aujourd'hui et
dans tous les siècles.
Deus charitas est. i Jean., it, ••
Dieu est charité.
^
GAUME FRÈRES, ÉDITEURS-LIBRAIRES,
Rue du Pot-de-Fer-Saint-Sulpice, 5.
1839 ,^
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CATÉCHISME
DE PERSÉÏÉRAIE. , / .
aUATBIÈHE PABTIE
V^ LEÇON.
CULTE EXTÉRIEUR, OU LE CHRISTIANISME &ENDU
SENSIBLE.
L'avocat et le mathématicien. — Définition du culte intérieur et
extérieur. — Cérémonies, rites, liturgie. — Culte extérieur né-
cessaire à riiomme, à la société. — Premier avantage du culte
extérieur. — Il redit à nos sens toutes les vérités de la Religion,
sous les patriarches, sous la loi de Moïse, sous l'Evangile.
«Vous êtes donc un ange? vous êtes donc un pur es-
prit? » telles furent les paroles qui retentirent à mon
oreille, lorsqu'au mois de septembre de l'année der-
nière, je prenais place dans une voiture publique en
marche vers la capitale ; et ces paroles, qui passaient
de bouche en bouche, étaient accompagnées d'un sou-
rire moqueur dont le mystère m'intrigua tout d'abord.
Je me hasardai à demander le mot de l'énigme : un de
mes nouveaux compagnons de voyage me répondit :
X. VIK 1
4 CATÉCHISME
gisirats et des lois, ou plutôt faites que l'homme soit un
ange, alors vous pourrez supprimer le culte extérieur;
mais tant que l'homme sera une intelligence servie et
trop souvent asservie par des organes, vouloir réduire
la religion au pur spirituel, c'est la reléguer dans l'em-
pire de la lune.
» Pendant qu'un rire approbateur accueillait la saillie
du vieux géomètre, l'avocat, interloqué, s'est empressé
de battre en retraite et de transporter la conversation sur
un nouveau terrain. Nous en étions là lorsque la trom-
pette du conducteur a sonné l'arrivée au relais : ces
messieurs sont descendus, et la table d'hôte, nous l'es-
pérons, fera la paix. »
Au risque de troubler le repos de Vangèlique adver-
saire de nos cérémonies, nous allons le rappeler au
combat. Notre intention n'est pas de le confondre, ni
lui ni ceux qui partagent ses préjugés; mais de les
instruire tous en leur faisant connaître la nécessité, la
beauté, la sainteté et les avantages du culte extérieur
de l'Eglise catholique.
Et d'abord, qu'entend-on par ces mots : culte exté'
rieur, cérémonies, rites, liturgie?
Dans toutes les langues, le mot culte veut dire hon-
neur, respect, vénération, révérence, service. Dans la
langue religieuse, nous appelons culte intérieur les
sentiments de foi, d'admiration, de respect, de recon-
naissance, de confiance, d'amour, de soumission que
nous devons avoir pour Dieu, parce que nous recon-
naissons en lui toutes les perfections. Nous appelons
DE PERSÉVÉRANCE. 5
culte extérieur les signes sensibles par lesquels nous
manifestons ces sentiments, comme les génuflexions,
les proslernements, les prières, les vœux, les offrandes.
Nous enseignons que lorsque ces témoignages ne sont
pas accompagnés des sentiments du cœur, ce n'est plus
un culte vrai et sincère, c'est une pure hypocrisie, vice
que Jésus-Christ et les Prophètes ont souvent reproché
aux Juifs.
Nous reconnaissons un culte suprême ; il se compose
des sentiments et des témoignages qui ne sont dus qu'à
Dieu ; un culte inférieur et subordonné, que nous ren-
dons aux Anges et aux Saints, et par lequel nous res-
pectons et honorons, dans les Anges et dans les Saints,
les grâces surnaturelles que Dieu leur a faites, la di-
gnité à laquelle il les a élevés, le pouvoir qu'il leur ac-
corde. Ce cnlie in férieur était déjà commandé et prati-
qué chez les Juifs. Dieu leur dit : Respectez mon Ange,
parce que mon nom est en lui*. Nous voyons la femme
de Samarie se prosterner devant Elisée, qui venait de
ressusciter son enfant, pour honorer en lui la qualité de
saint prophète, d'homme de Dieu, et le pouvoir d'opé-
rer des miracles ^.
C'est ainsi que dans l'ordre civil on peut appeler culte
suprême celui que l'on rend au roi, et culte inférieur
ou subordonné celui que l'on rend à ses ministres.
Il faut se souvenir encore que dans la société civile
on emploie souvent les mêmes démonstrations exté-
' Exod., xxm, 21.
* IVReg,, IV, 9,37.
6 CATÉCHISME
rieures pour témoigner un culte inférieur et pour rendre
un culte suprême; c'est alors l'intention seule qui dé-
termine la significalion des signes. On s'incline, on se
découvre, on se met à genoux, on se prosterne devant
les grands aussi bien que devant les rois, sans avoir
pour cela l'intention de leur rendre un honneur égal.
Il en est de même dans la religion à l'égard de Dieu et
à l'égard des Anges et des Saints : presque toute la dif-
férence se trouve dans la forme des prières. Nous de-
mandons à Dieu de nous accorder ses grâces par lui-
même, et nous supplions les Anges et les Saints de les
obtenir pour nous par leur intercession : cela est très-
différent.
Enfin nous distinguons un culte absolu et un culte
relatif. Cette distinction est aussi admise dans l'ordre
civil. Les honneurs que l'on rend au roi sont un culte ci-
vil absolu, parce qu'ils se terminent à lui; le respect
que l'on a pour son image, pour son ministre ou pour
son ambassadeur, est relatif: on ne les honore pas pour
eux-mêmes, mais en considération du roi. Il en est de
même dans l'ordre religieux.
Ce culte relatif était aussi commandé et pratiqué
chez les Juifs : Adorez Vescabeau des pieds du Sei-
gneur, parce qu'il est saint; adorez sa sainte mon-
tagne '. Lors donc que les Juifs se prosternaient
devant l'arche d'alliance, devant le temple, devant
la montagne de Sion; lorsqu'ils se tournaient de ce
côté - là pour prier, ils ne prétendaient pas rendre
' P«. XCVIII.
DE PERSÉVÉRANCE. 7
leur culte à la montagne, au temple ni à l'arche, mais
à Dieu, qui était censé y être présent. Donc, lorsque
nous faisons de même devant une image du Sauveur ou
devant sa croix, ce n'est point à ces symboles que se
termine notre culte, mais à Jésus-Christ lui-même.
N'a-t-il pas dit que le culte qu'on rend à ses saints se
rapporte à lui? Celui qui vous écoute m'écoute, celui
qui vous méprise me méprise^ celui qui vous reçoit me
reçoit ' . Comme on le voit, le culte intérieur et extérieur,
suprême, subordonné, absolu et relatif, est une loi de
rhumanilé, pratiquée universellement dans l'ordre civil
aussi bien que dans l'ordre religieux. En le prescrivant,
l'Eglise ne manque ni de sagesse ni de raison.
Le culte extérieur ne s'exerce pas sans cérémonies.
On entend par cérémonies religieuses des actions mxjê-
térieuses et extérieures établies pour accompagner le
culte divin et le rendre plus auguste, plus expressif,
plus majestueux et plus solennel.
Les cérémonies sont des actions mystérieuses^ c'est-
à-dire qu'elles renferment et expriment un sens caché.
On dirait un voile transparent qui laisse entrevoir des
choses purement spirituelles. Je vois un homme qui se
prosterne, je n'ai pas besoin de leçon pour comprendre
qu'il a dans le cœur un sentiment de respect et de sou-
mission : sa cérémonie me le fait voir. Il élève les yeux
et les mains vers le Ciel, je comprends qu'il l'invoque ;
il se frappe la poitrine, je vois qu'il a du repentir. Il
' Luc, X, 16. Matth., x, 40. f'oy. Ber^çier, Dict. de théolog., art.
Culte. Jauffret, du Culte publfi'
8 CATÉCHISME
n'est aucun sentiment qui ne se montre au dehors par
un geste particulier, tant il est vrai que les cérémonies
sont naturelles à l'homme, et que nous en avons en
nous-mêmes le sentiment et l'intelligence : aussi le
mot cérémonie veut-il dire manifestation du cœur*....
Fondées sur la nature de l'homme, les cérémonies
ont été en usage chez tous les peuples, dans la société
civile comme dans la Religion; elles sont nécessaires, de
l'aveu même des impies. Les signes extérieurs de bien-
veillance mutuelle adoucissent les mœurs, les démon-
strations de respect envers la Divinité rendent l'homme
religieux.
Dieu n'a pas voulu que les cérémonies de son culte
fussent abandonnées aux caprices, à l'ignorance et aux
passions des hommes. Les cérémonies tantôt infâmes,
tantôt cruelles, souvent ridicules, et toujours supersti-
tieuses des religions païennes et des sectes hérétiques,
ne prouvent que trop combien il était nécessaire que
Dieu réglât les formes extérieures de la Rehgion.
D'ailleurs, c'est àDieu seul, et aux dépositaires de son au-
torité, qu'il appartient de prescrire la manière dont il
veut être servi, comme il appartient au roi de régler le
cérémonial de sa cour. En donnant sa loi à Moïse, il
entre lui-même dans les plus petits détails du culte, et
Notre-Seigneur prescrit les principales cérémonies de
l'Église catholique, laissant à ses Apôtres et à leurs suc-
cesseurs,dirigés par son esprit, le soin d'établirles autres.
' n est dérivé de car, ker, le cœur, et de moneo, avertir, rnani*
fester, faire connaître. Foj. Bergver, art. Cerém.
DE PERSÉVÉRANCE. 9
Pour être agréables ù Dieu, les cérémonies doivent donc
s'exercer suivant les prescriptions de Dieu même ou de
ses minisires : de là le rit.
On appelle rit un usage ou une cérémonie selon
l'ordre prescrit. Le mot rit vient du latin rite ou recfe,
qui veut dire ce qui est bien fait, ce qui est conforme à
l'ordre. Ainsi les rites catholiques, ce sont les cérémo-
nies religieuses comme elles sont prescrites par l'Église
catholique. Le rit romain, \ertt milanais, le rit parisien,
le rit lyonnais, ce sont les cérémonies telles qu'elles
sont prescrites a Rome, à Milan, à Paris, à Lyon *.
• Un auteur païen, Festus, nomme rituels les livres qui appre-
naient les cérémonies de la consécration des villes,des temples et des
autels, et nous nommons à présent rituel le livre qui prescrit la
manière d'administrer les sacrements.
On appelle rit mozarabe le rit suivi par les églises d'Espa<»ne
depuis le commencement du huitième siècle jusque vers la fin du
onzième. Les Arabes s'étant emparés de l'Espagne en 712, les Espa-
gnols qui subsistèrent sous leur domination furent nommés Moza-
rabes, c'est-à-dire Arabes externes, pour les distinguer des Arabes
d'origine; suivant le cardinal Bona, le mot mozarabe veut dire
mêlé avec les Arabes : cum Arabibus mixti. Ce rit est aussi appelé
gothique à cause qu'il fut suivi par les Goths, devenus Chrétiens et
maîtres de l'Espagne jusqu'au temps des Maures.
On appelle sacramentaire le livre qui contient les prières et les
paroles que les évéques et les prêtres récitent en célébrant la messe
et en administrant les sacrements.
Missel. Tout le monde sait que c'est le livre qui contient tout ce
qui se dit à la messe pendant le cours de l'année. On dit le Missel
romain, gothique ou mozarabe, gallican, parisien, pour indiquer
le Missel en usage dans ces différents pays.
Jntiphonaire ou Antiplionier. On nommait ainsi autrefois le
livre qui contenait tout ce qui devait être chanté au chœur pen-
dant la messe, à cause que les introïts avaient pour titre : Jnti-
phona ad introitum. Depuis longtemps on ua plus appelé Antipho-
10 CATÉCHISME
Le culle extérieur, les cc'TÔmonies, les rites se rap-
portent à l'acte par excellence de la Religion, l'auguste
sacrifice de la messe. Ainsi, dans le Christianisme con-
sidéré intérieurement et extérieurement, Jésus-Christ
est le terme final auquel tout aboutit ; de là le nom de li-
turgie donné à l'ensemble des cérémonies et des prières
qui composent le culle extérieur de l'Eglise catholique.
Liturgie est un mot grec qui signifie œuvre publique,
œuvre par excellence ; c'est ce que nous nommons en fran-
çais le service divin. C'est la messe ou la consécration de
l'Eucharistie, qu'on nomme proprement liturgie, parce
qu'elle est la partie la plus auguste du service divin.Voilà
pourquoi les livres qui contiennent la manière de célé-
brer les saints mystères sont nommés les liturgies *.
Après avoir défini le culte extérieur, parlons de sa
nécessité. Le monde visible est un miroir dans lequel
se réfléchit le monde invisible. Les merveilles qui nous
naire que le livre qui contient les antiennes de matines, de laudes
et des autres heures canoniales.
Ordre romain. C'est le livre qui contient la manière de célébrer
ia messe et les offices de? principaux jours de l'année, surtout ceux
des quatre derniers jours de la semaine sainte et de roctave de
Pâques.
Ordinaire de la messe. On nomme ainsi ce qui se dit à chaque
messe, pour le distinguer de ce qui est propre aux fêtes et aux
autres jours de l'année.
Heures. Ce sont les livres qui contiennent, outre les offices des
principales fêtes et l'ordinaire de la messe, des prières sur diffé-
rents sujets. On les appelle heures parce que l'office ecclésiastique
ae divise en différentes heures : matines, laudes, prime, tierce, etc.
' f^ox- Bergier, art. Liturgie, et le P. Le Brun, Cérém. de la messes
p. 1.
DE PERSÉVÉRANCE. H
environnent et que nous voyons nous révèlent des vérités
que nous ne voyons pas : Dieu, son unité, sa puissance,
sa sagesse, sa bonté, sa providence : c'est la pensée du
grand apôtre.
Eh bien, le culte extérieur est aux vérités et aux
préceptes de la religion ce que le monde visible est au
monde invisible : c'est un miroir dans lequel nous
voyons les vérités de l'ordre surnaturel, comme nous
voyons les vérités de l'ordre naturel dans le monde phy-
sique. Par le culte extérieur sont rendus sensibles et
même palpables les dogmes de la foi et les préceptes
de la morale : la chute de l'homme, sa rédemption, ses
espérances immortelles, ses devoirs, sa dignité. Que di-
rai-je encore? le culte extérieur est à la religion ce que
la parole est à la pensée : il en est l'expression vraie,
c'est-à-dire tour à tour douce, joyeuse, terrible, sui-
vant la nature des vérités qu'il exprime. En un mot, le
culte extérieur catholique est le christianisme présenté
aux sens ; et voilà pourquoi le titre général de nos le-
çons, dans celte quatrième partie, est celui-ci : le Chris-
tianisme rendu sensible. Cela posé, nous disons que le
culte extérieur est nécessaire à l'homme et à la société :
Nécessaire à l'homme, l°parce que l'homme n'est pas
un pur esprit. Composé d'un corps et d'une âme, il lui faut
nécessairement des signes ex térieurs pour manifester ses
sentiments et pour connaître ceux des autres. Il nous est
même impossible d'éprouver des sentiments vifs d'a-
mour, de joie, de crainte, d'espérance, d'admiration,
sans recourir aussitôt à des signes extérieurs propres à les
12 CATÉCHISME
produire au dehors. Bien plus, les sentiments que nous
devons avoir pour Dieu naîtraient difficilement dans le
cœur de la plupart des hommes; ils n'y dureraient pas
longtemps si l'on n'employait pas des signes extérieurs
pour les exciter, les entretenir, et se les communiquer
les uns aux autres : ce qui ne frappe point nos sens ne
fait jamais sur nous une impression vive et durable.
Voilà une des raisons fondamentales du culte exté-
rieur. « L'homme étant tel, dit le saint concile de Trente * ,
qu'il ne peut que difficilement, sans le secours des signes
sensibles, s'élever à la méditation des choses divines,
l'Eglise, comme une tendre mère, a établi certains rites,
ordonné que certaines parties de la messe se dissent à voix
basse et d'autres à haute voix. Elle a aussi institué des
cérémonies : tels sont les bénédictions mystérieuses, les
flambeaux, les encensements, les habits, et beaucoup
d'autres choses, d'après la discipline et la tradition apo-
stolique.» Tout cela a pour but de relever la majesté de
l'auguste sacrifice et de porter l'esprit des fidèles, au
moyen de ces signes visibles de piété et de religion,
à la contemplation des profonds mystères cachés dans
l'auguste sacrifice.
Au reste, les impies eux-mêmes conviennent de la
nécessité du culte extérieur.
«La Religion, réduite au pur spirituel, dit l'un d'en-
tre eux, est bientôt reléguée dans l'empire de la lune.»
c Les dogmes, dit un autre, ont disparu avec les signes
extérieurs qui les attestaient.» Quand les disciples de
* Sess. XXII, c. 5.
DE PERSÉVÉRANCE. 13
ces hommes qui raisonnaient si bien ont voulu détruire
la Religion, par où ont -ils commencé? par le culte
extérieur; ils ont d'abord tourné les cérémonies en
dérision, puis ils ont abattu les temples, les croix et les
autels.
Mais en vain l'homme veut-il lutter contre la na-
ture. Ces impitoyables ennemis du culte extérieur ont
à peine tenu les rênes du gouvernement, qu'ils ont senti
toute la nécessité des rites publics et solennels pour con-
vertir les peuples à leur morale ; ils se sont empressés
de pratiquer ce qu'ils condamnaient dans les Catholi-
ques, en appelant à leur secours le culte extérieur. Ils
en ont seulement changé l'objet immortel, et l'ont rap-
porté tout entier aux humaines vertus, qui ne sont qu'un
pompeux néant quand elles sont séparées de leur auteur.
Ils se moquaient, dans leurs ouvrages et dans leurs
lycées, du culte des Saints, et ils lui ont substitué celui
des héros, à la manière des Païens, qui ne rendaient les
honneurs de l'apothéose qu'aux actions éclatantes et aux
génies le plus souvent dévastateurs des nations. Ils
tournaient en dérision la piété des Catholiques pour les
restes précieux de l'homme juste, et ils ont rendu des
honneurs presque divins à leurs grands hommes. Enfin,
est-il une seule partie du culte catholique dont ils n'aient
fait usage pour donner à leurs leçons plus de faveur et
de crédit, plus d'accès et de confiance sur l'esprit de la
multitude? Les hymnes, les cantiques, les autels, les
tables de la loi, l'arche de la constitution, les candéla-
bres, le feu sacré, l'usage des parfums, l3S jours de fête,
a CATÉCHISME
les figures de la Liberté et de l'Egalité, les génies tuté-
laires et les autres emblèmes de la révolution, ne nous
ont-ils pas offert une suite de cérémonies religieuses
aussi étendues que celles des autres cultes?
2° Le culteextérieur est nécessaire parce que l'homme,
composé d'une double substance, doit à Dieu l'hommage
de son être tout entier, c'est-à-dire de son corps et de
son âme. L'âme honore Dieu par le culte intérieur, et
le corps l'honore à sa manière par le culte extérieur.
Ce n'est pas seulement son corps que l'homme soumet et
offre à Dieu quand il s'agenouille ou se prosterne devant
lui, c'est le monde matériel tout entier, dont le corps
humain est le mystérieux abrégé. De telle sorte que,
par le culte intérieur et extérieur, la création tout en-
tière retourne à Dieu purifiée, ennoblie, sanctifiée, di-
vinisée en quelque sorte : Dieu jouit par l'homme de la
plénitude de ses œuvres.
Le culte extérieur est nécessaire pour soutenir le
culte intérieur, l'un ne peut exister sansl'autre. Dieu, en
associant la matière à l'esprit, l'a associée à la Religion,
d'une manière si admirable, que, lorsque l'âme n'a pas
la liberté de satisfaire son zèle en se servant de la pa-
role, des mains, des prosternemenls, elle se sent comme
privée d'une partie du culte qu'elle voudrait rendre, et
de celle même qui lui donnerait le plus de consolation.
Mais si elle est libre, et que ce qu'elle éprouve au
dedans la louche vivement et la pénètre, alors ses re-
gards vers le Ciel, ses mains étendues, ses cantiques, ses
prosternemenls, ses adorations diversifiées en cent ma-
»B PERSÉVÉRANCB. 15
nières,ses larmes que la pénitence et l'amour font éga-
lement couler, soulagent son cœur en suppléant à son
impuissance; il semble dès lors que c'est moins l'âme
qui associe le corps à sa piété et à sa Religion, que ce
n'est le corps môme qui se hâte de venir à son secours
et de suppléer à ce que l'esprit ne saurait faire. De
telle sorte que dans l'action, non- seulement la plus
spirituelle, mais aussi la plus divine, la communion, c'est
le corps qui tient lieu de ministre public et de prêtre,
comme dans le martyre c'est le corps qui est le témoin
visible et le défenseur de la vérité contre tout ce qui
l'attaque'.
En résumé , le culte extérieur est nécessaire à
l'homme pour manifester, pour compléter et pour en-
tretenir le culte intérieur. D'où ce raisonnement : Point
d'homme sans Dieu ; point de Dieu sans religion ; point
de religion sans culte intérieur ; point de culte intérieur
sans culte extérieur : donc point d'homme dans ses rap-
ports avec Dieu sans culte extérieur. La nécessité du
culte extérieur est donc fondée sur la nature de l'homme
et sur la nature de Dieu.
Nous avons dit, en second lieu, que le culte extérieur
est nécessaire à la société : un simple raisonnement
suffit pour le prouver. Point de société sans religion ;
point de religion sans culte intérieur; point de culte
intérieur sans culte extérieur : au dire des impies eux-
mêmes, la Religion, réduite au pur spirituel, est bien-
tôt reléguée dans l'empire de la lune : donc sans culte
• Encyclop., art. Religion.
16 CATÉCHISME
extérieur point de société. La société est d'autant plus
éclairée, plus prospère, plus tranquille et plus forte, que
son culte extérieur est plus parfait et mieux observé.
De la nécessité du culte extérieur, soit pour l'homme,
soit pour la société, passons à ses avantages.
Premier avantage ; Le culte extérieur, et nous par-
lons ici du culte catholique, rappelle et fixe toutes les
vérités, bases de la conduite et sauvegarde de la société.
Suivons-le rapidement depuis son origine jusqu'à nos
jours.
Sous les Patriarches, dans le premier âge du monde,
le culte extérieur avait pour objet d'inculquer aux
hommes le dogme essentiel d'un seul Dieu, créa-
teur et conservateur de l'univers, souverain distribu-
teur des biens et des maux, protecteur des familles,
vengeur du crime et rémunérateur de la vertu ; de les
faire souvenir que l'homme est pécheur et qu'il a be-
soin de pardon : toutes les cérémonies, même les plus
petites en apparence, tendaient à resserrer entre eux
les liens de l'amitié fraternelle. Il serait aisé de le
montrer en les considérant en détail. Le culte exté-
rieur préserva les premiers hommes de l'idolâtrie et
de tous les crimes qui en furent la suite ; car, puis-
qu'il faut à l'homme des rites extérieurs, il ne peut
être préservé des cérémonies superstitieuses que par
des pratiques saintes et raisonnables.
Sous la loi de Moïse, les rites religieux étaient desti-
nés à persuader aux Juifs que Dieu est non-seulement
l'unique maître de la nature, mais le souverain législa-
DE PERSÉVÉRANCE. 17
leur, le fondateur et le père de la société civile, l'arbitre
des nations, qui dispose de leur sort comme il lui plaît,
les récompense par la prospérité et les punit pour des
malheurs. La plupart des cérémonies juives étaient au-
tant de monuments des faits miraculeux qui prouvaient
la mission de Moïse, la protection spéciale de Dieu sur
son peuple, la certitude des promesses que Dieu lui avait
faites. Elles devaient donc tenir les Juifs en garde con-
tre l'erreur générale des autres peuples, contre les
dieux locaux, indigènes, nationaux, auxquels ils of-
fraient leur encens. Dieu lui-même témoigne par ses
Prophètes qu'il n'a prescrit aux Juifs cette multitude
de cérémonies que pour réprimer leur penchant à l'ido-
lâtrie *.
Et voyez, tandis que les Philistins, les Chaldéens, les
Perses, les Grecs, les Egyptiens, les Carthaginois, les
Gaulois, les Romains, tous ces peuples si vantés, étaient
prosternés devant des divinités infâmes et cruelles, dont
ils célébraient les fêles par des sacrifices humains et
des cérémonies abominables, le seul peuple juif n'ado-
rait qu'un seul Dieu, grâce à son culte extérieur, qui
formait entre lui et les nations païennes une barrière
insurmontable.
Sous le Christianisme, les cérémonies ont un objet
encore plus auguste et un sens plus sublime. Elles nous
mettent continuellement sous les yeux un Dieu sancti-
ficateur des âmes, qui, par Jésus-Christ son Fils, a ra-
cheté les humains du péché et de la damnation ; qui, par
• Ezech., XXII, 5. Jer., vu, 22.
T. VII. 2
18 CATÉCHISME
des grâces continuelles, pourvoit à tous les besoins de
notre âme ; qui a établi entre tous les hommes, de quel-
que nation qu'ils soient, une société religieuse univer-
selle, que nous nommons la communion des saints *.
Ainsi sous le Christianisme, comme sous la loi et sous
les Patriarches, c'est-à-dire depuis le commencement
du monde jusqu'à nos jours, le culte extérieur est 1" une
prédication non interrompue et une profession solennelle
des dogmes les plus esserlliels à l'homme et à la société,
la création, l'unité de Dieu, sa providence, la chute
originelle, la venue du Rédempteur, la spiritualité, la
liberté, l'immortalité de l'âme, la résurrection, la vie
future. Cette prédication est nécessaire ; car le peuple
qui n'eût pas été fidèle à pratiquer le cérémonial tel que
Dieu l'avait prescrit, n'eût pas tardé à méconnaître ces
mêmes vérités ; 2" le culte extérieur est une leçon de
morale intelligible aux ignorants comme aux sages, qui
leur rappelle continuellement leurs devoirs envers Dieu,
envers leurs semblables, envers eux-mêmes, devoirs
qui découlent naturellement des dogmes dont nous ve-
nons de parler. Le cérémonial des sacrements, par
exemple, est un tableau des obligations du Chrétien
dans toutes les circonstances de la vie. Les vrais fidèles
comprennent toutes ces leçons, ce langage figuratif pro-
duit sur leurs cœurs les plus douces, les plus vives, les
plus salutaires impressions. Malheur à ceux qui ont des
yeux pour ne point voir, des oreilles pour ne point en-
tendre : cette insensibilité, qui les rend semblables aux
' Bergier, art. Cérémonies,
DE PERSÉVÉRANCE. 1^
bêtes stupides ou aux idoles de pierre et de bois, est le
premier châtiment de leur incrédulité.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi le culte extérieur, pour conserver la Re-
ligion ; failes-nous la grâce de bien comprendre le sens
des cérémonies de l'Eglise.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, j'étudierai
avec beaucoup de soin cette quatrième partie du Caté-
chismd.
PETIT catéchisme:
CDLTE EXTÉRIEUR, OU LE CHRISTIANISME RENDU
SENSIBLE.
Q' Qu'est-ce que le culte?
R. Culte veut dire hommage, respect, vénération.
Ainsi, le culte, ce sont les témoignages de respect, d'a-
doration, d'amour et de confiance que nous rendons à
Dieu.
Q. Combien y a-t-il d'espèces de culte?
jR. Il y a deux espèces de culte : le culte intérieur,
qui comprend tous les sentiments de respect, d'adora-
tion et d'amour que nous devons à Dieu; et le culte ex-
térieur, qui est la manifestation de ces sentiments.
20 CATÉCHISME
Ainsi, se mettre à genoux devant la croix*, élever les
yeux au Ciel, se frapper la poitrine, sont des actes du
culte extérieur, parce qu'ils manifestent les sentiments
de respect, de confiance, de repentir qui sont dans notre
âme.
Q. Qu'est-ce que les cérémonies?
R. Les cérémonies sont des actions mystérieuses et
extérieures établies pour accompagner le culte exté-
rieur et le rendre plus auguste, plus expressif et plus
majestueux. On dit des actions mystérieuses, parce
qu'elles renfement un sens caché. Ainsi, l'encensement
du livre des Evangiles est une cérémonie qui manifeste
le profond respect que nous avons pour ce livre divin.
Q. Qu'est-ce qu'un rit?
R. Un rit, c'est une cérémonie accomplie suivant l'or-
dre prescrit par l'Eglise. On dit le rit romain, le rit pa-
risien, pour marquer les cérémonies comme elles se
font à Rome et à Paris.
Q. Qu'est-ce que la liturgie?
'R. La liturgie, c'est l'ensemble des cérémonies em-
ployées dans le service divin. Le mot liturgie veut dire
action sublime, action par excellence, parce que le ser-
vice divin est l'œuvre la plus noble que nous puissions
faire, puisqu'elle nous met en rapport avec Dieu même.
Q. Le culte extérieur est-il nécessaire?
R. Le culte extérieur est absolument nécessaire,
1° parce que l'homme doit à Dieu l'hommage de son
âme et de son corps : l'âme honore Dieu par le culte
intérieur, la foi, l'espérance, la charité, l'adoration; et
DE PERS^VIÉRANCE. 2l
le corps l'honore à sa manière par le culte extérieur,
les génuflexions, les prières ; 2° parce que l'homme n'est
pas un pur esprit: notre âme est tellement dépendante
des sens, qu'elle ne peut que très-difficilement s'élever
aux choses spirituelles sans le secours des choses sen-
sibles. Sans le culte extérieur, le culte intérieur périrait
bien vite. «Vouloir réduire la Religion au pur spirituel,
disait un impie, c'est la reléguer dans l'empire de la
lune. »
Q. Quel est le premier avantage du culte extérieur?
R. Le premier avantage du culte extérieur, c'est de
rappeler sans cesse à notre esprit et de mettre, pour
ainsi dire, sous nos yeux, toutes les vérités qu'il nous
importe le plus de connaître, d'aimer et de pratiquer.
Sous les Patriarches, le culte extérieur rappelait la créa-
tion du monde, l'unité de Dieu, sa providence infinie, la
vie future ; sous la loi de Moïse, il rappelait que Dieu
est non-seulement le maître de la nature, mais le lé-
gislateur suprême et l'arbitre des nations, qu'il récom-
pense ou qu'il punit infailliblement suivant leurs vertus
ou leurs crimes. C'est le culte extérieur qui préserva
les Juifs de l'idolâtrie dans laquelle étaient plongés tous
les autres peuples. Sous le Christianisme, le culte exté-
rieur nous rappelle toutes les grandes vérités révélées
aux Patriarches et à Moïse, ainsi que tous les mystères
de Notre-Seigneur. C'est aussi un tableau de tous les de-
voirs que nous avons à remplir envers Dieu, envers le
prochain et envers nous-mêmes.
22 CATlêCHISME
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi le culte extérieur, pour conserver la Re-
ligion ; faites-nous la grâce de bien comprendre le sens
des cérémonies de l'Eglise.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, j'étudierai
avec beaucoup de soin cette quatrième partie du Caté-
chisme.
DE PERSEVERANCE. 23
3i?TOfn
IP LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIRLE.
Second avantage duculte extérieur, il fixe toutes les Térités de la
Religion. — Troisième avantage, c'est le premier lien social. —
Quatrième avantage, il influe admirablement sur les arts. —
Origine des cérémonies. — Variété des cérémonies. — Respect
qui leurjest dû. — Empressement à les étudier.
Non-seulement le culte extérieur redit sans cesse à
l'esprit, au cœur, aux sens, les dogmes de la foi et les
préceptes de la morale, il a, de plus, l'inestimable avan-
tage de les fixer.
Ainsi, 'second avantage du culte extérieur : il^fixe
toutes les vérités de la Religion.
Nos cérémonies, nos prières, sont autant de témoins
incorruptibles de la croyance des anciens jours : on
dirait une longue galerie de tableaux, qui commence à
l'origine du monde, se continue sous Moïse, et se pro-
longe jusqu'au seuil de l'éternité. Tous ces tableaux,
tantôt terribles, tantôt gracieux, toujours pleins de vé-
rité, peints à des époques si éloignées les unes des au-
tres, et par des mains si différentes, nous montrent, dans
leur parfaite conformité, la Religion toujours la même,
quoique inégalement développée, toujours proportion-
24 CATÉCHISME
née aux lumières, aux besoins et i\ l'état social du genre
humain pour lequel elle est faite.
Toute celte chaîne de cérémonies, tout ce culte
extérieur si magniOque dans son ensemble, si va-
rié dans ses détails, rend à la Religion un témoignage
authentique, vivant, perpétuel, en môme temps qu*il
la fixe, comme les monuments de bronze ou de marbre
fixent et perpétuent le souvenir des événements. Par
là notre Religion est mise à l'abri des caprices des no-
vateurs et des interprétations arbitraires de l'hérésie.
De tout temps on s'est servi du culte extérieur pour
montrer aux hérétiques la véritable doctrine de Jésus-
Christ et des Apôtres, et pour éclaircir au besoin le sens
des paroles de l'Ecriiure sainte, sur lesquelles on con-
testait. Aux Ariens les Pères des quatrième et cinquième
siècles opposèrent les cantiques de la primitive Eglise,
qui attribuaient à Jésus-Christ la divinité ; aux Péla-
giens, les prières par lesquelles l'Eglise a conti-
nuellement imploré le secours de la grâce divine.
Dans les temps modernes, on a fait de même à l'é-
gard des Protestants. On a tiré des anciennes liturgies,
conservées même par les sectes orientales, séparées de
l'unité catholique dès le quatrième siècle, la preuve
invincible de la présence réelle, de la confession auri-
culaire, de la prière pour les morts, etc. N'ayant rien
de solide à répUquer à cet argument, qu'ont fait les
novateurs ? ils ont supprimé chez eux tout l'appareil du
culte extérieur qui les condamnait. Cela est plus court*.
* Voy. fa Perpétuité de la foiy Arnaud, Renaudot, Le Brun.
DE PERSÉVÉRANCE. 25
Le troisième avantage du culte catholique, c'est d'être
un lien social. L'histoire nous apprend que les pre-
miers rendez-vous des nations, les premiers monuments
des peuples, les premiers asiles des vertus sociales, ont
été des lieux consacrés à la Divinité, des autels, des
tombeaux. Le Patriarche, voyageur du désert, réunit
autour de l'autel de pierre et de gazon ses enfants et ses
pelits-enfants pour offrir le sacrifice au Seigneur, leur
parler de ses miracles et leur rappeler ses promesses.
Trois fois chaque année, les grandes solennités de Pâ-
ques, de la Pentecôte et des Tabernacles appellent tou-
tes les tribus d'Israël à Jérusalem : on prie, on adore,
on chante, on pleure, on mange, on se réjouit ensem-
ble; voilà tous les liens de charité rétablis ou resserrés.
C'est aux Catacombes que les Chrétiens éperdus, dis-
persés par la persécution, viennent apprendre à vivre
en saints et à mourir en héros : là se cimente dans leur
sang généreux la société moderne. Plus tard, les mo-
nastères, les Eglises-mères furent en Europe les pre-
miers lieux de réunion. C'est là que se rendaient, pour
assister au service divin, les habitants de vastes con-
trées. Pour nourrir la foule des pieux pèlerins qui ve-
naient entendre la messe, près de l'antique église on
établit des hôtelleries. Aux hôtelleries se joignirent
bientôt des boutiques où l'on vendait les objets de pre-
mière nécessité.
De là, le nom de messe, qui, dans la langue allemande,
signifie encore foire ou marché. On dit la messe de
Strasbourg, la messe de Francfort, pour signifier les
26 CATÉCHISME
foires qui se tiennent dans ces deux villes. Souvent
même l'humble cellule du solitaire a donné naissance
à des bourgades et à des villes. C'est autour de la croix
de bois plantée par le missionnaire qu'ont pris nais-
sance les vastes sociétés du Nouveau-Monde. Aujour-
d'hui encore, le véritable point de réunion, c'est l'église
paroissiale. Détruisez-la, et les habitants des campa-
gnes, c'est-à-dire les trois quarts des hommes, vivront
éternellement isolés, à la manière des peuplades sau-
vages de l'Amérique.
La commune y direz -vous, les rassemblera. Je le
veux ; mais elle ne les civilisera pas. Pour civili-
ser les hommes, il ne suffit pas de les assembler,
il faut* les rendre meilleurs. Or le culte catholique
seul a cet avantage. Nos églises sont de véritables
écoles de morale. Là, tous les habitants d'une con-
trée, réunis dans la maison de leur Père commun, en-
tendent la parole éternellement sociale, parce qu'elle
est toute charité ; là ils entendent la voix de leur pas-
teur, de leur évêque, et ils comprennent qu'ils sont en
rapport de fraternité avec les habitants d'une vaste pro-
vince; là ils entendent nommer avec respect le souve-
rain pontife, ils prient pour lui, et ils comprennent
qu'ils sont les enfants de cette grande société répandue
sur tous les points du globe. Pour eux, il n'y a plus ni
mers ni montagnes, ni Grecs ni Barbares ; ils voient
dans tous les Catholiques des amis et des frères ; ils
savent qu'en priant ils prient avec eux ; qu'au moment
où ils sont réunis au pied des autels, mille voix^ s'élè-
DE PERSÉVÉRANCE. 27
vent de l'orient et de l'occident, qui s'unissent à la
leur, et qui, toutes ensemble, portent au pied du tr6ne
de Dieu les vœux, les hommages, les cœurs de la
grande famille humaine.
Et puis, que de souvenirs propres à rendre les hom-
mes meilleurs ! Cette église où l'on a été baptisé, ma-
rié, où l'on sera présenté une dernière fois à la mort; et
ce vieux pasteur à cheveux blancs qui instruisit l'en-
fance et qui vit faire la première communion, et enfin
ce cimetière où dorment les aïeux ; ce cimetière qu'il
faut traverser pour entrer à l'église : tous ces souve-
nirs, et bien d'autres encoi î, contribuent infiniment
plus qu'on ne pense à rendi les hommes plus déta-
chés de la terre, moins égoïstes, plus moraux, plus
sociaux en un mot. Si vous en doutez, voyez ce que
deviennent les habitants des villes et des villages qui
ne fréquentent pas l'église.
Là encore, dans ces réunions, les hommes sont rappe-
lés à cette égalité nécessaire au bien de la société,
parce qu'elle abaisse l'orgueil des uns, et relève le
courage des autres. Dans l'église, on ne connaît plus
d e titre ni de dignité ; le prêtre ne voit que des enfants
et des frères : en proclamant les futurs mariages, en ap-
pelant les époux, ou les parrains et marraines, en adres-
sant son prône, il ne dit pas : Messieurs, mesdames,
mais mes frères, mes sœurs. Là enfin, à la table sa-
crée, à la table de Dieu, Père commun des rois et des
u jets, tous se placent indistinctement : c'est la seule
able dans le monde où il n'y ait pas de haut bout.
28 CATÉCHISME
Le véritable h-pe de la civilisation, c'est donc la pa-
roisse, et non pas la commune ; l'église, et non pas la
mairie. A la paroisse, on parle de Dieu, de la charité
mutuelle, du ciel et des vertus qui y conduisent; dans
la commune, on parle intérêts, vente, achat, contrat,
cadastre, champs, vignes, bestiaux. Dans la paroisse, je
vois un prélre qui parle au nom de Dieu, qui console,
qui encourage, qui rappelle au devoir, qui rend la paix
à l'âme, qui réconcilie les ennemis ; dans la commune,
je vois le maire qui lit les arrêtés du préfet, le garde
champêtre qui fait des rapports, tout au plus le juge de
paix qui inflige des amendes, et des gendarmes qui con-
duisent en prison. Dites, que vous en semble? laquelle
des deux, de la paroisse ou de la commune, est la plus
propre à rendre les hommes meilleurs ? Si c'est la pa-
roisse, rendez grâce au culte catholique, sans lequel la
paroisse n'existerait pas.
Nous avons montré, en parlant des sacrements,
comment ils donnent à l'homme une haute idée
de sa dignité, comment ils consacrent toutes les épo-
ques solennelles de la vie, comment ils lui confèrent
tous les moyens de vivre saintement, c'est-à-dire d'être
sur la terre un citoyen utile à la société temporelle, et
après la mort un habitant glorieux de la Jérusalem cé-
leste. Bientôt nous verrons tout ce que les fêtes catho-
liques offrent de consolant et d'utile à l'homme et à la
société. Disons un mot de l'influence du culte catholi-
que sur les arts, ce sera, si vous le voulez, un quatrième
avantage.
DE PERSÉVÉRANCE. 29
Les arts sont fils de la Religion. L'artiste qui ne croit
pas à l'autre vie, qui ne voit pas au-dessus de sa tête un
monde plus parfait que le nôtre, où son imagination et
son âme aille chercher des modèles et puiser des inspi-
rations, cet artiste-là est mort dès cette vie. Pour lui ni
poésie, ni avenir, ni gloire : c'est à l'autel de la foi que
s'allume le flambeau du génie. Dans le Paganisme
même, tous les cliefs-d'œuvre de poésie, de sculpture,
d'architecture et de musique sont dus ii l'inspiration
religieuse. Il en est de même chez les nations moder-
nes : ici les chefs-d'œuvre sont d'autant plus parfaits,
que la Religion qui les inspire est plus divine. Arts et
artistes, tombez à genoux devant le culte catholique;
c'est à lui que vous devez votre gloire. Les Vierges de
Raphaël, la coupole de Saint-Pierre de Rome, les cathé-
drales gothiques, la musique de Mozart, de Pergolèse,
d'Haydn, le chant de la Préface, le Te Deum, le Stabat,
le Lauda Sion, le Dies irœ, tous ces chefs-d'œuvre et
mille autres sont fils du culte catholique. Il est donc
bien beau, bien majestueux, bien divin, le culte catho-
lique qui inspira tant de génies et qui créa tant de chefs-
d'œuvre. A lui seul cette nouvelle gloire. Où sont les
chefs-d'œuvre de poésie, d'architecture, de peinture, de
musique, inspirés par le Protestantisme, par le Maho-
métisme, par l'Arianisme, par toutes les sociétés sépa-
rées de la véritable Eglise ?
C'est encore au culte catholique que nous devons les
plus beaux instruments de musique, l'orgue et la cloche :
l'orgue, cette réunion de tous les instruments, l'orgue,
90 CATÉCHISME
qui, par la variété de ses sons, remue toutes [les fibres
de l'âme, parle toutes les langues, fait entendre toutes
les voix, voix de la douleur, voix de l'épouvante, voiï
de l'espérance et de la joie, voix de la mort, voix du
Ciel ; la cloche, qui fait naître à la même minute un
même sentiment dans mille cœurs divers. Considérée
comme harmonie, la cloche a indubitablement une
beauté de la première sorte : celle que les artistes ap-
pellent le grand. Le bruit de la foudre est sublime,
et ce n'est que par sa grandeur : il en est ainsi des vents,
des mers, des volcans, des cataractes, de la voix de tout
un peuple. Avec quel plaisir Pythagore, qui prétait l'o-
reille au marteau du forgeron, n'eûl-il point écouté le
bruit de nos cloches la veille d'une solennité de l'Eglise !
L'âme peut être attendrie par les accents d'une lyre,
mais elle ne sera point saisie d'enthousiasme comme
lorsque la foudre des combats la réveille, ou qu'une pe-
sante sonnerie proclame dans la région des nuées les
triomphes du Dieu des batailles ^
Perpétuer les vérités de la Religion, les fixer et les
mettre à couvert des attaques de l'impiété et de l'héré-
sie, être un lien social, élever Ihomme et le consoler,
inspirer les arts et leur faire produire d'inimitables
chefs-d'œuvre, voilà quelques-uns des avantages du
culte catholique. En faut-il davantage pour lui mériter
notre respect et notre amour ? Ah ! nous devons être
fiers, nous. Catholiques, de professer un culte source
féconde de tant de beautés, principe de tant de vertus.
' Génie du christianisme, 4* part., cb. 1.
DE PERSÉVÉRANCE. S|
Parlons maintenant de l'origine des cérémonies qui
le composent, du respect qui leur est du, et de la néces-
sité de les connaître.
C'est Dieu qui a donné à l'homme le besoin de mani-
fester par des signes extérieurs les sentiments qui nais-
sent dans son âme ; il est donc le premier auteur des cé-
rémonies. Il en a fait sentir la nécessité; il a inspiré
les premiers actes religieux ; lui-même en régla chez
les Juifs la manifestation. Plus tard, son Fils, qu'il a en-
voyé sur la terre, après avoir révélé certaines cérémo-
nies essentielles, a délégué à son Eglise le pouvoir de
régler le culte que les hommes doivent à Dieu.
Telle est la noble origine des cérémonies ecclésiasti-
ques ; elles viennent de Dieu, soit qu'il les ait instituées
lui-même par Jésus-Christ son Fils, soit qu'elles aient
été établies par les Apôtres ou par leurs successeurs,
qu'il a remplis de son esprit et revêtus de son auto<«
rite».
Ainsi les cérémonies de l'Eglise sont ou d'institution
divine, ou d'institution apostolique, ou d'institution ec-
clésiastique. Les premières sont celles que Jésus-Christ
a instituées lui-même, comme la bénédiction et la con-
sécration du calice, la formule des sacrements ; les se-
condes sont celles que les Apôtres ont établies, telles que
l'usage pour les hommes de prier la tête découverte
et tournés vers l'orient, telles encore que certaines
prières de l'offlce divin ; les troisièmes enfin sont celles
que l'Eglise a instituées dans la suite des temps : un
» Voy. Bergier, art. Cérémonies.
32 CATÉCHISME
grand nombre de bénédictions, de génuflexions, de
prières, de processions, etc.
De là, les cérémonies de l'Eglise se divisent en céré-
monies essentielles et en cérémonies accessoires. Les
cérémonies essentielles appartiennent à l'essence même
du sacrifice et des sacrements, et, par cette raison, elles
ne peuvent point être changées : telles sont les paroles
de la consécration de l'Eucharistie et la forme des
sacrements. Les cérémonies accessoires sont celles qui
regardent la décence, la commodité ou la majesté du
service divin. Souvent elles diffèrent dans les divers
diocèses, et elles peuvent être changées selon les temps
et les circonstances par l'Eglise, qui a reçu de Jésus-
Christ le pouvoù- de les instituer et de les modifier pour
la gloire de Dieu et le salut des hommes.
Cette diversité de rites ne nuit point à l'unité de l'E-
glise. Il est vrai, la première marque distinctive de
l'Eglise catholique c'est l'unité; elle n'a qu'un seul
chef invisible, Jésus-Christ; qu'uu seul chef visible,
notre saint Père le pape ; elle est une dans sa foi et dans
sa morale. Les temps et les lieux n'ont apporté aucun
changement aux commandements de Dieu, aux véri-
tés qu'il a révélées, à l'essence du gouvernement qu'il a
établi dans son Eglise.
Il n'en est pas de même de la discipline; elle peut
varier selon les circonstances ; car la discipline est la
police extérieure de l'Eglise'. La succession des siè-
» La discipliue de l'Eglise est la police extérieure, quant au gou-
vernement. Elle est fondée sur les décisions et les canons descon-
DE PERSÉVÉRANCE. 33
des, les usages des pays, les mœurs des peuples, exi-
gent des modifications qu'une autorité sage et bienveil-
lante a toujours le droit d'opérer.
Le Grec et le Romain catholiques professent la même
Religion, ont la même foi, observent les mêmes pré-
ceptes ; cependant il y a une grande différence dans la
discipline de leur Eglise.
Ce que nous disons de la discipline, nous devons
l'entendre des cérémonies qui en font une partie essen-
tielle, mais non pas de toutes. Celles qui sont d'insti-
tution divine ne changent pas; elles appartiennent à la
foi ; Jésus-Christ les a instituées en y attachant une grâce
particulière : elles sont les mêmes dans toute l'Eglise,
dans tous les temps et dans tous les lieux. Quant aux
cérémonies purement ecclésiastiques, et qui n'appar-
tiennent pas à ^l'essence du saint sacrifice ou des sacre
ments, l'Eglise qui les a établies peut les modifier, les
supprimer, en instituer d'autres selon les circonstances
et pour l'édification des fidèles. Ce pouvoir, elle en a
usé dans tous les siècles, et voilà pourquoi nous trou-
Yons une si grande différence entre le rite grec et le
ciles, sur les décrets des papes, sur les lois ecclésiastiques, sur
les usages et coutumes des pays. D'où il s'ensuit que des règle-
ments sages et nécessaires dans un temps n'ont plus été de la
même utilité dans un autre ; que certains abus ou certaines cir-
constances, des cas imprévus, etc., ont souvent exigé qu'on fît de
nouvelles lois, quelquefois qu'on abrogeât les anciennes; quelque-
fois aussi celles-ci se sont abolies par le non-usage : ce qui a né-
cessairement introduit des variations dans la discipline de l'E-
glise. Bergier, art. Discipline.
T. VII. 3
34 CATÉCHISME
rite latin. C'est par la même raison que chaque diocèse
a ses usages particuliers.
Celte diversitù de rites, comme nous l'avons dit, né
nuit en rien à l'unité de l'Eglise, et sert à faire ressor-
tir sa beauté. « L'unité de la foi, dit saint Augustin,
qui est la même par toute l'Eglise, est ce qui fait la
beauté du corps de l'épouse de Jésus-Christ, selon celte
parole du Prophète : Toute la beauté de la fille du roi
est au dedans; et si, dans le culte que produit cette
unité de foi, il se trouve des pratiques différentes, celle
diversité de cérémonies n'est que la variété de la robe
de cette épouse, selon ce qui est dit au même endroit :
L'épouse est revêtue d'une robe en broderie d'or, semée
de diverses couleurs^ »
• Bpist. 36. Foy. M. Thirat, Esprit des cérémonies, p. 14.
Les philosophes et les Protestants ont prétendu que nos céré-
monies étaient imitées des Païens. Je ne connais pas de reproche
plus maladroit. Il est certain que tous les peuples ont eu des cé-
réruonies religieuses. Dans ce fatras de pratiques superstitieuses,
il restait quelques lambeaux de vérités, de même que dans leurs
croyances et dans leur morale. Qu'a fait l'Eglise.'* Héritière uni-
▼erselle de toutes les vérités, elle a fait le triage du vrai et du
faux, du bon et du mauvais. En adoptant ce qu'elle a trouvé de
bien et de vrai, elle a chassé les usurpateurs et leur a dit : « Je
suis avant vous, je suis la première, je remonte jusqu'aux premiers
jours du monde, j'ai reçu la vérité en dépôt et en héritage, je re-
prends mon bien : tout ce que vous avez conservé de bon, de vrai,
'''• louable, est à moi. •• Puis elle a purifié, sanctifié ces usages,
comme elle a sanctifié les temples des idoles et les a fait servir à
la gloire de leul- véritable maître. » Tel est le sens de la réponse
de saint Augustin à Fauste le Manichéen. {Contr. Faust., lib. 20,
c. 4, 21.) L'emploi des cérémonies au culte du vrai Dieu, dit Ber-
gier, n'est pas un emprunt, c'est la restitution d'un vol fait par
les Païens : la vraie Religion est plus ancienne que les fausses;
elle a droit de revendiquer des rites que ses rivales ont profanés»
DE PERSÉVÉRANCE. 35
Et maintenant, quoi de plus propre à inspirer le
plus profond respect pour nos cérémonies que leur noble
origine, leur antiquité, leur beauté, leur utilité? Elles
mettent la Religion à l'abri des nouveautés ; elles nous
aident à nous élever jusqu'aux choses les plus spiri-
tuelles; elles captivent nos sens ; elles réjouissent notre
cœur ; elles environnent le culte de tant de grandeur
et de dignité, que l'impie même ne saurait, sans se
rendre coupable aux yeux de la science et de la raison,
ne pas vénérer des rites si pleins de sagesse, et qui pro-
duisent de si heureux résultats pour l'homme et pour
la société. Aussi sainte Thérèse, cette âme si aimante
et si bien inspirée, disait-elle : « Je donnerais ma tête
pour la plus petite cérémonie de l'Eglise. »
Rien ne prouve mieux le respect que nous devons
avoir pour les cérémonies saintes que l'extrême impor-
tance que l'Eglise y attache, et que les suites déplo-
rables qu'entraîne le mépris qu'on en fait.
L'Eglise recommande à ses ministres de^ les con-
aaître, d'en étudier l'esprit et de s'y conformer avec
soin. Un prêtre ne pourrait sans crime, et sans nuire
à l'intégrité du sacrifice et à la validité des sacrements,
omettre quelqu'une des cérémonies essentielles ; et s'il
négligeait par légèreté ou par ignorance les cérémonies
non essentielles, il pécherait d'une manière plus ou
moins grave, selon que son omission volontaire serait
Faut-il nous abstenir de prier Dieu, parce que les Païens ont prié
Jupiter ? cesser de nous mettre à genoux, parce qu'ils se sont
prosternés devant les idoles ?
36 CATÉCHISME
plus OU moins importante. Ce n'est que dans le cas d'une
extrême nt^'ccssité qu'on peut omettre les cérémonies
qui ne sont point essentielles à l'intégrité du sacriflce et
à la validité des sacrements, par exemple, lorsque le
prêtre qui célèbre la messe est menacé de mort par la
ruine de l'édiflce ou par l'approche des ennemis de la
Religion, qui veulent le faire mourir. Dans un danger
pressant de mort, on supprime les cérémonies du bap-
tême, avec obligation toutefois de les suppléer si l'en-
fant survit.
De tout ce qui précède il est facile de conclure que
nous devons étudier avec soin les cérémonies. 1° Les
conciles ordonnent aux ecclésiastiques de les expliquer
aux fidèles * : c'est donc pour ceux-ci un devoir de s'en
instruire. 2o Les cérémonies sont établies pour nous édi-
fier, nous instruire et réveiller notre attention : des
grâces particulières y sont attachées. Les cérémonies
sont un livre, une suite de tableaux qui nous présen-
tent la Religion sous des images sensibles. Mais ce livre,
tout beau qu'il est, sera pour nous un livre fermé ; il
ne dira rien à notre foi, si nous ne connaissons pas la
langue dans laquelle il est écrit ; ces tableaux, tout ex-
pressifs que vous les supposiez, seront pour nous de
vaines images, si nous n'en connaissons ni le sujet, ni
le sens, ni la raison.
Dès lors tout le culte extérieur nous sera à peu près
inutile. Le spectacle de nos saintes cérémonies , au lieu
de ranimer notre foi, d'exciter notre amour, de satisfaire
* Couc. Trid., sess. xxii, c. viii.
DE PERSÉVÉRANCE. 37
une sainte curiosité, ne nous inspirera que du dégoût et
de l'ennui, peut-être du mépris; car c'est le propre des
ignorants de se moquer de ce qu'ils ne comprennent
pas. Ces ignorants, on les rencontre partout aujourd'hui.
Ne serait-il pas honteux pour les Chrétiens de ne pou-
voir défendre leur culte? de participer à des cérémo-
nies dont on ne peut rendre compte? Et cependant
combien de fidèles qui assistent depuis longtemps à la
messe, qui ont paru à l'église comme parrains ou mar-
raines, qui ont vu administrer la confirmation, l'ex-
trême-onction, tous les sacrements, sans rien com-
prendre à ce qui se passait sous leurs yeux ! Eh quoi !
aujourd'hui on met un empressement extraordinaire
pour découvrir le sens caché des anciennes écritupes,
des inscriptions gravées sur les colonnes et les tom-
beaux profanes, n'aurions-nous pas à rougir, nous,
Chrétiens, d'apporter moins d'empressement à com-
prendre le sens de nos cérémonies, mille fois plus in-
structives que tous les monuments de l'antiquité païenne?
PRIÈRE.
O mon Dieu, qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir rendu sensibles à mes yeux les vérités de la Re-
ligion; je vous demande pardon de n'avoir pas eu assez
de respect pour les cérémonies de l'Eglise.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu ; et , en témoignage de cet amour,
j'étudierai avec beaucoup de soin les cérémonies de
l'Eglise.
38 CATÉCHISME
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Q. Quel est le second avantage du culte extérieur?
R. Le second avantage du culte extérieur est de
fixer les vérités de la Religion, et de les mettre h l'abri
des attaques et des innovations des hérétiques. Dans les
premiers siècles, on opposa aux Ariens les cantiques
des fidèles, qui contenaient la divinité de Notre -Sei-
gneur ; et aux Protestants, les prières, les cérémonies,
les liturgies de toutes les Eglises, qui prouvent la pré-
sence réelle du Sauveur dans l'eucharistie. Ne pouvant
rien répondre à cela, les Protestants ont supprimé le
culte extérieur qui les condamnait.
Q. Quel est le troisième avantage du culte extérieur?
R. Le troisième avantage du culte extérieur, c'est
d'être un lieu de réunion pour rendre les hommes meil-
leurs. C'est à l'église qu'on apprend aux hommes leurs
devoirs enVers Dieu, envers le prochain, envers eux-
mêmeâ. S'il n'y avait ni église, ni dimanche, ni obliga-
tion d'assister à la messe, les habitants des campagnes,
c'est-à-dire les trois quarts des hommes, vivraient iso-
lés les uns des autres, et deviendraient bientôt très-
méchants et très-dangereux.
Q. Quelle est l'origine des cérémonies qui compo-
sent le culte de l'Eglise catholique?
R. L'origine des cérémonies qui composent le culte
de l'Eglise catholique est divine ; c'est Dieu lui-même
DE PERSÉVÉRANCE. 30
qui les a établies par Jésus-Christ, ou par les Apôtres,
ou par leurs successeurs remplis du Saint-Esprit et re-
vêtus de son autorité.
Q. D'où vient que les cérémonies ne sont pas pjav
tout les mêmes?
R. Quoique les cérémonies viennent de Dieu, elles
ne sont pas partout les mômes. 11 y a des cérémonies
essentielles, telles que la forme des sacrements: celles-
là sont partout les mêmes. Il y a des cérémonies acces-
soires établies pour la décence et la majesté de la Re-
ligion : celles-là peuvent changer suivant le temps et
les lieux. Celte diversité ne nuit point à l'unité de la
foi ; elle contribue au contraire à faire briller la beauté
de l'Eglise.
0. Les cérémonies de l'Eglise méritent -elles notre
respect et notre amour ?
R. Les cérémonies de l'Eglise méritent notre res-
pect à cause de leur origine, de leur antiquité et de
leurs avantages; et notre amour, à cause des services
qu'elles nous rendent, de la joie qu'elles nous procu-
rent, et de la gloire qui en revient à Dieu.
Q. Devons-nous étudier les cérémonies de l'Eglise?
R. Oui, nous devons étudier les cérémonies de l'E-
glise. 1" L'Eglise veut que les prêtres les expliquent
aux fidèles ; c'est donc une obligation pour nous de les
connaître. 2° C'est pour nous que les cérémonies ont
été instituées; c'est pour nous instruire, nous édifier,
nous aider à comprendre et à aimer la Religion au
moyen d'images sensibles. 3° Il serait honteux d'assis-
40 CATÉCHISME
ter à la messe, aux fêtes, ù l'adminislralion des sacre-
ments, sans rien comprendre à ce qui se passe sous nos
yeux. Au lieu d'éprouver du bonheur et de la piété,
quand nous sommes à l'église, nous ne ressentirons
bientôt que du dégoût et de l'ennui, si nous ne com-
prenons rien aux cérémonies. 4° Beaucoup de personnes
ignorantes tournent en dérision les cérémonies de l'E-
glise ; c'est donc un devoir pour nous de les bien con-
naître, afin de ne pas nous laisser ébranler par les mau-
vais discours.
PRIÈRE.
O mon Dieu, qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir rendu sensibles à mes yeux les vérités de la
Religion; je vous demande pardon de n'avoir pas eu
assez de respect pour les cérémonies de l'Eglise.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu; et, en témoignage de cet amour,
j'étudierai avec beaucoup de soin les cérémonies de
l'Eglise.
DE PERSÉVÉRANCE. 41
IIP LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Eglises, leur nécessité. — Nécessité de leur décoration. — Habil-
lements convenables et décents pour les jours de fête. — Des-
cription des anciennes églises. — Nos églises actuelles pleines
des souvenirs des Catacombes. — Crypte. — Autel. — Balustrade.
Puisque nous allons expliquer en détail le culte ca-
tholique, parlons premièrement de l'église où il s'ac-
complit.
1" Il faut des églises, quoique Dieu soit partout, quoi-
que l'univers soit un temple magnifique. Il y a eu dans
tous les temps et chez tous les peuples des lieux spécia-
lement consacrés à honorer la Divinité. Le sommet des
raontagnes,laprofondeurdesforêtsétaientchoisisd'e pré-
férence : celles-ci parce qu'elles favorisaient davantage
le recueillement'; celui-là parce qu'il semblait davan-
tage rapprocher l'homme du ciel. Ces lieux devinrent
chez les païens un théâtre de crimes. Le culte des as-
tres, qu'on découvrait mieux du haut des montagnes, fut
la première idolâtrie. Il est très-probable qu'une des
* Num. XIII, 41. Mcm. de l'Acad., p. 63.
48 CATÉCHISME
raisons pour lesquelles Dieu voulut que l'on construisît
le tabernacle, fut de convaincre le peuple juif qu'il
n'était pas nécessaire d'aller sur les montagnes pour
s'approcher de Dieu, et qu'il daignait lui-même s'ap-
procher de son peuple en rendant sa présence sensible
dans le temple portatif érigé en son honneur. Le ta-
bernacle fut donc un préservatif d'idolâtrie *.
Ce fut aussi un moyen'de soutenir la piété des Israéli-
tes, en leur inspirant plus de respect et de crainte pour
le Seigneur, et en leur donnant la facilité de s'acquitter
plus commodément du culte divin. En effet, le -taber-
nacle était placé au milieu de leur camp; on y voyait
rassemblés, dans une étroite enceinte, les symboles de
la présence de Dieuet les marques de sa toute-puissance.
L'arche de l'alliance, les tables de la loi, les deux ché-
rubins aux ailes étendues, le vase rempli de manne, la
verge d'Aaron, redisaient éloquemment et les bienfaits
et lapuissaTice du Dieu maître des éléments, législateur
suprême, monarque des anges, vengeur du crime, père
de ses enfants, seul saint, seul digne de respect,
d'amour, de louange et d'adoration.
Toutes ces choses, et d'autres plus admirables en-
core, la plus"* pauvre église de village les redit encore
parmi nous. Il n'est donc pas vrai, comme le prétendent
certains impies, qu'il ne faut point d'autre temple que
l'univers. Non, l'upivers ne suffit pas. Les trois quarts
des hommes, accoutumés au' spectacle de l'univers,
• Bergier, art. Eglise.
DE PERSÉVÉRANCE. lo
le voient sans émotion ; au lieu qu'ils demeurent frappés
d'admiration à la vue d'un temple richement et décem-
ment orné. Comment entrer dans nos sombres cathé-
drales, sans être saisi d'un respect religieux? D'ail-
leurs, l'univers, avec toute sa magnificence, ne dit pas
au cœur tout ce que dit la modeste église du hameau.
Sur le sommet des collines, à la face du ciel, vous ne
trouvez ni la croix, ni l'autel, ni le tabernacle, ni la ta-
ble sainte, ni le tribunal de la miséricorde, ni les fonts
sacrés, ni les tombes des aïeux, ni aucun de ces sym-
boles si pleins de souvenirs et si puissants sur le cœur
et sur les sens.
Et puis l'église est un lieu social. Or, réunissez,
je vous prie, les hommes , les femmes, les enfants,
les vieillards, en plein air, sur les collines, à la face
du Ciel, quand la terre est couverte de neige et
de glace, ou que la pluie tombe à torrents! Dé-
truire les églises, c'est donc détruire le culte ex-
térieur; détruire le culte extérieur, c'est détruire
le culte intérieur, c'est détruire la religion, c'est dé-
truire la société. Ah! au lieu de détruire les églises,
ou d'en diminuer le nombre, il faut en construire de
nouvelles : plus vous en élèverez, moins vous bâtirez
de prisons. Ils ne méritent donc pas d'être écoutés, ces
censeurs bizarres qui s'érigent contre ce que le sens
commun dicte à tous les hommes. Qu'ils aillent adorer
Dieu à la face du Ciel, sur la hauteur des montagnes,
après l'avoir adoré dans le temple : qui les en empê-
44 CATÉCHISME
che? Mais ils ne radorcnl d'aucune manière; ils vou-
draient, retrancher (oui exercice public de la Religion,
parce qu'ils savent que sans le culte extérieur, elle
n'existerait plus.
2° Il faut que les églises soient convenablement dé-
corées. Les impics disent encore : A quoi bon tant de
luxe dans les églises? Jésus-Christ n'esl-il pas né dans
une crèche? n'a-t-il pas institué l'Eucharistie dans une
chambre ?
A quoi bon tant de luxe dans les églises? A leur
compte, tout ce qu'on fait pour honorer Dieu est perdu.
Ce langage n'est pas nouveau : c'est celui de Judas,
murmurant contre la Madelaine qui répandait un par-
fum précieux sur les pieds du Sauveur. Vraiment les
modernes Judas ont bonne grâce de se plaindre de la
magnificence du culte catholique. Voyez, ils se disent
les amis du peuple, et ils trouvent bon que les richesses
soient prodiguées pour les filles publiques, pour les
théâtres qui corrompent les mœurs, pour les amuse-
ments de toute espèce ; et ils déplorent la dépense qui se
fait pour les spectacles de religion, parce qu'ils instrui-
sent les hommes, les excitent à la vertu, les consolent
par l'espérance d'un bonheur à venir. Ils affectent de
la compassion pour la misère du peuple, et non-seule-
ment ils ne voudraient rien retrancher pour le soulager,
mais ils veulent encore ôter au peuple le seul moyen
qui lui reste de se consoler et de s'encourager dans les
temples du Seigneur, par des motifs de religion. Sans
DE PERSÉVÉRANCE. 45
doute il vaut mieux, suivant leur opinion, qu'il aille
s'en distraire dans les lieux de débauche et dans les
écoles du vice ; aussi les a-t-on multipliés pour sa com-
modité. Mais où iront ceux qui craignent l'infection de
ces lieux empestés, et qui ne veulent pas se perver-
tir? Laissons déraisonner les insensés, et consultons la
simple lumière naturelle et l'expérience de toutes les
nations.
Oui, il faut qu'il y ait un certain luxe dans nos églises,
parce qu'il est nécessaire de donner aux hommes une
haute idée de la majesté divine et de rendre son culte
respectable. Or, on n'y parviendra pas sans le secours
d'une pompe extérieure. L'homme ne peut être pris que
par les sens : voilà le principe duquel il faut partir; on ne
réussira point à captiver son imagination, si l'on ne met
sous ses yeux les objets auxquels il attache un grand
prix. A moins que le peuple ne trouve dans la Religion
la même magnificence qu'il aperçoit dans les cérémo-
nies civiles, à moins qu'il ne voie rendre à Dieu des
hommages aussi pompeux que ceux que l'on rend aux
puissances de la terre, quelle idée se formera-t-il de la
grandeur du maître qu'il adore? c'est la réflexion de
saint Thomas. Les Protestants sentent aujourd'hui les
suites funestes de la nudité à laquelle ils ont réduit le
culte divin; un incrédule même est convenu que le re-
tranchement du culte extérieur, en Angleterre, en a
banni la piété, y a fait éclore l'athéisme et l'irréligion.
Aussi nos frères séparés rétablissent-ils peu à peu dans
leurs temples les antiques symboles que leurs pères
46 Catéchisme
avaient bannis, brûlés, profanés avec tant de fureur et
d'aveuglement*.
Si donc nous décorons les églises, ce n'est pas que
Dieu ait besoin de cette magniûcence ; c'est nous qui
en avons besoin pour nous élever à lui. Nous avons be-
soin de lui offrir noire or, nos richesses, les chefs-d'œu-
vre des arts, parce que c'est un devoir de rendre l'hom-
mage de toutes ces choses à celui de qui viennent l'or, les
richesses et les talents. Ce tribut de reconnaissance et
d'adoration est un titre à de nouveaux bienfaits : l'in-
gratitude est un vent brûlant qui dessèche la source des
grâces : sous ce nouveau rapport, la pompe du culte est
encore tout entière dans nos intérêts.
Il est vrai, Notre-Seigneur est né dans une crèche^ il
a institué la sainte Eucharistie dans une chambre; par
cette simplicité et cette pauvreté, il a voulu nous té-
moigner son immense amour, qui ne demande, pour
se manifester, ni la richesse des édifices, ni la pompe
des cérémonies. Pauvres de toutes les générations, il a
voulu vous apprendre que vous aussi vous pourriez parti-
ciper à ses mystères d'amour; qu'il daignerait habiter
sous votre église couverte de chaume. Il a voulu encore
apprendre aux Chrétiens que le culte véritable était le
culte de l'esprit et du cœur, et par là nous préserver des
illusions du peuple charnel, qui supposait que l'appareil
des cérémonies, la multitude des victimes était tout ce
que le Seigneur demandait de lui. Mais il n'a pas voulu
interdire la magnificence du culte extérieur ; autre-
* Bergier, art. Culte.
DE PERSÉVIÉIIANCE. 4t
ment il aurait voulu^ l'anéantissement de la Religion.
Or, il savait mieux que nos philosophes que l'homme
ne peut être pris que par les sens, et qu'une religion
réduite au pur spirituel serait bientôt reléguée dans
l'empire de la lune.
3° La pompe extérieure doit passer du temple
matériel au temple vivant, c'est-à-dire à l'homme.
On doit être convenablement habillé les jours de
fête. La magnificence des églises sert à témoigner le
respect que l'on a pour Dieu ; à reconnaître que tous
les biens viennent de lui, et que tout doit être consacré
à son service. L'homme, le pauvre, l'habitant des cam-
pagnes veut de la magnificence, parce qu'il aime la Re-
ligion ; elle est sa seule ressource. Il le comprend si
bien que, pour assister aux assemblées religieuses les
jours de fête, il se met le plus proprement qu'il lui est
possible. Il doit en être ainsi, afin que cet appareil ex-
térieur le fasse souvenir de la pureté de l'âme qu'il
doit y apporter ; afin que les grands qui dédaignent ces
assemblées aient moins de répugnance à se mêler avec
le peuple ; afin que l'énorme disproportion que mettent
les richesses entre les uns et les autres, disparaisse un
peu devant le souverain maître, aux yeux duquel tous
les hommes sont égaux. Déjà il en était de même dans
l'ancienne loi. Jacob, prêt à offrir un sacrifice à la tête
de sa maison, ordonne à ses gens de se laver et de
changer d'habits*. Dieu commanda la même chose aux
Hébreux, quand il voulut leur donner sa loi sur le mont
> Gen., xxxY, 2.
48 CATÉCHISME
Sinaï *. Ce signe extérieur de respect se retrouve chez
toutes les nations; toutes, sans exccplion, mettent dans
les hommages qu'elles rendent à la Divinité le plus de
pompe qu'il leur est possible *.
Cet appareil extérieur indique et fait naître les dis-
positions intérieures avec lesquelles on doit venir à
l'église. Le sentiment qui doit dominer tous les autres
est celui de la joie. Revoir l'église, la maison de notre
Père, la maison où il nous attend, les bras ouverts, le
cœur brûlant d'amour, pour nous recevoir et nous em-
brasser; sa table servie pour nous nourrir de son pain
céleste et nous abreuver de son vin délicieux ; l'église
où nous sommes nés, où nous avons éprouvé nos pre-
mières joies, où notre esprit s'est ouvert à la vérité, notre
cœur à l'innocence, où nos pas se sont affermis dans les
sentiers de l'innocence et du bonheur frère de l'inno-
cence ; l'église où nous retrouverons les compagnons de
notre enfance, nos frères, nos amis, nos parents ; où
nous prierons avec eux et pour eux, comme ils prieront
eux-mêmes avec nous et pour nous ; où nous mangerons
ensemble le pain de bénédiction, pour nous rappeler
que nous sommes tous frères; où toutes nos voix se
réuniront à celles des Ange§ pour répondre à leurs can-
tiques éternels, et redire avec eux, à la louange de
notre Père : Saint, saint, saint le Seigneur Dieu des
armées, des Anges et des hommes ; l'église près de la-
quelle est le cimetière, et dans le cimetière la tombe de
• Exod., XIX, lOi
* Bergier, art. Culte.
DE PERSÉVÉRANCE. 49
noire mère, de noire sœur, de notre frère, sur laquelle
il nous sera permis de déposer en passant une larme,
une prière, une fleur; l'église enfin où l'on va dire aux
riches de donner l'aumône aux pauvres, aux grands
d'être les protecteurs des petits et des faibles, aux maî-
tres de traiter doucement leurs domestiques, à nous tous
de nous aimer, de nous aider, de nous pardonner comme
des frères, et de ne former tous ensemble qu'un cœur
et qu'une âme.
Pleins de celte disposition, parlons pour l'église. Afin
do la respecter et de l'aimer encore davantage, appre-
nons à la connaître; en voici l'histoire et la description.
Dès l'origine, nos pères dans la foi eurent des lieux
consacrés aux assemblées de religion et à l'offrande des
saints mystères*. Mais c'est dans les Catacombes qu'il
faut chercher le modèle et les éléments primitifs de
nos églises '". Tout y retrace le souvenir de ces lieux à
jamais vénérables ; nous le ferons remarquer en parlant
de chaque partie de l'église. Lorsqu'il leur fut permis
de célébrer leur culte à la face du soleil, les Chrétiens
s'empressèrent de bâtir des églises et de les disposer
de la manière la plus convenable à l'accomplissement
des cérémonies en usage dans ces jours de sainte mé-
• s. Clem., cpist. 1, n. 40. S. Ignace, epist. ad Magnes., n. 7.
Clem. Alexand., Strom., liv. 7, etc.
* Il est certain, dit le célèbre antiquaire Bottari, que les petites
chapelles des Catacombes furent une ébauche très-grossière des
églises et des basiliques qu'on a bâties dans la suite : E certo che
qiieste cappellette.,,. furono un rozzissimo abbozzo délie chiese
e délie basiliche edificate dipoi. T. m, p. 75.
T. TH. 4
50 CATÉCHISME
moire; elles «liaient divisées en sept parties*, comme
on peut le voir dans la ûgure suivante :
SI d d m ti n n
' Nous prenons pour guides les antiquaires de Rome : plus que
tout autre ils méritent confiance; chacun le comprend. V07. Ma-
machi,!. 1.
DE PERSÉVÉRANCE. 51
1 Le porche ou le vestibule extérieur \ C'était un es-
pace oblong qui se trouvait à l'entrée de l'église ; il élait
couvert et soutenu par des colonnes placées de dislance
en dislance. Les empereurs ambitionnaient l'honneur
d'être ensevelis sous le vestibule des églises; ce qui fait
dire à saint Chrysostôme que les empereurs sont
dans la maison des pêcheurs, c'est-à-dire dans les tem-
ples dédiés aux Apôtres, ce que les concierges sont dans
la maison des empereurs.
2 Le cloître \ Du vestibuleon entrait dans le cloître.
C'était une allée soutenue par des colonnes et qui en-
vironnait la troisième partie de l'église appelée le par-
vis. C'est là que se tenaient les pénitents de la pre-
mière classe, appelés fientes ou pleurants, parce qu'ils
pleuraient leurs péchés et imploraient la piété des fidè-
les qui entraient dans l'église.
3 Le parvis ^. Le parvis était une cour carrée ; il n'a-
vait d'autre couverture que le ciel, et d'autres flambeaux
que les astres elles rayons du soleil, afin que tous ceux
qui entraient pussent contempler à loisir les beautés du
ciel, et se préparer, par l'adoration du Dieu de la nature,
à l'adoration du Dieu de la Rédemption. Au milieu du
parvis jaillissait une fontaine, symbole de la purification;
ons'y lavait les mains et le visage avant d'aller plus loin.
Sur le bassin de la fontaine étaient gravées ces paroles :
• Ce vestibule s'.Tppelait riartex, c'est-à-dire verfje ou bâtoD, à
cause de sa forme alloDgée.
' Claustrum.
^ Atrium.
52 CATÉCHISME
Lavez vos péchés et non pas seulement votre visage.
Celte eau était bénite par le prêtre la veille ou le jour
même de l'Epiphanie. Dans la suite des temps on a sup-
primé la fontaine; elle a été remplacée par les béni-
tiers.
L'eau bénite, prise avec respect et componction,
remet les péchés véniels '. L'usage de se purifier avec
de l'eau, avant de paraître devant Dieu, est aussi ancien
que le monde; les Patriarches et les Juifs le prati-
quaient ". On le retrouve chez les Païens, quoique
dépositaires infidèles de la révélation. Ainsi, dès le
premier pas que nous faisons dans l'église, nous ren-
controns un souvenir de la plus vénérable antiquité.
Puissions-nous, en nous servant de l'eau bénite, être
animés des mêmes sentiments de respect et de com-
ponction que nos vertueux ancêtres !
4 Le vestibule intérieur^. En avançant on passait
du parvis dans le vestibule intérieur. Dans les grandes
églises, ce vestibule intérieur était séparé de la nef par
un mur; là se plaçaient les catéchumènes, les énergu-
mènes, les pénitents appelés audientes, auditeurs, parce
qu'il leur était permis d'écouter les hymnes elles psau-
mes qui se chantaient dans l'église, ainsi que la parole
de Dieu; ils y restaient jusqu'au moment où le diacre,
élevant la voix, disait : « Dehors^ les auditeurs et les infi-
dèles. » L'entrée du vestibule intérieur était également
"^^ s. Thomas, 3» p , quesî. 65, art. 1 .
•Gen., c. 35.
* Nartex interior.
DE PERSÉVÉRANCE. 53
permise aux Païens, aux Juifs, aux hérétiques et aux
schismatiques, afln qu'ils pussent entendre les instruc-
tions des ministres de l'Evangile, et se convertir si Dieu
daignait leur loucher le cœur.
5 La nef\ Plusieurs grandes portes communiquaient
du vestibule intérieur dans la nef. Cette partie princi-
pale de l'église s'appelait comme aujourd'hui nef, d'un
mot latin, wams, qui veut dire vaisseau. Ce nom lui a été
donné pour deux raisons ; la première, parce qu'elle est
beaucoup plus longue que large ; la seconde, pour rap-
peler aux Chrétiens que l'église est un vaisseau. Rien
de plus commun dans les Pères que la comparaison de
l'église avec un navire ou une barque : Notre- Seigneur
en est le pilote invisible, saint Pierre le pilote visible,
les ministres sacrés les officiers, les fidèles les heureux
passagers; toujours battue par les vagues, jamais l'é-
glise n'est engloutie sous les flots, ni ne se brise contre
les écueils ; il faut être dans son sein pour traverser la
mer du monde, échapper au déluge d'iniquités qui
inonde la terre et aborder sain et sauf aux célestes riva-
ges. Quel sens admirable dans cette simple parole de
notre langue religieuse! c'est toute l'histoire de l'homme
ici-bas ; y avions-nous jamais pensé !
A l'entrée de la nef, près du mur qui la séparait du
vestibule intérieur, était la troisième classe de péni-
tents qu'on appelaitprosfraii, ou prosternés. Aprèsavoir
passé trois ans sous le cloître à pleurer leurs péchés, et
trois ans sous le vestibule intérieur à écouter la parole
' ISavis.
bi CATÉCHISME
de Dieu, il leur restait encore six ans de pénitence à
faire avant d'ôlre admis à la communion publique ; ils
demeuraient prosternés à l'entrée de la nef, afin de
recevoir l'imposition des mains de l'évoque lorsqu'il
passait.
En avançant un peu dans la nef, se (rouvail Vambon
ouïe jubé, du haut duquel on lisait au peuple l'Ecriture
sainte et on annonçait la parole de Dieu. Placé au milieu
de la nef, il était assez large pour contenir plusieurs lec-
teurs. Les évêques prêchaient ordinairement sur les
marches de l'autel ; mais saint Chrysoslôme préférait
l'ambon. Au-dessus de l'ambon étaient la quatrième
classe de pénitents appelés consislcntes, parce qu'ils se
tenaient debout, ou compétentes parce qu'ils ressem-
blaient à des enfants, dit saint Augustin, qui pressent les
entrailles de leur mère pour naître à la lumière.
A partir de cet endroit, la nef était partagée dans sa
longueur en deux parties par deux cloisons qui empê-
chaient les hommes et les femmes de se voir. Entre les
deux cloisons était un large couloir pour la circulation
des ministres sacrés : les hommes étaient à gauche et les
femmes à droite. En considérant Jésus-Christ assis
dans le tabernacle tourné vers les fidèles, les hommes se
trouvaient donc réellement à sa droite : cette place con-
venable à leur dignité est encore aujourd'hui pour eux
dans un grand nombre d'églises '.
Tous, hommes et femmes, demeuraient debout, ou à
' si dans la célébration du mariage cet ordre est interverti, c'est
afin que l'époux soit à la droite de l'épouse, dont il est le chef-
DE PERSÉVÉRANCE. 55
genoux, ou assis sur leurs jambes croisées, àla manière
des Orientaux ; il n'y avait pour les fidèles ni bancs ni
chaises. Plus tard, les religieux qui passaient une grande
partie du jour à l'église s'appuyèrent sur leurs bâtons, en-
suite sur des sièges attachés aux murailles; c'est ce que
représentent les stalles des chanoines : ils ne sont ni as-
sis ni debout, mais simplement appuyés. De là il n'y eut
qu'un pas pour introduire dans les églises les bancs et
les chaises en faveur des fidèles. Néanmoins l'Espagne
a conservé l'usage primitif : elle n'a point de chaises
dans ses églises.
6 Le chœur ^. Cette partie de l'église porte ce nom
parce qu'elle était réservée aux ministres saints, con-
ducteurs du chant et de la prière. Il était séparé de la
nef par une grille demi-circulaire ; autour régnaient des
sièges plus ou moins élevés suivant la dignité des ec-
clésiastiques ; le plus élevé était pour l'évêque, aQn qu'il
pût avertir, surveiller et garder le troupeau.
7 Le sanctuaire ^. Le sanctuaire était séparé du
chœur par une grille ou balustrade à laquelle se trou-
vaient trois portes ; celle du milieu, plus large que les
deux autres, était appelée la Porte sainte. Comme le
sanctuaire se terminait en demi-cercle, cette partie de
l'église se nommait abside, c'est-à-dire coupure. Le
rideau tendu à l'entrée dérobait la vue de l'autel et em-
pêchait qu'on ne vît les saints mystères dans le temps
de la consécration ; on ne l'ouvrait qu'après. C'est ce
• Chorus.
* Btma vel tanctuarium.
56 CATÉCHISME
qui faisait dire à saint Chrysoslôrae • : « Quand on
est au sacrifice, quand Jésus - Christ , l'Agneau
de Dieu, est offert ; quand vous entendez donner le
signal, réunissez-vous pour prier; lorsque vous voyez
tirer le rideau, pensez que le ciel s'ouvre et que les An-
ges descendent.» Dans le sanctuaire était l'autel; à côté
du grand autel il y en avait un plus petit sur lequel on
déposait le pain et le vin offert par les fidèles pour le
saint sacrifice. Cet autel est remplacé dans nos églises
par les crédences ; c'est là qu'on met encore les buret-
tes. Les clercs seuls pouvaient entrer dans le sanctuaire :
de là vient qu'on l'appelait le lieu inaccessible et sacré.
L'autel était toujours à l'orient. Nos pères dans la foi,
regardant Notre-Seigneur comme le véritable soleil du
monde, comme l'orient d'en haut, plaçaient leurs au-
tels et se tournaient pour prier du côté de l'Orient, afin
de marquer leur espérance et leur foi.
Sous l'autel était une grotte souterraine appelée
crypte % dans laquelle reposait le corps d'un ou de plu-
sieurs martyrs; sur l'autel, des flambeaux allumés; sur
les côtés de l'église, des tableaux et des chapelles; enfin
la partie de l'église derrière l'autel se terminait en
rond ; en sorte que la forme de nos églises est celle
d'une niche : tout autant de souvenirs des Catacombes.
Souvenirs sacrés si jamais il en fût, chaque jour encore
nous les avons sous les yeux, et peut-être n'ont-ils
jamais rien dit à notre cœur. Qu'il n'en soit plus ainsi!
' Hoini]. 3, in Ephes.
' Crypta, caverne, fosse, souterrain.
DE PERSÉVÉRANCE. 57
l'ignorance du moins ne nous servira plus d'excuse.
Un mot sur chacun de ces souvenirs si vénérables.
Commençons par la crypte. Dans un grand nombre
d'anciennes églises, on voit encore sous Taulel principal
une cryple ou chapelle souterraine : c'est un souvenir
des Catacombes. En effet, c'est dans les grottes sou-
terraines de ces vastes cimetières que nos pères dans
la foi offraient les saints mystères. Quand il leur fut per-
mis de bâtir des églises, ils conservèrent autant qu'il
fut en eux les souvenirs de ces temps d'épreuves et de
vertus. Pour montrer ce que nos superbes basili-
ques ont emprunté aux Catacombes, jetons un ra-
pide coup d'œil sur celte multitude de petites églises
aujourd'hui enfouies dans les entrailles de Rome. Creu-
sées dans le tuf, elles sont en général plus longues
que larges ; au fond, terminé en forme circulaire, et
surmonté d'une voûte en forme d'arc*, est le tombeau
d'un martyr.
On appelle ce tombeau autel, parce que c'est sur
la table de marbre ou de pierre qui le recou-
vrait, et qui s'avançait en saillie, qu'on offrait le
saint sacrifice. Il s'appelait aussi confession, parce
que le martyr, en mourant, avait confessé sa foi ; ses
os étaient là pour la confesser encore et lui rendre
témoignage ^. Dans quelques-unes de ces petites
' Monumentum arcuatum.
* En Italie, les autels ont fini par porter exclusivement le nom
de confession. Ainsi on dit la confession de saint Pierre pour dé-
signer l'autel et le tombeau du Prince des Apôtres. Quelquefois
Tautel, c'est-à-dire le tombeau, est dftaché du fond et placé au
58 CATÉCHISME
églises, on trouve encore en place, au-devant du
tombeau du martyr, une dalle de marbre percée à jour,
et posée comme une espèce de grille : premier modèle
des balustrades placées dans les temples chrétiens au-
devaiitde l'autel principal, et dont l'intention originaire
devient évidente d'après l'observation des Catacombes.
Il est clair, en eftet, qu'elle a eu pour objet de mettre
les restes sacrés recueillis dans la tombe, à l'abri des
atteintes d'un zèle trop ardent ou irréfléchi, et d'inspi-
rer plus de vénération pour le lieu où ils reposent.
A Rome, les églises ont été bâties sur ces églises
souterraines : l'autel de la grotte répond au point central
de l'intersection de la nef et de la croisée; l'abord du
souterrain où il est placé, et auquel on descend par des
degrés, est fermé par une grille. C'est au-dessus de ce
souterrain, et au niveau du sol de l'église, qu'est placé
un second autel, servant à la célébration de la messe ;
il rappelle par sa forme et par sa position même, direc-
tement au-dessus de l'autel souterrain ou du tombeau^
son origine sépulcrale et sa première destination,
comme le caveau auquel il répond témoigne du lieu
d'où il est sorti. Presque toutes les anciennes basiliques
de Rome, bien que reconstruites dans les temps moder-
nes avec plus ou moins d'éclat et de magnificence, of-
frent ce trait essentiel des monuments du culte pri-
mitif.
centre de la grotte. De là sont venus les autels à la rowci/je, c'est-
à-dire les autels avancés dans le sanctuaire et autour desquels on
peut circuler.
DE PERSÉVÉRANCE. 59
Nous n'en citerons ici qu'un exemple. Entre les ôgli-
ses de la plus ancienne époque, une des plus remarqua-
bles à tous égards est l'église dédiée à sainte Prisca,
fille d'un sénateur romain, qu'on dit avoir été baptisée
par saint Pierre lui-même. Ayant été mise à mort pour
la foi, son corps fut déposé dans un cercueil qui a la
forme d'un autel antique. Ce tombeau de Prisca fut
placé au centre de sa propre chambre, dans le palais
de son père, dont on voit encore aujourd'hui les restes
sur le mont Aventin. Celte chambre, avec le tombeau
qu'elle renfermait, devint ainsi une espèce de petit
temple funèbre ; et lorsque plus tard on construisit au-
dessus l'église qui existe encore, elle en forma la con-
fession souterraine.
Ainsi cet édifice intéressant présente tout ce que
l'on trouvait dans les Catacombes : un tombeau ser-
vant d'autel, une chapelle souterraine, et enfin une
église supérieure ; monuments nés les uns des autres,
et où le culte des morts se lie, par un rapport intime,
avec celui de la Divinité, de même que le Christia-
nisme s'y unit matériellement à l'antiquité, par la con-
struction même de cette église, élevée sur les fonde-
ments d'un palais romain *.
La Religion a tant de respect pour les usages de ses
jours naissants, que tous ses autels sont en forme de
tombeau, et que dans les autels il y a une ou plusieurs
cavités appelées tombeaux, où sont renfermées les re-
liques de quelque saint : il n'y a pas d'autel sans reli-
' Tableau des Catacombes.
60 CATÉCBISMB
ques. Ordinairement le tombeau est placé au milieu de
l'autel ; c'est là-dessus que repose, après la consécra-
tion, Jésus-Christ immolé à la gloire de son Père. Ainsi,
dans un espace d'un pied carré, l'Eglise réunit tout ce
qu'il y a de plus puissant pour toucher le cœur de
Dieu ; elle ressemble à une veuve qui, pour obtenir
une grâce, s'en irait trouver le prince, et lui présen-
tant d'une main les ossements de ses fils, et de l'autre
le corps de son époux immolés pour le service de l'Etat,
lui dirait : Voilà mes titres à vos faveurs! Est-il un
prince dans l'univers qui refuse à cette veuve l'objet
de sa prière? Dieu serait donc moins qu'un homme, s'il
n'exauçait l'Eglise quand elle lui présente dans nos
saints mystères et le sang de son époux et les osse-
ments de ses enfants.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir voulu vous choisir une demeure parmi les hom-
mes; faites-moi la grâce de venir toujours à l'église avec
un grand sentiment d'amour, comme un enfant qui
vient dans la maison de son père.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je
prendrai de l'eau bénite avec beaucoup de respect.
DB PERSÉVÉRANCE. 61
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME KENDU SENSIBLE.
Q. Y a-t-il eu dès le commencement du monde des
ieux consacrés à honorer Dieu?
Jî. II y a eu dès le commencement du monde des
ieux consacrés à honorer Dieu. Les Patriarches l'ado-
•aient de préférence sur le sommet des montagnes,
)arce qu'il était plus propre à la contemplation. Chez
;ertains peuples, on avait choisi le centre des fo-
"êts, parce qu'il favorisait davantage le recueillement.
l,e Seigneur fit ensuite construire le Tabernacle, où il
éunit les principaux monuments de sa puissance et de
a miséricorde à l'égard des Juifs. Vint ensuite le tem-
)le de Salomon, où se trouvait tout ce qui pouvait frap-
>er les sens et inspirer aux Juifs un grand respect pour
)ieu. Nos églises nous offrent encore des symboles plus
rappants de sa bonté : la croix, l'autel, la table sainte,
es fonts du baptême. C'est pourquoi la vue d'une église
nspire plus de respect et de reconnaissance que le
pectacle de l'univers.
Q. Pourquoi orne-t-on les églises ?
R. On orne les églises : !<> afin de captiver nos sens
îlde nous inspirer une grande idée de Dieu ; 2° afin de
émoîgner à Dieu que nous tenons de lui toutes nos ri-
;hesses; que l'or, l'argent, le marbre, sont les bien-
aits de sa miséricorde. Quand nous venons à l'église,
lurtoul le dimanche, nous devons nous habiller plus
62 CATÉCHISME
proprement, afin de témoigner à Dieu notre joie et notre
reconnaissance, en nous servant ce jour-là, pour l'ho-
norer, de ce que nous avons de meilleur et de plus beau.
Celte propreté extérieure serait une vanité déplacée et
une sorte d'hypocrisie, si elle n'était jointe à la joie inté-
rieure de notre cœur et à la pureté de notre conscience.
Q. Combien y avait-il de parties dans les églises des
premiers Chrétiens?
R. Dans les églises des premiers Chrétiens, il y avait
sept parties : 1° le porche ou vestibule extérieur. C'é-
tait un espace plus long que large, qui se trouvait à
l'entrée de l'église ; il était couvert d'un toit, et sup-
porté par des colonnes. C'est là que se tenaient les péni-
tents appelés Pleurants. 2° Le cloître. Du vestibule on
entrait dans le cloître : c'était une galerie couverte qui
environnait la troisième partie de l'église, appelée le
parvis.
Q. Quelle était donc la troisième et la quatrième
partie de l'église?
R. La troisième partie de l'église était le parvis. Le
parvis était une cour carrée, qui n'avait d'autre couver-
ture que le ciel. Au milieu était une fontaine ou bassin
d'eau bénite ; lous ceux qui entraient s'y lavaient les
mains et le visage. Cette fontaine est aujourd'hui rem-
placée par le bénitier. L'eau bénite, prise avec respect
et componction, efface les péchés véniels. La quatrième
partie de l'église était le vestibule intérieur. En sor-
tant du parvis, on entrait dans le vestibule intérieur.
Cet espace, plus long que large, était réservé aux pé-
DE PERSÉVÉRANCE. 63
oitents appelés auditeurs, aux Païens, aux Juifs, aux
Hérétiques, qui pouvaient de lu entendre la parole de
Dieu. Un mur percé de grandes portes le séparait de
la nef.
Q. Quelle était la cinquième partie de l'église?
R. La cinquième partie de l'église, c'était la nef.
Cette partie de l'église s'appelle nef, c'est-à-dire vais-
seau, parce que l'Eglise est un vaisseau qui vogue sur
la mer du monde, jusqu'à ce qu'il arrive au port de
l'éternité. A l'entrée de la nef étaient les pénitents ap-
pelés prosternés. Un peu plus avant, au milieu de la
nef, était l'ambon ou le jubé, du haut duquel on prê-
chait. Au delà du jubé étaient les pénitents appelés
compétents. La nef était partagée dans sa longueur par
deux cloisons séparées par un couloir. A gauche étaient
les hommes, à droite les femmes : ils ne pouvaient se
voir.
Q. Quelles étaient les sixième et septième parties
de l'église ?
R. La sixième partie de l'église était le chœur; il était
séparé de la nef par une grille. Dans le chœur étaient
les sièges des ecclésiastiques et le trône de l'évêque ;
il avait la forme d'un demi-cercle. La septième partie
était le sanctuaire ; il était séparé du chœur par un ri-
deau qu'on ouvrait après la consécration. C'est dans le
sanctuaire qu'était l'autel. A côté de l'autel principal
était un autre petit autel, sur lequel on déposait le pain
et le vin offerts par les fidèles pour le saint sacrifice. Il
est remplacé aujourd'hui par les crédences sur lesquelles
64 CATÉCHISMB
on met les burettes. Les ecclésiastiques seuls pouvaient
entrer dans le sanctuaire. Cette disposition des églises
est formée sur le modèle des chapelles souterraines des
Catacombes où s'assemblaient les premiers Chrétiens;
ce qui doit nous rendre nos églises bien vénérables.
PRIÈRE.
O mon Dieu I qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir voulu choisir une demeure parmi les hommes;
faites-moi la grâce de venir toujours à l'église avec un
grand sentiment d'amour, comme un enfant qui vient
dans la maison de son père.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'a-
mour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je
prendrai de l'eau bénite avec beaucoup de respect.
DE PERSÉVÉRANCE. 65
nîî:3îî5îsm?3S
IV^ LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Suite de la description de nos églises. — Flambeaux. — Chapelles
latérales. — Peintures.— Décorations. — Cloche. — Son baptême.
— Pourquoi on la sonne dans les orages. — Harmonie des clo-
ches avec nos sentiments.
Continuons à expliquer les souvenirs des Catacombes
encore vivants dans nos églises. Ne pas les comprendre
serait tout à la fois un malheur et une honte : un mal-
heur, puisque les choses les plus capables de pénétrer
notre âme d'un respect religieux et d'afifermir notre foi,
en remettant sous nos yeux et les usages, et les vertus,
et les épreuves de nos pères, seraient pour nous comme
si elles n'étaient pas. Au lieu d'être saisi d'un frémisse-
ment religieux en franchissant le seuil sacré, nous en-
trerons dans nos églises comme dans un édifice ordinaire.
Une honte. Oui, honte à l'enfant qui ne comprend ni
les détails, ni la disposition de la maison paternelle ;
qui ne peut ni justifier la sagesse de ses aïeux dans la
distribution de l'édifice qu'elle lui a légué, ni rendre
compte des usages qu'elle a établis et qu'il pratique
lui-même sans savoir pourquoi. Que dis-je? Il ne les
pratiquera pas longtemps : quand un livre est écrit
dans une langue inconnue, on le laisse à d'autres, ou
T. vu. 5
66 CAIFCIIISMB
bien on le jelle dans un coin obscur, abandonné à la
poussière et aux vers, mais on n'y louche plus. N'est-ce
pas une des raisons pour lesquelles nos églises sont de-
venues désertes, et nos cérémonies un spectacle muet,
insipide, ridicule peut-être aux yeux de plusieurs?
Or, après avoir parlé dans la leçon précédentes de
la crypte, de l'aulel et de la balustrade, il nous reste à
rendre raison des flambeaux, des chapelles latérales et
des peintures qui décorent nos églises, nouveaux sou-
venirs des Catacombes.
1° Les flambeaux. Obligés de fuir la lumière du so-
leil, nos pères y suppléaient dans les souterrains, qui
leur servirent si longtemps de retraite et de temple,
par des lampes et Qes flambeaux. Ces lampes se trou-
vent par milliers dans les Catacombes. Elles s'y ren-
contrent placées de deux manières différentes, qui se
rapportent certainement aussi à deux intentions dis-
tinctes. Les unes sont insérées dans de petites niches,
ou fixées sur des espèces de petites consoles en saillie
le long des corridors, ou bien encore suspendues par
une chaîne à la voûte des murs des chapelles. Tout
prouve qu'elles servaient à guider la marche des fidèles
et à éclairer les cérémonies religieuses qui se prati-
quaient dans ces souterrains. Les secondes sont atta-
chées en dehors des tombeaux sur lesquels on célébrait
les saints mystères, quelquefois même déposées dans
l'intérieur des sépulcres, comme un symbole d'immor-
talité. Cette intention ne saurait être révoquée en
doute, puisqu'elle est dérivée de l'usage suivi dans les
DE PERSÉVÉRANCE. 67
funérailles chrétiennes '. Cet usage des lampes s'est
conservé parmi nous, sous une autre forme, au moyen
des cierges allumés dans la cérémonie des obsèques.
Ces lampes de la première et de la seconde classe
sont pour la plupart de terre cuite, quelques-unes de
bronze ; il s'en est aussi trouvé d'argent, ou même
d'aml)re. Elles ont généralement la forme de barque,
parce que chez nos pères la barque était un des sym-
boles les plus populaires de l'Eglise. Nous n'en citerons
pour exemple qu'une belle lampe trouvée dans les Ca-
tacombes. Elle est en forme de barque et porte deux
personnages, saint Pierre assis au timon, et saint Pau/
debout, à la proue, prêchant l'Evangile. Le plus grand
nombre de ces lampes sont ornées de figures symboli-
ques : des palmes, des couronnes, des agneaux, des co-
lombes, des poissons, des candélabres. Le plus souvent
c'est le chiffre de Noire-Seigneur. De là est venu l'usage
de graver sur les pieds de nos chandeliers d'autel les
altriboits, le chiffre ou la figure de Notre- Seigneur et
de la sainte Trinité.
La vue de nos cierges nous reporte donc à dix-huit
siècles, au temps des persécutions, dans le berceau
même du Christianisme. Cette vu(î ne dira-t-elle rien
à notre cœur? Elle nous reporte même beaucoup plus
haut. Car l'usage des flambeaux, des candélabres,
comme partie du culte divin, remonte au temps de la
' Cet usa^e est attesté par saint Jérôme : Cum alii cereos lam-
padesque, alii choros psallenlium ducerent. Voy. Bottari, tom. 3,
p. 67 et 68.
68 CATiêcniSME
loi mosaïque. ITérilière de toutes les cérémonies im-
mortelles de la Synagogue, aussi bien que du dogme et
de la morale révélés dès l'origine du monde, l'Eglise
catholique a conservé 6 toutes les générations l'his-
toire toujours présente du passé.
Les lampes étaient employées non-seulement pour
dissiper les ténèbres, mais encore pour manifesfer la
joie et la reconnaissance des bienfaits de Dieu. C'était
aussi comme figure de Notre-Seigneur, la vraie lu-
mière du monde. Nous ne célébrons jamais les saints
mystères, dit un ancien, sans employer les flambeaux.
Ce n'est pas pour dissiper les ténèbres de la nuit, puis-
que nous disons la messe au grand jour, mais pour fi-
gurer celui qui est la lumière incréée sans laquelle
nous tâtonnons en plein midi '.
2° Les chapelles latérales. Voici un autre souvenir
des Catacombes. Nous avons vu qu'au fond ou pres-
qu'au fond de ces souterrains était un tombeau de mar-
tyr servant d'autel pour le saint sacrifice. Les parois
latérales des grottes sont remplies de petites niches %
contenant le corps d'un ou de plusieurs martyrs. Telle
est l'origine certaine et la forme primitive des chapelles
latérales de nos églises chrétiennes : elles sont comme
autant de petites niches avec la voûte cintrée et les
reliques de leur martyr. Il est constant, en effet, que
la distribution de ces chapelles, étrangères au plan des
temples antiques, n'a pu être empruntée qu'aux Cata-
1 Microlog., cil.
* Loculi.
DE PERSÉVÉRANCE. 69
combes, alors que l'Eglise, désormais assurée de sa
victoire, transportait dans ses temples les monuments
de ses persécutions, et les y plaçait de manière à rap-
peler, avec la forme et avec la disposition primitive de
ces monuments, les souvenirs toujours si puissants sur la
piété, de ces temps d'épreuves et de misères où. les ci-
metières servaient d'églises, où les tombeaux servaient
d'autels, et où le sang des martyrs, suivant l'expression
heureuse et consacrée de Tertullien, devenait la se-
mence de nouveaux chrétiens K
C'est encore pour la môme raison que les églises
anciennes sont peu éclairées. En même temps que leur
jour sombre favorise le recueillement, il rappelle l'ob-
' La nécessité de perpétuer le souvenir des Catacombes a été
teUe, que les architectes , plutôt que de le sacrifier, ont mieux
aimé déroger aux règles de leur art dans la construction de nos
églises. Un inconvénient pour l'architecture, dit M. Raoul Rochette,
c'est la multiplication des petites chapelles latérales au sein des
églises chrétiennes, en raison des confessions particulières ou mé-
moires des martyrs dont le culte s'associait à celui du Saint prin-
cipal ou patron. Cet usage, né avec l'Eglise elle-même dans le sein
des Catacombes, eut sur la disposition générale des basiliques
chrétiennes une influence plus décisive qu'aucune des circon-
stances puisées dans le génie même du culte. Pour tant de me'-
moires de martyrs, dont le nombre s'accrut insensiblement hors
de toute mesure, de toute proportion dans le même temple, il fal-
lut nécessairement ouvrir dans les nefs latérales des chapelles par-
ticulières, qui devinrent autant de monuments indépendants au
sein du monument principal, et, si ou peut le dire, autant de ba-
siliques construites dans les basiliques. 11 en résulta dans les plans,
ainsi que dans les élévations, une interruption fréquente de ces
lignes droites qui ne sont pas seulement le principal mérite des
œuvres de l'architecture, mais encore le principal clément des ira-
pressions de grandeur qu'elles produisent. Tableau des Catac,
p.9l. •
70 CATÉCHISME
scurilé mystérieuse des Catacombes. Et maintenant,
quand nous serons dans nos églises, toute cette en-
ceinte de tombeaux, tous ces martyrs qui nous envi-
ronnent, ne diront-ils rien à notre cœur? L'église
pourra-t-elle encore n'être pour nous qu'un lieu pro-
fane, indifTérent, muet?
3'^ Les peintures. Les tableaux, les images sont des
livres éloquents. Tout ce que nous voyons de nos yeux
fait sur nous une impression plus vive que les paroles.
C'est l'expérience de tous les siècles et de tous les pays.
Aussi les premiers Chrétiens s'empressèrent-ils de pein-
dre les sujets appropriés à leur pénible situation. L'An-
cien et le Nouveau Testament, les combats de leurs
frères morts pour la foi, furent une mine féconde dont
ils tirèrent tout le parti qu'on pouvait attendre d'hom-
mes pauvres et ensevelis dans des souterrains obscurs.
Mais quand on pense à la main qui les traça, aux lieux,
aux circonstances où elles furent exécutées, que ces
premières ébauches de l'art chrétien sont vénéra-
bles !
Voici les principaux sujets qu'on trouve encore sur
les parvis de nos églises souterraines. Dans l'Ancien
Testament c'est l'histoire de Jonas ; Moïse touchant
de sa verge le rocher d'Horeb ; le même législateur
recevant les tables de la loi ; Noè dans l'Arche ; le sa-
crifice à' Abraham; Adam et Eve; les trois Enfants
dans la fournaise ; Daniel dans la fosse aux lions ; Elie
emporté dans le Ciel ; David avec la fronde en main ;
Job assis à terre ; Tobie avec le poisson. De tous ces
DE PERSÉVÉRANCE. 71
sujets celui de Jonas est le plus fréquemment répété.
C'est donc celui qui semble avoir eu pour nos pères le
plus d'intérêt, sans doute parce qu'il présentait l'image
sensible de la résurrection sous une forme où le mer-
veilleux se trouvait empreint au plus haut degré.
Dans le Nouveau Testament : le Sauveur sur les ge-
noux de la sainte Vierge recevant les présents des trois
Mages ; assis au milieu des docteurs ; assis au milieu
de ses disciples, ou avec les douze Apôtres, ou entre
saint Pierre et saint Paul ; multipliant les pains ; gué-
rissant le paralytique ; rendant la vue à l'aveugle ; res-
suscitant Lazare ; en Bon Pasteur. Les sujets de ces
peintures donnent lieu à une conséquence certainement
bien remarquable.
Les Catacombes destinées à la sépulture des premiers
Chrétiens, longtemps peuplées de martyrs, ornées à
des époques de persécution, et sous l'empire d'idées
tristes et de devoirs pénibles, n'offrent cependant de
toutes parts que des traits héroïques, dans tout ce qui
forme la partie historique de ces peintures. Ce sont
les patriarches et les prophètes, Abraham, Moïse, Jo-
nas, David, qui en sont les héros, en même temps que
leurs images servent d'exemple aux martyrs et de con-
solation aux opprimés. En sorte qu'aucun trait, aucun
personnage tiré du domaine de la triste réalité et du
temps présent, ne venait distraire les fidèles de l'ac-
complissement de leurs devoirs pieux ; et qu'à la veille
comme au lendemain de persécutions sans cesse renais-
antes, ils ne s'encourageaient à persévérer dans la foi
72 CATÉCHISME
qu'à la vue de Daniel exposé aux lions, ou des trois
Enfants dans la fournaise, et non à l'aspect des Chré-
tiens livrés comme eux ajix feux du bûcher ou aux
animaux du cirque .
La partie décorative de ces peintures n'est pas
moins remarquable dans tout ce qui la constitue. Rien
que des sujets aimables et gracieux, des images du
Bon Pasteur, des représentations de vendanges, des
scènes pastorales, des agapes, des figures de chrétiens
en prières, des palmes, des couronnes, des agneaux,
des cerfs, des colombes, en un mot, rien que des motifs
de joie, d'innocence et de charité*.
Telles sont les peintures des Catacombes, peintures
généralement si pures, si aimables dans leur objet et
dans leur intention, où il semble que l'Evangile ne dut
jamais rencontrer d'ennemis et d'adversaires, quand il
s'y montre si indulgent et si humain, où le martyre
ne se reconnaît qu'à la prière, où le Christianisme en-
fin ne se révèle que par des symboles de paix, d'inno-
cence et de charité.
Dans les âges suivants, lorsque les martyrs appar-
tinrent à l'histoire, leurs combats et leurs triomphes
devinrent le sujet ordinaire de nos peintures sacrées.
11 en fat de même des actions mémorables de tous ces
martyrs de la paix, c'est-à-dire de tous ces saints dont
la vie, consacrée à la pénitence, au bien de leurs frères
à la propagation de l'Evangile, fut un long crucifiement
de la chair et de ses convoitises. Tels sont les modèles
* Tableau des Catacomb., p 185.
DE PERSEVERANCE. 73
que l'Eglise expose aujourd'hui au respect et à l'imi-
talion de ses enfants ; cet usage remonte à la plus haute
antiquité'.
Si nous avons admiré le génie du Christianisme dans
les peintures des Catacombes, les peintures de nos
églises nous offrent un autre sujet de l'admirer encore.
En plaçant dans l'enceinte sacrée les tableaux des
saints, l'Eglise catholique rappelle à ses enfants la
communion sublime et touchante qui existe entre eux
et les bienheureux habitants de la Jérusalem d'en haut;
elle nous montre les saints comme présents aux prières
de la terre ; elle les établit les premiers protecteurs des
peuples qu'ils ont édifiés par leurs vertus ; elle les con-
sidère comme toujours intéressés à l'accroissement de
la justice et de la paix parmi les hommes.
Jusqu'à l'Evangile, chaque peuple avait réservé ses
hommages aux héros de la patrie ; dans le culte catholi-
que, le vrai juste est honoré en même temps de toutes les
nations; sur nos autels, la vertu n'a plus qu'une seule pa-
trie; elle y est indépendante des lois, des mœurs, des usa-
ges; toutes les distinctions de nation, de fortune, de nais-
sance, de talents'Sont oubliées; l'anachorète de la Thé-
baïde, le pontife romain, l'empereur et le simple berger,
le vieillard de cent ans et la jeune vierge à peine ado-
lescente s'y trouvent sur le même rang ; tous les âges,
tous les pays, toutes les conditions y sont représentés,
' Grég. Nyss., Ornt. de Laudib. S. Théodor., cl Paulin. Nol.
Natal, r de Ornât, eccl.; Greg., lil). 9, episl. 9, et Greg. Nanz.,
'•pist. 49.
74 CATéCHlSMB
et dans cette galerie de famille, la vertu est ce qu'elle
doit être, le patrimoine de l'univers, et l'exemple du
juste devient proGlable à tout le genre humain.
Ce n'est pas seulement par la réunion de tous ces
saints que l'Eglise nous dit : Je suis catholique, à moi
appartiennent les vraies vertus de tous les âges; car
c*est moi qui les inspirai; c'est encore par l'ensemble
des ornements qu'elle emploie à la décoration de ses
temples.
Je suis catholique, voilà ce qu'elle nous dit encore
par toutes les créatures inanimées, ces ceps, ces feuilles
de vignes, ces épis de blé, ces fruits, ces arbres, ces
fleurs de toute espèce qui ornent les murailles du tem-
ple saint ; toutes les parties de la création s'y sont donné
rendez- vous pour louer Dieu à leur manière, et c'est la
main puissante de l'Eglise catholique qui les a réunies.
Je suis catholique : voilà ce que l'Eglise continue de
nous redire par cette variété de figures étranges de
divinités païennes qu'elle place dans la construction de
nos anciennes basiliques. Partout les dieux païens pa»
raissent en vaincus; ici ils soutiennent sur leurs épaules
affaissées de lourdes masses; là ils servent de con-
duits à la pluie. Le Christianisme se montre ici en
vainqueur qui traîne à son char ses ennemis vaincus,
et qui perpétue de génération en génération le sou-
venir de son triomphe. Après avoir inondé la terre du
sang chrétien, Dioclétien et Maximien avaient, il y a
quinze cents ans, élevé deux colonnes de marbre pour
perpétuer le prétendu triomphe du Paganisme sur I9
DE PERSÉVÉRANCE. 75
Christianisme. Dioclélien et Maximien ne sont plus;
leurs colonnes sont tombées; le Christianisme est de-
bout; les dieux païens lui servent de marchepied, et les
temples monuments de sa victoire ont déjà plus de du-
rée que l'empire des Césars.
Je suis catholique ; je suis immortelle ; à moi l'em-
pire des siècles, le monopole des vraies vertus; à moi
la victoire sur le Paganisme : voilà ce que nous dit l'E-
glise par les peintures et les ornements de ses temples.
Toutes ces pierres si délicatement travaillées, toutes
ces dentelles de marbre, toutes ces fines découpures,
tous ces vitraux où la perfection de l'art le dispute à
la variété des sujets, à la richesse, à la solidité, au
moelleux des couleurs ; toutesces gracieuses colonnettes,
toutes ces aiguilles qui s'élancent vers le ciel, tous ces
innombrables chefs-d'œuvre où la patience, la foi, le
génie de l'adoration, de la prière et de l'amour semble
dire à Dieu : J'ai fait ce que 3 ai pu pour vous hono-
rer; si je n'ai pas mieux fait, ce n'est pas ma faute :
toutes ces choses, dites-moi, ne pourront-elles porter
dans votre esprit une pensée de foi, dans votre cœur
un sentiment d'amour et d'admiration? Ah! s'il en est
ainsi, je n'ai pins rien à vous dire ; je me contente de
vous plaindre, de vous plaindre comme on plaint un
aveugle, un sourd, un paralytique, un mort.
Quittons l'église pour un instant, car bientôt d'au-
gustes cérémonies vont nous y rappeler, et parlons de
la cloche et du cimetière.
L'usage des cloches est fort ancien [dans l'Eglise; il
76 CATÉCHISME
remonte certainement au delà du viiie siècle. Quel est
l'inventeur des cloches? Plusieurs prétendent que c'est
le pape Sabinien, successeur de saint Grégoire le G rand ' .
On croit que les premières cloches ont été fondues dans la
Campanie, province d'Italie : de là le nom de campanœ,
qui leur fut donné pour distinguer ces grandes cloches
des sonnettes connues depuis longtemps-. Pendant leS
trois premiers siècles, les Chrétiens, obligés de se ca-
cher pour fuir la persécution, n'avaient aucun signal
public pour s'appeler aux saints offlces ; il est probable
qu'ils s'avertissaient mutuellement en secret, ou qu'on
annonçait publiquement dans les assemblées le jour et
l'heure de la réunion suivante. Lorsque la paix fut
donnée à l'Eglise, sous Constantin, et qu'on eut con-
' Polyd. Virg., lib. de Inventorib. reruin. Id. Onuphr., Epit.
summ. pontif.
* Cloche vient de l'aUemand cloche ou glocke. Ce mot semble
exprimer le son de l'instrument. Les sonnettes ne servaient point
à appeler le peuple à la prière. A ce propos, le grave cardinal Bona
rapporte, d'après Strabon, une plaisante anecdote. Un joueur de
luth arriva dans une île de la Grèce pour y faire preuve de son
talent. Tout le peuple se rassemble autour de l'artiste ambulant et
se prépare à l'écouter; mais à peine at-il tiré quelques sons de
son instrument, qu'on entend le bruit d'une clochette, et toute la
foule de se sauver à toutes jambes. Au pauvre musicien il ne resta
qu'un auditeur dont l'oreille était un peu dure. « Je vous félicite
et vous remercie, lui dit l'artiste, d'être resté seul pour m'écou-
ter ; mais pourquoi, dans votre pays, se sauve-t-on lorsqu'on entend
le bruit d'une clochette? — La clochette a donc sonné .^ reprit le
second. — Oui. — J'ai bien l'honneur de vous saluer ; » et il se mit
à courir de toutes ses forces., en criant au musicien désappointé :
« C'est le marché du poisson *. »
* Rer. liturg., lib 1, e. 22, p. 192.
DE PERSÉVÉRANCE. 77
struit de vastes basiliques, il y eut sans contredit un si-
gnal public pour convoquer les Chrétiens. On croit que
c'était le retentissement de planches fort minces frap-
pées avec des maillets, ou bien d'énormes crécelles
de bois, plus fortes que celles dont on se sert encore à
présent les trois derniers jours de la semaine sainte.
Dans certains monastères, on se servait de trompettes ;
dans d'autres, c'était en chantant VÂllehiia qu'on s'in-
vitait à l'office * ; enfin l'usage des cloches devint gé-
néral en Occident, Il passa insensiblement à l'Eglise
orientale. Aussitôt que les cloches furent inventées, il
fallut leur bâtir des tours élevées, afin que leur son
fût entendu de plus loin. On plaça sur la plupart de
ces tours une pyramide surmontée d'un globe au-
dessus duquel on arbora la croix; sur la croix on mit
un coq, emblème populaire qui indique l'usage des
cloches dans l'Eglise. Aux pasteurs, il rappelle la vigi-
lance; aux fidèles le zèle pour la prière, l'ardeur pour
le travail-, de même que la croix placée sur le globe de
la pyramide annonce au ciel et à la terre la victoire de
Jésus-Christ sur le monde.
Comme tout ce qui sert à son culte , l'Eglise bénit
îa cloche. Cette bénédiction s'appelle baptême. Ce n'est
pas qu'elle croie la cloche susceptible d'une vertu inté-
rieure et d'une véritable sainteté ; mais son intention
' Durantus, de Ritib. Eccl. cathol., lib. 1, c. 21. .
*Bona,i?er. liturg., lib. 1, c. 22.
' lustantis quod signa canens, det Gallus Eoi,
Et revocet famulas, ad nova pensa nianus.
Alciatus, in Emblemate-
78 CATÉCHISME
est de la retirer de l'ordre des choses communes, et
d'annoncer qu'étant une fois consacrée au service du
Seigneur, elle ne peut plus être employée à d'autres
sans une espèce de profanation ; elle veut encore rendre
mystérieux et saint l'instrument et le son qui doit con-
voquer les Chrétiens à tout ce qu'il y a de plus saint
sous le ciel, la parole de Dieu, les offices, l'assistance
et la participation à nos augustes mystères.
La cloche est la trompette de l'Eglise militante'; elle
doit sonner pour toutes les circonstances remarquables de
la vie : de là cette variété de prières et de cérémonies par
lesquelles on la bénit. Elle doit sonner au baptême, et on
la purifie avec de l'eau bénite ; elle doit sonner les com-
bats de notre vie depuis le jour oîi nous entrons dans la
lice sacrée par la confirmation, jusqu'à celui que nous
rendrons sur notre lit de mort : voilà pourquoi on lui fait
des onctions réitérées avec le saint chrême et l'huile
des infirmes; elle doit sonner l'auguste sacrifice, voilà
pourquoi on la parfume d'encens; elle doit nous rap-
peler sans cesse Jésus crucifié auteur et consomma-
teur de notre foi : voilà pourquoi on répète si souvent,
durant la cérémonie, le signe sacré de la croix. On
donne à la cloche le nom d'un saint ou d'une sainte :
cette idée est pleine de charmes. Nos pères ont cru que
la piété serait plus active, plus joyeuse, plus fidèle, si
on supposait que c'est un saint ou une sainte qui nous
appelle à l'église ^
• CoDcil. Colon., c. 14.
* Bons, id.
DE PERSÉVÉRANCE. 7§
Lorsque la cloche est bénile, le prêtre ou l'évêque, le
parrain et la marraine la sonnent doucement par trois
fois comme pour lui donner sa mission. On couvre la
cloche d'un linge blanc jusqu'à ce qu'on la monte au
clocher, à cause du respect qu'on doit au saint chrême ;
et l'officiant ayant fait sur elle le signe de la croix, se
retire à la sacristie.
Dans une des prières de la bénédiction le prêtre dit :
«ODieu! qui, par Moïse, votre serviteur, avez com-
mandé de faire des trompettes d'argent, afin que par la
douceur de leur son le peuple fût averti d'aller au sacrifice
et de se préparer à vous prier, faites que ce vase qu'on
destine à votre église soit sanctifié par votre Saint-Es-
prit , afin qu'étant frappé et rendant un son mélo-
dieux et agréable à l'oreille de vos peuples, leur foi et
leur ferveur s'augmentent de jour en jour ; que les em-
bûches de leurs ennemis, le bruit des grêles, les orages^
les tourbillons et la violence des tempêtes soient dissi-
pés; que les fâcheux effets du tonnerre soieitt détournés;
retenez par votre main toute-puissante les ennemis de
notre salut, et faites qu'en entendant cette cloche, ils
tremblent à la vue de la croix de Jésus-Christ, au nom de
qui tout genou fléchit au ciel, sur la terre et dans les
enfers. »
On s'est beaucoup moqué de la simplicité de nos
aïeux, qui sonnaient les cloches pour détourner les ora-
ges. Sonner la cloche, dit-on doctement, c'est ébranler
la colonne d'air, c'est appeler la foudre. Oui, vous rai-
sonnez juste, vous qui ne voyez dans le son de la cloche
80 CATÉCHISME
qu'un son matériel ; mais si vous y voyiez ce que nos
pères y voyaient, ce que l'Eglise catholique, qui en sait
plus que vous, y voit elle-même , une prière, un cri
d'alarme, une supplication pressante adressée au maître
du tonnerre, vous deviendriez peut-être plus réservés.
Or, le son de la cloche était une prière vocale : la
bénédiction de l'Eglise citée plus haut vous l'indique.
Si vous vous en moquez, vous moquerez-vous aussi de
Dieu lui-même? Ne dit-il pas en propres termes que le
bruit des instruments, le son des grandes voix, l'éclat
des trompettes excitent sa miséricorde? Vous sonnerez
de ia trompette, iwus pousserez de grands cris, et votre
souvenir viendra en laprêsence du Seigneur votre Dieu,
et vous serez délivrés des mains de vos ennemis '.
Si le progrès des sciences vous permet de détourner
la foudre sans recourir à la prière , rendez-en gloire
au Dieu des sciences qui vous a fait retrouver une partie
de l'empire du premier homme sur les créatures, mais
ne vous maquez pas de vos aïeux, qui recouraient à la
prière pour atteindre le même but.
Que dire de toutes les impressions que produit le son
de la cloche sur l'homme et sur le Chrétien? ce son a
une foule de relations secrètes avec vous. Combien de
fois, dans le calme des nuits, les tintements d'une ago-
nie, semblables aux lentes pulsations d'un cœur expi-
rant, n'ont-ils pas effrayé le coupable qui veillait pour
le crime? Des sentiments plus doux s'attachent aussi au
bruit des cloches. Lorsque avant le chant de l'alouette,
• Nuni., X. Durandus, lib. J, c. 22, n. 4.
DE PERSÉVÉRANCE. 81
on entend, au lever de l'aurore, les petites sonneries de
nos hameaux, on dirait que Tange des moissons, pour
réveiller les laboureurs, soupire, sur quelque instru-
ment des Hébreux, l'histoire de Séphora ou de Noémi.
Les carillons des cloches, au milieu de nos fêtes, sem-
blent augmenter l'allégresse publique ; dans les cala-
mités, au contraire, ces mêmes bruits deviennent terri-
bles. Les cheveux se dressent encore sur la tête au
souvenir de ces jours de meurtre et de feu, retentis-
sant des clameurs du tocsin. Tous les sentiments que
fait naître la sonnerie de nos temples sont d'autant plus
beaux qu'il s'y mêle un souvenir du ciel, un souvenir
de charité et de religion. Depuis la clochette qu'un
homme agitait dans les rues de nos villes, pendant la
nuit qui précédait nos fêtes, en répétant ces paroles :
« Éveillez-vous, gens qui dormez, priez pour les tré-
passés , » jusqu'à la cloche du hameau solitaire qui
sonne le couvre-feu pour avertir le voyageur égaré
dans les montagnes et les forêts d'alentour ; jusqu'à
celle qu'on sonne la nuit dans certains ports de mer
pour diriger le pilote à travers les écueils ; toutes les
cloches se marient avec notre situation présente, et
portent tour à tour dans notre âme la tristesse, la
joie, l'espérance, la frayeur religieuse. D'où vient ce
mystère? c'est que les cloches sont essentiellement
religieuses. Si elles étaient attachées à tout autre mo-
nument qu'à nos églises, elles perdraient leur sym-
pathie morale avec nos cœurs *.
* Imit. de Chateaubriand, Gén, du Christ., iv® part.
T. VU. 6
CATECHISME
PRIERE.
O mon Dieu ! qui éles loul amour, je vous remercié
d'avoir conservé dans nos églises lanl de souvenirs si
propres à exciler notre piété en affermissant notre foi.
Faites-nous la grâce de ne plus être sourd à toutes ces
voix qui prêchent la vertu et votre amour.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, /entrerai
dans l'église avec le plus profond respect.
PETIT CATECHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Q. Est-il convenable de pouvoir se rendre compte des
choses qui sont dans nos églises?
R. Oui, il est convenable de pouvoir se rendre compte
des choses qui sont dans nos églises ; si on ne les com-
prend pas, on sera à l'éghse comme dans un lieu pro-
fane. Les souvenirs les plus propres à exciter notre piété
seront perdus pour nous. La crypte et l'autel nous rap-
pellent les Catacombes et les premiers Chrétiens. Les
cierges allumés sont un autre souvenir bien pré-
cieux ; ils nous rappellent et le chandelier d'or et les
lampes d'or du temple de Jérusalem , mais surtout ils
nous reportent aux jours de l'Eglise naissante.
DE PERSÉVÉRANCE. 83
Q. Comment cela ?
R. Nos pères, obligés de^se cacher dans les souter-
rains des Catacombes pour célébrer les saints mystères,
n'étaient éclairés que par des lampes; ils les atta-
chaient aux murs de la grotte, les suspendaient à la
voûte, les plaçaient sur les tombeaux des martyrs. Voilà
ce que nous rappellent la lampe, les chandeliers et les
lustres de nos églises. Puissent-ils aussi, en nous rappe-
lant la vie de nos pères, nous faire imiter leur patience,
leur sainteté et leur charité. Les cierges représentent
encore notre Seigneur Jésus-Christ, la vraie lumière du
inonde.
Q. Quel autre souvenir des Catacombes trouvez-
vous encore dans nos églises ?
R. Un autre souvenir des Catacombes que je trouve
dans nos églises, ce sont les chapelles latérales. Dans
les grottes des Catacombes on voit sur les côtés un
grand nombre de petites niches renfermant le corps
d'un ou de plusieurs martyrs ; dans le fond de la grotte
est le tombeau du martyr principal, servant d'autel :
c'est le souvenir que l'Eglise a voulu perpétuer par l'é-
tablissement des chapelles latérales de nos églises. Il
est encore un autre souvenir non moins précieux.
Q. Quel est-il?
R. Ce sont les peintures qui décorent nos églises.
Les grottes des Catacombes où les premiers Chrétiens
célébraient les saints mystères, sont couvertes de pein-
tures appropriées à leur situation. Voici quelques-uns
des sujets qu'elles représentent : Daniel dans la fosse
84 CATÉCHISME
aux lions; Jonas englouti par un poisson, et vomi en-
suite sur le rivage ; Noire-Seigneur guérissant le para-
lytique, ressuscitant un mort ; et enfin sous la figure du
bon Pasteur.
Q. Que remarquez-vous sur ces peintures?
R. Je remarque sur ces peintures que les sujets sont
tous propres à entretenir dans l'âme la confiance et la
charité : on n'en trouve pas un qui ressente la haine
ou la vengeance. Nos pères étaient sans fiel pour les
persécuteurs. Dans la suite on peignit les combats des
martyrs, les actions mémorables des Saints de tous les
états et de tous les pays. L'Eglise a voulu par ces ta-
bleaux : 1» nous instruire ; 2° nous rappeler que tous
les Saints sont ses enfants. Les divers ornements qu'elle
emploie dans ses temples nous montrent toutes les
créatures servant à la gloire de Dieu, et nous rappellent
à nous-mêmes que nous ne devons vivre que pour lui.
Q. Quelle est l'origine des cloches?
/{.L'origine des cloches est très-ancienne. L'Eglise,
les faisant servir au culte divin, les bénit : cette béné-
diction s'appelle baptême. On donne à la cloche un
nom de saint, afin que nous l'écoutions avec plus de
respect, et que nous soyons plus fidèles à nous rendre
à l'église quand elle nous y appelle. Toutes les céré-
monies qui accompagnent la bénédiction des cloches
nous prêchent la sainteté qui doit, briller dans toute
notre conduite.
DE PERSÉVÉRANCE. 85
PRIERE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour. Je vous remercie
d'avoir conservé dans nos églises tant de souvenirs si
propres à exciter notre piété en affermissant notre foi.
Faites-nous la grâce de ne plus être sourds à toutes
ces voix qui prêchent la vertu et votre amour.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, j'entrerai
dans l'église avec le plus profond respect.
86
CATECHISME
V^ LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Des bénédictions en général. — Principes sur lesquels elles repo-
sent— Enseignement qu'elles nous donnent. — Leur antiquité.
— Leurs effets. — Ceux qui ont le pouvoir de bénir. — Cimetière.
— Cimetières en Suisse.— Cimetières près des églises, sentiments
qu'ils inspirent. — Bénédiction du cimetière.
Puisque nous venons de rapporter la bénédiction de
la cloche, et que nous allons bientôt expliquer celle du
cimetière, c'est ici le lieu de parler des bénédictions en
général.
Pour comprendre quelque chose aux bénédictions de
l'Eglise, il faut se rappeler plusieurs vérités certaines.
l<*Les créatures, étant l'image d'un Dieu bon, sont sor-
ties bonnes de ses mains ; c'est-à-dire parfaitement ap-
propriées au double but de leur existence, la gloire de
Dieu et le bien physique et moral de l'homme. 2** Les
créatures ont été viciées par le démon , lorsque ,
souillant l'homme, il souilla toutes les choses qui dépen-
daient de lui. En conséquence, les créatures sous l'in-
fluence du malin esprit ne servent plus, comme aupa-
ravant, à la gloire de Dieu et au bien de l'homme. Tou-
tes sont devenues des instruments de péché et de mort ;
elles gémissent de ce dur esclavage, de cette tyrannie
DE PERSÉVÉRANCE. 87
injuste qui arrête leurs hommages et les empêche d'ac-
complirleur vocation. ylwss?, nous dit l'apôtre saint Paul,
elles soupirent après leur délivrance. 3° Dieu n'a aban-
donné ni l'homme ni la créature sous l'empire du dé-
mon. Depuis le jour de la chute, toutes ses pensées ten-
dent à délivrer la création. Si nous demandons à son
divin Fils pourquoi il est venu sur la terre, il nous ré-
vèle la pensée de son Père et la sienne en nous disant :
Je suis venu pour mettre à la porte le prince de ce
monde, pour détruire ses œuvres et ôter le péché ou le
mal. 4» Dieu peut effectivement chasser le démon,
soustraire ses créatures à sa maligne influence, et il
peut confier ce pouvoir à ses envoyés.
Sur ces grands principes, avoués de tous les peuples,
sont fondés le pouvoir et l'usage des bénédictions dans
l'Eglise catholique. C'est donc pour ramener l'homme
etla créature à leur sainteté primitive qu'elle les bénit.
Cette bénédiction affranchit graduellement la création
jusqu'au moment suprême où, le prince de ce monde
étant tout à fait chassé et son influence anéantie. Dieu
redeviendra tout en toutes choses. Alors l'homme sera
transformé en un nouvel être ; alors il y aura de nou-
veaux cieux et une nouvelle terre ; alors foutes les créa-
tures chanteront, parce qu'elles en seront dignes, le
cantique immortel des Anges : Saint, saint, saint est le
Dieu des armées ; tout est plein de sa gloire.
Vous le voyez, dans une simple bénédiction, l'Eglise
nous raconte toute l'histoire du monde. Elle met de-
vant nos yeux la chute et la rédemption, le Paradis ter-
88 CATÉCHISME
restre et le Calvaire, le temps et Tétemitô. Y avons-
nous jamais réflécln ?
Les bénédictions de l'Eglise catholique nous rappel-
lent encore une vérité dont l'oubli est une source fé-
conde d'iniquités et de bassesses : c'est la grandeur et
la sainteté de l'homme. Nous ne nous estimons pas
assez ; nous ne savons pas assez ce que nous sommes.
Images de Dieu, la sainteté même, nous sommes créés
pour être saints, c'est-à-dire pour être consacrés à
Dieu, dégagés du mal, affranchis de la servitude du
méchant. Notre esprit, notre cœur, notre imagination,
nos sens, vases sacrés qui ne doivent recevoir que des
choses saintes, des pensées, des affections, des images
saintes ; vases sacrés que ne doivent toucher non plus
que des choses saintes.
Pas une de ses bénédictions, par laquelle l'Eglise
ne rappelle l'homme à cette noble idée, et ne lui
dise : « Mon fils, la terre est trop petite pour ton
cœur, tu es saint, consacré à Dieu, fait pour Dieu, aspire
uniquement au bien qui peut te satisfaire ; tu es saint,
regarde : je bénis les éléments qui sont à tes ordres,
l'eau, le feu, la terre ; je bénis tes aliments, tes prairies,
tes champs, tes vignes; je bénis les animaux qui te ser-
vent, parce qu'ils doivent approcher de toi, être en con-
tact avec toi ; je bénis ta dernière demeure, que dis-je?
je la consacre par la main d'un pontife, parce que cette
terre doit toucher à fa poussière ; saint, tu dois, après ta
mort, reposer dans une chose sainte, comme tu es né,
comme tu as grandi, comme tu as vécu, au milieu des
DE PERSÉVÉRANCE. 89
choses saintes. » Cela posé, il nous est facile de compren-
dre ce que sont dans l'Eglise catholique les bénédictions.
Dans la langue de l'Eglise, bénir une chose, signifle
la tirer de son état naturel, la séparer de ses usages com-
muns et ordinaires, la rendre sainte de profane qu'elle
était, la dévouer à Dieu et aux cérémonies de la Reli-
gion ; en un mot, la déterminer et l'appliquer à des
usages pieux et sacrés.
Nous l'avons dit plus haut , après avoir créé l'uni-
vers, Dieu le bénit. Ainsi toutes les créatures sont
bonnes, et elles ont éié appliquées à la gloire de Dieu
ou sanctifiées par une bénédiction et une approbation
générale : Dieu, dit l'Ecriture, regarda toutes les choses
qu'il avait faites, et il les trouva très-bonnes ^ Mais le
péché étant entré dans le monde, a gâté et vicié tou-
tes les créatures ^. De là l'indispensable nécessité de les
purifier par la parole de Dieu et par la prière, afin de
mettre en fuite le démon et paralyser sa funeste in-
fluence ^. Telle est la raison profondément philosophi-
que des bénédictions.
Aussi les voyons-nous en usage dès l'origine du
monde. Dans l'Ancien Testament, Moïse, par une bé-
nédiction que le Ciel lui révèle, rend douces les eaux
de Mara *. Elisée purifie les sources de Jéricho en y
jetant du sel tandis qu'il prononçait ces paroles : Voici
'Gen., i.
* Ad. Rom., c. 8.
^ Ad. Timoth., c. 4.
* Exod., XV.
^^ CATécniSMF
ce que dit le Seigneur : J'ai rendu ces eaux saines^ et
^lles neprod^uront pïu^ la mort *. Tobie, par la prière,
bénit la chambre nuptiale et en chassa les démons ^.
On connaît la bénédiction solennelle, et pleine de
•Mystère, qu'on donnait chaque année à la gerbe nou-
velle et aux fruits nouveaux. Avant le sacrifice, on im-
posait les mains sur les victimes , et l'on priait sur
l'huile, le froment, etc., pour les sanctifier et les ren-
dre dignes du Seigneur ^
Notre-Seigneur a confirmé par son exemple ce qui
se faisait dans l'ancienne loi : il bénit les cinq pains et
les deux poissons dont il nourrit un peuple nombreux *;
il impose les mains aux malades pour les guérir; il bé-
nit les petits enfants ; il bénit et il offre à son Père,
avant la Cène, le pain et le vin qu'il va changer en son
eorps et en son sang.
Héritière de la doctrine et du pouvoir de Jésus-
Christ, l'Eglise a fait un usage constant des bénédic-
tions, A l'époque oiî elle parut, le démon régnait en
prince sur le monde qu'il avait usurpé : il en infectait
toutes les parties. De là celte croyance des Païens, mal-
heureusement si vraie, quoique mal comprise, que tou-
tes les parties de la nature étaient animées par des
esprits ou des génies. Il fallait dire qu'elles étaient
souillées, tyrannisées par des démons ; et ce qu'il y
' IV. Reg., II, 20.
* Tob., VIII.
' Levit., passim.
*Matth., XIV.
DE PERSÉVÉRANCE. %i
a de plus fâcheux, les démons, regardés comme les
maîtres fle chaque créature, recevaient pour cela des
hommages qui n'étaient dus qu'à Dieu. Les philosophes
eux-mêmes soutenaient que les aliments et les autres
choses usuelles étaient un présent de ces génies ou
démons. Plus tard, les Marcionites et les Manichéens
prétendirent que tous les corps avaient été formés par un
mauvais. principe ennemi de Dieu.
Pour combattre toutes ces erreurs et chasser le dé-
mon de son empire, l'Eglise s'empressa de faire usage
des bénédictions. De là, chez les premiers Chrétiens,
les prières et le signe de la croix répété, à chaque in-
stant, avant de faire usage d'aucune créature ; de là,
toutes ces admirables formules de bénédictions rédigées
par l'Eglise, et qui remontent jusqu'à son berceau. La
plupart de celles dont nous nous servons encore au-
jourd'hui se trouvent dans le Sacramentaire du pape
Géland, qui vivait au v^ siècle. Ce pape n'en a pas été
le premier auteur. Elles sont usitées chez les différentes
sectes de Chrétiens orientaux, séparées de l'Eglise ro-
maine depuis les premiers âges du Christianisme. Saint
Paul lui-même parle des bénédictions, quand il dit :
Toute eréature de Dieu est bonne ; elle est sanctifiée
par la parole de Dieu et par la prière^. Or les bénédic-
tions sont des prières destinées à sanctifier, c'est donc
ici un usage apostolique.
L'Eglise, envoyée pour sanctifier le monde et en
chasser le démon, a donc le pouvoir de bénir, puisque
•lAdJTimoth., 4.
92 CATÉCHISME
c'est par la bûnédiclion que le monde est sanctifié et
rendu à son usage primitif. En bénissant, lEgHse donne
donc une preuve de sa profonde science, en môme
temps qu'elle continue un usage aussi ancien que la
chute de l'homme.
Les effets attachés à ses bénédictions sont ou géné-
raux ou particuliers. Les effets généraux sont : 1° de
soustraire l'objet bénit à l'empire du démon, et de le
délivrer de sa maligne influeftce ; 2'' de le séparer des
choses communes el profanes ; 3" enfin de lui donner
la vertu d'exciter des sentiments de foi, d'amour de
Dieu et de religion, et par là d'obtenir la rémission des
fautes vénielles.
Les effets particuliers répondent aux intentions de
l'Eglise, et sont différents selon la chose qu'elle con-
sacre et le but qu'elle se propose. Tantôt c'est pour
fortifier l'âme contre les tentations et les attaques de
l'ennemi du salut ; tantôt c'est pour prémunir le corps
et le mettre à l'abri des incommodités qui pourraient
lui survenir. Elle bénit le feu pour qu'il ne nuise
point à l'homme, mais qu'il devienne pour lui l'emblème
de la charité et de la vérité ; elle bénit l'eau pour qu'elle
serve à le purifier ; elle bénilles temples, les autels, les
vases du sacrifice, parce que rien n'est assez saint pour
le culte du Seigneur ; elle bénit la demeure de l'homme
et ses aliments afin qu'il puisse reposer en paix, et
prendre avec reconnaissance et sans crainte la nourri-
ture nécessaire à son corps. Elle bénit le bétail, les prai-
ries et les champs, afin de les préserver des maladies et
DE PERSÉVÉRANCE. 93
des fléaux qui pourraient les faire périr ou les rendre
stériles, et priver le pauvre laboureur du fruit de ses
travaux.
Dans les grandes villes, où l'on se débarrasse tant que
l'on peut de l'extérieur de la Religion, où l'on traite de
dévotions populaires \es pratiques les plus louables, on
a perdu les louchants usages dont nous parlons. Et en
effet, qu'a-t-il besoin des bénédictions de Dieu, le riche
usurier ou débauché qui peut-être ne croit pas en lui ?
Mais le peuple des campagnes, qui se sent plus immé-
diatement sous la main de Dieu, qui voitsouvent sa fortune
et ses espérances détruites par un fléau, qui conçoit que
rien ne peut prospérer si Dieu n'y met la main, recourt
plus souvent aux prières de l'Eglise, y ajoute de bonnes
œuvres, des aumônes, quelque service rendu aux pau-
vres. Le désir de rendre plus efficaces les bénédictions
qu'il demande, conserve ainsi et nourrit en lui les senti-
ments d'humanité.
Avant de se moquer de lui, les hérétiques et les im-
pies auraient dû commencer par prouver en quoi ces
bénédictions sont opposées à la vraie philosophie, à la
vraie piété, à la confiance en Dieu, à la reconnaissance,
à l'obéissance, à la parole de Dieu, et à la croyance uni-
verselle du genre humain ' ?
Quant à ceux qui ont le pouvoir de bénir, ce sont les
évoques et les prêtres. Revêtus de la plénitude du sa-
cerdoce, les évêques peuvent consacrer et bénir tous les
objets qui sont sous leur juridiction. A eux seuls appar-
»Bergier, art, Bénédiction.
94 CATÉCHISME
tiennent les bénédictions qui sont accompagnées d'onc-
tions, comme la consécration des églises, des autels, du
calice et de la patène, le sacre des rois et des reines, la
bénédiction des saintes huiles, des abbés, des abbesses
et des chevaliers. 11 est d'autres bénédictions qui leur
sont réservées, celles des linges d'autel, des ornements,
des cloches, des cimetières, etc., mais pour lesquelles
ils peuvent commettre de simples prêtres.
Les bénédictions qui sont de la compétence des prê-
tres sont celles des mariages, des fruits de la terre, de
l'eau mêlée de sel, des cendres, des rameaux, des cier-
ges, etc.
L'effet de la bénédiction ne dépend pas des disposi-
tions de celui qui la donne, car il n'agit pas en son pro-
pre nom, mais au nom de Jésus-Christ, dont il n'est que
l'instrument. Toutefois, pour lui rappeler à lui-môme
la sainteté dont il convient qu'il soit orné dans cette
auguste fonction, il doit être revêtu du surplis, emblème
de l'innocence, et de l'étole, symbole de son pouvoir.
Un jeune clerc, image d'un ange, doit l'accompagner,
tenant d'une main un flambeau allumé, figure de la
charité et de la foi, et de l'autre le bénitier.
En récitant la formule de bénédiction , le ministre
sacré tient les mains jointes ou élevées vers le Ciel, pour
exprimer la ferveur de la prière et l'ardent désir qu'il
a d'être exaucé. Il fait plusieurs fois avec la main le si-
gne dé la croix sur l'objet qu'il bénit, pour rappeler que
toute grâce vient de la croix, et que ce n'est qu'en vertu
des mérites de Jésus-Christ que nous avons part à ses
DE PERSÉVÉRANCE. 95
miséricordes ; enfin il l'asperge d'eau bénite pour si-
gnifier que, par la prière de l'Eglise, il est sorti du rang
des choses profanes, et a obtenu toute la pureté dont il
est susceptible. L'eau bénite répandue sur l'objet est
encore le signe extérieur que la bénédiction lui est ap-
pliquée. Si on emploie l'encens dans quelque bénédic-
tion, c'est pour demander à Dieu que la prière qu'on
lui adresse lui soit d'une agréable odeur et s'élève jus-
qu'à son trône.
Maintenant que nous connaissons la raison, l'origine
et le sens des bénédictions, passons au cimetière : nous
n'avons qu'un pas à faire; car, dans l'intention de la
Religion catholique, le cimetière touche à l'église.
Le mot cimetière signifie dortoir. C'est le chris-
tianisme qui, le premier, a donné ce nom au lieu où
reposent les défunts ^. Il y a là toute une philosophie.
Aux yeux de l'Eglise catholique, la mort n'est qu'un
sommeil, puisque le lieu où reposent ceux qui ont vécu
est un dortoir. Or, le sommeil suppose nécessairement
le réveil. Il est désormais impossible de prononcer le
nom de cimetière, et qui ne le prononce pas quelque-
fois? sans exprimer le dogme le plus consolant pour
les bons et le plus redoutable aux méchants, le dogme
de la résurrection.
Dès le principe, l'Eglise témoigna le plus grand res-
* Ante Christi adventum mors mortis nomen habebat. At post-
quam Christus venit, et pro mundi ?ita mortem subiit, Don am-
plius Tocatur mors, sed somnus et dormitio. S. Chrys., t. 5, p. 482,
Mit. BéQéd.
96 CATÉCHISME
pect pour les dépouilles mortelles de ses enfants. Ce res-
pect pour les morts est une leçon qui apprend aux vivants
à se respecter eux-mêmes; mais, toujours sage, l'Eglise
évita le double excès dans lequel donnaient lesPaïens. Les
Egyptiens embaumaient les morts, les renfermaient
dans des cercueils, et les conservaient dans leurs mai-
sons comme un dépôt précieux. L'Eglise n'eut garde
d'adopter cette recherche excessive, cette curiosité
superstitieuse. Les Romains donnaient dans un au-
tre excès : ils brûlaient les corps des morts et con-
servaient seulement les cendres. Cette manière d'a-
néantir les restes d'un homme dont la mémoire mérite
d'être conservée, a quelque chose d'inhumain. Encore
les Romains n'en usaient-ils de la sorte qu'à l'égard de
leurs parents et de leurs amis. Quant à ce peuple d'es-
claves qui les environnait, il le traitait après la mort
avec la même brutalité que durant la vie : les corps
des esclaves étaient jetés pèle mêle dans de vastes sou-
terrains.
Ce n'est pas tout encore. La coutume générale chez
les anciens, les Egyptiens exceptés, était de placer
les tombeaux à la campagne, sur le bord des grands
chemins, dans des cavernes solitaires, dans les jardins.
L'Eglise catholique adopta des usages bien plus con-
formes à la raison et bien plus propres à entretenir un
tendre souvenir des défunts. Et d'abord elle abolit la
coutume de brûler les morts. Il est beaucoup mieux de
les enterrer, et de vérifier ainsi la prédiction que Dieu
fit à l'homme pêcheur ; Tu es poussière, et tu retour-^
DE PERSÉVÉRANCE. 97
neras dans la poussière de laquelle tu as été tiré *. En-
suite elle voulut que les morts fussent réunis dans un
mémo lieu, voisin de son temple, afin de pouvoir veiller
sur les générations éteintes, comme une mère veille
sur le berceau de son fils endormi.
Que dis-je? Les premiers temples de l'Eglise catho-
lique furent des cimetières ; les Catacombes n'étaient
pas autre chose. C'est au milieu des morts que les
vivants s'assemblaient pour prier et offrir les mystères
sacrés. Plus tard, lorsque la paix fut donnée, et qu'il
fut loisible de bâtir des temples chrétiens, l'Eglise s'em-
pressa de consacrer un lieu pour la sépulture de ses
enfants. Elle voulut que ce lieu fût rapproché de son
temple, pour conserver le souvenir de son berceau, et
apprendre aux hommes qu'une mère n'oublie pas ses
enfants, même lorsqu'ils ne sont plus. Cet antique usage,
qui veut que le cimetière soit inséparable de l'église,
s'est conservé jusqu'à nos jours dans presque toutes
les paroisses du monde catholique, mais nulle part,
peut-être, avec plus de fidélité que dans la Suisse alle-
mande.
Nous n'oublieraus jamais le touchant spectacle qui,
d'heure en heure, s'oIFrait à notre vue en traversant
les cantons de Soleure, de Lucerne, de Schwitz. A
l'entrée du village, quelquefois si élégant, toujours si
propre, vous voyez l'église, dont vous admirez la
beauté, la grandeur, le svelte clocher, avant d'avoir
pu reposer votre vue sur les riches décorations de l'in-
' Gen., m.
T. VII, 7
98 CATÉCHISME
tôrieur. Le cimetière enceint l'église comme un fer à
cheval. L'entrée principale répond à la grande porte
de l'église. Après avoir ouvert la grille en fer qui la
ferme, vous montez quelques marches en pierre. A
votre droite et à votre gauche sont placés deux larges
bénitiers; dans l'un et l'autre est un goupillon pour
jeter en entrant de l'eau bénite sur les morts.
Toutes les tombes, couvertes de gazon, forment dif-
férentes lignes, parfaitement régulières, séparées par
un petit sentier couvert de sable, afin de rendre plus
accessible à chacun la tombe qui renferme ce qu'il a
de plus cher. Pas un de ces modestes tombeaux qui
ne soit surmonté d'une croix en fer, d'environ deux
pieds d'élévation. Les trois extrémités visibles de la croix
sont en cuivre jaune; au centre est attachée une plaque
de même métal sur laquelle sont inscrits les noms du
défunt, la date de sa naissance, celle de sa mort, et
une prière ou une sentence de l'Ecriture.
Lorsqu'aux derniers rayons du soleil vous apercevez
de loin ce champ de Dieu, brillant d'une si élégante
simplicité, toutes ces croix d'égale hauteur, symétri-
quement rangées, et dont la couleur* noire et jaune se
détache si bien sur le vert gazon de la tombe, je ne
sais quelle douce mélancolie vous saisit le cœur; des
îarmes d'attendrissement vous viennent aux yeux, et des
prières sur les lèvres. Les souvenirs de l'antiquité se
pressent en foule dans votre mémoire. Vous vous croyez
transporté à dix-huit siècles, dans les Catacombes de
Rome ; devant vous en est l'image complète. Ici, comme
DE PERSÉVÉRANCE. 99
dans la Rome souterraine, vous voyez au milieu Tautel
du martyr principal , c'est l'église ; devant l'aulel , les
Chrétiens, à genoux, se préparant au combat par la récep-
tion du pain des forts; autour des vivants, une enceinte de
morts, qui, de leurs tombeaux, les encouragent en leur
parlant de détachement, de couronnes, de repos et
d'immortalité. Vous vous réjouissez de trouver l'Eglise
catholique toujours la même, et vous regrettez que
Taffaiblissement de la foi, bien plus que l'intérêt de la
salubrité publique, ait séparé, parmi nous, le cimetière
du temple, et éloigné les morts des regards des vivants.
On dit que l'usage d'inhumer dans les églises ou près
des églises est devenu dangereux pour les grandes
villes ; nous ne le contesterons pas. Nous nous permet-
trons seulement de rappeler qu'à Rome on enterre
dans les églises, et que, malgré la chaleur du climat,
on ne s'aperçoit pas qu'il en résulte aucun inconvénient.
Nous demanderons ensuite si l'on pourrait citer dans
l'histoire une seule épidémie produite par l'usage d'in-
humer dans les villes. Enfin, nous dirons qu'il est très-
bon d'écarter des villes tous les principes de conta-
gion ; mais pour être conséquents, il ne faudrait pas y
laisser subsister, y bâtir, y doter des lieux de débauche
cent fois plus meurtriers que la sépulture des morts.
Parmi ceux qui isolent aujourd'hui les cimetières, et
qui blâment avec tant d'aigreur l'ancien usage de l'E-
glise catholique, combien, peut-être, qui ne cherchent
à éloigner toutes les idées funJbres, qu'afia de goûter
les plaisirs sans mélange d'amertume et sans remords,
100 CATÉCHISME
et qui veulent pallier cet épicurôisme par des prétextes
de bien public !
Quoi qu'il en soit des villes, nous soutenons que dans
les campagnes, où l'air joue librement, et où il n'y a
aucun danger, il ne faut rien changer à la coutume
établie. Il est très à propos qu'avant d'entrer dans le
temple du Seigneur, les fidèles aient sous les yeux un
objet capable de leur rappeler l'idée de la brièveté
de la vie, l'espérance d'un avenir plus heureux, un
tendre souvenir de leurs parents et de leurs amis '.
Séparer le cimetière de l'église, c'est rompre une
des plus belles harmonies que la religion ait pu établir;
et cette harmonie mérite bien d'être comptée pour
quelque chose; car la société y gagne plus qu'on ne
l'imagine. Dans un petit espace se trouvent réunies les
trois églises, l'église du ciel, l'église de la terre et
l'église du purgatoire ; c'est une grande leçon de fra-
ternité. L'église du ciel, composée des anges et des
bienheureux dont les tableaux suspendus aux murs du
temple rappellent les résultats et la présence invisible,
se trouve rassemblée autour de cet autel, tombeau d'un
martyr ou d'un saint, sur lequel s'immole le Dieu qu'elle
contemple face à face, et que nous adorons sous les voi-
les eucharistiques ; l'église de la terre s'y montre à nos
regards, composée de ce peuple d'enfants, de femmes,
de jeunes hommes et de vieillards priant ensemble;
l'église du purgatoire tient aussi sa place, composée
de nos amis et de nos proches, dont la voix semble
* Bergier, art. Cimetière.
r
DE PERSÉVÉRANCE. 101
sortir de dessous ces lombes sur lesquelles nous prions,
pour nous dire avec Job : Ayez pitié de nous , ayez
pitié de nous, vous du moins qui fûtes nos amis !
Croyez-moi, dans ce siècle de froid égoïsme, d'indif-
férence glaciale, il est bon de laisser au Christianisme
le moyen de rappeler à ses enfants le puissant souie-
nir de son berceau ; il est bon que le lieu de la prière
soit une catacombe. La prière faite au milieu des tom-
beaux en est plus recueillie; le rapprochement même
entre les mystères de la Religion et ceux de la tombe, le
contact en quelque sorte immédiat du temps et de l'éter-
nité, de la cendre des aïeux et de l'homme agenouillé,
en face du Dieu immortel des siècles, sur les débris des
générations qui ne sont plus, tout cela donne de salu-
taires pensées, fait naître plus d'un noble sentiment,
et inspire plus d'une résolution vertueuse.
Tous les cimetières sont bénits. Cet usage remonte
à la naissance même du Christianisme. La Religion
qui tant de fois bénit l'homme, la Religion qui bénit
ses champs, ses prairies, ses aliments, son bétail même
et sa maison, pour lui apprendre qu'il est saint, puisque
tout ce qui l'environne doit être saint pour entrer en
contact avec lui, la Religion bénit aussi et consacre le
lieu de sa sépulture, afin de lui rappeler à lui-même
que la mort ne le dépouille pas de sa sainteté, et qu'il
continue d'être respectable jusque dans la cendre du
tombeau.
Cette bénédiction de notre dernière demeure est une
source de leçons utiles aux vivants. En voici le détail ;
102 CATECHISME
Et d'abord, afin de rendre le cimetière plus véné-
rable, la bén(^di(tion en est réservée à l'évéque; seu-
lement il peut se faire remplacer par un prêtre. Plus
l'homme devient en quelque sorte méprisable, plus il
approche du néant et de la poussière, et plus la Reli-
gion l'environne de respect.
La veille de la cérémonie, on plante au milieu du
cimetière une croix de bois de la hauteur d'un homme,
ayant trois pointes de bois propres à tenir des cierges;
savoir, une sur le haut, et deux à l'extrémité des deux
bras. Devant la croix on plante un pieu de bois de la
hauteur de deux pieds, ayant à son extrémité trois
pointes semblables à celles de la croix.
Que signifie cette cérémonie en apparence si singu-
lière ? Loin de vos lèvres le sourire impie du mépris.
Tout est grand dans la Religion ; tout est plein de mys-
tère. Cette croix de bois représente le Sauveur du
monde, celui qui est la résurrection et la vie. Ce pieu
de couleur blanchâtre, qu'on prendrait pour un tihia '
décharné, est l'image de l'homme, que la mort rend
semblable à un bois sec et inutile. La nuit qui suit
la plantation de la croix rappelle les ténèbres du tom-
beau, comme la cérémonie du lendemain est la vive
image de la résurrection. Cette croix debout devant ce
pieu annonce hautement que Jésus-Christ protège dans
le tombeau même la dépouillé de l'homme, qu'il la
conserve sous sa main, et qu'il saura lui rendre la vie
au jour marqué.
* On appelle ainsi , en termes d'anatoraie, l'os principal de la jambe.
DE PERSÉviKANCE. 103
Le lendemain, Tévêque ou le pr(Mre commis pour la
bénédiction, s'étanl revêtu d'un surplis, d'une étole et
d'une chappe blanche, se rend au cimetière. La cou-
leur blanche est employée parce qu'il va se faire une
joyeuse cérémonie, un mystère consolateur va être pro-
clamé. Précédé du clergé, le prêtre vient se placer de-
vant la croix. A ses côtés sont trois clercs ; le premier
porte le bénitier, le second l'encensoir, et le dernier
trois cierges qu'il allume et met sur le pieu destiné k
les recevoir.
Placés sur ce bois privé de sève et de vie, trop fidèle
image de l'homme dans le tombeau, ces cierges allu-
més annoncent la résurrection. Leur nombre marque
la sainte Trinité, au nom et par la puissance de qui la
résurrection doit s'opérer.
La prière que le prêtre récite aussitôt nous révèle
l'esprit de ces belles cérémonies. La voici : « 0 Dieu
tout puissant et plein de miséricorde, vous qui êtes le
gardien des âmes, le cœur du salut et de l'espérance
des fidèles, écoutez avec faveur notre humble prière, et
daignez, par votre bénédiction toute céleste, purifier
ce lieu et le rendre saint, afin que les corps qui y re-
posent après le cours de cette vie, méritent, au grand
jour du jugement, la bienheureuse immortalité, et une
part de la félicité éternelle avec les âmes justes. Par
Jésus-Christ, etc. »
La prière finie, le clergé et les fidèles s'étant mis à
genoux devant la croix, supplient tous leurs frères du
ciel de joindre leurs supplications aux nôtres, [afin
104 CATÉCHISME
d'obtenir la grâce que nous sollicilons. On chante les
litanies des saints; lesquelles étant achevées, le célé-
brant fait processionnellement avec le clergé le tour du
cimetière, qu'il arrose d'eau bénite, en prononçant ces
paroles : Aspergez-moi, Seigneur, avec l'hysope, et je
serai pur, etc. Pendant cette cérémonie , le chœur
chante le psaume Miserere. C'est un long gémisse-
ment qui prend du lieu et de la circonstance quelque
chose de solennel et de lugubre, capable d'attendrir le
cœur de Dieu.
Le prêtre revient devant la croix : c'est là, en efifet,
qu'il convient de prier. Il adresse au Dieu de la vie et
de la mort l'oraison suivante : « O Dieu qui êtes le créa-
teur de l'univers, le Rédempteur du genre humain et
la providence de toutes les créatures visibles et invisi-
bles, nous vous demandons avec une voix suppliante
et un cœur dévoué, de daigner purifier, bénir et sanc-
tifier ce cimetière où, après cette vie, les corps de vos
fidèles doivent reposer. O vous, qui par votre infinie
miséricorde, avez pardonné tous leurs péchés à ceux
qui avaient mis en vous toute leur confiance, accordez
ayec bonté la consolation éternelle à leurs corps qui re-
posent ici, en attendant le son de la trompette de votre
archange. Par Jésus-Christ notre Seigneur, etc. »
Ces dernières paroles, par lesquelles le prêtre pro-
clame la résurrection future, sont aussitôt suivies d'une
cérémonie qui en est la vive image. Il ôte du pieu les
cierges allumés et les place sur les trois pointes de la
-croix. Celte action dit à l'homme ; «L'espérance de la
DE PERSÉVÉRANCE. 105
résurrection, qui descend avec toi dans la tombe, sera
réalisme par Jésus-Christ. Tu es son membre : il est ton
chef; il est ressuscité. Regarde; son corps déj;i brille
d'immortalité. ))0n ôte ensuite le pieu; mais la croix de-
meure debout. Elle est là pour dire à toutes les généra-
tions : «Vous ressusciterez ; votre Rédempteur est vivant;
il veille sur vous ; il arbore l'étendard de sa victoire, sur
le lieu même où la mort vous a vaincues.» Et le prêtre,
ne voyant plus dans la croix que le Dieu qu'elle repré-
sente, la salue avec respect, l'encense trois fois; après
quoi il se retire. 0 hommes ! ne craignez plus la mort
maintenant, vous ne serez pas longtemps sa proie :
voyez l'emblème de la résurrection et de l'immortalité
qui vous attend au lieu même de votre sépulture !
PRIÈRE.
0 mon Dieu, qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir pris tant de soin pour me sanctifier et pour sanc-
tifier toutes les créatures ; faites-moi la grâce de bien
comprendre les salutaires leçons que vous me donnez
par toutes vos bénédictions.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même, pour l'a-
mour de Dieu; et, en témoignage de cet amour, /aitrai
un grand respect pour moi-même.
106 CATÉCHISME
PETIT CA.TÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Q. Qu'est-ce que bénir?
R. Bénir une chose, c'est la purifier et la consacrer
à Dieu et auv cérémonies de la Religion, Pour expli-
quer l'usage des bénédictions dans l'Eglise, il faut sa-
voir que le démon a vicié toutes les créatures, qu'il
exerce sur elles sa maligne influence, par laquelle il ea
fait pour nous autant d'instruments de péché. C'est
pour chasser le démon, purifier les créatures et les ra-
mener à leur sainteté et à leur usage primitif que l'E-
glise les bénit.
Q. D'où vient à l'Eglise le pouvoir de bénir les créa-
tures ?
R. C'est Dieu qui a donné à l'Eglise le pouvoir de
bénir les créatures. Dans l'Ancien Testament, Moïse,
les prophètes et les prêtres avaient ce pouvoir, et ils en
faisaient un usage fréquent. Moïse bénit les eaux de
Mara qui étaient amères, et elles devinrent douces. On
bénissait la première gerbe des moissons et les pré-
mices des ft-uits nouveaux. Dans le Nouveau Testament,
Notre Seigneur a souvent béni les créatures ; il a béni
le pain et les poissons dont il nourrit le peuple dans le
désert; il a béni les petits enfants. Les apôtres ont fait
usage du même pouvoir, et les bénédictions ont souvent
opéré des miracles. Héritière des apôtres et de Jésus-
Christ, l'Eglise fait un usage fréquent des bénédictions.
DE PERSÉVÉRANCE. 107
Les formules dont elle se sert encore aujourd'hui re^
montent jusqu'aux premiers siècles. Ainsi, les créa-
tures sont viciées par le démon depuis le péché origi-
nel : il faut qu'elles soient sanctifiées ; Dieu peut les
sanctifier, et il en a donné le pouvoir à l'Eglise.
Q. Quels effet produisent les bénédictions de l'E-
glise ?
JR. Les effets produits par les bénédictions de l'Eglise
sont généraux ou particuliers. Les effets généraux sont :
1° de soustraire l'objet bénit à l'empire du démon; 2° de
le séparer des choses communes et profanes; 5° de lui
donner la vertu d'exciter en nous des sentiments de foi,
d'amour de Dieu et de religion. Les effets particuliers
répondent aux différentes intentions de l'Eglise, et sont
différents selon la chose qu'elle consacre et le but qu'elle
se propose. Les bénédictions produisent leurs effets par
leur propre vertu, et non par les dispositions de celui
qui bénit.
Q. Quels lieux bénit l'Eglise?
R. L'Eglise bénit non-seulement ses temples, mais
encore la demeure de l'homme. Elle bénit aussi les
cimetières, afin que tout ce qui touche l'homme soit
saint. Elle a voulu nous donner une grande idée de
nous-même, et nous apprendre à nous respecter, puis-
qu'elle veut que tout ce qui nous approche soit saint.
O-Pourquoi place-t-on les cimetières près des églises?
jR. On place les cimetières près des églises : 1° afin
de montrer que la Religion veille sur ses enfants dé-
funts avec une grande sollicitude ; 2*" afin de nous em-
108 CATÉCHISME
pécher d'oublier nos morts ; 3° afin de nous inspirer de
graves pensées lorsque nous venons à l'église ; 4" afin
de nous montrer l'union qui existe entre les trois églises
du ciel, de la terre et du purgatoire.
Q. A qui est réservée la bénédiction du cimetière?
R. La bénédiction du cimetière est réservée à l'é-
véque. Plus nous devenons misérables et peu de chose,
plus l'Eglise nous environne de respect, afin d'appren-
dre aux autres à nous respecter, et à nous-mêmes com-
bien nous sommes grands. Yoilà pourquoi la bénédic-
tion du cimetière est réservée à l'évêque. Dans cette
bénédiction, l'Eglise nous donne une vive image de la
résurrection, afin de nous consoler et de nous faire en-
visager la mort comme un sommeil.
PRIÈRE.
0 mon Dieu, qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir pris tant de soin pour me sanctifier et pour
sanctifier toutes les créatures ; faites-moi la grâce de
bien comprendre les salutaires leçons que vous me don-
nez par toutes vos bénédictions.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même, pour l'a-
mour de Dieu: "et, en témoignage de cet amour, j'au-
rai un grand respect pour moi-même.
DE PERSÉVÉRANCE. 109
VF LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Définition, division du temps. — Fêtes. — Leur objet sous les pa-
triarches, sous Moïse, sous l'Evangile. — Fêtes des martyrs et
des saints. — Supériorité des fêtes chrétiennes. — Leur beauté,
leurs harmonies, leurs avantages sociaux. — Sanctification des
fêtes.
Nous connaissons l'église et le cimetière, cette dou-
ble demeure où s'accomplissent tous les mystères de la
vie et de la mort. Que fait la Religion dans les temples?
quelles fêtes s'y célèbrent? voilà les questions aux-
quelles il faut maintenant répondre. Mais, pour être
comprise, la réponse à ces questions demande quelques
explications préliminaires. Le temps^ sa division, ce
nom même de fête, veulent être connus.
Et d'abord, qu'est-ce que le temps ? Si nous voulions
définir le temps en lui-môme, nous dirions avec un
poëte célèbre : Que le temps est Vimage mobile de
l'immobile éternité^; mais tel n'est point notre objet :
nous envisageons le temps dans ce qu'il est par rapport
à l'homme déchu, c'est-à-dire à l'homme tel qu'il est
aujourd'hui. Or, après le péché originel, Dieu pouvait
traiter l'homme comme il avait traité les anges : il
* J.-B. Rousseau.
110 CATÉCHISME
pouvait lui ôter le temps, et le précipiter avec la rapi-
dité de réclair dans l'éternité du malheur. Grâces lui
en soient rendues, il n'en usa pas de la sorte. 11 vou-
lut bien accorder à l'homme le temps, mais pourquoi ?
Pour faire pénitence. S'il ne la fait pas, il sera traité
comme les anges rebelles. Lorsque le temps sera fini,
il entendra de la bouche même du souverain Juge cette
irrévocable sentence : Retirez-vous de moi, maudits;
allez au feu éternel ^ qui a été préparé pour le Dém^n
et pour ses anges. D'après cela, qu'est-ce que le
temps aux yeux de la foi, c'est-à-dire de la vérité? Le
temps, c'est le délai accordé par la justice divine à la
race humaine pour faire pénitence. Oui, il en est ainsi :
le temps, la vie est une pénitence perpétuelle ; c'est
l'oracle infaillible qui le proclame, d'accord avec la
raison'.
Que d'erreurs dissipées, que de systèmes renver-
sés, que d'idées rectifiées, que de regrets peut-être,
que de remords excités dans plus d'une âme par cette
seule définition ! que de vieillards à cheveux blancs
apprennent ici qu'on peut mourir à cent ans sans avoir
vécu un jour ! Quand on réiléchit à celte définition, et
qu'on jette un regard sur la face du monde, qu'on voit
l'usage que les rois et les peuples, les savants et les
ignorants, les riches et les pauvres font du temps, il
• Visutn est autem sanctae synodo, prœcedenti doctrinœ de pœ-
nitentiam adjungere ea quœ sequuntur de sacraineuto cxtremse
unctionis : quod non modo pœnitentiae, sed et totius christianœ
vitœ quœ perpétua pœnitentia esse debet^ coosumuiativum exis-
tima, tum eat à patribus. Scss-, xiv, 'è\
DE PERSÉVÉRANCE. lll
y a (le quoi se cacher le visage dans ses mains, el s'as-
seoir, comme Jérémie, pour pleurer sur les ruines de
rinlelligence. Homme ! fils d'un coupable el coupable
toi-même, tu n'as qu'un jour pour laver la tache qui
souille ton âme, el ce jour, tu l'emploies à te souiller
davantage ; roi déchu, tu n'as qu'un jour pour recon-
quérir ton trône, el ce jour, tu l'emploies à poursuivre
des fantômes ; esclave du Démon, tu n'as qu'un jour
pour briser son joug, et ce jour, tu l'emploies à river
tes chaînes. El voici la nuil qui vient, la nuil noire, pro-
fonde, immobile de l'éternilé, où nul ne pourra plus
agir ! et tu n'y penses pas !
Pour rappeler sans cesse l'homme à lui-même, l'E-
glise a divisé le temps. Gomme tout ce qui vient de
l'Eglise calholique, celte division du temps porte un
grand cachet de sagesse et d'utilité. En effet , l'année
ecclésiastique se divise en trois parties: la première^ qui
comprend le temps de l'Avent jusqu'à Noël, nous retrace
les quatre mille ans de préparations, les soupirs et les
espérances du monde ancien, jusqu'au moment où les
cieux entr'ouverls laissèrent descendre le Juste, le Dé-
siré des nations. La seconde, qui s'étend depuis Noël
jusqu'à l'Ascension, renferme toute la vie mortelle du
Rédempteur. La troisième, enfin, qui commence à la
Pentecôte et finit à la Toussaint, rappelle la vie de
l'Eglise.
Ainsi celte division du temps, qui nous retrace toute
l'histoire du monde el toute l'histoire du Christianisme,
passée, présente et future, se termine par la fêle du
112 CATÉCHISME
ciel. En effet, tout conduit là: le ciel, voilà le dernier
mot de toutes choses. Celle division, qui a passé dans
les idées, dans le langage même, inspire à l'homme,
sans qu'il s'en aperçoive, de saintes pensées, lui donne
l'intelligence de lui-même et de sa vie, et exerce sur les
mœurs des peuples une influence beaucoupplus salutaire
qu'on ne pense. Si vous en doutez, les impies du der-
nier siècle, plus intelligents que vous, n'en doutaient
pas. Dans leur fureur d'abolir le Christianisme, voyez
quel empressement ils ont mis à supprimer cette divi-
sion de l'année, afin d'éteindre les souvenirs qui s'y
rattachent, pour lui substituer leur division et leur ca-
lendrier républicains. Le temps et la raison ont fait
une prompte justice de cette folle tentative : on n'efface
pas en un jour des idées de dix-huit siècles, surtout
lorsque ces idées rappellent des événements qui embras-
sent l'histoire tout entière du genre humain. L'homme
elle Christianisme sont tellement liés, que, pour abolir
le second, il faudrait anéantir, puis recréer le premier.
Parmi les événements qui composent notre histoire,
il en est de glorieux, il en est de tristes, il en est de
consolants ; de tous l'Eglise consacre la mémoire. Mais,
chose admirable ! dans les événements les plus tristes
que la Religion offre à notre méditation, il y a toujours
une place pour l'espérance, parlant, pour la joie. Voilà
pourquoi les jours où elle en célèbre l'anniversaire,
elle les appelle fêtes.
Le mot fête veut dire jour heureux, jour agréable^ et
^ Festus,festU'us. f^oy. Ducauge.
DE PERSÉVÉRANCE. Il3
aussi jour d'assemblée solennelle. Il y a eu chez tous les
peuples des jours de fêles ou d'assemblées, soit civiles,
soit religieuses. Comme elles étaient, ainsi qu'elles
le sont encore généralement aujourd'hui, suivies d'un
repas commun, de là est venu le mot de /èsftn, qui si-
gnifie régal, repas de fête et de cérémonie. Dans le
Christianisme même, les plus saints personnages ont
été d'avis que le jeûne et les mortifications ne doivent pas
savoir lieu les jours de fête ; qu'il convient, au contraire,
'de faire un festin, c'est-à-dire un repas plus somp-
lueiix qu'à l'ordinaire. Leur avis est confirmé par
l'exemple même des anachorètes de la Thébaïde.
Nous entendons ici par fêles les jours auxquels nous
nous assemblons pour louer Dieu; dans ce sens, les
fêtes sont aussi nécessaires que les assemblées de reli-
gion. Jamais un peuple n'a eu de culte public, sans que
les fêles n'en aient fait partie ; nous les trouvons éta-
hlies dès l'origine du monde.
Les Patriarches avaient leurs fêtes. Ils assemblent
leur famille, tantôt sur la hauteur, à l'ombre du cèdre
ou du palmier, tantôt devant la pierre du désert ' ; ils
se lavent, changent d'habits, se purifient, offrent des
sacrifices à l'occasion des bienfaits qu'ils ont reçus de
Dieu. Noé sauvé du déluge, Abraham comblé des bé-
nédictions et des promesses de Dieu, Isaac assuré de
la même protection, Jacob revenu de la Mésopotamie
et mis à couvert de la colère de son frère, fêtent ces
' Gen., XXXV. '
T. vil. 8
114 CATÉCHISME
heureux événements en élevant des autels et en offrant
des sacrifices.
Le Christianisme continuant, développant cette lon-
gue chaîne de traditions sacrées, a aussi ses fêtes; nous
en parlerons bientôt en détail.
L'objet principal des fêtes a varié suivant les temps :
sous les Patriarches, dans la religion primitive, le prin-
cipal objet des fêtes était d'inculquer aux hommes l'i-
dée d'un seul Dieu créateur et gouverneur du monde,
père et bienfaiteur de ses créatures ; dans la religion
juive, elles étaient destinées à réveiller le souvenir
d'un seul Dieu législateur, souverain maître et protec-
teur spécial de son peuple ; dans le Christianisme, elles
nous montrent un Dieu sauveur et sanctificateur des
hommes, duquel tous les desseins tendent à notre salut
éternel. Ainsi, rien ne sert mieux que les fêtes à nous
marquer l'objet direct du culte religieux sous les trois
époques successives de la révélation; on dirait de ma-
gnifiques flambeaux placés sur la route des siècles pour
montrer aux générations qui suivent le point précis où
en était le développement de la vérité dans les généra-
tions qui précèdent.
Un autre objet des fêtes est de fixer, en les rappe-
lant chaque année, les événements mémorables de la
Religion. Et quels événements que ceux qui étaient
rappelés aux Juifs par les fêtes de Pâques, de la Pen-
tecôte et des Tabernacles ! Quels événements ne rap-
pellent pas aux Chrétiens ces mêmes jours, et l'Ascen-
sion, et l'Assomption, et Noël, et tant d'autres ! Toute
DE PERSÉVÉRANCE. 115
rhisloire"du genre humain est comme tracée à grands
traits dans les fêtes religieuses. Les Juifs perpétuaient
aussi par des fêtes des événements moins importants :
la délivrance de Béthulie par Judith, la délivrance des
Juifs par Esther, furent l'objet de fêtes perpétuelles.
Il en a été de même dans le Christianisme : dès l'ori»
gine, on célébra la fête des martyrs. Selon la manière
de penser de nos pères dans la foi, la mort d'un martyr
était pour lui une victoire, pour ses frères un mo-
dèle, pour la religion un triomphe. Le sang de ce té-
moin cimentait l'édifice de l'Eglise : on solennisait le
jour de sa mort, on s'assemblait à son tombeau, on y
célébrait les saints mystères ; les fidèles ranimaient leur
foi et leur courage par son exemple. Dès le commence-
ment du second siècle, nous le voyons par les actes du
martyre de saint Ignace et de saint Polycarpe, et nous
ne pouvons pas douter que l'on n'ait fait la même chose
k Rome, immédiatement après le martyre de saint
Pierre et de saint Paul. En effet, le témoignage des
Apôtres et de leurs Disciples, scellé de leur sang, était
trop précieux pour ne pas le remettre continuellement
sous les yeux des fidèles. Les mêmes motifs qui ont fait
établir les fêtes des martyrs, ont donné naissance aux
fêtes des confesseurs, c'est-à-dire des saints qui, sans
avoir souffert la mort, ont édifié l'EgUse par l'hé-
roïsme de leurs vertus. Leur vie est un glorieux témoi-
gnage à la sainteté du Christianisme ; elle montre que
la morale ôvangélique n'est impraticable pour per-
116 CATÉCHISME
sonne. Quelle leçon plus utile à consacrer paf une fôte
perpétuelle !
Ce qui précède nous fait comprendre la supériorité
des fêtes chrétiennes sur les fêtes judaïques et patriar-
cales. Dans celles - ci on honorait de grands événe-
ments sans doute; mais tout grands qu'ils sont, ils
n'étaient que l'ombre d'événements plus grands en-
core. Que conclure de là ? sinon que nos dispositions
pour les célébrer doivent être bien plus parfaites que
celles des Juifs et des patriarches.
Que dirons-nous de la beauté de nos fêtes, c'est-à-
dire de leur harmonie avec les saisons où elles se cé-
lèbrent, avec les mystères qu'elles rappellent, et avec
les besoins de notre cœur? 11 est bien à plaindre celui qui
est insensible à l'admirable succession de nos solennités!
Otez nos fêtes, et voyez quelle monotonie règne dans
le cours de l'année ! comme tout devient ennuyeux,
insipide dans la succession des jours et des saisons !
Essayez d'intervertir l'ordre dans lequel on les célèbre,
et vous verrez quelle profonde sagesse en a déterminé
l'époque.
Pour en citer quelques exemples, placez la fête de
Pâques ou de la résurrection en automne, alors que
tout dans la nature présente l'image de la mort, et les
jours qui diminuent, et les arbres qui se dépouillent, et
les feuilles desséchées qui roulent emportées par l'a-
quilon comme la poussière des tombeaux, et l'hor izon
qui se charge de nuages et qui s'assombrit, que vous
en semble? n'y a-t-il pas là un contraste choquant, et
DE PERSÉVÉRANCE. 117
une difflcullé extrôme d'entrer dans l'esprit de la
solennité? De même encore, célébrez la Fête-Dieu au
mois de janvier, et dites-moi si vous sentirez naître
dans vos cœurs ces sentiments d'allégresse que doit
inspirer le triomphe de l'Homme-Dieu? Au contraire,
supposez qu'au lieu de se célébrer en hiver, la fête de
Noël se célèbre dans les beaux jours de l'été : ne sen-
tez-vous pas aussitôt s'affaiblir cette piété compatissante
pour le nouveau-né de Bethléem? Quelle difficulté
d'exciter dans notre cœur, au milieu des chaleurs brû-
lantes, ces sentiments si vifs pour ce petit enfant transi
de froid? Replacez Noël au 25 décembre, et vous
éprouvez comme malgré vous cette tendre pitié pour
l'enfant divin qui naît au milieu d'une longue nuit
d'hiver, dans une grotte humide, ouverte de toutes
parts au souffle glacé de l'aquilon. Ne vous en étonnez
pas : dans la première supposition, il y a désaccord entre
la fête et la saison; dans la seconde, l'harmonie existe,
l'ordre est rétabli, les obstacles disparaissent, et, sans
peine, le cœur éprouve tout ce qu'il doit éprouver *.
Descendez encore plus avant dans ces mystérieuses
harmonies, et vous verrez que, dans le cours d'une an-
née, il n'est pas un besoin de notre cœur que la succes-
sion de nos fêtes ne satisfasse. Ainsi est fait le cœur de
' Pour que cette observation soit juste, il n'est pas nécessaire
que la même harmonie règne dans tous les climats ; la figure de la
terre et le mouvement du soleil la rendent impossible. Certains
peuples ont l'été pendant que nous avons l'hiver; il suffit que
cette harmonie soit parfaite au centre de la catholicité : là se
trouve la perfection des rapports.
118 CATÉCHISME
l'homme : il ne peut pas, il ne veut pas éprouver tou-
jours le même sentiment ; la variété le fait vivre, la mo-
notonie le lue; on dirait un luth qui ne résonne bien
que lorsque toutes les cordes en sont habilement tou-
chées. Il nous faut en effet tour h tour le sentiment de
l'espérance, de la foi, de la sainte tristesse, de la joie,
de l'allégresse et de l'amour, quelques sourires et beau-
coup de larmes ; il nous faut surtout une grande variété
de motifs pour exciter en nous l'amour et la pratique
des différentes vertus. Or, étudiez bien l'enchaînement
des trois parties de l'année ecclésiastique, la succession
de nos fêtes, et dites s'il est dans la Religion une seule
vertu qui, dansune année, ne soit proposée à notre imi-
tation avec son motif propre? une seule fibre dans notre
cœur qui ne soit remuée ? Malheur ! malheur ! à ceux
qui ne distinguent les saisons que par les sensations du
chaud et du froid , et pour qui toutes nos harmonies
religieuses ne sont que comme si elles n'étaient pas !
cette insensibilité morale, cette paralysie spirituelle est
plus qu'un malheur, c'est une punition; la punition de
ceux qui, s'étantrendus semblables aux animaux par leurs
appétits, ont mérité de ne plus connaître la vie que par
des sensations grossières ^
Nos fêtes chrétiennes ont encore d'autres avan-
tages ; elles intéressent au plus haut degré le bien-
être matériel de l'homme et la paix de la société.
Tant il est vrai, de l'aveu même des impies, que la
' Homo cum in honore esset, non intellexit : comparatus est ju-
mentis insipientibus et similis factus est illis. Ps. 48.
DE PERSÉVÉRANCE. Ii9
Religion, qui ne semble avoir pour but que la fé-
licité de l'autre vie, est encore le meilleur moyen de
Dous rendre heureux dès celle-ci ! « Que doit-on pen-
ser, demande Jean-Jacques Rousseau, de ceux qui
veulent ôter au peuple ses fêtes, comme autant de dis-
tractions qui le détournent de son travail ? Cette maxime
est barbare et fausse. Tant pis si le peuple n'a de temps
que pour gagner son pain ; il lui en faut encore pour le
manger avec joie, sans quoi il ne le gagnera pas long-
temps. Ce Dieu juste et bienfaisant, qui veut qu'il s'oc-
cupe, veut aussi qu'il se délasse. La nature lui impose
également l'exercice et le repos, le plaisir et la peine.
Le dégoût du travail accable plus les malheureux que
le travail même. Voulez-vous rendre un peuple actif et
laborieux? donnez-lui des fêtes... Des jours ainsi per-
dus feront mieux valoir les autres. »
Mais quelles fêtes donnerez-vous au peuple pour le
rendre plus actif et plus laborieux? des fêtes civiles?
mais elles ne sont et ne peuvent être que pour les ha-
bitants des grandes cités : les dépenses qu'elles entraî-
nent, les préparatifs qu'elles demandent, les rendent
impossibles dans les campagnes. Si vous n'avez que des
fêtes civiles, vous condamnez à n'avoir jamais de fêtes
cettx à qui la continuité du travail et des privations les
tend le plus nécessaires. Des fêtes civiles? mais au-
jourd'hui, divisés comme nous sommes par des haines
politiques, les fêtes civiles blessent et humilient une
partie des populations : le triomphe des vainqueurs
exaspère les vaincus.
120 CATECHISME
Laisserez-vous aux peuples le soin de se procurer des
fêles? mais le peuple, et par peuple j'entends les ri-
ches aussi bien que les pauvres, ceux qui hab»"lent des
palais comme ceux qui dorment sous le chaume, le
peuple ira les demander à la débauche. Vous verrez les
uns passant tour à tour de la table au théâtre, se ruiner
en folles prodigalités ; vous verrez les autres s'ensevelir
dans les tavernes, s'y dégrader, s'y abrutir, et, dévoran!
en quelques heures la subsistance de leur famille pen-
dant une semaine entière, condamner leurs enfants et
leurs épouses à la faim et aux larmes. Ce mouvement
déréglé, une fois établi, fera chaque jour de nouveaux
progrès. Les salles de spectacle, les cafés, les écoles
du vice, les lieux de débauche de toute espèce se mul-
tiplieront; une fausse politique, un intérêt sordide et
un fonds d'irréligion, persuaderont que ces établisse-
ments pestilentiels sont devenus nécessaires. Les bons
citoyens, les artisans honnêtes s'en plaindront; ils ue
pourront plus retenir dans les ateliers les apprentis
ni les garçons : gémissements inutiles ! au peuple il
faut des fêtes.
Vous lui avez ôté les seules qui lui convenaient,
parce qu'elles seules pouvaient le rendre plus actif et
plus laborieux, par conséquent plus moral ; vous l'avez
tourné en dérision lorsqu'il y assistait ; vous l'en avez
dégoûté, il en a cherché d'autres ; et maintenant ce
peuple immoral, mécontent, inquiète votre sommeil
et trouble vos jouissances, en attendant qu'il vous
paie par le pillage et la violence vos leçons d'impiété :
DE PERSÉVÉRANCE. 121
tant pis pour vous. El quelles étaient donc ces fêtes,
les seules qui convenaient au peuple? ce sont les fê-
tes religieuses.
D'abord tous peuvent y prendre part; pas plus
que ceux des villes, les habitants des campagnes
n*en sont exclus; elles ne sont onéreuses ni au ri-
che, ni au pauvre; souvent ils se font une gloire et
un plaisir de contribuer volontairement à leur magni-
ficence. Ici nul n'est froissé; ce n'est ni le triomphe,
ni la défaite des autres qu'on célèbre; on ne connaît
point de partis dans nos temples ; les enfants n'ont plus
de haine quand ils sont ensemble dans le giron de
leur mère : s'il y a des larmes, ce sont des larmes de
joie ou de repentir. Les concerts profanes, les danses
voluptueuses des théâtres, les vociférations de la lubri-
cité, les emportements de la fureur, les rixes de la dé-
bauche, sont remplacés par de saints cantiques, de ma-
gnifiques et touchantes cérémonies. Les passions se tai-
sent, l'âme reprend sa vigueur ; l'homme, heureusement
délassé, y devient plus actif, plus dispos au travail,
parce qu'il y devient meilleur.
Oui, rendre l'homme meilleur, c'est-à-dire plus mo-
ral , tel est le grand avantage, l'avantage exclusif des fêtes
religieuses ; elles rassemblent les hommes aux pieds des
autels du Seigneur, cimentent entre eux la paix et la
fraternité, rappellent le souvenir des faits sur lesquels
la Religion est fondée, et qui sont autant de bienfaits de
Dieu. Par conséquent elles rendent les hommes recon-
naissanlsjenvers le Seigneur, humains cl charitables en-
lââ CATÉCHISME
vers leurs frères; elles leur proposent de grands modèles,
des saints de tout flge, de tout rang, de toute profession,
qui, ayant été ce que nous sommes, faibles et tentés,
nous disent du haut du ciel qu'il ne tient qu'à nous d'être
un jour ce qu'ils sont. Si vous dites que ces belles leçons,
données au milieu du spectacle, tour à four majestueux,
gracieux ou terrible de nos cérémonies, sont tout à fait
inutiles, il faut désespérer de l'humanité.
En instituant des fêles, l'Eglise a donc procuré le bien
de la société autant que celui des particuliers ; car,
dans un Etat policé, la Religion, les mœurs, les vertus
sociales ne sont pas moins nécessaires que la subsis-
tance, l'argent, le travail, le commerce; il faut des
hommes et non des brutes ou des automates. Or, con-
naissez-vous on meilleur moyen d'avoir des hommes et
des citoyens que la Religion ? et dans quelle circon-
stance la Religion a-t-elle plus d'empire que dans dos
solennités ?
Autrefois on se plaignit de la multitude des fêtes, et
voilà qu'on les a presque toutes supprimées, du moins
en France. Qu'y avons-nous gagné? l'ouvrier, le ta-
bourenr en a travaillé quelques jours de plus, mais en
est-il devenu plus heureux ? Hélas ! non ; il n'y a rien
gagné, même pour son travail; car il passe aujourd'hui
en débauche phis de jours qu'il n'en passait à l'église,
alors que toutes les fêtes existaient ; il y a même une
différence à son désavantage : nos jours de fête ne lui
coûtaient rien, tandis que les jours de libertinage ïui
coûtent son argent et aa santé.
DE PERSÉVÉRANCE. iSÔ
L'Eglise avait donc été bien sage, bien maternelle en
multipliant ses solennités. Non, jamais elle ne fit de
son pouvoir un usage plus utile ; heureux du moins si
nous savons profiter des fôtes qu'on a bien voulu nous
laisser! Pour cela il faut les sanctifier, et pour les sanc-
tifier entrer dans l'esprit de la solennité; mais, qu'est-
ce donc que l'esprit d'une solennité? c'est l'intention
que l'Eglise s'est proposée en l'instituant; il faut bien la
connaître afin de la remplir, et de pénétrer notre âme
des dispositions analogues. Tantôt c'est une vertu qui
nous est commandée ; tantôt c'est un sentiment qu'il
faut ranimer : toujours il y a une chose à croire et une à
imiter. Laissons-nous aller aux impressions de la grâce,
et le Saint-Esprit nous dira tout ce que nous devons
faire pour célébrer nos fêtes de manière à ce qu'elles
deviennent le gage de la fête éternelle dont elles sont
une faible image. Une neuvaine préparatoire est un
des meilleurs moyens que nous puissions employer pour
nous disposer, comme la réception fervente du Sauveur
est le moyen de profiter des grâces que Dieu répand
ces jours-là avec plus d'abondance. Puisse-t-il en être
ainsi pour tous ceux qui liront ces lignes * !
' Sur les matières traitées dans cette quatrième partie du Ca-
téchisme, Toyez les ouvrages suivants que nous avons consultés :
Saint Justin, ses deux Jpologies ; TertulWen, l' apologétique, les
Prescriptions, de la Couronne du soldat ; Clément d'Alexandrie,
les Stromates et le Pédagogue ; saint Augustin, la Cité de Dieu,
de la Genèse à la lettre, et les livres contre Fauste ; Innocent I, sa
Lettre à Decentius ; les Constitutions apostoliques ; Isidore de
Séville, des Offices ecclésiastiques ; Durand, évêqué de Mende, Ra-
tionale dii'inorum officiorum ; on disait de cet ouvrage : Cœteri
124 CATÉCHISME
PRIÈllE.
O mon Dieu î qui êtes toul amour, je vous remercie
d'avoir établi des fôtes pour me rappeler vos btenfails
et me porter plus efficacement k la vertu.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je me pré-
parerai aux fêtes par une neuvaine.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Q. Qu'est-ce que le temps?
R. Depuis le péché originel le temps est le délai ac-
cordé par la justice divine k l'homme coupable pour
faire pénitence. C'est pour cela que le concile de Trente
dit que la vie chrétienne doit être une pénitence conli-
libri utiles, iste nacessarius ; Duranti, premier président du par-
lement de Toulouse, son excellent ouvrage de Ritibus Ecclesiœ ca-
tholicce;le cardinal Bona, Renim liturgicanum, libriduo; Roldetti,
chanoine de Sainte-Marie, in Trnnste\'ere : Osseri'azioni sopra i ci-
miteri de' santi martiri ed antichi cristiani de Roma ; in-foL; le
P. Mamachi, Dominicain, Dei Costumi dei primitU'i Cristiani; An-
tichità cristiane ; Le Brun, Cérémonies de la messe. Liturgies
de toutes les églises ; Thomassin, Traité des fêles ; Baillet, Fêtes
mobiles; Berg\er, Dictionnaire de théologie; Jauffret, du Culte
public; M, Raoul Rochelle, Tableau des Catacombes ; M. Thirat,
Esprit des cérémonies de l'Eglise ; Rituel romain, et plusieurs
autres, etc., etc.
DE PERSÉVÉRANCE. 125
nuelle. Ceux qui ne profileront pas bien du temps en-
tendront de la bouche du souverain Juge cette sentence :
Retirez-vous de moi, maudits; allez au feu éternel qui
a été préparé pour le Démon et pour ses anges. On
n'en profite pas bien quand on remploie à offenser
Dieu.
Q. Comment se divise le temps de l'année ?
R. Le temps de l'année est divisé pour l'Eglise en
trois parties : la première comprend l'Avent, et nous
rappelle les quatre mille ans pendant lesquels le Messie
fut attendu; la seconde s'étend depuis Noël à l'Ascen-
sion, et comprend toute la vie mortelle de Notre-Sei-
gneur; la troisième commence à la Pentecôte et finit à
la Toussaint; elle renferme la vie de l'Eglise. L'année
ecclésiastique se termine par la fête de la Toussaint ou
du Ciel, parce que le Ciel est le but de tous les travaux
de Notre-Seigneur, de tous les enseignements de l'E-
glise et de toute notre vie.
Q. Qu'est-ce que les fêtes?
R. Le mot fête veut dire réjouissance, assemblée de
religion. Il y a eu des fêtes depuis le commencement
du monde ; il y en avait sous les Patriarches, sous la loi
de Moïse, comme dans le Christianisme.
Q. Quel est le premier objet des fêtes ?
jR. Le premier objet des fêtes est de nous rappeler
les principaux événements de la Religion, tels que la
naissance, les miracles, la mort, la résurrection, l'as-
cension de Notre-Seigneur, la descente du Saint-ESpritj
Q. Quel est le second ?
126 GATéCHISMB
R. C'est de fixer tous ces événements et d'exciter en
nous la reconnaissance pour les bienfaits de Dieu. Les
fêtes des saints ont pour but de nous remettre devant
les yeux leurs vertus et la récompense dont ils
jouissent.
Q. Quels sont les avantages des fêtes?
R. Les avantages des fêtes sont d'abord de nous por-
ter à la reconnaissance envers Dieu et à l'imitation des
Saints ; ensuite d'exciter dans notre cœur les diffé-
rentes vertus que nous sommes obligés de pratiquer
plus particulièrement dans chaque saison de l'année. Les
fêtes servent aussi à nous délasser de nos travaux, et
à les rendre utiles en nous apprenant à les sanctifier.
Q. Comment faut-il sanctifier les fêtes?
R. Pourisanctifier les fêles, il faut bien entrer dans
leur esprit, c'est-à-dire bien comprendre l'intention que
l'Eglise s'est proposée en les instituant, et tâcher d'ex-
citer dans notre cœur les sentiments que la fête doit
nous inspirer. Un bon moyen de sanctifier les fêtes, c'est
de s'y préparer par une neuvaine, et de recevoir avec
ferveur les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie.
PRIÈRE.
O mon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi des fêtes pour me rappeler vos bienfaits
et me porter plus efficacement à la vertu.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
DE PERSÉVÉRANCE. 137
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
(le Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je me pré-
parerai aux fêtes par une neuvaine.
Qi®@jC)
128 CATÉCHtSME
VIP LEÇON.
LK CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Dimanche. — Son histoire. — Son objet. — Dimanche chez les pre-
miers Chrétiens. — Prière en commun, Office. — Origine de l'Of-
fice divin. —Différentes heures de l'Office. — Leur harmonie
avec Dieu, l'homme et le raonde.
La première de toutes les fêtes chrétiennes, c'est le
dimanche. En voici l'histoire. Dieu ayant créé le
monde en six jours, se reposa le septième. Il le sanc-
lifla et commanda aux hommes de le sanctifier aussi.
« Souvenez-vous , leur dit-il, de sanctifier le jour du
sabbat. Vous ne ferez ce jour-là aucun travail, ni
vous, ni vos enfants, ni vos serviteurs, ni vos servantes,
ni votre bétail, ni l'étranger qui se trouve parmi vous,
afin qu'ils se reposent aussi bien que vous. Souvenez-
vous que vous avez servi vous-même en Egypte, et
que Dieu vous en a tirés par sa puissance ; c'est
pour cela qu'il vous ordonne le jour du reposa »
Ainsi le repos du sabbat au septième jour fut ordonné
aux Juifs non-seulement par motif de religion, mais
encore par principe d'humanité. Ce double motif sub-
siste dans l'institution du dimanche. Le repos de Tâme
"€t du corps, le bien de l'homme tout entier, tel est
« Dealer., V, 14.
DE PERSÉVÉRANCE. 129
l'objet de l'inslitulion duj'owr du Seigneur qui peut à
juste titre être appelé aussi le jour de l'homme. L'im-
piété s'est montrée cruellement absurde quand, sup-
primant le dimanche, elle a voulu calculer les forces
des ouvriers comme celles des bêtes de somme ; quel-
que robuste qu'il soit, l'homme a besoin de repos ; tous
les peuples l'ont senti, et tous ont établi des jours pour
satisfaire à cette nécessité. Le septième est le plus
convenable. « On sait maintenant par expérience que
le cinq est un jour trop près, et le dix un jour trop
loin pour le repos. La terreur qui pouvait tout en France,
n'a jamais pu forcer le paysan à remplir la décade,
parce qu'il y a impuissance dans les forces humaines,
et même, comme on l'a remarqué, dans la force des
animaux. Le bœuf ne peut labourer neuf jours de
suite ; au bout du sixième ses mugissements semblent
demander les heures marquées par le Créateur pour le
repos général de la nature. Les paysans disaient : Nos
bœufs connaissent le dimanche, et ne veulent pas tra-
vailler ce jour-là ». »
Nous avons dit que le repos du septième jour rap-
pelait l'existence du Dieu créateur du monde. Or,
après l'extinction du Paganisme et de l'idolâtrie, il
n'a plus été nécessaire de continuer à célébrer le
sabbat ou le repos du septième jour en mémoire de la
création ; la croyance d'un seul Dieu créateur ne pou-
vait plus se perdre ; mais il a été très-important de con-
sacrer par un monument éternel le souvenir du grand
' Génie da C/tr.,4part.
T. vu. 9
130 CATÉCniSME
miracle qui sert de fondement au Christianisme, la ré-
surrection de Jésus-Christ.
L'établissement du dimanche rend ce fait incon-
testable et toujours vivant aux yeux de toutes les
générations. En effet, ce sont les témoins mêmes de
l'événement qui ont établi la fête qui en consacre le
souvenir et l'époque ; qui la font célébrer sur le lieu
même où il est arrivé par des milliers d'hommes qui
ont pu vériGer par eux-mêmes la vérité ou la fausseté
du fait, et en prendre toutes les informations possibles.
A moins que tous n'aient été saisis de la plus inconce-
vable démence, auraient-ils pu se résoudre à rendre,
par une cérémonie publique, répétée tous les huit
jours, témoignage d'un fait imaginaire ou dont ils n'au-
raient pas été bien convaincus? Ajoutez que pour assis-
ter à cette cérémonie et pour la pratiquer, il a fallu
pendant trois cents ans s'exposer aux tourments et à
la mort.
Le dimanche est donc une preuve toujours vivante
de la résurrection deNotre-Seigneur*. Voici de quelle
manière les premiers Chrétiens célébraient ce grand
jour. Transportons-nous par la pensée à dix-huit siècles,
entrons dans une de ces Catacombes illuminées par
une foule de petites lampes suspendues à la voûte, ou
attachées aux parois : autour de ces tombeaux de mar-
tyrs, qu'allons-nous voir ? qu'allons -nous entendre?
Saint Justin va nous expliquer toutes les cérémonies du
dimanche primitif.
• Voj. dans la seconde partie de cet ouvrage ce que nous disons
du dimanche, leçon XXVIII.
DE PERSItlVÉRANCE. 131
« Le jour du soleil, c'est ainsi que les Païens nom-
maient le dimanche ^ tous ceux qui demeurent à la
ville ou à la campagne s'assemblent en même lieu. On
commence par lire les écrits des Apôtres ou des Pro-
phètes, autant que le temps le permet. La lecture finie,
celui qui préside fait un discours h l'assemblée pour
l'instruire et pour l'exhorter h mettre en pratique les
sublimes maximes de vertu et de religion qu'elle vient
d'entendre. Ensuite nous nous levons ^ tous pour faire
notre prière en commun. Nous prions pournous-mêmes,
et pour ceux qui sont alors baptisés, et pour tous les
hommes de quelque nation qu'ils soient, afin qu'ils ar-
rivent à la connaissance de la vérité, qu'ils mènent
une vie sainte, pleine de bonnes œuvres, qu'ils obser-
vent les commandements du Seigneur et parviennent
enfin à la gloire éternelle. Les prières finies, nous nous
saluons par le baiser de paix.
» Ensuite on présente à celui qui préside du pain et
une coupe de vin et d'eau. Les ayant pris, il rend gloire
au Père par le nom du Fils et du Saint-Esprit, et lui
fait une longue action de grâces pour ces mêmes dons
dont il nous a gratifiés. Les prières et l'action de grâces
terminées, tout le peuple assistant dit à haute voix
' On lit dans l'Epître catholique de saint Barnabe : « Nous passons
dans la joie le jour du dimanche auquel Jésus est ressuscité des
morts» : Diem dominicain in lœtitia agimus, in quo Jésus resur-
re.xit a mortuis. x, 15- — Tertuliien : « Nous défendons de jeûner le
jour du dimanche : Die dominico jejunium nef as ducimus. De Co-
ron., 3; et dansr^/jo/o^e7.,n. 16.
* Les premiers chrétiens priaient debout le dimanche en mé-
moire et en signe de la résurrection.
132 CATÉCHISME
amen, mot hébreu qui veut dire : ainsi soit-il. Alors ceux
que nous appelons diacres distribuent à chacun des as-
sistants le pain, le vin et l'eau consacrés par l'action de
grâces, et en portent aux absents.
Nous appelons celte nourriture Eucharistie ; et il
n'est permis à personne d'y participer, s'il ne croit la
vérité de notre doctrine, s'il n'a été lavé par la rémis-
sion des péchés et la nouvelle vie, et s'il ne vit con-
formément aux préceptes de Jésus-Christ, Car nous ne
les prenons pas comme un pain commun et comme
un breuvage ordinaire, mais comme la chair et le
sang de noire Sauveur. Car nous avons appris que par
l'efficace de la prière eucharistique, qui contient la
parole même du Sauveur, ce pain et ce vin devien-
nent la chair et le sang de ce même Jésus qui a été
fait chair pour notre salut. En effet, les Apôtres nous
ont appris dans les mémoires qu'ils nous ont laissés
et" qu'on nomme Evangiles, que Jésus-Christ leur
avait ordonné d'en user ainsi, lorsqu'ayant pris le
pain et ayant rendu grâces, il dit : Faites ceci en mé-
moire de moi : ceci est mon corps ; et qu'ayaut pris pa-
reillement la coupe et rendu grâces, il dit : Ceci est
mon sang.
» Ensuite nous nous rappelons ces choses en mémoire
les uns des autres. Ceux qui ont du bien soulagent
tous les pauvres ; et nous sommes toujours de cœur
les uns avec les antres. En toutes ces offrandes, nous
bénissons le Créateur de toutes choses, par son Fils Jé-
sus-Christ et par le Saint-Esprit. Les aumônes, que cha-
DE PERSÉVÉRANCE. 133
cun fait avec la plus grande liberté, sont remises entre
les mains de celui qui préside et qui est chargé d'assis-
ter les veuves, les orphelins, les étrangers, les ma-
lades, tous ceux en un mot qui sont dans les larmes pour
quelque cause que ce soit ^
» Nous avons coutume de nous assembler le jour du
soleil, parce que c'est le jour auquel Dieu commença
de créer le monde ; que c'est ce môme jour que Jésus-
Christ notre Sauveur est ressuscité, qu'il est apparu à
ses Apôtres, et leur a enseigné ce que nous venons de
mettre sous vos yeux ^. »
Est-ce l'histoire du dimanche au second siècle du
Christianisme que nous venons d'entendre, ou bien l'his-
toire du dimanche telle que nous la voyons encore au
dix-neuvième siècle? Est-ce le tableau d'une Catacombe
ou d'un temple catholique que nous venons de voir ?
C'est l'un et l'autre. Voyez-vous, Chrétiens, comment
l'Eglise votre mère imprime le cachet de l'immortalité
à tout ce qu'elle touche? Ce que faisaient vos pères, ne
• Quatre-vingts ans après saint Justin, Tertullien disait encore:
«Des vieillards recommandables président; chacun de nous ap-
porte chaque mois son modique tribut, lorsqu'il le veut et comme
il le veut, en raison de ses moyens : car personne n'y est obligé,
tout est volontaire. C'est là comme un dépôt de piété qui ne se
consomme point en repas ni en stériles dissipations : il s'emploie
à la nourriture des indigents, aux frais de leur sépulture, à l'en-
tretien des pauvres orphelins, des domestiques épuisés par l'âge,
des naufragés. Qu'il y ait des chrétiens condamnés aux mines, re-
légués loin de leur patrie, ou détenus dans les prisons uniquement
pour la cause de Dieu , on pourvoit k leur subsistance. » (Apolo-
gét., XXXIX.)
*Apol., voy. MamacLi, t. i, 287.
134 CATÉCHISME
le faites- vous pas encore aujourd'hui de m^me? Tous
les souvenirs du dimanche primitif ne sont-ils pas con-
servés parmi nous? A nos grand'messes, ne retrouve-I-
on pas ces prières en commun, ces lectures des livres
saints de V Ancien et du Nouveau Testament, ces in-
structions pour nous exhorter à la vertu, ce pain dis-
tribué aux fidèles, ces dons faits aux pauvres et aux
captifs ? Si de superbes esprits dédaignent une grand'-
messe, c'est qu'ils ne savent pas tout ce qu'elle rappelle
de vieilles mœurs et de saintes coutumes. Chose ad-
mirable ! il n'y a pas dans toute la chrétienté un vil-
lage, un petit hameau, qui ne puisse offrir tous les huit
jours, aux savants et aux érudits, des réminiscences de
l'antiquité, des souvenirs des Césars, du Cirque, des
Catacombes et des martyrs '.
Les jîrîères en commun de nos pères dans la foi nous
donnent lieu de parler ici de Voffice divin, c'est-à-dire
de la véritable prière en commim du christianisme.
Quoique les fidèles ne récitent plus l'office, cepen-
dant ils y assistent au moins tous les dimanches. Ils
en récitent même une partie, Vêpres, par exemple, et
quelquefois Compiles. Leur foi, leur piété, leur respect
pour toutes les prières et les usages de l'Eglise, ne
peuvent que gagner beaucoup à en connaître le sens et
la raison.
L'origine de l'office divin, et les difl'érentes heures
dont il se compose, voilà ce que nous allons succes-
' Tableau poétiq des fêtes chr., par le Ticointe Walsh.
DE PERSÉVÉRANCE. 135
sivement expliquer. Cette partie du culte catholique
est aussi intéressante qu'elle est peu connue.
Origine de Vof/îce divin. Tous les hommes ont prié,
et prié en commun. Les premiers Chrétiens surtout ai-
maient à se réunir pour offrir à Dieu le sacrifice de leurs
lèvres. A leurs oreilles retentissaient encore ces paroles
du divin maître : Là où deux ou trois sont assemblés
en mon nom, je suis au milieu d'eux. Persécutés, pour-
suivis comme des brebis innocentes par des loups
cruels, ils cherchaient la force et la constance qui leur
étaient si nécessaires, en mettant leurs cœurs, leurs
vœux et leurs prières en commun avec leurs frères,
comme ils partageaient avec eux leur fortune et leurs
périls.
La nuit comme le jour, des heures étaient réglées
pour la prière. L'auteur des Constitutions apostoliques
ordonne aux fidèles de prier le matin, à la troisième
heure, à la sixième, à la neuvième, le soir et à minuit *.
Saint Jérôme écrivant à une grande dame sur l'éduca-
tion de sa fille, lui dit : « Mettez auprès d'elle une
vierge d'un âge mûr, modèle de foi et de pudeur, qui
lui apprenne et l'habitue par son exemple à se lever la
nuit pour prier et chanter les psaumes ; le matin, les
hymnes sacrées ; à tierce, à secte, à none, à continuer le
combat, comme une héroïne de Jésus-Christ, et vers le
coucher du soleil^ à allumer son flambeau, comme une
' Precationes fiant mane, tertia hora, sexta, nona, et vespere,
atque ad Galli canticum. Lib. 8, c. 34. Durantus, lib. 3, c. 1 1 , p. 733.
136 CATÉCUISME
vierge sage, et offrir le sacrifice du soir\ » Le même
Saint nous assure, dans ses Lettres, que le moissonneur
chrétien accompagnait ses travaux du chant des psau-
mes, et que le vigneron taillant sa vigne répétait les
cantiques de David -.
Les moines d'Egypte et de la Thébaïde, les soli-
taires de l'Orient, de la Palestine et de la Mésopo-
tamie, dans chaque monastère, se réunissaient plu-
sieurs fois le jour pour réciter des psaumes et chanter
des hymnes à la gloire du Seigneur. Saint Augustin,
s'adressant à son peuple, lui dit : « Mes chers frères,
je vous en prie, levez-vous de meilleure heure pour
assister aux veilles; venez avant tout à l'office de
tierce, sexte et none ; que personne ne s'exempte de
cette œuvre sainte, à moins qu'il n'en soit empêché par
quelque infirmité, par quelque service qu'il rende au
public, ou par une grande nécessité '^ »
La réunion de toutes ces prières se nomme ['office
divin, parce que c'est un devoir qu'on rend à Dieu
pour l'adorer, pour le remercier et lui demander ses
grâces.
On voit, par ce qui précède, que l'office, tel à peu
près qu'il existe aujourd'hui, remonte à la plus haute
antiquité. Héritière des traditions anciennes, l'Eglise l'a
établi pour perpétuer ces cantiques sacrés dont reten-
' Ad Lsetatu, epist. 7, de fristit. filiœ.
^ Ad Marcel!.
'" Serni. 1, Feriœ quartœ, b&^de Tempore. Voy. aussi saint ^A-
s\le,IIomil. in martyr. JuUttam.
DE PERSÉVÉRANCE. 137
tirent et le temple de Jérusalem, et les échos du Sinaï,
et les rivages de la mer Rouge : elle a voulu aussi
faciliter aux Chrétiens l'exercice de la prière.
Différentes heures de l'office. Ici encore une tradition
de trois raille ans. David disait au Seigneur : Je chante
vos louanges sept fois le jour ; que l'office divin
se divise en sept parties, qu'on nomme heures, parce
qu'elles se récitent à sept heures différentes de la nuit
et du jour. Voici le nom de ces différentes heures :
Matines, prime, tierce, sexte, none, vêpres et compiles.
<]ette division est de la plus haute antiquité '. Les
laudes , qu'on compte quelquefois pour une huitième
heure, font partie des matines ou de l'office de la nuit.
C'est donc sur la vénérable autorité d'une tradition
de trois mille ans qu'est établie la division de l'office en
sept heures, adoptée par l'Eglise. Mais cette tradition
elle-même, sur quoi repose-t-elle ? Sur les admirables
harmonies du nombre sept avec Dieu, l'homme et le
monde.
1» Le nombre sept est celui des dons du Saint-Esprit.
«L'antique serpent, ditlà-dessus saint Jérôme, chassé du
cœur humain, revient avec sept démons plus méchants
que lui ; impossible à nous de lui résister, si nous ne
sommes fortifiés par les sept dons du Saint-Esprit. C'est
pour les obtenir que nous prions sept fois'le jour ^ »
• Isidor., lib. i,de Eccles. offic; Raban Maur., lib. 2, de Instit.
cleric. Basile, lib. 1, de Instit. moiuich. Hieron, in Exposit.
psal. 118. Cassian., lib. 3, de Instit. cœnobit, c. 4.
' Hier., in Job, cap. 38.
138 CATÉCHISME
2° Le nombre sept est celui des sept péchés capilau C'est
pour les éviter, ou pour nous relever si nous les avons
commis, que nous prions sept fois le jour. 3" Tous les
besoins spirituels et temporels du genre humain sont
au nombre de sept, renfermés dans les sept demandes
du Pater. C'est pour obtenir l'objet de chacune de ses
demandes que nous prions sept fois le jour. 4° Le nom-
bre sept est celui des jours de la création et du repos de
Dieu. C'est pour nous rappeler cette grande semaine
qui vil sortir le monde du néant, et nous exciter à re-
mercier Dieu de chaque partie de la création, afin
qu'usant bien des créatures, nous parvenions au saint
repos de l'éternité, que nous prions sept fois le jour. Les
raisons de cette division septénaire de la prière exis-
taient déjà il y a trois mille ans. Voilà le fondement de
cette vénérable tradition, et la preuve de la profonde
sagesse de l'Eglise catholique.
Rêveries que tout cela, diront peut-être les hommes
légers, inaccoutumés à réfléchir. Rêveries tant qu'il
vous plaira : nous aimons mieux rêver avec saint Jé-
rôme, saint Basile, saint Augustin, Varron, que de rai-
sonner avec vous *.
Pour se faire une idée de l'excellence de l'office di-
vin, il suffit de savoir de quoi il se compose. C'est un
• Voyez encore, sur les autres harmonies du nombre sept, saint
Basile, Homit. 2, in Hexaœm.; Grég. Naz.,Orrt^,94, in sanct. Pen-
tecost.; et Aug., de Cii'it. Dei, lib. 11, c 37 ; de Gen. lit. 1 contr.
Manich., lib. 1 ; Varro, lib. 1, Eorum qui inscribuntur hebdo-
mades, etc., etc.
DE PERSÉVÉRANCE. 139
abrégé ' de tout ce qu'il y a de plus beau dans le plus
beau de (ous les livres, l'Ancien et le Nouveau Testa-
ment ; de tout ce que l'histoire des saints nous offre de
plus touchant et de plus sublime; de toutes les prières
sorties du cœur embrasé des plus beaux génies, et en
même temps des plus grands saints que le monde ait
connus; de tous les cantiques sacrés que la foi a inspirés
à la piété chrétienne. Que dirai-je encore? Il renferme
tout entiers ces chants inimitables, ces poésies immor-
telles du royal Prophète, où le cœur, l'esprit, l'imagi-
nation trouvent comme un océan de beautés sans égales,
de pensées sublimes, de sentiments divins. Fut-il jamais
un plus beau Bréviaire de choses plus belles? Fut-il
jamais une prière plus puissante?
Un monarque veut combler de faveurs son épouse
chérie; mais il veut que cette épouse les lui demande.
Et voilà que lui-même lui dresse la supplique, lui indi-
que tous les termes dont elle doit se servir, puis la lui
remet entre les mains, en lui faisant serment sur son
cœ ur de lui accorder tout ce qu'il lui a promis, aussitôt
qu' elle se présentera sa supplique à la main, sur les
lèvres et dans le cœur. Voilà Dieu, voilà l'Eglise, voilà
le Bréviaire.
Oh! quelle puissance ne doivent pas avoir sur le
cœur de Dieu ces trois ou quatre cent mille prêtres ca-
•^holiques, qui chaque jour se présentent sept fois de-
vant le trône de l'Epoux de l'Eglise pour lui demander,
comme il le veut, les faveurs que lui-même a promi-
* C'est pourquoi il se nomme bréviaire.
140 CATÉCHISME
ses et dont a besoin cette épouse chérie ! Et quand on
pense qu'à chaque heure du jour et de la nuit il y a des
milliers de prêtres occupés à cette sublime fonction j
que l'Orient prie quand l'Occident se repose, en sorte
que la voix de la prière n'est jamais interrompue : ne
vous semble-t-il pas être dans la Jérusalem céleste, où
les bienheureux répètent sans fin le cantique de l'éter-
nité : Saint, saint, saint, le Seigneur Dieu des armées ?
Quels fleuves de bénédictions ne doit pas faire couler
sur la terre cette puissante supplication! Monde in-
grat! monde coupable ! monde aveugle! c'est à elle que
tu dois ta conservation et ton salut.
Que dirai-je encore? Tous les siècles, tous les pays,
toutes les langues, chantent avec nous quand nous
chantons lés psaumes de David. Tandis que nous en
faisons retentir les voûtes de nos églises, ces immortels
cantiques se répètent à Rome, à Jérusalem, à Pékin, à
Mexico, à Pétersbourg, au Caire, à Constantinople, à
Paris et à Londres. Le temple de Salomon, les plaines
de Babylone et de Memphis, les bords du Jourdain, les
déserts de la Thébaïde, les Catacombes de Rome, les
basiliques de Nicée, de Corinthe et d'Antioche les ont
entendus. Par combien de bouches plus pures que la
mienne ils ont passé ! Tobie sur son lit de douleurs, Judith
dans le camp d'Holopherne,Esther à la cour d'Assuérus,
Judas Machabée à la tête des guerriers d'Israël, les ont
répétés. Antoine les murmurait au désert, Ghrysostôme
à Antioche, Athanase à Alexandrie, Augustin à Hip-
pone, Grégoire à Nazianze, Bernard à Clairvaux, Xa-
DE PERSÉVÉRANCE. I4i
vier au Japon. Et après tant de siècles, après avoir
exprimé tant de sentiments divers, ces immortels canti-
ques sont aussi nouveaux qu'au jour où, pour la première
fois, David les essaya sur sa harpe. Et cela ne dit rien
à votre cœur? et cela n'agrandit pas vos idées? et cela
ne vous fait pas comprendre toute la magie de ce nom
incommunicable de l'Eglise votre mère.... catholique ?
La première heure de l'office s'appelle matines,
veilles, nocturnes ou heures du matin, parce qu'au-
trefois on les récitait la nuit, comme nous le faisons
encore h Noël, et parce que dans les chapitres on les
dit aujourd'hui de bon malin. Le dimanche, les ma-
tines sont divisées en trois nocturnes ou parties com-
posées de trois psaumes, de trois antiennes, de trois
leçons, précédées d'une bénédiction et suivies d'un
répons. Les premières leçons sont tirées de l'Ecriture
sainte, les secondes des ouvrages^ des Pères ou des lé-
gendes des saints de qui on célèbre les fêtes, et les troi-
sièmes commentent l'Evangile du jour, dont on cite
quelques versets.
Et d'abord, les matines du dimanche se divisent en
trois nocturnes. Le mot nocturne veut dire office de la
nuit. Les anciens divisaient la nuit en quatre parties, de
chacune trois heures : la première, depuis six heures
jusqu'à neuf; la seconde, depuis neuf heures jusqu'à
minuit ; la troisième, depuis minuit jusqu'à trois heures,
et la quatrième, depuis trois heures à six heures du ma-
tin. Chaque partie s'appelait veille ou faction : on disait
la première veille, la seconde veille, etc. Cette dénomi-
i42 CATÉCHISME
nation est prise de la lanf,'ue militaire. Les soldats veil-
laient ou faisaient faction chacun pendant trois heures *.
Comme les armées des Césars, l'armée de Jésus-
Chrisl, l'Eglise, toujours en campagne, ordonne aux ec-
clésiastiques de veiller tour à tour à la garde du camp,
surtout pendant la nuit, car c'est le temps mauvais, di-
sent les Pères, le temps où vient le tentateur, le temps
du péché ".
Aussi dans les premiers siècles, les nocturnes se ré-
citaient séparément : le premier pendant la première
veille, le second pendant la deuxième, le troisième pen-
dant la troisième, et laudes pendant la quatrième. Les
fidèles y assistaient; mais après chaque nocturne, ils
étaient libres d'aller prendre du repos jusqu'au noc-
turne suivant. Les personnes les plus délicates n'y man-
quaient pas. Saint Jérôme, écrivant à la fille des Paul
Emile et des Scipion, lui dit de se conformer à l'usage
et de se lever la nuit deux ou trois fois pour chanter les
hymnes et les psaumes^.
Dans la suite des temps, l'Eglise, ayant égard à
la faiblesse humaine, permit de réciter les trois
nocturnes avec les laudes dans une même veille de
la nuit; mais ses intentions n'ont point changé. Elle
veut, par chaque heure de l'office, honorer les principaux
mystères de la passion du Sauveur ; nous donner à cha-
que instant du jour et de la nuit les plus utiles leçons.
' Végélius, lib. 3, de Re militari, c 8.
* Hilar., in Psal. 118. Ambros., lib. 7, in Lucain.
' Noctibus, bis, terque surgendum. Ad Eustoch., epist. 22.
DE PERSÉVÉRANCE. 143
et nous procurer les grâces appropriées h chacun de nos
besoins. Nous développerons toutes ces choses à mesure
que nous expliquerons chaque heure en particulier. Et
maintenant on peut demander pourquoi les matines, qui
sont la première partie de l'office, commencent le soir.
C'est que le jour ecclésiastique commence le soir ; usage
vénérable qui nous rappelle l'antiquité, car chez les Juifs
aussi le jour commençait le soir. Héritière de la Syna-
gogue, l'Eglise catholique a continué cet usage, d'ail-
leurs plein de mystères.
Les matines se récitent durant la nuit : 1° parce
que c'est durant la nuit que furent mis 5 mort, par
l'Ange exterminateur, les premiers nés des Egyp-
tiens : événement à jamais mémorable qui amena la
délivrance de la nation d'Israël, antique figure de l'E-
glise ; 2° parce que c'est durant la nuit que naquit le
Libérateur du monde ; 3° qu'il accomplit une partie des
mystères de sa douloureuse Passion. En mémoire de ces
grands événements, les plus grands qui aient marqué
dans les'annales du monde, en actions de grâces de ces
bienfaits, et aussi en expiation des crimes des Juifs et
de tant d'autres qui se commettent pendant la nuit, l'E-
glise a voulu que les prêtres et les religieux, tous les
anges de la prière, fussent en adoration et payassent la
délie de l'univers. N'est-ce pas là, que vous en semble,
une assez belle idée ?
Aussitôt que la cloche avait retenti dans les airs,
qu'il était beau de voir ces prêtres, ces religieux, ces
vieillards à cheveux blancs accourir à l'église ! on eût
144 CATÉCHISME
dit une armée qui court aux armes au premier son de
la Irompetle. «Arrivés à l'église, dit un de ces anciens
soldais de Jésus-Clirisl, nous nous prosternons devant
l'autel, nous saluons noire général, nous lui protestons
de notre obéissance, tout en reconnaissant que nous ne
pouvons vaincre sans lui'. »
L'office commence, mais de quelle manière? comme
doit commencer toute œuvre surnaturelle, par l'aveu
de notre impuissance. Le prêtre faille signe de la croix
sur ses lèvres en disant : Seigneur, ouvrez mes lèvres,
afin que ma bouche puisse chanter vos louanges. Mais,
tandis que le prêtre demande à Dieu la grâce et la per-
mission de chanter ses louanges, le Démon redouble
d'efforts pour rendre sa prière inutile ; c'est pourquoi,
après la permission obtenue, le prêtre ajoute aussitôt,
en s'armant du signe tout-puissant de la croix : O Dieu !
venez à mon secours ; et tout le chœur, pénétré aussi
de sa propre faiblesse, répond à haute voix : Seigneur,
hâtez-vous de me secourir. Sur-le-champ le prêtre dit:
Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit, et le chœur
répond : Comme il était au commencement, comme il
est maintenant, et comme il sera au siècle des siècles :
c'est-à-dire gloire éternelle au Dieu de l'éternité. Pour-
quoi cette hymne de gloire et de reconnaissance aussitôt
après le cri de détresse? En voici la raison ; le Seigneur
a dit : Vous n'avez pas fini de m'invoquer que me voilà'^.
Pleine de confiance en la promesse de son divin époux,
' Durandus, lib. 5.
» Ad liuc te loquente ecce adsum-
DR PERSIÎV^.RANCE. 145
l'Eglise, comprenant qu'elle est exaucée, se liAte de
rendre gloire à la sainte Trinité. Le Gloria Patri fut
composé par saint Jérôme qui l'envoya au pape Da-
mase. A la prière du saint anachorète de Bethléem, le
souverain pontife établit que celte doxologie se chan-
terait à la tin des psaumes *.
Depuis Pâques jusqu'à la Septuagésime, le Gloria
Patri est suivi de V Alléluia. Ce mot hébreu veut dire
joie, allégresse. L'Eglise le place entête de ses offices,
afin de nous exciter à la joie en servant Dieu, suivant
cette recommandation du Prophète : Servez le Seigneur
dans la joie. Et quand un enfant sera-t-il lieureux,
sinon quand il chante les louanges de son père ?
Après l'alleluia vient Vinvitatoire ou Vinvitation. Le
prêtre ne se contente pas de louer Dieu tout seul ; pro-
phète de la loi nouvelle, ambassadeur du Très-Haut, il
invile tous ses frères à le louer avec lui. L'invitatoire est
une phrase qui contient en peu de mots la raison parti-
culière que nous avons de louer Dieu dans la fête qu'on
célèbre. Cette prière est suivie de ces paroles : Venez.,
adorons, que le chœur répète jusqu'à six ou sept fois ;
car, après avoir donné à ses frères le motif*particulier
qu'ils ont de louer Dieu dans la fête du jour, l'officiant
leur en donne les raisons générales et immuables con-
tenues dans le psaume Venite exultemus ; il dit :
«Venez, louons le Seigneur; il est notre salut. »
Le chœur : «Venez, adorons. »
' Quelques auteurs donnent au Gloria une origine plus an-
cienne : ils l'attribuent au concile de Nicée.
T, VII. 10
146 CATECHISME
L'officiant : « Il est le Dieu des dieux, le matlre de
l'univers, et, malgré sa grandeur, il ne dédaigne point
les prières de ses enfants. »
Le chœur ; «Venez, adorons.»
L'officiant : « La mer lui appartient, la terre est
l'ouvrage de ses mains ; il nous a faits nous-mêmes, et
nous n'avons pas craint de l'offenser. Tombons à ses
genoux, répandons devant lui des larmes d'amour et de
repentir ; nous sommes son peuple et la brebis chérie
qui mange dans sa main. »
Le chœur : «Venez, adorons. »
L'officiant : «Il nous y invite, ne soyons pas sourds à
sa voix, dans la crainte qu'il ne nous arrive comme aux
Israélites du désert. »
Le chœur : «Venez, adorons. »
L'officiant : « Ils furent pendant quarante ans dans
la solitude et condamnés à ne point voir la Terre pro-
mise.»
Le chœur : « Ve^ez, adorons. »
Prenez tous les poètes anciens et modernes, cher-
chez, cherchez encore, et dites si vous trouverez quel-
que chose d'aussi beau, d'aussi sublime, d'aussi tou-
chant que ce magnifique dialogue ! Ce poélique entre-
tien, si propre à former dans le cœur l'esprit de la prière,
se termine par un élan d'amour pour la sainte Trinité;
Gloria Patri.
DE PERSÉVÉRANCE. 147
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir institué le saint jour du dimanche; c'est bien plus
pour moi que pour vous que ce jour doit être consacré à
la prière ; faites-moi la grâce de bien le sanctifier.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je m'appli-
querai à bien comprendre les cérémonies de V Église.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Dimanche.— Office.
Q. Quelle est la première fête de l'Eglise?
R. La première fête de l'Eglise est le dimanche. Chez
tourtes les nations, il est un jour consacré au service
de Dieu. Chez les Juifs, c'était le sabbat ou septième
jour de la semaine, en mémoire du repos du Seigneur
après la création du monde. Les Apôtres ont consacré le
dimanche au culte de Dieu, en mémoire de la résurrec-
tion de Notre-Seigneur. Le dimanche est donc un mo-
nument perpétuel de ce grand miracle.
Q. Comment les premiers Chrétiens célébraient-ils
le dimanche?
148 CATÉCHISMB
R. Les premiers Chrétiens célébraient le dimanche
avec beaucoup de ferveur; ils se rendaient à l'assemblée
des fidèles, priaient en commun, écoutaient la lecture
de l'Ecriture et les exhortations des évêques ou des
prêtres, s'approchaient tous de la sainte table, et enfin
soulageaient les pauvres par des aumônes, chacun sui-
vant ses moyens. Tout ce qui se faisait alors nous le fai-
sons encore à nos grand'messes. L'Eglise rend immor-
tel tout ce qu'elle consacre.
Q. Quelles étaient ces prières que les premiers Chré-
tiens faisaient en commun?
R. Les prières que les premiers Chrétiens faisaient
en commun, c'étaient le chant des psaumes, des hym-
nes, la lecture de livres saints et d'autres encore : c'est
de là q\ï esivenviV office divin. L'office divin est la réu-
nion des diverses prières établies par l'Eglise, et que les
prêtres récitent tous les jours. On l'appelle office divin
parce que c'est un devoir que nous rendons à Dieu pour
l'honorer, le remercier et lui demander ses grâces.
Q. Comment se divise l'office divin?
R. L'office divin se divise en sept heures ou parties :
matines, prime, tierce, sexte,none, vêpres et complies.
On appelle ces parties les heures de l'office, à cause
qu'elles se récitaient à différentes heures du jour et
de la nuit , pour honorer les différents mystères de la
Passion de Notre-Seigneur, remercier Dieu de ses prin-
cipaux bienfaits, et nous rappeler les plus grands év é-
nements de la Religion.
Q. A quelle heure se récitaient les matines ?
I)E PERSÉVÉRANCE. 149
R. Les matines se récitaient pendant la nuit. Les ma-
tines se composent de trois nocturnes et d'une quatrième
partie appelée Laudes. Le premier nocturne se récitait
vers les neuf heures du soir, le second à minuit, le troi-
sième à trois heures, et les laudes immédiatement avant
l'aurore.
Q. Comment se récitaient-elles?
JR. Les matines se récitaient et se récitent encore de
la manière suivante : le prêtre fait le signe de la croix
sur ses lèvres en disant: « Seigneur, ouvrez mes lèvres, »
et tout le chœur répond : « Et ma bouche publiera vos
louanges. > Tous ensemble invoquent ensuite le se-
cours de Dieu pour le louer dignement, en disant:
« 0 Dieu ! venez à mon aide ; Seigneur, hâtez-vous de
me secourir. » Pleins de confiance qu'ils sont exaucés,
ils rendent gloire à Dieu d'avoir écouté leurs prières et
disent le Gloria Patri; vient ensuîieV alléluia, qui veut
dire joie, allégresse : c'est le sentiment qui doit animer
des enfants quand ils chantent les louanges de leur père.
Le prêtre invite tous ses frères à louer le Seigneur, en
leur adressant une parole qu'on appelle invitatoire ou
invitation : c'est le motif particulier qu'on a de louer
Dieu dans la fête qu'on célèbre ; puis il leur donne les
raisons immuables qu'ils ont de le bénir en tout temps:
elles sont contenues dans le psaume Venite. Le prêtre
le récite, il dit : «Venez, louons le Seigneur parce qu'il
est notre salut. Et le chœur dit : Venez, adorons. — Il
est le Dieu des dieux, le roi des rois. — Venez, ado-
rons.— Il est le maître de l'univers, nous sommes ses
130 CATÉCHISME
enfants, ses brebis chéries. — Ve*»ez, adorons. — Il
nous écoulera favorablement, craignons nous-mêmes
de ne pas écouter sa voix. — Venez, adorons. » C'est
ainsi que l'Eglise forme en nous l'esprit de la prière.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir institué le saint jour du dimanche ; c'est bien
plus pour moi que pour vous que ce jour doit être con-
sacré à la prière; faites-moi la grâce de bien le sanc-
tifier.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet arâom y je m'appli-
querai à bien comprendre les cérémonies de l'Église.
DE PERSÉVÉRANCE. 151
VHP LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Matines ( suite ). — Hymne. — Antienne.— Psaumes. — Versets. —
Bénédictions. — Leçons. — Répons. — Différence des matines de
neuf et de trois leçons. — Te Deum. — Verset sacerdotal. —
Laudes. — Capitule. — Hymne. — Verset. — Cantique.
Après le Gloria Patrie cet élan d'amour, ce cri de
joie poussé vers la sainte Trinité ; après la répétition de
rinvitaloire, chant de joie ou de tristesse selon le mys-
tère qu'on célèbre, vient l'hymne ; l'hymne destinée à
louer Dieu, à élever en haut les pensées et les affections,
à former dans les cœurs les vertus que nous honorons
sur la terre, et à fortifier les sentiments que la fête
du jour doit inspirer : aussi tous les cœurs et toutes
les voix se réunissent pour chanter l'hymne.
Trois choses, dit saint Augustin, constituent nos hym-
nes : 1° la louange ; 2° lalouange de Dieu; 3° le chant *.
L'usage des hymnes remonte jusqu'au berceau du
Christianisme. Nos pères dans la foi chantaient des
hymnes dans leurs cénacles et dans les Catacombes ; ils
suivaient en cela le conseil de saint Paul lui-même '.
Saint Chrysostôme le premier établit qu'on chan-
' Aug., ad psal. 72. Grég. Naz., Carm., 15.
* jid Col.^ m, et ad Ephts; V. Eusèb., Uist,, lib. 2.
152 CATÉCHISME
terait des hymnes pendant l'ofiice de la nuit : voici
à quelle occasion. Pendant la nuit, les Ariens couraient
les rues de Constanlinople, chantant des hymnes oii
respiraient leurs doctrines impies. En sortant de l'office,
les Chrétiens rencontraient ces hérétiques et se trou-
vaient exposés à les entendre. Pour prolonger l'office
jusqu'à ce que les Ariens fussent rentrés <ians leurs mai-
sons, et aussi pour fortifier la foi des fidèles par des
hymnes orthodoxes, le saint patriarche ajouta les
hymnes à matines et à laudes * .
A matines, l'hymne précède les psaumes ; elle les
suit à laudes, à vêpres et à compiles. Elle les pré-
cède à matines, parce que le matin appartient aux
justes qui ont la joie d'une bonne conscience, tandis
que le soir est aux pénitents dont la conscience éprouve
raiguillon du remords. La joie conduit les premiers
au travail, figuré par les psaumes, comme nous le
dirons plus tard; c'est par le travail que les seconds
doivent parvenir à la joie. Les hymnes se chantent
dehout, pour montrer, par l'attitude du corps, que
nos cœurs doivent être élevés vers Dieu pendant que
notre bouche annonce ses louanges. Ainsi, tout dans le
culte extérieur nous rappelle la nécessité du culte inté-
rieur; tout semble nous redire cette parole du divin maî-
tre : Le Père veut des adorateurs en esprit et en vérité.
L'hymne finie, l'officiant entonne l'antienne. Qu'est-
ce qu'une antienne? L'antienne est un chant alter-
natif, un chant exécuté par deux chœurs qui se répon-
* Socrat., lib. 6.
DE PERSÉVÉRANCE. 153
dent. L'antienne signifie l'amour de Dieu, et le psaume
le travail des bonnes œuvres. L'officiant entonne le pre-
mier mot de l'antienne, afin d'animer le psaume, c'est-
à-dire le travail par l'esprit de charité, sans lequel le tra-
vail ne sert de rien. Le psaume chanté, tout le chœur re-
prend l'antienne, afin de mêler constamment la charité
à la foi, dont les œuvres ne sont efficaces que par la
charité. Ainsi ces deux grandes vertus du Christia-
nisme sont ici comme deux sœurs occupées du même
ouvrage qui se donnent la main et s'aident mutuel-
lement. Le prêtre seul, qui entonne l'antienne, vous
rappelle Jésus-Christ, de qui seul est venue la charité;
tout le chœur, qui la chante à la fin du psaume, vous
marque l'effusion de la charité de Jésus-Christ dans
tous ses membres.
Le chant des antiennes remonte à la plus haute an-
tiquité et vient d'une origine infiniment respectable.
Saint Ignace, martyr, la gloire de l'Orient et le héros
du second siècle, ayant entendu les esprits bienheureux
chanter en chœur des antiennes dans la Jérusalem cé-
leste, fit connaître sa révélation ; et l'usage s'établit
de chanter des antiennes dans la Jérusalem terrestre '.
Après l'antienne vient le chant des psaumes ; c'est
le pape Gélase qui a établi cette coutume. Ces divins
cantiques rappellent les souffrances, l«s travaux et les
combats d'un roi persécuté ; sa joie et le bonheur qu'il
éprouve de la protection du ciel ; et ils expriment avec
enthousiasme les sentiments de la plus vive reconnais-
' Durandus, lib. à.
Iâ4 CATÉCHISME
sance. Chants prophétiques, ils expriment les peines,
le travail et les combats, le triomphe et la gloire du vé-
ritable David, de l'Eglise son épouse, et de l'âme fidèle,
sa fille chérie, sa vivante image. Ainsi, quatre voix dans
les psaumes : voix de David, voix de Jésus-Christ, voix
de l'Eglise, voix du Chrétien.
Il est donc évideni que les psaumes représentent le
travail de la vie, le labeur des bonnes œuvres. Le mot
psaume veut dire chant qui s'exécute sur le psaltérion.
Le psaltérion était un instrument de musique : Je chan-
terai vos louanges. Seigneur, disait le saint roi, sur mon
psaltérion à dix cordes. Paroles mystérieuses qui indi-
quent que nous devons louer Dieu en accomplissant ses
dix commandements. Celui-là seul loue dignement le
Seigneur, qui observe sa loi.
Le pape Damase régla que les psaumes se chante-
raient à deux chœurs : admirable institution ! Ne vous
semble-t-il pas voir les Saints s'exciter alternativement
au travail, à la pratique des œuvres saintes, en se commu-
niquant et leurs joies et leurs espérances, et leurs larmes
et leurs soupirs, et leur reconnaissance et leur amour;
se renvoyant sans cesse les paroles enflammées qu'ils
adressent au Dieu protecteur du faible, appui de l'or-
phelin, père du pauvre, consolateur de l'affligé et ré-
munérateur du juste? Ne vous semble-t-il pas encore
voir l'accomplissement de ce précepte du grand Apôtre :
Soulagez-vous mutuellement, en portant le fardeau les
uns des autres. Ne vous semble-t-il pas voir ces Chéru-
bins^ qu'aperçut Isaïe, qui, placés devant le trône de
DE PERSE VÉR ANGE. 165
Dieu, la face voilée de leurs ailes, se crient l'un à Tau-
Ire : Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées;
la terre est remplie de V éclat de sa gloire ' ?
Comme les antiennes, les psaumes se chantent de-
bout, pour exprimer l'ardeur au travail, le zèle du bien.
Vous voyez encore les chanoines simplement appuyés
sur leurs stalles, pendant qu'on les chante à toutes les
heures de l'office, excepté à compiles. Nous dirons
bientôt la cause de cette exception.
Chaque psaume est suivi du Gloria Patri : 1° pour
rendre gloire à Dieu du bien qu'il vient d'opérer ; 2° pour
rappeler à l'homme l'auguste Trinité, de qui tout vient
et à qui tout doit retourner; 3° pour lui redire que la foi
enla sainte Trinité est le fondement de la vie chrétienne;
4° pour témoigner qu'en toutes circonstances, dans la
joie comme dans la tristesse, dans le travail comme dans
le repos, nous voulons bénir et louer le Seigneur.
Après chaque nocturne viennent trois leçons ;
les leçons elles-mêmes sont précédées de versets et de
bénédictions qu'il faut d'abord expliquer. Le verset est
une courte maxime, un mot vif, un avertissement donné
pour réveiller l'attention. Il peut se faire, en effet, que
durant la récitation ou le chant des psaumes qui dure
quelquefois longtemps, nous nous laissions aller à la dis-
traction et à la langueur. Le verset se chante donc par
une seule voix, afin de réveiller plus sûrement par
cette variété tous les assistants et de les tenir attentifs
à ce qui va suivre. Qu'en pensez-vous "? connaissait-elle
• l8., V, 2-5.
156 CATÉCHISME
bien la faiblesse humaine, l'Eglise qui a établi ce bel
ordre? Auriez-vous (rouvéun meilleur moyen pour sou-
tenir l'attention de l'esprit et la dévotion du cœur?
Au verset chanté par une voix enfantine, succède le
Pater, entonné par la voix grave de l'officiant. On dit
le Pater, parce que la leçon va suivre. En effet, l'homme
qui a besoin de sagesse et d'intelligence pour compren-
dre et pour goûter les vérités saintes, ne doit-il pas les
demander à celui qui les donne avec abondance et sans
reproche? On dit le Pater à voix basse, pour exciter
le recueillement et marquer que nous parlons seul à
seul avec Dieu, et enfin qu'il entend, sans le secours
de la parole, la prière de notre cœur. Arrivé à ces
mots : Et ne 7ios inducas : Et ne nous laissez pas suc-
comber à la tentation, le prêtre élève la voix, afin d'ap-
prendre à tous pourquoi on récite le Pater. C'est afin
que ni le lecteur ni l'auditeur ne succombent aux tenta-
tions nouvelles de l'ennemi durant la lecture. Tentation
de vanité pour l'un, et de négligence pour l'autre.
Le Pater est suivi d'une courte prière qu'on appelle
Bénédiction. Elle a pour but d'obtenir ce qu'on vient de
demander par l'Oraison dominicale ; dans cette nou-
velle prière, on s'adresse tour à tour à chacune des
trois personnes de l'auguste Trinité.
Il ne s'agit plus maintenant que de savoir qui sera
digne de lire la parole de Dieu. Un des assistants se
lève, et, se tournant vers l'officiant, représentant de
Jésus-Christ, il lui dit à haute \oh:Juhe. Domine, be-
nedicere : Ordonnez, Seigneur, de bénir, c'est-à-dire
DE PERSÉVÉRANCE, 157
ordonnez qu'on annonce voire parole de bénédiction.
Dans ce petit détail voyez une grande leçon. On nous
apprend que, dans l'Eglise, nul ne doit exercer le mi-
nistère, à moins qu'il n'y soit appelé par l'autorité lé-
gitiine. A cette demande de bénédiction qui se réitère
avant chaque leçon, l'officiant répond par des prières
propres à intéresser toute la Jérusalem céleste au
succès de la lecture sainte; tantôt il demande que le
Seigneur daigne ouvrir notre cœur à sa loi, de peur
que la parole sainte que nous allons entendre ne soit
comme une semence que les oiseaux du ciel enlèvent,
ou que les ronces étouffent, ou que les passants fou-
lent aux pieds; tantôt il demande que nous soyons
admis au bonheur des saints dont nous allons lire les
vertus. Le prêtre nous souhaite toutes ces choses au
nom de Dieu; il montre par là que ce n'est point à
lui, homme pécheur, qu'il appartient de bénir, mais à
celui qui seul est bon, c'est-à-dire parfait et auteur de
tout bien.
Les esprits attentifs, la bénédiction obtenue, les grâces
d'intelligence et de sagesse sollicitées, les leçons com-
mencent. Elles se composent soit de l'Ancien, soit du
Nouveau Testament, soit des commentaires des Pères et
des docteurs, soit de la vie du saint dont on fait la fête.
L'Ecriture, c'est la loi; les écrits des Pères, l'explica-
tion; la vie du saint, l'application. Quelle instruction
plus complète !
Pour les mieux écouter on s'assied et on garde un
profond silence. En effet, est-il au monde une parole
158 Catéchisme
qui mérite mieux celte attitude de recueillement et de
respect?
Les leçons se terminent par ces paroles : Tu autem,
Domine, miserere nostri : Pour vous, Seigneur, ayez
pitié de nous. Touchant aveu de notre misère ! « Oui,
mon Dieu, dit le lecteur, pardonnez-nous les fautes qui
ont pu accompagner celte lecture; à moi, les senti-
ments de vanité ou la négligence dont je me suis rendu
coupable; à mes frères, les distractions et le peu de
ferveur avec lesquelles ils ont peut-être écoulé vos di-
vins oracles. »
Tous les assistants répondent : Deo grattas : Grâces
au Seigneur. Ces paroles se rapportent à la leçon. En
voici le sens :« Si c'est un devoirpour l'homme de remer-
cier Dieu de la nourriture corporelle que chaque jour
il lui envoie, combien n'est pas plus sacrée l'obligation
de lui rendre grâces de la manne de sa parole dont
il nourrit notre âme; enfants de Dieu, nous rendons
grâces à notre Père céleste de la nourriture spirituelle
qu'il vient de nous donner. »
Nous voilà instruits, et même reconnaissants, de la
doctrine que nous venons de recevoir. Or, quel moyen
de témoigner notre reconnaissance, sinon de mettre en
pratique la parole sainte, el d'imiter les beaux exemples
qu'on vient de nous mettre sous les yeux? C'est à quoi
tous les assistants s'obligent par les répons qui se ré-
citent aussitôt après la leçon, et alternativement par
les deux chœurs. Les répons de la troisième leçon se
terminent par le Gloria Patri, afin de nous rappeler
DE PERSÉVÉRANCE. 159
que toutes nos prières et toutes nos œuvres doivent se
rapporter à la fin dernière de toutes choses, à la sainte
Trinité.
Ainsi se récite ou se chante le premier nocturne,
c'est-à-dire la première partie des matines. Dans les
premiers siècles de l'Eglise il se récitait vers les neuf
heures du soir, au moment où les hommes ont coutume
d'aller prendre leur repos. Dans plusieurs églises il se
récitait sans invilatoire, parce que les ministres sacrés le
récitaient seuls sans que le peuple fût convoqué. Ce pre-
mier nocturne s'appelait proprement veille ou vigile, en
mémoire des bergers qui veillaient sur leurs troupeaux
dans les environs de Bethléem, lorsque le Sauveur du
monde naquit. Que de mystères cette heure sacrée nous
rappelle! 1** la veille des bergers; 2° les tendres adieux
du Sauveur aux Apôtres ; 3° son agonie au jardin de
Gethsémani. Si nous avons la foi, quelles effusions de
cœur, quelles ferventes prières se mêleront, pendant ce
premier nocturne, aux gages d'amour et au sang de la
grande victime !
Dans les églises où le peuple n'assistait point au
commencement de l'office, le second nocturne com-
mençait par Vinvitatoire, parce que tous les fidèles,
hommes et femmes, y étaient convoqués. Ici encore
une belle tradition, une touchante harmonie : anges de
la terre, les ecclésiastiques invitaient à l'adoration du
Sauveur les fidèles confiés à leur vigilance, comme les
Anges y avaient invité les bergers de Bethléem. Le
second nocturne se chantait à minuit. Que de mystères
160 CATÉCHISME
encore cette heure sacrée nous rappelle! 1° la nais-
sance du Sauveur; 2° l'appel des anges et l'adoration
des bergers ; 3° les souffrances du Sauveur devant les
tribunaux d'Anne et de Caïphe.
Le troisième nocturne se récitait vers les trois heures
du matin : 1" afin d'honorer le Sauveur dans les igno-
minies de celle nuit horrible qu'il passa à la merci des
valets et des soldats; 2° pour demander pardon de la
sentence de mort prononcée contre lui vers cette heure
par Caïphe ; 3" pour expier le reniement de saint Pierre.
Le dimanche, et dans certaines fêtes, il y a trois noc-
turnes à matines ; dans d'autres temps il n'y en a qu'un :
d'où vient cette différence? Elle vient de la solennité
plus ou moins grande de la fête. Dans ses grands jours
l'Eglise déroule toutes ses magnitiques traditions ; elle
nous fait admirer toutes ses belles harmonies ; elle
remet sous les yeux de ses enfants l'histoire de soixante
siècles, l'histoire du monde, dont elle est héritière.
<i Voici, disent nos pères, la raison de cette mysté-
rieuse distribution de nos matines solennelles ' : les trois
nocturnes rappellent les trois grandes époques de l'hu-
mané : l'époque patriarcale, l'époque mosaïque et
l'époque chrétienne; chacune de ces trois époques se
divise en trois périodes; de là, dans chaque nocturne,
trois psaumes, trois antiennes, trois leçons : on dirait un
poème divisé en neuf chants. L'époque patriarcale a
sa première période depuis Adam jusqu'à Noé; la
seconde, depuis Noé à Abraham ; la troisième, d'A-
• Durandus, lib. 5.
DE PSRSÉVKRÂrfCE. 161
braham à Moïse. L'époque mosaïque nous offre aussi
ses Irois époques : la première, de Moïse à David ; la
seconde, de David à la captivité de Babylone ; la troi-
sième, depuis la captivité de Babylone au Messie. Enfln,
l'époque chrétienne se divise également en trois pé-
riodes : la première, qui comprend la fondation de
l'Eglise par Notre-Seigneur, et son établissement par
les Apôtres : c'est la période des martyrs ; la seconde,
qui comprend le temps des grandes hérésies et des
grandes lumières de l'Orient et de l'Occident : c'est la
période des Pères de l'Eglise ; la troisième, qui com-
prend le temps de paix qui suivit l'extinction des
grandes hérésies : c'est la période de l'Eglise ré-
gnante. »
Le nombre trois, tant de fois répété, est une hymne
éloquente aux trois adorables personnes de la Trinité,
comme les neuf psaumes sont un souvenir des neuf
chœurs des Anges et de toutes les harmonies de la
Jérusalem céleste, aux cantiques de laquelle sa divine
sœur, la Jérusalem terrestre, invite tous ses enfants à
mêler leur voix; en sorte que, dans nos jours solen-
nels, de la voix du ciel et de la voix de la terre il ne
se forme qu'une grande voix disant : Saint, saint, saint
est le Dieu des armées; les deux et la terre sont remplis
de l'éclat de sa majesté. Quelle source de pensées
saintes et touchantes pour les fidèles instruits et pieux!
quelle source d'inspirations sublimes pour le poêle
chrétien !
Le troisième noclurne le termina par le Te Deum.
t. vu. 11
162 CATÉCHISME
Hymne, prière, poCme d'pique, le Te Deum est tout ce
qu'on veut, tout ce qu'il y a de plus beau dans aucune
langue. Honneur immortel à vous, Ambroiseel Augustin,
sublimes génies, saints illustres qui avez su rendre les
pensées de votre esprit et les affections de votre cœur,
comme les Séraphins rendraient les leurs , si les Séraphins
parlaient la langue des mortels. Le TeDeum est si beau,
que les Protestants, si froids, si glacés dans leur culte, si
ennemis de l'Église romaine, l'ont soigneusement con-
servé.
Mais pourquoi se dit-il à la fin du troisième nocturne?
Acette queslion,voici la réponse. Tous les enfants de Dieu,
prêtres et fidèles, viennent de louer le Seigneur, de s'ex-
citer mutuellement à lacharité, à la ferveur; ils viennent
d'entendre la lecture de la loi qui dilate le cœur, l'histoire
de leurs frères déjà glorifiés dans le sein du Père com-
mun, ils ont vu des palmes et des couronnes, une récom-
pense immortelle pour un travail de courte durée ; com-
ment voulez-vous que tous ensemble, pleins de ces pen-
sées, ils n'éclatent pas en actions de grâces? Ne vous
étonnez plus qu'ils chantent le Te Deum. Le son des
cloches, qui autrefois se mêlait à leur voix, était une nou-
velle expression de l'allégresse et de l'ardeur univer-
selle, une solennelle convocation qu'ils faisaient à tous
leurs frères et à toutes les créatures de louer avec eux un
Père si magnifique et si bon.
Le Te Deum est suivi d'un verset appelé sacerdotal; ce
verset se dit également dans les matines où l'on ne récite
pas le Te Deum. Par ce verset le prêtre exhorte les fi-
DE PERSÉVÉRANCE. 163
dèles à persévérer dans la louange du Seigneur. Que doit
être en effet la vie de l'homme , sinon une hymne à Dieu ?
hymne de paroles, de sentiment et d'action, commencée
au berceau pour ne jamais finir.
Les trois nocturnes forment les trois premières parties
des matines; les laudes forment la quatrième. Celte di-
vision a été établie, comme nous l'avons déjà indiqué,
pour sanctifier les quatre veilles de la nuit. Les laudes se
récitaient anciennement, et devraient, régulièrement
parlant, se réciter encore au point du jour. En voici les
raisons : 1° c'est au point du jour que Notre-Seigneur
sortit victorieux du tombeau ; 2° c'est au point du jour
qu'il marcha sur les ondes, et y fit marcher saint Pierre.
Le mot /awdes veut dire louanges; eneffet, c'est dans
cette partie de l'office de la nuit que nous célébrons
particulièrement les louanges de Dieu, et que nous le
remercions : 1° de la résurrection du Sauveur, miracle
fondamental da Christianisme opéré à ce moment;
2° des grâces que le Seigneur nous accorde pour
marcher comme saint Pierre pendant la nuit de cette
vie sur la mer orageuse du monde; 3° de la création
de l'univers, dont l'apparition de la lumière nous retrace
l'image ; 4" enfin, du soin paternel avec lequel Dieu
a veillé sur nous pendant la nuit, et de la bonté avec
laquelle il nous donne un nouveau jour.
De même que les nocturnes, les laudes commencent
par l'invocation Deus in adjutorium, accompagnée du
signe de la croix, et suivie du Gloria Patri, de V Allé-
luia, et de l'imposition de l'antienne. A la fin de chaque
164 CATÉCHISME
psaume on répète le Gloria Patri. La reconnaissance
veut qu'il en soit ainsi. N'avons-nous pas vu que les psau-
mes expriment les bonnes œuvres, le travail chrétien?
Or, quoi de plus juste que de rendre grâces à Dieu, de qui
vient toute bonne œuvre, et qui mérite en conséquence
d'être loué et remercié comme au commencement, lors-
qu'il créa le ciel et la terres elmaintenant, qu'il con-
serve le monde matériel et spirituel ; et toujours, parce
que la création ne subsistera jamais que par lui; et aux
siècles des siècles, alors qu'il y aura de nouveaux cieux
et une nouvelle terre, et que Dieu sera tout en toutes
choses.
A laudes on dit cinq psaumes, ou plutôt quatre
psaumes et un cantique. Le renouvellement de nos cinq
sens, c'est-à-dire la réparation de tout notre être par le
Christianisme, dont envient de célébrer durant la nuitles
principaux mystères, telle est la raison mystérieuse de ce
nombre cinq,et l'importante leçon que l'Église nous donne
au commencement du nouveau jour. Le dimanche, après
les trois premiers psaumes, on chante le cantique des trois
enfants dans la fournaise. VÈgMse a voulu nous rappeler
et les tribulations des justes de tous les temps, et leur joie
au milieu des épreuves, et la Providence qui veilla sur
eux ; c'est comme si elle nous disait : < Au commencement
de ce jour souvenez-vous que vous avez été régénérés
en Jésus-Christ, vivez donc saintement, veillez sur vos
sens, gardez-vous de les profaner ; mais attendez-vous à
de rudes combats; ils tourneront à votre gloire; le Sei-
gneur, qui a délivré vos pères, veillera sur vous; le
DE PEISÉVÉRANCE. i65
cantiqne que vous récitez vous en fournit la preuve. »
Le cantique est suivi du cinquième psaume. En voici
le sens : Les enfants de l'Église répondent aux pro-
messes de victoire qu'elle vient de leur donner.» Nous le
savons, lui disent-ils, nous serons vainqueurs, et nous
en bénissons, et nous invitons toutes les créatures du ciel
et de la terre à en bénir avec nous le Seigneur. » C'est
pour cela que le cinquième psaume de laude commence
toujours par ces mots : lauda ou laudate : loue ou louez ;
et cette invitation de louer Dieu s'adresse tour à tour aux
Anges et aux Saints, à toutes les créatures inanimées, à
l'Église, aux nations, aux hommes de toute tribu et de
toute langue. L'homme reconnaissant veut que tout ce
qui respire s'unisse à lui pour bénir le Bienfaiteur uni-
versel.
Le cantique des trois enfants dans la fournaise n'est
point suivi du Gloria, parce que les augustes personnes
de la sainte Trinité y sont louées d'un bout à l'autre *.
Après la dernière antienne vient le capitule. Le mot
capitule veut dire petit chapitre, petite leçon. II se
compose de quelques versets de l'Ecriture analogues à
l'office du jour. Si cette leçon est plus courte aux offices
du jour qu'à ceux de la nuit, c'est que les occupations
de la journée réclament notre temps et notre présence.
Comme le capitule se récite ordinairement par l'offi-
ciant, il n'est point précédé du Juhe, Domine, ou de la
' Dans certaines églises, les laudes du dimanche ont huit psau-
mes. 11 serait trop long d'expliquer ici les raisons de cette diffé-
rence. /''. Durandus, iib. à, c. 4.
166 CATÉCHISME
demande de bénédiction. Outre l'instruction qu'il nous
donne, le capitule a pour objet de ranimer la ferveur
dans l'âme des assistants ; l'Eglise veut ainsi les préser-
ver du châtiment des Juifs, qui, dégoûtés de la manne,
furent exposés aux morsures des serpents.
A laudes en particulier, le capitule est admirablement
propre à enflammer notre courage, soit pour pratiquer le
bien, soit pour combattre le Démon : tantôt on nous y
exhorte à demeurer fermes dans la foi, tantôt à voler aux
œuvres de miséricorde ; d'autres fois, à nous revêtir
comme des guerriers des armes de lumière. Alors le
chœur, semblable à une armée que vient d'électriser la
harangue de son général, s'empresse de répondre d'une
voix unanime : Deo grattas l «Grâces à Dieu! Telles sont
nos dispositions. » El comme une armée de braves qui ne
demande qu'à marcher à l'ennemi, il entonne l'hymne ;
l'hymne, expression de son ardeur, de sa reconnais-
sance et de sa conflance sans bornes au Dieu qui ne
l'appelle au combat que pour le conduire à la victoire.
L'hymne finie, vient le verset; c'est comme un re-
frain dont le but est de porter l'enthousiasme du soldat
chrétien au plus haut degré ; il se chante par une seule
voix, à laquelle toutes les autres répondent. Cela se
fait ainsi, et pour fixer davantage l'attention, et pour
montrer l'unanimité de sentiments qui règne dans
tous les cœnrs.
Au verset succède l'anfienne ; oh ! que cette expression
d'amour est bien placée après l'hymne oîi nous venons de
chanter et la victoire obtenue par les Saints, nos frères
DE PERSÉVÉRANCE. 167
aînés, et celle qfle nous espérons pour nous-mêmes :
l'amour qui fait l'union, fait aussi la force.
Mais l'homme fragile est si porté à la défiance, que
l'Eglise veut encore le rassurer j c'est pourquoi elle
place ici le cantique Benedictus : Béni soit le Dieu d'Is-
raël. Ce cantique contient l'accomplissement littéral de
toutes les promesses que Dieu a faites aux Patriarches
et aux Prophètes. « Hommes de peu de foi, semble nous
dire l'Eglise en nous faisant chanter ce cantique, pour-
quoi doutez-vous? Le Seigneur, pour qui vous allez
combattre, a-t-il manqué à une seule de ses promesses?
Interrogez les siècles ; ne le voyez-vous pas, toujours le
même, d'une main secourant ses soldats, de l'autre
couronnant les vainqueurs? »
Le Benedictus chanté, l'espérance du chrétien afifer-
mie en Dieu, comme l'ancre fixée au rivage qui retient
le navire au milieu des tempêtes, on- rend grâces à la
sainte Trinité, en disant : Gloria Patri. On lui proteste
de nouveau de son amour sans bornes par la répétition de
l'antienne; enfin, on lui demande l'accomplissement de
toutes ses promesses par l'oraison qui termine l'office.
Allez maintenant, soldats de Jésus-Christ, maison de
Dieu, camp d'Israël; allez au combat; rien ne vous
manque pour moissonner des lauriers.
Oh! si nous récitions ces admirables prières de l'office
avec l'esprit de foi qui les a disposées, ne serions-nous
pas, au sortir de là, suivant le mot de saintChrysostôme,
comme des lions qui respirent le feu, et dont le seul
aspect fait trembler les légions infernales ? Et pourquoi
168 CATÉCHISME
n'en serait-il pas ainsi? de qui cela dépend-il? de
nous, et de nous seuls.
PRIERE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi tant de belles prières par lesquelles nous
sommes assurés d'obtenir toutes les grâces dont nous
avons besoin ; je vous demande pardon du peu de foi
avec laquelle j'ai prié jusqu'ici.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même; et,
en témoignage de cet amour, je dirai souvent, comme
les Apôtres : Seigneur, apprenez-nous à prier.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Office.
Q. Qu'est-ce qu'une hymne?
JR. Une hymne est un cantique en l'honneur de Dieu
et des Saints. L'usage de chanter des hymnes dans les
prières remonte jusqu'au berceau du Christianisme. On
les chante debout, pour montrer que nos cœurs doivent
être élevés à Dieu pendant que notre bouche publie ses
louanges. A matines, l'hymne précède les psaumes.
Q. Qu'est-ce qu'une antienne?
R. Le mot antienne veut dire chant mutuel, chant
alternatif, qui s'exécute par deux chœurs qui se ré-
DE PERSÉVÉRANCE. 169
pondent. Dans les prières de l'Eglise, l'antienne signifie
l'amour de Dieu, et les psaumes le travail, les épreuves
et les souffrances. A matines, l'ofQciant entonne, après
l'hymne, le premier mot de l'antienne, afin d'animer
de l'esprit de charité le travail signifié par les psaumes.
C'est pour nous rappeler que nos œuvres ne sont méri-
toires que par la charité. Après chaque psaume, on ré-
pète le Gloria Patri, pour rendre gloire à la sainte Tri-
nité. Nous reconnaissons par là que tout vient de Dieu,
et que tout doit être rapporté à Dieu.
Q. Qu'est-ce que les leçons?
R. Les leçons se composent de quelques passages
de l'Ecriture sainte, des explications des Pères de l'E-
glise, et de la vie des Saints dont on célèbre la fête.
C'est une instruction complète. L'Ecriture, voilà la loi;
les commentaires des saints Pères en sont l'explica-
tion ; la vie des Saints en est l'application.
Q. Qu'est-ce que les versets et les répons ?
R. Les versets sont de petites sentences tirées de
l'Ecriture sainte, par lesquels l'Eglise se propose de
réveiller notre attention ; aussi ils se chantent par une
seule voix. Les répons qui suivent les leçons expriment
la résolution où nous sommes de mettre en pratique la
doctrine que nous venons d'entendre, et de suivre les
exemples des Saints qu'on vient de nous rappeler.
Q. Comment se terminent les matines?
R. Les matines se terminent par le Te Deum. C'est
un admirable cantique composé par saint Arabroise et
par saint Augustin; nous le rbantonsi pour" remercier
170 CATÉCHISME
Dieu des grâces qu'il nous a faites, et des mystères de
la passion de Noire-Seigneur opérés pendant la nuit,
Q. Quels sont ces mystères ?
R. Les principaux sont les adieux du Sauveur aux
Apôtres, son agonie au jardin des Oliviers, la naissance
du Sauveur, sa résurrection. C'est pour tous ces mys-
tères que l'Eglise a élabli des prières pour chaque
veille de la nuit ; c'est aussi en expiation des crimes des
Juifs et du renoncement de saint Pierre.
Q. Qu'est-c^ que les laudes?
R. Les laudes, c'est la dernière partie de l'office de
la nuit. Le mot laudes veut dire louanges. Cet office
est spécialement consacré à remercier Dieu des grâces
et des mystères dont nous avons parlé plus haut. Il y a
quatre psaumes à laudes et un cantique, pour exprimer
la sanctification de nos cinq sens, et pour nous avertir de
ne pas les profaner durant le jour. Les laudes se termi-
nent par le chant du Benedictus : Béni soit le Dieu d'Is-
raël. Il nous montre l'accomplissement fidèle de toutes
les promesses que Dieu a faites aux Patriarches. L'E-
glise veut par là ranimer notre confiance, et nous faire
travailler avec courage à la gloire de Dieu, en nous
montrant qu'il sera fidèle à nous récompenser. Après
le Benedictus, on dit ïOremus, ou la prière pour de-
mander à Dieu qu'il nous accorde tout ce que nous
avons sollicité durant l'office.
DE PERSÉVÉRANCE. 171
PRIERE.
O mon Dieu î qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi tant de belles prières par lesquelles nous
sommes assurés d'obtenir toutes les grâces dont nous
avons besoin ; je vous demande pardon du peu de foi
avec laquelle j'ai prié jusqu'ici.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose» et mon prochain comme moi-même; et, en té-
moignage de cet amour, je dirai souvent, comme les
Apôtres : Seigneur, apprenez-nous à prier.
172 CATÉCHISME
mimmmmmmmmmiimmimmmmMmmmmmn
IX« LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Office du Jour. — Prime. — Tierce. — Sextc— None. — Vépre».
Aux nuits coupables du monde l'Eglise vient d'op-
poser de saintes veilles. Ses Anges ont été en adora-
tion devant Dieu; ils ont demandé miséricorde pour
les mondains ; ils ont éloigné du bercail endormi
les lions rugissants, plus redoutables durant les té-
nèbres que pendant le jour ; ils ont tour à tour mêlé
leurs voix et leurs larmes à celles des Anges, pour ho-
norer la naissance et l'agonie du Dieu de Bethléem et
de Gethsémani. Que vont-ils faire maintenant? La nuit
est passée. Voici l'aurore qui dore de ses feux naissants
la cime élancée des montagnes ; voici les oiseaux qui cé-
lèbrent par leurs chants joyeux l'arrivée du soleil; voici
les fleurs qui, ouvrant leur calice, exhalent un parfum
délicieux que la brise du malin emporte vers le ciel : on
dirait des milliers d'encensoirs d'or et de perles, allumés
devant Dieu. La nature est un temple ; voilà les musi-
ciens, voici l'encens du sacrifice. Touts'émeut, tout sem-
ble renaître. Encore une fois, que vont faire les enfants
de Dieu, les Anges de la prière? A la voix de la nature
ils vont mêler la leur : l'office du jour commence.
DE PERSÉVÉRAjyCB. 173
Prime, tierce, sexle, none, vêpres et complies sont les
parties qui le composent.
Aussi bien que celles de la nuit, le Sauveur du monde
a marqué toutes les heures du jour par des bienfaits.
Il faut l'en bénir. Comme celles de la nuit, les heures
du jour apportent à l'homme de nouveaux devoirs; il
faut solliciter la grâce pour les accomplir. Tel est, en
général, l'objet de l'office du jour; son existence et sa
division remontent à la plus haute antiquité*. Entrons
dans le détail.
Prime est la première heure de l'office du jour. Elle
porte le nom de prime parce qu'elle se récitait à la pre-
mière heure du jour, c'est-à-dire vers les six heures du
malin, suivant la manière de compter des anciens.
Cette heure a été établie : 1° pour honorer Notre-
Seigneur couvert d'opprobres parles Juifs et conduit de-
vant Pilate ; 2» son apparition à ses disciples sur le bord
de la mer, après sa résurrection ; 3" pour offrir à Dieu
les prémices de la journée, comme les Juifs lui offraient
les prémices de la moisson et des fruits, afin de les lui
consacrer tout entiers.
Prime se compose de l'invocation Deus in adjuto-
rium; du Gloria Patri, suivi de l'alleluia ; d'une hymne;
de trois psaumes; d'une antienne ; d'un capitule ; d'un
répons, et de quelques autres prières.
L'hymne que nous chantons à prime, et qui s'y chan-
tait déjà au XIII» siècle*, exprime très-bien les senti-
* Durandus, lib. 2, c. 7.
* Ibid., lib. &, G. i.
174 CATÉCHISME
menls que la foi doit éveiller dans un cœur chrétien à
la naissance du jour. A la vue du soleil matériel qui
vient éclairer le monde physique, nous supplions le So-
leil de justice et de vérité de se lever pour nous, afin
que, marchant à sa lumière, nous évitions et les ténè-
bres et les pièges du démon. Nous prions ce divin so-
leil d'être lui-même notre guide. « Voyez-vous ces bre-
bis, dit un de nos pères dans la foi S qui, durant la
nuit, abritées au bercail, demandent à sortir dès le matin
dans les vastes campagnes; elles réclament un berger
qui les conduise au pâturage et les protège contre les
attaques des loups. Nous aussi, lorsque l'aurore vient
nous appeler au saint travail, nous nous empressons
de demander un maître qui nous instruise et un pro-*
lecteur qui nous défende. Il nous faut l'un et l'autre :
sans cela le loup infernal viendra disperser le troupeau
dans des lieux inconnus et déchirer les brebis. »
Pour échapper aux traits du Démon, l'Eglise nous
rappelle admirablement dans les psaumes de prime,
et dans le symbole de saint Athanase, qu'il faut nous
revêtir de la môme armure qu'ont portée tous les héros
chrétiens ; le bouclier de la foi, le casque de l'espé-
rance et le glaive de la charité.
C'est afin de nous y exciter plus fortement que l'E-
glise nous remet sous les yeux les combats et les
triomphes des Saints. A prime on lit le martyrologe,
c'est l'histoire sanglante mais glorieuse de nos frères,
• Amator Fortunat., lib. 4, de Ecclesiast. offic, c. 2.
DE PERSÉVÉRANCE. 175
qui, autrefois soldats comme nous, se reposent aujour-
d'hui dans le ciel sur leurs lauriers immortels.
Après la lecture du martyrologe, l'officiant dit : Elle
est précieuse devant Dieu! — la mort de ses Saints, ré-
pond le chœur, et, au nom de tous ses frères, l'officiant
exprime ce vœu si chrétien : « Que la sainte Yierge et
que tous les saints nous aident, par les prières qu'ils
adresseront pour nous au Seigneur, à devenir saints en
toutes choses comme est saint celui qui nous a appelés
à la sainteté. » Après cette prière, l'officiant répète
trois fois : Seigneur, venez à mon aide; et le chœur
ajoute : Seigneur, hâtez-vous de me secourir. Cette tri-
ple répétition est destinée à obtenir protection contre
nos trois grands ennemis, le Démon, le monde et la
chair. Elle est suivie du Gloria Patri, afin de rendre
grâce, au nom de tous nos frères, à l'auguste Trinité,
de qui est venue la mort précieuse des saints et de qui
viendra la nôtre.
Mais, hélas ! des chutes sont à craindre : la faiblesse
humaine est si grande .' D'avance nous demandons mi-
séricorde, et trois fois nous disons : Kyrie eleison ou
Christe eleison, Seigneur, Christ, ayez pitié de nous; pour
l'obtenir plus sûrement celte miséricorde, nous réci-
tons l'Oraison du Seigneur. Nous la terminons en sup-
pliant le Père céleste de diriger ses enfants, et ses en-
fants, c'est nous; et de nous aider à diriger les nôtres,
et nos enfants sont nos pensées et nos œuvres.
Tierce est la seconde heure de l'office du jour.
On lui donne ce nom parce qu'elle se récitait à la
176 CATÉCHISME
troisième heure du jour, suivant la manière de compter
des anciens. Pour nous, tierce répond à neuf heures
du malin. Prime et tierce se composent des mêmes par-
ties, à l'exception des prières finales.
L'Eglise, qui, par ses sacrements, grave, imprime en
quelque sorte la sainteté sur tous nos sens, écrit aussi
ses augustes mystères dans chaque heure de la journée.
Son office les rappelle successivement à notre adoration
et à noire amour. Le Sauveur, poursuivi par les cla-
meurs sanguinaires des Juifs ; attaché à la colonne par
ordre de Pilate, et cruellement flagellé ; le Saint-Esprit
descendant sur les Apôtres et donnant naissance à l'E-
glise : tels sont les événements mémorables que nous
célébrons par les prières de tierce. Comme les autres
heures, celle-ci remonte aux temps apostoliques '.
En mémoire de la loi nouvelle écrite en lettres de
flammes dans le cœur des Apôtres, on chante des
psaumes qui célèbrent la douceur, la perfection de
celte loi de grâce et d'amour. L'hymne rappelle aussi
la descente de l'Esprit saint, qu'on supplie de renou-
veler en notre faveur les merveilles du Cénacle.
Sexte est la troisième heure de l'office du jour.
Elle répond à midi. Même composition, même anti-
quité que la précédente ^ De grands souvenirs nous y
sont rappelés, car de grands événements consacrent
cette heure mémorable. A tierce, l'Eglise nous avait con-
duits au prétoire, et, en face de cette colonne ensan-
♦ s. Synat., epist. ad Trallianos,
* Constit. apostol.^ lib. 8, c. 20.
DE PERSÉVÉRANCE. 177
glanlée, elle avail ouvert nos lèvres à la prière. Ici,
nous prenant par la main, elle nous conduit au Cal-
vaire, et nous arrête là devant un instrument de sup-
plice. Jésus élevé en croix, voilà le premier objet de
nos prières et de nos méditations à l'heure de scxte.
Aussi l'Eglise, pénétrée de reconnaissance, nous fait
chanter des psaumes qui respirent un amour brûlant.
Mon âme est tombée en défaillance en pensant à mon
Sauveur, etc.
Ici une magnifique harmonie (jui n'a point échappé
à la sagacité de nos pères dans la foi. Instruits par
la tradition , ils enseignent que ce fut à la sixième
heure du jour qu'Adam se rendit coupable et périt
par le fruit de l'arbre. Pour faire coïncider la répara-
lion avec la chute, Jésus voulut être élevé à la même
heure sur l'arbre salutaire'. Un autre événement est
encore l'objet de notre reconnaissance. C'est à l'heure
de sexte que Pierre eu! la révélation claire de la voca-
tion des Gentils, et qu'il reçut ordre de porter l'Evan-
gile aux nalions ; bienfait inappréciable dont vous et moi
nous ressentons encore aujourd'hui l'influence. Ainsi,
le Fils de Dieu, Jésus attaché à la croix, et Pierre por-
tant l'Evangile aux nalions, en faut-il davantage pour
• Quo tcmpoïc eversio fuit, eodeni rursus facta reparaîio. S. Cy-
ril. U\crosol.,Ca/cch. 14. Ici., Tîieophilact. in Matth., ad ea verba :
j4 sexta aittcin hora, etc. Voici encore d'autres harmonies : « Prop-
tcr protoplastujn Adam... (Ghristus) sexta hora in crucena ascen-
dit, sexto die Sieculi, in sexta hora cjusdem uiillenarii, et sexta
hebdoniadis et sexta Iiora scxfi diei, etc. » S. Anast., Slnfiï/., 1. 7,
Commentar in liexœin.
T. va, 12
i78 CATÉCHISME
exciter notre ferveur et notre reconnaissance durant
cette nouvelle heure?
None^ qui vient continuer ces admirables souvenirs»
est la quatrième heure de l'Office du jour. C'est pouf
nous trois heures du soir, et pour les anciens elle était la
neuvième heure du jour: de là son nom. Elle renferme
les mêmes parties que les précédentes, et nous offre la
même antiquité ^ C'est encore sur la grande scène des
douleurs que l'Eglise nous retient. Le soleil obscurci,
la terre ébranlée, le voile du temple déchiré, l'Homme-
Dieu expirant, le côté du nouvel Adam ouvert par la
lance du soldat, et donnant naissance à la nouvelle
Eve, l'Eglise catholique, notre tendre mère : tels sont
les événements que celte heure nous rappelle. En fut-il
de plus propres à nous faire répandre devant Dieu des
prières et des larmes?
Les psaumes des petites heures du dimanche nous
offrent une harmonie si belle, que nous ne pouvons
résister au plaisir de la signaler; elle montrera que
tout, jusqu'à un iota, est disposé, dans les offices de
l'Eglise, avec une sagesse et une profondeur de vue qu'on
ne saurait jamais assez admirer. Toutes les petites
heures se composent de deux psaumes, dont le second
est divisé à prime, à tierce, à sexle et à none. Chaque
division de ce psaume contient seize versets. Pour-
quoi ces deux psaumes seulement? Pourquoi ces seize
versets? Ces deux psaumes rappellent les deux al-
liances de Dieu avec les hommes, l'ancienne et la
' s» Basil., in Rcgul. interrog., 34.
DE PERSÉVÉRANCE. 179
nouvelle. Ces seize versets signifient les interprètes
de cette double alliance. Pour l'ancienne, les douze
petits Prophètes et les quatre grands; pour la nouvelle,
les douze Apôtres et les quatre Evangélistes*.
Les psaumes et les hymnes des petites heures sont
également en harmonie avec les différentes heures du
jour auxquelles nous les récitons. Au lever du soleil le
commencement, à tierce la continuation, h sexte la
perfection, à none la fin de la charité et de la vie ; car,
hélas ! la vie n'est qu'un jour.
Les vêpres sont la cinquième heure de l'office du
jour. Leur antiquité est la même que celle de l'Eglise *.
Oh ! que c'est à juste litre que l'Eglise a consacré celte
heure à la prière ! Que de souvenirs elle nous rappelle !
C'est d'abord le sacrifice du soir offert chaque jour au
temple de Jérusalem ; c'est ensuite l'institution de la
sainte Eucharistie ; c'est enfin la descente de la croix et
la sépulture de Notre-Seigneur. Telles sont les raisons
pour lesquelles l'Eglise désire si vivement que nous
soyons en prières pendant celte heure mémorable.
Connaissent-ils le prix de la prière , leur cœur
sait- il battre de reconnaissance, ces Chrétiens de
tout âge et de toute condition qui dédaignent d'assis-
ter à vêpres? Les vêpres, disent-ils dans leur légèreté
impie, les vêpres sont pour les prêtres. Ce n'est donc
pas pour vous qu'a été instituée la sainte Eucharistie ?
Vous ne devez donc rien à Dieu pour ce bienfait ? Ce
' Durandus, lib. 5,c. 5.
'^ Consul . apost., t. 8, c. 40.
180 CATéCBISMB
n'est donc pas pour vous que Jésus -Christ a été im-
molé ? L'heure à laquelle ces grands miracles ont été
opérés ne vous dit donc rien ? Et qu'en faites-vous de
celte heure sacrée où des larmes brillantes devraient
couler de vos yeux, et se mêler à des prières plus brû-
lantes encore? Si je veux le savoir, j'interroge les places
publiques, les promenades, les maisons de jeu et de
plaisirs profanes ; elles me répondront. Eh quoi ! ne
rougirez-vous jamais de blesser ainsi les convenances
chrétiennes? 0 nos pères dans la foi! qu'auriez -vous
pensé si l'on vous eût dit que vos enfants profaneraient
une heure si sainte, une heure chargée de tant de
bienfaits? Honte à ceux qui trouvent la reconnaissance
lourde et difficile ! Les cœurs qui se font ingrats sont
de tristes cœurs, et ressemblent à ces fruits que le so-
leil ne peut mûrir et qui n'ont ni saveur ni parfum.
Honte aux cœurs serviles qui ne vont à l'église le ma-
tin que par crainte, puisque le soir, alors qu'il n'y a pas
d'anathème et de menace de péché mortel, ils s'en
dispensent !
Pour nous, Chrétiens dociles, plus les vêpres sont
abandonnées, plus nous devons nous faire un devoir
d'y assister : nos obligations semblent croître en pro-
portion de l'indifférence du grand nombre. Venons au
pied des autels prier, gémir, adorer, remercier pour
nos frères ingrats , trop heureux si nous pouvons dé-
dommager leur Sauveur et le nôtre.
La beauté de l'office du soir suffirait à elle seule pour
nous y rendre assidus. Les vêpres se composent de cinq
DE PERSÉVÉRANCE. 181
psaumes, de cinq antiennes, d'un capitule, d'une hymne,
du Magnificat et d'une seule oraison, si on ne fait pas
mémoire de quelques fûtes. Ce nombre cinq a été établi
pour honorer les cinq plaies de Noire-Seigneur, et
pour expier les péchés que nous avons commis durant
le jour par nos cinq sens.
La trompette de l'Église militante, la cloche, a retenti
trois fois : la première, pour annoncer l'office ; la se-
conde, pour nous dire qu'il est temps de partir ; la troi-
sième, pour marquer que l'office commence. Arrivés à
l'église, le clergé et les fidèles se recueillent un instant ;
ils préparent leur âme à la prière en récitant le Pater
et VAve Maria; ces deux oraisons se disent à genoux et
en silence. On commence par le signe de la croix pour
invoquer le secours de la sainte Trinité, et pour con-
fesser les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption.
La main qui, en le faisant, se porte de quatre côtés,
vous redit que le Fils de Dieu est venu appeler ses élus
dispersés aux quairc vents. Quand donc vous voyez le
célébrant, du haut de son siège élevé, faire le signe
adorable, représentez-vous Jésus-Christ sur la croix au
sommet du Calvaire, les bras étendus pour embrasser
les enfants d'Adam devenus les siens, et les appelant
tous dans son cœur par cette parole d'ineffable amour :
Silio : J'ai soif de vous.
En faisant le signe de la croix, le prêtre, tourné vers
l'autel, dit : Deus in adjutorium meum intende : 0 Dieu,
venez à mon aide. Les fidèles, également debout et tour-
nés vers l'auicl pour exprimer que leur confiance est toute
182 CATÉCHISME
aux mérites de Jésus-Christ, répondent avec empresse-
ment : Domine, ad adjuvandum me festina : Seigneur,
hâtez-vous de me secourir. Puis, pour témoigner par
avance la reconnaissance que leur inspire cette céleste
protection, ils chantent avec un élan d'amour le Ériom
Patri, etc. : Gloire auPère, etc. Leurjoie et leur ardeur
à publier les louanges de leur Père qui est dans les cieux
s'expriment par ce mot : alléluia, allégresse, bonheur.
Pendant le carême , temps do jeûne et de pénitence,
V Alléluia est remplacé par ces mots, qui ont le même
sens : Laus tibi, Domine, rex œternœ gloriœ : Louanges
à vous, Seigneur, roi éternel de gloire.
Après l'imposition de l'antienne destinée à enflammer
notre charité *, un choriste entonne le premier psaume :
Dixit Dominus, Domino meo : « Le Seigneur, Père éter-
nel, Dieu tout-puissant, a dit à Jésus-Christ ^ son Fils,
au jour de son ascension glorieuse : Asseyez-vous à
ma droite. «Dans ce psaume magnifique l'Église chante
la génération éternelle du Fils de Dieu, son sacerdoce
également éternel, aussi bien que son empire éternel
et absolu sur le monde, devenu la conquête de la croix.
Mais quoi ! les vêpres ne sont-elles pas destinées à
honorer les funérailles de Jésus-Christ? Comment donc
l'Église, cette tendre épouse, agenouillée, pour ainsi
dire, sur la tombe de son divin époux, ne fait-elle en-
tendre que des chants de joie et des hymnes de triomphe
et d'immortalité? Ah! cestqu elle voit la vie sortir du
' Explication des matines à la leçon précédente.
DE PERSÉVÉRANCE. 183
sein de la mort, et la victoire des souffrances : grande
leçon pour nous !
Le second psaume des vêpres du dimanche est le
Confitebor. Il est comme la suite du premier. Par la
bouche de David, l'Église chante les bienfaits du règne
de son divin époux ; elle célèbre en particulier l'institu-
tion du banquet divin, auquel sont invitées toutes les
générations qui viennent en ce monde.
Que reste-t-il maintenant, sinon à décrire le bonheur
de ceux qui se soumettent à l'empire de Jésus-Christ?
c'est ce que l'Église fait dans le psaume : Beatus vir qui
timet Dominum : Heureux l'homme qui craint le Sei-
gneur. A côté de la description simple et touchante du
bonheur de l'homme juste qui craint Dieu et observe ses
commandements, l'Église place le tableau du pécheur.
Durant sa vie il est triste et malheureux ; au moment de
la mort il grince des dents et sèche d'épouvante ; après
la mort il entre dans le lieu des supplices, à la porte
duquel il laisse l'espérance : l'espérance d'en sortir
jamais.
L'Église vient de rappeler aux justes dans le psaume
précédent que le Seigneur les rend heureux s'ils portent
son aimable joug. Quoi de plus naturel que de les exhor-
ter maintenant à chanter leur bonheur? Et voilà que
cette tendre mère, empruntant la voix du roi-prophète,
les exhorte à louer et à bénir la grandeur, la puissance,
et surtout l'admirable bonté de leur Père céleste. Lau-
date, pueri, Dominum, laudate nomen Domini : Mes
enfants, louez le Seigneur, louez le nom du Seigneur.
184 CATÉCHISME
Celte invitation provoque un élan d'amour, et toutes les
bouciies et tous les cœurs s'unissent pour répondre :
Oui, que le nom du Seigneur soit béni, dès maintenant
et jusqu'au siècle des siècles : Sil nomen Domini bene-
dictum ex hoc nunc et usque in seculum; et dans la
suite de ce psaume admirable, chacun proclame à l'envi
les raisons particulières qu'il a de bénir le Dieu bon, le
Dieu qui veille sur le pauvre et le faible comme sur la
prunelle de son œil.
Des moiifs personnels qui pressent chacun de nous
et tous les hommes en général de bénir Dieu et
de l'aimer, l'Église passe aux raisons spéciales à la
grande famille catholique. A moins que nous n'ayons
un cœur de bronze, ces bienfaits sont tels que nous
devons fondre d'amour en nous les rappelant. Tel est
l'objet du cinquième psaume : înexitii Israël de JEgypto,
domus Jacob de populo barbaro : Lorsque Israël sortit
de rFfjypte, la maison de Jacob de chez un peuple bar-
bare. Ici l'Église, nous reportant au delà de trois mille
cinq cents ans, sur les bords de la mer Rouge et au
désert du Sinaï, déroule à nos regards le magnifique
tableau des merveilles et des prodiges que Dieu opéra
pour tirer Israël de l'Egypte et le faire entrer dans la
terre promise. Sous ces miracles de l'Egypte, de la
mer Rouge, du désert et du Sinaï, l'Église nous en fait
apercevoir de plus glorieux et de plus consolants opérés
en notre faveur : notre délivrance du Démon, du pé-
ché, de la mort et de l'enfer par le baptême; la foi, qui
nous conduit au travers du désert de la vie, comme la
DE PERSÉVÉRANCE. 185
colonne conduisait Israël; la loi de. grâce descendant
du Calvaire, comme la loi antique descendait du Sinaï;
le pain des anges nourrissant notre âme, comme la
manne nourrissait les Hébreux; et ces miracles de la
loi nouvelle présentés eux-mêmes comme un gage de
miracles plus grands encore par lesquels le Seigneur
veut nous conduire du désert de la vie dans la Jérusalem
céleste: tels sont les bienfaits que l'Église nous rappelle.
Alors, comme David, comparanl le Dieu lout-puissant
et fort aux idoles faibles et impuissantes des nations,
l'Église nous presse, dans toute l'étendue de sa charité
et de son zèle, de nous attacher irrévocablement au Sei-
gneur, qui nous a donné des marques si éclatantes de
sa grandeur, de sa puissance et de sa bonté.
Ce psaume auquel la poésie profané n'a rien à com-
parer est suivi de l'antienne et du capitule. Le capitule
des dimanches ordinaires est tiré de l'épîfre de saint
Paul aux Ephésiens ' : Benedictus Deus, etc. : « Béni
soit Dieu, le père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui,
pour nous conduire au ciel, nous a comblés par son Fils
de toutes sortes de bénédictions spirituelles, comme il
nous a élus en lui avant la création du monde, afln
que nous fussions saints et irrépréhensibles à ses
yeux. »
Le célébrant lit debout le capitule, et s'adresse aux
fidèles qui viennent de chanter les louanges de Dieu,
afin d'encourager leur zèle et de donner à leur piété
un nouvel élan. Cette posture, dictée par la bienséance,
' Cap. I.
186 CATÉCniSMB
convient aux saintes paroles qu'il prononce, et exprime
le respect qu'il porte aux membres de Jésus-Christ qui
l'écoulent.
Les fidèles reçoivent avec reconnaissance cette courte
eihortation, et répondent Deo grattas : Nous en ren-
dons grâces à Dieu.
Alors on entonne l'hymne ; l'hymne, expression d'a-
mour, d'ardeur, de courage, pour accomplir ce qu'on
vient d'entendre ; c'est le chant d'une armée qui marche
au combat. L'hymne varie suivant la fête ; elle ex-
prime toujours les sentiments analogues à la circon-
stance du jour. Le règne de Jésus-Christ commencé sur
la terre, consommé dans le ciel, voilà ce que l'Eglise
chante le dimanche. Aussi l'hymne des vêpres du di-
manche est un long soupir vers le ciel. Heureux le
Chrétien qui sait se pénétrer de l'esprit de cette sainte
prière ! son cœur éprouve une consolation et un bon-
heur que le monde et ses plaisirs ne sauraient lui
donner.
L'Eglise vient de chanter les bienfaits du Seigneur;
elle a vu dans le passé sa délivrance du Démon, son
établissement sur la terre, les faveurs sans nombre
dont elle a été l'objet; elle a vu dans l'avenir le ciel
entr'ouvert pom- la recevoir et consommer son bon-
heur en l'immortalisant. Comment exprimera-t-elle
toute sa reconnaissance? Elle succombe sous le poids,
elle cherche un interprète des sentiments qu'elle
éprouve; elle l'a trouvée. A la place de la sienne,
nne voix s'élève au son de laquelle le ciel et la terre
DE PERSÉVÉRANCE. 187
doivent faire silence; une voix si suave, si pure, si mé-
lodieuse, et en même temps si puissanle, qu'elle réjouit
infailliblement le cœur de Dieu : celle voix est celle de
l'auguste Marie. Voici donc la douce Vierge de Juda,
}<a Mère de Dieu, la Vierge par excellence, la Vierge
du ciel, qui va soupirer la reconnaissance de la
vierge de la terre, la chaste épouse de l'Homme-Dieu,
l'Eglise catholique. On entonne le Magnificat : ce
chant sublime, élan d'ineffable amour, poëme en dix
chants, prophétie magnifique, qui valut à Marie le tilre
glorieux de Reine des Prophètes : Mon âme glorifie le
Seigmur, etc.
On se tient debout pendant le Magnificat, par res-
pect pour les paroles de Marie, et parce que cette noble
attitude montre bien la joie et le contentement d'un
cœur comblé de grâces et disposé à tout entreprendre
pour témoigner à son bienfaiteur les sentiments de sa
reconnaissance.
Pendant le Magnificat, le célébrant sort de sa place
et va se revêtir de la chape. Bientôt, précédé d'un clerc
qui porte l'encensoir, il monte à l'autel, prend le vase
qui contient l'encens, en met sur le feu, et dit : Ab illo
benedicaris in cujus honore cremaberis : Soyez béni par
celui en l'honneur duquel vous allez être consumé. En
prononçant ces paroles il forme le signe de la croix
pour rappeler que ce n'est que par les mérites de
Jésus-Christ que toute bénédiction se répand sur la
terre; puis il prend l'encensoir des mains du clerc,
encense trois fois la croix placée sur le tabernacle.
188 CATÉCUISMÏÏ
d'abord à droite, ensuite à gauche, enfin de chaque
côté, comme pour environne! l'autel, figure de Jésus-
Christ, du parfum que le feu exhale, et qui est le sym-
bole de la foi des fidèles et de la ferveur de leurs
prières.
Cette cérémonie achevée, le clerc encense le célé-
brant, et lui rend ainsi honneur comme au représentant
de Jésus-Christ. Le prêtre dit ensuite : Dominus vobis-
cum : Que le Seigneur soit avec voiis. Les fidèles ré-
pondent : Et cum spirilu luo : Et qu'il soit avec votre
esprit.
Il chante ensuite l'oraison de la messe appelée col-
lecte, parce qu'elle recueille en quelque sorte les prières
et les vœux des assistants pour les adresser à Dieu.
Le prêtre dit de nouveau : Dominus vobiscum, et
après ce souhait de paix et de charité, les clercs invi-
tent les fidèles à louer et à bénir le Seigneur par, ces
mots : Benedicamus Domino : Bénissons le Seigneur.
Tous les assistants répondent : Deo grattas : Notis ren-
dons grâces à Dieu. Ainsi se termine cette partie de
l'office du soir. Connaissez-vous quelque chose de plus
beau, de plus complet, de mieux ordonné?
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de m'avoir instruit des saintes cérémonies de votre
culte ; faites qu'elles raniment en moi l'esprit de la foi
et de la prière.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
DE PEItSÉV^RANCB. 189
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, j'rts-
sisterai régulièrement à vêpres.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME ÉTABLI.
Q. Quelles sont les heures qui composent l'office du
jour?
R. Les heures qui composent l'office du jour sont :
prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies. Dans
ri^ure de prime on honore i" le Sauveur couvert d'op-
probre et présenté à Pilale par les Juifs ; 2° son appa-
rition aux Apôtres sur le bord de la mer après sa ré-
surrection. On consacre aussi à Dieu le commence-
ment de la journée.
(?. Pourquoi les autres heures ont-elles été établies?
R. Les autres heures ont été établies pour honorer
la suite des mystères de Noire-Seigneur et de la reli-
gion. A tierce on honore le Sauveur condamné à mort;
on célèbre aussi la descente du Saint-Esprit sur les
Apôtres; à se^fe,c'estNotre-Seigneur attaché à la croix;
à none, c'est Notre-Seigneur expirant pour l'amour de
nous.
Q. Pourquoi récile-t-on trois psaumes, et le Gloria
Patri après chaque psaume, dans ces différentes
heures?
R. On récite trois psaumes, et le Gloria Patri après
190 CATÉCHISME
chaque psaume, dans ces différentes heures, pour rap-
peler le mystère de la sainte Trinité et honorer cha-
cune des trois personnes.
Q. Qu'est-ce que les vêpres ?
R. Les vêpres, c'est la partie de l'office qu'on récite
le soir. Le mot vêpres veut dire soir. Dans cet office
on célèbre les funérailles de Notre-Seigneur, et on le
remercie de l'institution du saint sacrement de l'au-
tel. On récite cinq psaumes à vêpres pour honorer les
cinq plaies de Notre-Seigneur, et pour demander par-
don des péchés que nous avons commis pendant le
jour par nos cinq sens.
Q. Quel est le sens des psaumes des vêpres du di-
manche ?
/{.Voici le sens des psaumes des vêpres du dimanche.
Le premier nous rappelle la naissance éternelle de Notre-
Seigneur, son sacerdoce et son empire également éternel ,
empire qu'il a obtenu par ses souffrances. Dans le second
psaume on célèbre les merveilles du règne de Jésus -
Christ, et en particulier l'institution de la sainte Eu-
charistie. Dans le troisième, on chante le bonheur de
celui qui se soumet à Jésus-Christ, et on dit le malheur
du pécheur qui se révolte contre lui. Dans le qua-
trième, on invite tous les hommes à louer le Sauveur,
dont le règne nous rend si heureux. Dans le cin-
quième, l'Eglise redit à ses enfants les bienfaits par-
ticuliers qu'ils ont reçus de Dieu, et les invite à l'en
remercier. Ce cinquième psaume nous rappelle notre
délivrance du péché, notre entrée dans le Christia-
DE PERSÉVÉRANCE. 191
nisme, et nous annonce notre entrée dans le ciel.
Q. Que signiflc l'hymne du dimanche?
R. L'hymne du dimanche exprime un grand désir du
ciel. L'Eglise vient de nous dire que nous irions dans
cette bienheureuse patrie, et tous ensemble nous sou-
pirons après ce bonheur en chantant l'hymne.
Q. Pourquoi chante-t-on le Magnificat?
R. On chante le Magnificat pour exprimer à Dieu
toute notre reconnaissance. Dans les psaumes nous avons
célébré les bienfaits du Seigneur, et ceux que nous
avons reçus et ceux que nous attendons. Pour lui témoi-
gner sa reconnaissance, l'Eglise emprunte la voix de la
sainte Vierge, et chante le beau cantique que Marie
prononça chez sa cousine Elisabeth. Unissons notre
cœur au cœur de Marie, afin de remercier dignement
le Seigneur, qui a fait pour nous de si grandes
choses.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de m'avoir instruit des saintes cérémonies de votre
culte ; faites qu'elles raniment en moi l'esprit de la foi
et de la prière.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par- dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu; et, en témoignage de cet amour, j'as-
sisterai régulièrement à vêpres.
192 CATÉCHISME
X*^ LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Coniplies. — Usage de la langue latine dans la litiirçîie. — Sagesse
de l'Eglise — Chant, sa raison, son origine, sa beauté. —Exem-
ple de saint Augustin, — de Jean-Jacques Rousseau.
L'homme comblé de bienfaits vient d'exprimer à
Dieu sa reconnaissance ; il csl animé des meilleures
dispositions. La terre lui paraît triste, la vie pesante ;
il soupire vers le ciel : mais son exil n'est pas fini. Le
jour est sur son déclin. La nuit, temps mauvais sous
tous les rapports, va bientôt commencer. Il va dormir,
mais le Démon ne dormira pas ; au contraire, il va mul-
tiplier ses pièges. Lion rugissant, il va rôder avec plus
de fureur, afin d'emporter et de déchirer quelques bre-
bis. Telle est la position de l'homme à la chute du jour.
S'il venait vous demander ce qu'il doit faire pour éviter
les embûches de l'ennemi, et se conserver fidèle à Dieu
jusqu'au retour de la lumière, quels conseils lui don-
neriez-vous ? En attendant votre réponse, je vais vous
dire ceux que l'Eglise lui donne. Vous me direz ensuite
si vous connaissez quelque chose de mieux.
t Mon fils, lui dit-elle, jetez-vous entre les bras de
votre Père céleste ; priez l'ange qui vous garde et les
saints qui vous aiment de vous protéger; priez surtout
DE PERSÉVÉRANCE. 193
Marie de veiller sur vous comme la tendre mère veille
sur son Gis endormi. Sous leur puissante protection
dormez en paix : le Démon ne pourra vous nuire. » Et
pour fortifier dans le Chrétien ces vifs sentiments d'une
confiance enfantine, l'Eglise lui fait réciter les compliesK
La preuve de ce que nous venons de dire se trouve dans
l'explication même de cette dernière heure de l'office :
écoutez.
Les complies commencent par ces paroles : Conver-
tissez-nous, ô Dieu qui êtes notre Sauveur, et détour-
nez de nous votre colère. La seule chose qui puisse
éloigner Dieu de nous, et l'empêcher de prendre de
notre repos le soin paternel que nous sollicitons, c'est
le péché. Voilà pourquoi nous commençons par le sup-
plier de nous en purifier en nous convertissant de tout
notre cœur ; nous lui en donnons le plus puissant motif
en lui rappelant qu'il est notre Sauveur.
Le premier psaume nous rappelle le roi-prophète
témoignant au Seigneur sa reconnaissance pour les mar-
ques de protection qu'il en avait reçues, et implorant son
secours contre ses ennemis. Sa confiance est en Dieu, et
il se repose absolument sur son sein paternel. Quel can-
tique pouvait être mieux placé dans la bouche du Chré-
tien, cet autre roi-prophète, qui, ayant combattu ses
ennemis, et terminé sa journée avec l'aide de Dieu, va,
dans un repos nécessaire, prendre de nouvelles forces
et une nouvelle vigueur pour combattre l'ennemi de
' Complies veut dire complcmeiit, parce que cette heure corn-
ptète l'offlce.
I. TU. IS
194 CATÉCHISME
son salut ? Tel est le sens du psaume Cum invocarem :
Lorsque je l'ai invoqué, ce Dieu auteur de ma justice
m'a exaucé.
Mes enfants, invoquez donc le Seigneur, dit l'Eglise
dans ce premier cantique ; voire espérance ne sera point
trompée. Voulez-vous savoir de quelle manière Dieu
protège l'homme qui espère en lui? Le second psaume
va vous l'apprendre. 11 nous montre effectivement celui
qui habile sous la garde du Très-Haut, reposant avec
assurance sous la protection du Dieu du ciel ; le Démon
et ses embûches, les méchants et leurs machinations
éloignées de la demeure du juste : Qui habitat in adju-
torio Altissimi, in prolectione Dei cœli commorabitur.
Que resle-t-il maintenant? un avis à nous donner,
mais un avis bien salutaire : c'est d'être nous-mêmes sur
nos gardes, et si nous nous éveillons durant la nuit, de
tourner aussitôt notre cœur vers Dieu. Tel est l'objet
du troisième psaume : Ecce nuncbenedicite Dominum:
Maintenant donc, bénissez le Seigneur. S'ii en est ainsi,
conclut l'Eglise : Du haut de la montagne de Sion, le
Dieu qui a fait le ciel et la terre vous bénira.
Tous les cœurs et toutes les voix se réunissent pour
chanter l'antienne, c'est-à-dire pour assurer qu'ils se-
ront Gdèles aux recommandations qu'on vient de faire.
L'hymne qui vient ensuite est un long soupir vers le
ciel, en quelque sorte le commencemenl de celle
prière de la nuit qu'on ne manquera pas de faire s'il
survierit des insomnies.
Le célébrant insiste sur cette disposition essentielle
DE PERSÉVÉRANCE. 195
en récitant le capitule, immédiatement après que
l'hymne est chantée. « Mes frères, dit-il, vous êtes tous
enfants de la lumière et enfants du jour par la foi el
par la charité que Dieu vous a données; nous ne
sommes point enfants de la nuit el des ténèbres,
puisque nous croyons en Jésus- Christ; ne dormons
donc pas comme les autres, qui n'ont pas le même bon-
heuff mais veillons el soyons sobres. » Vraiment l'E-
glise n'a rien oublié; ces dernières paroles contiennent
un avis de la dernière importance pour éviter le mal
durant la nuit.
Les fidèles, reconnaissants de celte leçon, remercient
le prêtre et bénissent le Seigneur par ces paroles : Deo
gralias : Nous en rendons grâces à Dieu.
Ici commence entre tous ces enfants de la même fa-
mille réunis maintenant aux pieds de leur Père com-
mun, et bientôt dispersés dans leurs maisons parti-
culières, un colloque, une espèce d'adieu, de bonsoir
chrétien, dont la langue ne peut exprimer la tendresse
ni la louchante naïveté : c'est au cœur de la sentir.
Un enfant de cha'ur chante de sa voix, pure comme
celle d'un Ange : In manus tuas. Domine, commendo
spiritum meum : Seigneur, je remets mon âme entre
vos mains.
Les fidèles répondent : In manus tuas, Domine,
commendo spiritum meum : Seigneur, je remets mon
âme entre vos mains.
L'enfant de chœur : Redemisli me, Domine, Deus
veritatis : Vous m'avez racheté, Seigneur, Dieu de vt"
196 CATÉCUISMB
rite. L'ange de la terre donne à Dieu les plus puis-
sants motifs de nous protéger; nous lui appartenons, il
nous a achetés à grand prix, et il est le Dieu de vérité,
le Dieu fidèle à ses promesses. Or, il a promis de nous
protéger.
Les fidèles : Commendo spiritum meum : Je remets
mon âme.
L'enfant de chœur : Gloria Patri, et Filio, etSpiritui
sancto : Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit.
Les fidèles : In manus tuas, Domine, commendo spi-
ritum. meum : Seigneur, je remets mon âme entre vos
mains.
La pensée de l'exil et l'approche des dangers de la nuit
jettent sur ce répons une mélancolie qui ne permet pas
d'achever le Gloria Palri: Comme il était au commence-
ment, et maintenant, et aux siècles des siècles.Ces paroles
sont réservées à la patrie : l'Eglise de la terre ne les fait
entendre que dans le moment de ses grandes joies.
L'enfant de chœur : Custodi me, Domine, ut pupillam
oculi : Gardez moi, Seigneur, comme la prunelle de
l'œil.
Les fidèles : Sub umbra alarum tuarum protège
me : Protégez-moi à l'ombre de vos ailes.
Dites, connaissez-vous quelque chose de plus beau
que ce colloque? quelque chose qui peigne mieux la
candeur d'un petit enfant entre les bras de son père ?
Cet enfant chéri, assuré que le Dieu qui règne dans le
ciel l'aime avec la tendresse d'un père, n'a plus qu'un
désir, c'est de quitter cette terre d'exil, cette vallée de
DE PERSÉVÉRANCE. 197
larmes, et d'aller se reposer en paix dans le sein du
Seigneur. Et voici sa mère, l'Eglise calholique, toujours
si bien inspirée, qui lui met dans la bouche les paroles /
du vieillard Siméon, lequel, après avoir vu le salut
d'Israël, ne demandait plus qu'à mourir : Nunc dimit-
tis,,elc. : Laissez maintenant, ô mon Dieul votre ser-
viteur s'en aller en paix.
Vient ensuite une prière qui résume admirablement
les demandes adressées à Dieu dans les compiles.
Voilà donc la famille chrétienne qui va se séparer.
Celui qui en est, sur la terre, le chef et le père ne
peut quitter ses enfants sans leur souhaiter les plus
abondantes bénédictions; le prêtre ne se contente pas du
salut ordinaire : Dominus vobiscum : Que le Seigneur soit
avec vous; il lui faut des expressions plus touchantes,
et qui rendent mieux l'affection qu'il leur porte et le
désir qu'il a de les voir heureux. Il dit : GratiaDomi-
ni, etc. : a Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ,
la charité de Dieu le Père et la communication du
SainI- Esprit soit avec vous. Amen : Puisse-t-il en être
ainsi. »
Avant de se retirer, tous ensemble saluent une der-
nière fois leur tendre mère qui est au ciel ; ils la sup-
plient d'abaisser sur ses enfants les regards de sa misé-
ricorde, de leur ouvrir ses bras maternels. Est-il, en
effet, un asile plus sûr que le sein d'une mère? Et alors
vous entendez les voûtes du temple retentir tour à tour
du Salve Regina, de VInviolata, de VAve Regina cœlo-
rnm, que les anges écoutent avec bonheur, et s'en vont
198 CATÉCHISME
répéter sur leurs harpes d'or, dans la Jérusalem céleste,
aux pieds de la Vierge pleine de grfices, noire mère et
leur reine.
Allez rnainienani, enlanls bien -aimés, dormez en
paix; le remords ne troublera point votre sommeil.
«Ainsi le dimanche a passé doucement pour ceux
qui savent vraiment le sanctifier; la prière, la charité,
des joies innocentes, des réunions de familles, des
loisirs paisibles l'ont rempli; et quand ce jour est fini,
quand avec tous les autres jours il va tomber dans l'a-
bîme du passé, il y va radieux des bonnes œuvres qu'il
a fait faire, et parfumé de l'encens brûlé devant les
autels *. »
Finissons ce qui regarde les complies en ajoutant que
cette dernière heure de l'office du jour se trouve indi-
quée dans les anciens Pères de l'Eglise*. L'usage de
prier avant de prendre son repos semble établi par la
nature elle-même. L'Eglise l'a consacré, et en nous or-
donnant de remercier Dieu à la fin de la journée, elle
propose à notre adoration le Sauveur mis dans le sé-
pulcre ; en sorte que, dans son office quotidien, elle ho-
nore son divin époux depuis j^a naissance jusqu'à sa sé-
pulture. Quel beau sujet de méditation pour ses en-
fants! quel admirable moyen de les rendre tels qu'ils
doivent être, d'autres Jésus-Christ^!
' Tableau poét. des fêtes chrét., p. 33.
* S. Basil., in Regul. interrog., 37. Cleoi Alexand., lib. 2, Ptedag
c. -i. S. Isid., lib. \,c.2\,de Offic, ecclesiasf.
' Chrislianuf uUer Chmtus.
DE PERSÉVÉRANCE. 199
Toutes les heures de son ofiice, l'Eglise les offre à
Dieu dans une langue inconnue aujourd'hui à la plu-
part des fidèles; elle les lui adresse en chantant. C'est
ici le lieu de faire admirer dans ce double usage la pro-
fonde sagesse de l'Eglise. Et d'abord, pourquoi l'usage
de la langue latine dans les prières publiques?
1" C'est pour conserver V unité de la foi , A la naissance
du Christianisme, le service divin se fit en langue vulgaire
danslapluparldeséglises. Mais, comme toutes les choses
humaines, les langues sont sujettes au changement. La
langue française, par exemple, n'est plus la même
qu'elle était il y a deux cents ans ; bon nombre de mots
ont vieilli ; d'aulres ont changé de signification. La
tournure des phrases diffère autant que nos modes dif-
fèrent de celles de nos aïeux. Cependant une chose doit
rester immuable, c'est la foi. Vour la mettre à l'abri de
cette instabilité perpétuelle des langues vivantes, l'E-
glise catholique emploie une langue fixée, une langue
qui, n'étant plus parlée, n'est plus sujette au change-
ment. L'expérience prouve que l'Eglise a été, ici comme
partout, dirigée par une sagesse divine. Voyez ce qui
se passe chez les Protestants; ils ont voulu employer
dans leurs liturgies les langues vivantes, et voilà qu'ils
sont sans cesse obligés de renouveler les formules, de
retoucher les versions de la Bible : de là des alléga-
tions sans fin. Si l'Eglise en avait fait de même, il au-
rait fallu tous les cinquante ans assembler des conciles
généraux pour rédiger de nouvelles formules dans l'ad-
minislralion des sacrements.
200 CATÉCHISME
2» C'est pour conserver la catholicité de la foi. L'u-
nité de langage est nécessaire pour entretenir une
liaison plus étroite et une communication de doctrine
plus facile enire les différentes églises du monde, et
pour les rendre plus fidèlement attachées au centre de
l'unité catholique. Otez la langue latine; et voilà que
le prêtre italien qui voyage en France, ou le prêtre fran-
çais qui voyage en Italie, ne peut plus célébrer les saints
mystères ni administrer les sacrements. C'est là ce
qui arrive au Protestant. Hors de sa patrie, il ne peut
plus participer au culte public ; un Catholique n'est dé-
paysé dans aucune des contrées de l'Eglise latine. Hon-
neur donc aux souverains pontifes qui n'ont rien négligé
pour introduire partout la liturgie romaine. L'homme
impartial y trouve une nouvelle preuve de leur zèle
éclairé pour la catholicité, caractère auguste de la véri-
table Eglise. Hélas ! si les Grecs et les Latins n'avaient
eu qu'une même langue, il n'aurait pas été aussi aisé
à Photius et à ses adhérents d'entraîner toute l'Eglise
grecque dans le schisme, en attribuant à l'Eglise ro-
maine des erreurs et des abus dont elle ne fut jamais
coupable !
3° C'est pour conserver à la Religion la majesté qui
lui convient. Une langue savante, qui n'est entendue
que des hommes instruits, inspire plus de respect que
le jargon populaire. Les mystères les plus saints ne pa-
raîtraient-ils pas ridicules s'ils étaient exprimés dans
un langage trop familier? Chacun le comprend. Les
Protestants eux-mêmes, ennemis jurés de la langue ro-
UE PERSÉVÉRANCE. 201
maine, l'ont senli comme les autres ; mais plutôt que de
renoncer à leurs préjugés anlicalholiqucs, ils ont mieux
aimé devenir inconséquents asec eux-mêmes. Ils ont
fait traduire l'office divin en français : fort bien ; mais
les Bas-Bretons, les Picards, les Auvergnats, les Gas-
cons n'avaient-ils pas autant de droit de faire l'office
divin dans leurs patois que les Calvinistes de Paris en
avaient de le faire en français ? Pourquoi les réforma-
teurs, si zélés pour l'instruction du bas peuple, n'ont-
ils pas traduit la liturgie et l'Ecriture sainte dans tous
ces jargons? Cela n'aurait-il pas contribué beaucoup à
rendre la Religion respectable * ?
Au contraire, la langue grecque en Orient, la langue
latine en Occident, double idiome du peuple-roi, con-
servent quelque chose de la majesté romaine, qui con-
vient on ne peut mieux à la majesté bien plus grande de
l'Eglise catholique. A une Religion maîtresse du monde
la langue des dominateurs du monde, comme à une
doctrine immortelle Une langue immuable.
Si la Religion et la raison doivent des actions de
grâces à l'Eglise catholique pour avoiradopté les langues
grecque et latine, les sciences ne lui doivent pas moins
de reconnaissance. En immortalisant la langue, l'Eglise
a immortalisé la httérature des Grecs et des Romains,
de même que les papes ont sauvé, en les sanctifiant,
les monuments des Césars. Sans la croix qui la domine,
il y a longtemps que la colonne trajane ne serait plus
debout.
' Bergior, art. Langue.
202 CATÉCHISME
Du reste, il n'est pas \rni que, par l'usage d'une
langue morte, les fldèles se trouvent privées de la con-
naissance de ce qui est conlenu dans la liturgie. Loin
de leur interdire cette connaissance, l'Eglise recom-
mande à ses ministres d'expliquer au peuple les diffé-
rentes parties du saint sacrifice et le sens des prières
publiques *. Bien plus, elle n'a pas absolument dé-
fendu les Irailuclioiis des prières de la liturgie par les-
quelles le peuple peut voir dans sa langue ce que les
prêtres disent à l'autel. Il n'est donc pas vrai, comme
l'en accusent les prolestants, qu'elle ait voulu cacher
ses mystères; non. elle a voulu seulement les mettre à
l'abri des altérations, suite inévitable des changements
du langage ^
De la langue de l'Eglise catholique passons à son
chanî ; disons son origine, son usage, sa beauté.
Le chant est naturel à l'homme ; on le trouve chez
tous les peuples. Le chant est essentiellement reUgieux ;
au commencement on le voit partout employé dans le
culte divin. Cet accord universel prouve que le chant
est agréable au Seigneur, et que c'est un moyen légitime
de lui rendre une partie du culte que nous lui devons.
Mais qu'est-ce que le chant .^ Le chant, répond un ancien
et pieux auteur, c'est la langue des Anges^; c'est peut-
être la langue que l'homme parlait avant sa chute. Dans
cette hypothèse, notre parole actuelle ne serait qu'une
' Conc. Trid., sess. 22, c. 8.
* Voy. le cardinal Rona, Ber, Liturg., lib. 1, c 6, p. 33.
' Duianùus, lib. ^, t. 11.
DE PERSÉVÉRANCE. 203
ruine de cette parole primitive '. L'homme tout ender
ayant été dégradé par le crime originel, on conçoit que
sa parole a dû subir une dégradation correspondante.
Du moins il semble que le chant sera la langue du ciel
ou de l'homme complètement régénéré ; car il n'est
parlé que de chants et d'harmonies parmi les heureux
habitants de la Jérusalem céleslc. Quoi qu'il en soit de
ces conjectures, le chant est l'expression vive et mesu-
rée des sentiments de T^tme; son pouvoir est magique;
c'est un autre mystère.
Pour rapprendre à l'homme sa langue primitive, ou
pour lui enseigner celle qu'il doit parler dans le ciel, la
Religion a consacré l'usage du chant dans ses divins
exercices. Elle ne veut pas que les hommes se réunis-
sent au pied des autels sans parler la langue des Anges
ou la langue de l'innocence. Exilé, c'est dans nos 1+ mples
que l'homme retrouve l'idiome et le chemin de sa patrie.
Roi déchu, c'est là encore qu'il lui est donné de bégayer
la langue qu'il parla aux jours de son bonheur. Con-
naissez-vous un enseignement plus utile, une pensée
plus admirable! L'homme chante donc; l'Eglise chante
avec lui. En cela elle se monire la fidèle héritière de
tout ce qu'il y a de vrai, de beau, de bon dans les tra-
ditions de l'univers : car tous les peuples ont chanté.
Nous ne parlerons pas des païens; ils avaient perverti
l'usage du chant : au lieu de célébrer le souverain Au-
teur de la natu»"*^ , ils chantaient les crimes et les aven-
tures scandaleuses de leurs fausses divinités.
' Ànnal. de phit. cArcV., an 1830.
204 CATÉCHISME
Les Hébreux ne furent pas plutôt réunis en corps de
nation, qu'ils surent relever par les accents de la voix
les louanges du Seigneur. Qui ne connaît les cantiques
sublimes de 3Ioïse, de Débora, de David, de Judith,
des Prophètes?' David ne se borna point à composer des
psaumes ; il établit des chœurs de chantres et de musi-
ciens pour louer Dieu dans le tabernacle. Salomon,
son fils, fit observer le môme usage dans le temple ;
Esdras le rétablit après la captivité de Babylone.
Dès l'origine du Christianisme, le chant fut admis
dans l'office divin, surtout lorsque l'Eglise eut acquis
la liberté de donner à son culte l'éclat et la pompe con-
venables. Elle y fut autorisée par les leçons de Jésus-
Christ et des Apôtres. La naissance de ce divin Sauveur
avait été annoncée aux bergers de Bethléem par les
cantiques des Anges. On connaît ceux de Zacharie, de
la sainte Vierge, du vieillard Siméon. Pendant sa pré-
dication, le Sauveur lui-même trouva bon que les
troupes de peuple vinssent au-devant de lui, l'accom-
pagnassent dans son entrée à Jérusalem en chantant :
Hosanna béni soit celui qui vient au nom du Seigneur^
salut et prospérité au Fils de David, et continuassent
ainsi jusque dans le temple'.
Saint Paul exhorte les fidèles à s'exciter mutuelle-
ment à la piété par des hymnes et des cantiques spi-
rituels*.
Nos pères dans la foi mirent en pratique les leçons
• Matlli., XXI, 9.
'-' l!ph., Y, 19.
DE PERSÉVÉRANCE. 205
(lu grand Apôlre. Pline le jeune les ayant interrogés pour
savoir ce qui se passait dans leurs assemblées, ils lui
dirent qu'ils se réunissaient le dimanche pour chanter
des hymnes à Jésus-Christ comme à un Dieu '.Il en a
été de même dans toute la suite des siècles.
Les plus grands hommes que l'Eglise ait produits et
que la terre ait admirés, attachaient au chant une telle
importance, qu'ils ne dédaignaient pas de le régler eux-
mêmes et de l'enseigner aux aulres : témoin saint Atha-
nase, saint Chrysostôme, saint Augustin, saint Am-
broise, saint Grégoire, pape.
Saint Ambroise, qui régla le chant de l'Eglise de
Milan dans un temps où les théâtres du Paganisme
subsistaient encore , évita soigneusement d'en imi-
ter la mélodie ; saint Grégoire, qui fit la même chose
pour l'Eglise de Rome dans un siècle où ces théâtres
n'existaient plus, ne trouva aucun inconvénient à intro-
duire dans le chant ecclésiastique des airs plus agréa-
bles, mais qui ne pouvaient rappeler aucun souvenir
dangereux.
De là est venue la distinction entre le chant ambro-
sien et le chant grégorien. Le premier est plus grave,
le second plus mélodieux. Le premier est encore en
usage dans l'église de Milan, le second s'est répandu
dans une grande partie de la chrétienté. Saint Grégoire
prit dans toutes les églises ce qu'il y avait de mieux;
le fond fut le chant des anciens Grecs; il choisit les mo-
dulations qui lui plurent davantage, les accommoda à
• Epist. 97,
206 CATÉCHISME
son goûl, qui éiail exquis, el leur donna d'exprimer
avec plus de charmes les mystères joyeux ou doulou-
reux, la douce tristesse de la pénitence et le bonheur
d'uno vie pleine de vertus.
A l'exemple de David, Pépin, roi de France, mais
surtout Cliarlemagne, son fils, donnèrent un grand soin
au chant religieux. Ayant remarqué que le chant galli-
can était moins agréable que celui de Rome, ils en-
voyèrent dans celte capitale du monde chrétien des
clercs intelligents pour étudier et apprendre le chant de
saint Grégoire, et bientôt ils l'introduisirent dans les
Gaules. Cependant toutes les églises de France ne
l'adoptèrent pas uniformément; plusieurs n'en prirent
qu'une partie, et le mêlèrent avec celui qui éiail pré-
cédemment en usage. Telle est la cause de la différence
qui existe entre le chant des divers diocèses'.
Cependant ce chant, tel qu'il existe aujourd'hui, quoi-
qu'il ait fait de grandes pênes en passant par la main
des Barbares, a encore des beautés du premier ordre, et
demeure, par l'usage auquel il est appliqué, bien au-
dessus de la musique. Sans mesure et sans rhylhme, il
offre aux connaisseurs non prévenus un caractère de
grandeur, une mélodie pleine de noblesse, et une fé-
conde variété d'affections. Est-il quelque chose de plus
sublime en effet que le chant solennel de la Préface et
du Te Deum? Quoi de plus touchant que les lamenta-
tions de Jéréniie, et de plus joyeux que les hymnes de
Pâques? Où trouver quelque chose de plus majestueux
' Lebœuf, Traité hist. du chant, c. 3.
DE PERSÉVÉRANCE. 207
que le Lauda Sion, de plus déchirant que le Dies irœ?
et l'office des morts est un chef-d'œuvre; on croit
entendre les sourds retentissements du tombeau. Dans
l'office de la semaine sainte on remarque la Passion de
saint Matthieu : le récitatif de i'hisiorjen, les cris de la
populace juive, la noblesse des réponses de Jésus, for-
ment un drame pathétique.
Pergolèse a déployé dans le Stahat Mater la richesse
de son art; mais a-i-il surpassé le simple chant de
l'Église? Il a varié la musique sur chaque strophe, et
pourtant le caractère essentiel de la tristesse consiste
dans la répétition du môme sentiment, et, pour ainsi
dire, dans la monotonie de la douleur. Diverses raisons
peuvent faire couler des larmes; mais les larmes ont
toujours une semblable amertume; d'ailleurs il est rare
qu'on pleure à la fois pour une foule de maux, et quand
les blessures sont multipliées, il y en a toujours une
plus cuisante que les autres, qui finit par absorber les
moindres peines. Ce chant pareil, qui revient à chaque
couplet sur des paroles variées, imite parfaitement la
nature ; l'homme qui souffre promène ainsi ses pensées
sur différentes images, tandis que le fond de ses cha-
grins reste le même.
Pergolèse a donc méconnu celte vérité, qui lient à la
théorie des passions, lorsqu'il a voulu que pas un soupir
de l'âme ne ressemblât au soupir qui l'avait précédé.
Partout où il y a variété, il y a distraction, et partout
où il y a distraction, il n'y a plus de tristesse'.
' Génie du Christianisme, l. 11, c. 11.
208 CATÉCHISME
Que dirons-nous des psaumes? la pluparl sonlsublimes
de gravité, parliculièreraent le Dixit Dominns Domino
meo, le Conftebor tibi el le Laudatc pucri. L'In exila
offre un mélange indéfinissable de joie et de tristesse,
de mélancolie el d'espérance ; le Kyrie eleison, le Gloria
in excelsis el le Credo des grandes fêtes élèvent l'âme,
et le Veni Creator exprime bien les ardentes supplica-
tions d'un cœur qui veut être exaucé.
Faul-il s'étonner, après cela, que notre chant sacré
fasse de si vives impressions sur les hommes qui ont de
l'oreille et du cœur? « Je ne pouvais me lasser, ô mon
Dieu ! s'écrie saint Augustin, de considérer la profondeur
de vos conseils dans ce que vous avez fait pour le salut des
hommes, et lavue de ces merveilles remplissait mon cœur
d'une douceur incroyable. Combien le chant des hymnes
et des psaumes qu'on chantait dans votre Eglise me
faisait-il répandre de larmes, et combien étais-je vive-
ment touché d'entendre retentir vos louanges dans la
bouche des fidèles! car h mesure que ces paroles toutes
divines frappaient mes oreilles, les vérités qu'elles ex-
priment s'insinuaient dans mon cœur, et l'ardeur des
sentiments de piété qu'elles y excitaient faisait couler
de mes yeux une grande abondance de larmes, mais de
larmes délicieuses, et qui faisaient alors le plus grand
plaisir de ma vie *. »
Et pour citer un homme bien différent, nous dirons
qu'on se rappelle encore avoir vu plus d'une fois Jean-
Jacques Rousseau assister aux vêpres de Saint-Sulpice,
' Conf., lil). 9, C. 6.
DE PERSÉVÉRANCE. 209
pour y éprouver ce divin enthousiasme dont une âme
sensible ne saurait se défendre quand elle prend part
avec quelque recueillement aux sublimes mélodies qui,
jointes à l'accord d'un peuple immense et à la décence
des rites sacrés, prenaient dans celle superbe église un
degré d'intérétcapable d'élever la piété jusqu'aux cieux,
et d'attendrir le cœur même d'un sceptique. Le simple
récitatif de nos prières faisait sur cet homme une telle im-
pression, qu'il ne pouvait l'entendre sans être touché jus-
qu'aux larmes. «Un jour, dit Bernardin de Saint-Pierre,
étant allé avec Rousseau promener au Mont-Valérien,
quand nous fûmes parvenus au sommet de la montagne
nous formtlmcs le projet de demander h dîner aux ermites
qui en ont fait leur demeure. Nous arrivâmes chez eux
un peu avant qu'ils se missent à table, et pendant qu'ils
étaient à l'église, J.-J. Rousseau me proposa d'y entrer
et d'y faire notre prière. Les ermites récitaient alors les
litanies do la Providence, qui sont fort belles. Après que
nous eûmes fait noire prière dans une petite chapelle,
et que les ermites se furent acheminés h leur réfectoire,
Jean- Jacques me dit avec attendrissement : a Maintenant
j'éprouve ce qui est dit^dans l'Évangile : Quand plu-
sieurs d'entre vous seront rassemblés en mon nom, je
me trouverai au milieu d'eux. 11 y a ici un se'itiment
de paix et de bonheur qui pénètre l'âme*. »
' Etudes di' lu Nature, t. 3, p. 500.
14
210 CATÉCHISME
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui 6tes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi lant de moyens de me parler au cœur; ne
permettez pas que je sois insensible à voire voix.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je clianterai
de cœur aussi bien que de bouclie les louanges de Dieu.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
0' Quelle est la dernière heure de l'office du jour?
R. La dernière heure de l'office du jour sont les
complies. Le mot complies veut dire complément, ac-
complissement. On donne ce nom à cette heure parce
qu'elle achève l'office.
Q. De quoi se composent les complies?
R. Les complies se composent de l'invocation, de trois
psaumes, de l'hymne, du cantique, d'une prière et d'une
antienne à la sainte Vierge. Le premier psaume ex-
prime notre confiance en Dieu au moment d'aller prendre
notre repos ; le second marque les effets de la protec-
tion de Dieu sur ceux qui espèrent en lui ; dans le troi-
sième l'Eglise nous invite h élever notre cœur à Dieu
lorsque nous nous éveillons pendant la nuit. Ce psaume
nous rappelle l'usage des premiers Chrétiens qui se
DE PERSÉVÉRANCE. 211
levaient pendant la nuit pour prier. L'hymne est un
long soupir vers le ciel, cette patrie bienheureuse où il
n'y aura plus ni ténèbres ni dangers. Dans le capitule
le prêtre nous recommande la vigilance et la sobriété.
Ces deux vertus sont très-importantes pour éloigner les
tentations ou pour les vaincre si elles se présentent.
Les fidèles remercient le prêtre de celte instruction en
répondant : Deo gratias.
Q. Que se fait-il ensuite?
R. Après le Deo gratias commence un touchant col-
loque, une espèce d'adieu et de bonsoir chrétien. Un
enfant de chœur le commence en disant : « Seigneur, je
remets mon âme entre vos mains. » Tous les fidèles ré-
pondent en répétant les mêmes paroles. L'enfant de
chœur rappelle à Dieu les raisons qu'il a de nous garder
pendant la nuit; il est noire Rédempteur, il nous a ra-
chetés à grand prix, et il est le Dypu de vérité qui a
promis de veiller sur ses enfants. Puis il termine en
disant : « Gardez-moi comme la prunelle de votre œil ; »
et les fidèles ajoutent : « Protégez-moi à l'ombre de
vos ailes. » Ensuite on entonne le cantique du vieillard
Siméon. Le Chrétien, assuré que Dieu l'aime avec la
tendresse d'un père, demande d'aller se reposer dans
ses bras. Avant de se séparer, les fidèles se mettent
sous la protection de leur bonne mère. Une antienne à
la sainte Vierge termine les complies.
Q. Pourquoi l'Église fait-elle usage du latin dans ses
offices ?
R. L'Église fait usage du latin dans ses offices pour
212 CATÉCHISME
des raisons très-sages : 1^ pour conserver l'unité de la
foi : les langues vivantes changent continuellement;
ces variations perpétuelles entraîneraient bientôt des
dillérences et des altérations dans la liturgie et dans
les formules des sacrements ; 2» pour conserver la ca-
tholicité de la foi : si chaque église avait sa langue,
nous serions étrangers les uns aux autres ; un prêtre
italien, par exemple, qui voyagerait en France ne pour-
rait plus dire la messe ; il en serait de même d'un
prélrc français qui voyagerait en Italie ; 3» pour rcn-
dro ses mystères plus respectables.
0- Quelle est l'origine du chant ecclésiastique?
R. Le chant est naturel à l'homme. Il est essentielle-
ment religieux. Tous les peuples en ont fait usage dans
leurs cérémonies. L'Église catholique, qui a conservé
tout ce qu'il y a de bon et de vrai dans les traditions
anciennes, a conservé le chant. Dès les premiers siècles
on a chanté dans les assemblées de religion. C'est saint
Ambroise et surtout saint Grégoire, pape, qui ont ar-
rangé le chant que nous avons aujourd'hui. Le chant de
l'Église est très-beau, témoin celui de la Préface, du
Te Deum, du Dies ircBy des psaumes du dimanche. Il
produit dans l'dme les plus vives impressions de piété.
Pour que le chant soit agréable à Dieu, il faut l'accom-
pagner des sentiments du cœur et éloigner toute pensée
de vanité.
DE FERSl5vÉRANCE. 213
PRIÈRE.
0 mon Dieu î qui éles tout amour, je vous remercie
d'avoir établi tant do moyens de me parler au cœur ;
ne permettez pas que je sois insensible h votre voix.
Je prends. la s v! solution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-môme pour
l'amour de Dieu; et, en témoignage de cet amour,
je chanterai de cœur aussi bien que de bouche les
louanges de Dieu.
214 CATÉCHISME
rmmrmmmm
Xie LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Nature du sacriflce. — Sa nécessité. — Sacrifices anciens. — Sacri-
fice du Calvaire. — Sacriflce sanglant. — Il réunit en les accom-
plissant tous les sacrifices anciens. — La messe est un vrai sacri-
fice, le même que celui du Calvaire,— La messe est nécessaire.
S'il était utile d'expliquer l'office canonial dont les
fidèles ne récitent qu'une partie et seulement une fois
chaque semaine, il est nécessaire d'exposer en détail
l'acte sublime qui s'accomplit chaque jour sur nos au-
tels, et auquel tous les Chrétiens sont rigoureusement
obligés d'assister les dimanches et les fêtes. Cet acte
c'est la messe, c'est le sacrifice catholique.
Qu'est-ce que le sacrifice en général ? Le sacrifice
est-il indispensable dans la religion ? La messe est-elle
un vrai sacrifice? La messe est-elle nécessaire? Telles
sont les questions préliminaires auxquelles nous avons
à répondre.
El d'abord, qu'est-ce que le sacrifice? Le sacrifice,
c'est l'offrande faite à Dieu d'une chose qu'on détruit en
son honneur pour reconnaître son souverain domaine
sur toutes les créatures ^ Le sacrifice est plus qu'une
• Oblatio facta Dec per immutationem alicujus rei, in signum
supremi dominii, ex légitima institutione. B. Lig., Theol moral.,
in compeud. redact., t. 2, c. 4.
DE PERSÉVÉRANCE. 215
simple offrande : ce qui le constitue essentiellement,
c'est le changement ou la destruction de la chose offerte;
condition indispensable qui se trouve même dans le
sacrifice non sanglant, comme nous le verrons bientôt.
La définition du sacrifice donne la réponse à notre
seconde question, savoir: le sacrifice est-il indispensable
dans la religion?
Dès que vous admettez un Dieu créateur, con-
servateur de toutes choses, principe de tous les biens
naturels et surnaturels dont jouit la créature, vous êtes
obligé d'admettre que la créature lui doit l'hommage
de tout ce qu'elle est et de tout ce qu elle a. Bien plus.
Dieu même ne peut dispenser la créature de ce devoir,
parce qu'il ne peut pas se dispenser lui-même de faire
tout pour sa gloire, étant la fin de toutes ses créatures
aussi bien qu'il en est le principe. Prétendre le contraire,
serait admettre que Dieu peut agir pour un autre que
pour lui, c'est-à-dire pour une fin indigne de lui ; ce
serait lui ôter la sagesse ; ce serait détruire la notion de
son être, ce serait le nier.
Et maintenant, le seul vrai moyen de reconnaître et
d'honorer le souverain domaine de Dieu, non-seule-
ment sur la vie et la mort, mais sur l'être même, c'est
le sacrifice. En effet. Dieu seul est auteur de tout l'être.
Pour honorer son souverain domaine sur l'être créé, il
faut la consomption et la destruction entière de cet
être. Si dans le sacrifice tout n'est pas détruit et con-
sumé par la mort des hosties et des victimes, cela vient
de l'imperfection du culte humain et de l'impuissance
216 CATECHISME
de l'homme qui ne peut faire davantage. La mort n'est
donc \'d proprement qu'une représentation de cette en-
tière destruclion de l'être, qui devrait se faire dans le
sacrifice, en hommago à l'ôlrc divin et «'i son domaine
sur tout l'être cTùiK
Il suit de là que tout saciifice demande bien la
destruction, mais non pas la mort de la ^iclime, la mort
n'étant qu'une des manières dont les choses peuvent
être détruites, ou qui représentent la destruclion des
choses ; car la destruclion des choses olFerles à Dieu en
sacrifice sous la loi de Moïse, se faisait de différentes
manières. Par exemple, les pains de proposition étaient
détruits par la manducalion et consumés par le feu
naturel de Testomar ; l'agneau pascaU'était par la mort,
d'autres victimes par le feu.
Le sacrifice est donc l'acte essentiel, indispensable
de la Religion. Il est aussi impossible de concevoir une
Religion sans sacrifice que de concevoir Dieu sans do-
maine sur ses créatures, et les créatures sans obligation
do rendre hommage à Dieu. Dans l'état d'innocence il
y aurait eu des sacrifices, puisqu'il y aurait eu une Re-
ligion ; mais il n'y aurait point eu de sacrifices sanglants,
puisque la mort n'est entrée dans le monde que par le
péché, suivant le langage de l'apôtre saint Paul *.
Depuis le péché, le sacrifice est devenu sanglant, et
il a dû l'être. Le souvenir de la faute originelle resta
' Voyez, sur toutes ces notions, l'excellent ouvrnpc du P. de Con»
dre», l'Ic/c'e du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ, \>, 48.
Voyez aussi S. Thortias, 1 p., q. 45, art. 5.
DE PERSÉVÉRANCE. 217
profond<!'menl gravé dans la mémoire de l'homme ; il
senlit qu'il avait besoin d'expialion. «Les dieux sont
bons, et nous tenons d'eux tous les biens dont nous jouis-
sons; nous leur devons la louange et l'action de grâces ;
mais les dieux sont justes et nous sommes coupables :
il faut les apaiser; il faut expier nos crimes, et, pour y
parvenir, le moyen le plus puissant, c'est le sacrifice. »
Telle fut la croyance antique, et telle est encore, sous
différentes formes, celle de tout l'univers. Lesliommes
primitifs dont le genre humain entier reçut ses con-
naissances fondamentales se crurent coupables. Les
institutions générales furent toutes fondées sur ce
dogme. En sorte que les hommes de tous les siècles
n'ont cessé d'avouer la dégradation primitive et univer-
selle, et de dire comme nous, quoique d'une manière
moins explicite : Nos mères nous ont conçus dans le
crime; car il n'y a pas un dogme chrétien qui n'ait
sa racine dans la nature intime de l'homme, et dans
une tradition aussi ancienne que le genre humain.
Persuadé qu'il était coupable, qu'il avait mérité la
mort, et qu'il lui fallait une expiation, l'homme égorgea
des victimes. C'est Dieu lui-même qui lui apprit le mé-
rite des sacrifices sanglants. En effet, comment l'homme
aurait-il pu imaginer qu'un animal immolé à sa place
l'exemptait de la mort, et que Dieu acceptait cette
substitution? Si elle n'était révélée, cette idée serait la
plus étrange et môme la plus absurde qu'on puisse con-
cevoir. Mais en enseignant li l'homme le sacrifice san-
glant, Dieu lui dit: «Vous Ôtescoupable, vous méritez la
218 CATÉCHISME
mort ; je veux que vous le reconnaissiez. Vous immo-
lerez donc des victimes, et vous avouerez par là que
c'est vous qui devriez être immolé ; à la place de votre
sang j'accepterai le leur ; je vous exempterai de la mort
que vous méritez, et vous pardonnerai les crimes qui
vous en ont rendu digne. »
Et pour que l'homme n'oubliât pas que c'est lui qui
devait être la victime, Dieu voulut qu'on choisît pour le
sacrifice les animaux les plus précieux par leur utilité,
les plus doux, les plus innocents, les plus en rapport
avec l'homme parleur instinct et par leurs habitudes. Ne
pouvant enfin immoler l'homme pour sauver l'homme,
on choisissait dans l'espèce animale les victimes les plus
humaines, s'il est permis de s'exprimer ainsi, et tou-
jours la victime était brûlée en tout ou en partie, pour
attester que la peine naturelle du crime est le feu, et
que la chair substituée était brûlée à la place de la chair
coupable '.
Les Païens ne s'en tinrent pas là. Ils conclurent que
plus la victime serait importante, plus le sacrifice se-
rait efficace. Cette croyance, juste dans ses racines,
mais corrompue par le Démon, enfanta de toutes parts
l'horrible superstition des sacrifices humains. Ils en
vinrent au point de croire qu'on ne pouvait plus sup-
plier pour une tête qu'au prix d'une tête '. Voilà ce
qui se passait universellement dans l'ancien Paga-
nisme.
• Eclairciss. sur les sacrif,, par M. de Maistre, p. 396.
'Macrob., Satur., 1,7.
DE PERSÉVÉRANCE. 219
Lorsque nous arrivâmes en Amérique à la fin du
quinzième siècle, nous y trouvâmes cette même
croyance, mais bien autrement féroce. Il fallait ame-
ner aux prêtres mexicains jusqu'à vingt mille victimes
par an ; et pour se les procurer il fallait déclarer la
guerre à quelque peuple : mais au besoin les Mexi-
cains sacrifiaient leurs propres enfants. Le sacrifica-
teur ouvrait la poitrine des victimes, et se hâtait d'en
arracher le cœur tout vivant. Le grand-prêtre en ex-
primait le sang, qu'il faisait couler sur la bouche de
l'idole, et tous les prêtres mangeaient la chair des vic-
times '.
Loin d'être agréables à Dieu, ces sacrifices païens
étaient d'horribles attentats qui provoquaient sa juste
colère. Les sacrifices des Juifs étaient innocents, il est
vrai, mais ils étaient par eux-mêmes absolument inef-
ficaces. Et quelle proportion, je vous prie, entre un Dieu
irrité et le sang d'un bouc? Une injure qui s'adresse
à l'être infiniment parfait est par cela même infinie; il
faut, pour égaler la réparation à l'offense, une expia-
tion d'un prix infini. Or cette expiation vous la cher-
cheriez vainement dans les sacrifices anciens. Si Dieu
daignait les agréer, ce n'était point à raison de leur
valeur intrinsèque, mais comme images d'un sacrifice
digne de lui, c'est-à-dire d'un mérite et d'une valeur
infinie. Mais un sacrifice d'un mérite infini suppose une
victime d'un prix infini. Dieu seul est infini : la seule
' Eclairciss., p. 413.
220 CATÉCHISME
victime digne de Dieu, capable de proporliunner l'ex-
pialion k l'offense, c'est donc Dieu lui-raôme.
Oui, un Dieu, victime d'un Dieu, immolé pour
l'homme, tel est le grand, le profond mystère que la
raison humaine soupçonnait, dont elle appelait l'accom-
plissement et dont elle figurait l'efficacité toute-puis-
sante par une multitude de sacrifices impuissants. Dieu
ne laissa point ignorer au genre humain que toute cette
multitude de sacrifices ne pouvaient satisfaire à sa jus-
tice, et qu'un jour ils seraient remplacés par un sacrifice
unique, et uniquement digne de lui. Voici ce qu'il disait
aux Juifs par la bouche de Malachie, cinq cents ans avant
l'immolation de la grande victime : Je ne veux plus de
vous, et je ne recevrai plus d'offrande de votre main;
voici que depuis le lever du soleil jusqu'au couchant,
mon nom est grandparmi les nations; en tous lieux une
victime pure est offerte et sacrifiée à la gloire de mon
nom^ parce que mon nom est grand parmi les na-
tions *.
Le Seigneur cependant voulut bien dissimuler et at-
tendre pendant quarante siècles ; mais enfin l'heure de
la grande expiation sonna à l'horloge de l'éternité. Et
voici que, dans la plénitude des temps, l'Agneau de
Dieu, l'auguste et sainte victime attendue par le ciel et
la terre avec tant d'impatience, descendit sur la terre.
Immolations, hosties pacifiques, holocaustes, sacrifices
de tout genre, ombres vaines, disparaissez : voici la
réalité qui vient. Le genre hunuun n'a plus besoin de
« Mal., II, II.
DE PERSÉVIÎRANCK. 22t
VOUS : un sacrifice unique va vous remplacer ; seul il
satisfera à toutes les demandes du Créateur, h tous les
devoirs et à tous les besoins de la créature. Entendez le
Fils de Dieu, le prêtre catholique du Père ', qui, en
entrant dans le monde, annonce la fin de votre règne :
O mon Père! dit-il, vous n'avez 'point voulu des hos-
ties ni des oblaiions, mais vous m'avez formé un corps ;
vous n'avez point agréé les holocaustes ni les sacrifices
pour le péché; alors j'ai dit : Voici que je viens pour
accqgiplir votre volonté : je le veux, et votre volonté
est îtne loi écrite en tête du livre de ma vie et gravée au
milieu de mon cœur ^.
Et la sainte victime a été immolée, et nous connais-
sons le lieu, le jour, l'heure et l'efficacité de son sacri-
fice. L'autel fut à Jérusalem, mais le sang de la vic-
time baigna l'univers '^.
A la vue de ce sang, Dieu et l'homme, le ciel et la
terre, les Anges et toutes les créatures tressaillirent en
quelque sorte de douleur et de joie. Ce sang fat utile
à tous : à Dieu il rendit la gloire, à l'homme la
paix ; car il a plu à Dieu de réconcilier toutes choses
par celui qui est le principe de la vie et le premier-né
d'entre les morts, ayant pacifié par le sang qu'il a ré-
pandu sur la croix tant ce qui est en la terre que ce qui
est au ciel ^.
' Sacerdos patris catholiciis. TertuU.
* Hebr., s, ô.
3 Orig., Homil. 1 in Leiit,, n. 3.
* Ad Coloss., I, 20. Ephes., i, 10, Hebr., ix, 23.
222 CATÉCHISME
Par les paroles que le Fils de Dieu adresse à son
Père, il est clair que le corps du Sauveur a été sub-
stitué à tous les sacrifices anciens. En effet, ces sa-
crifices étaient de quatre sortes : 1» Vholocauste,
dans lequel on brûlait la victime tout entière : la fin
principale de ce sacrifice était d'honorer Dieu dans sa
sainteté infinie, dans son souverain domaine et dans la
plénitude de toutes ses perfections ; 2<' le sacrifice paci-
fique : il était offert à Dieu en actions de grâces de ses
bienfaits et pour lui rendre hommage de ses dons; 3° le
sacrifice de propitiation : il était offert pour rendre à
la justice Je Dieu la satisfaction qui lui est due, à cause
de nos péchés, et pour nous le rendre propice ; 4» le
sacrifice impétratoire : il s'offrait à Dieu pour obtenir
de sa libéralité les grâces et les bienfaits nécessaires à
la vie spirituelle et corporelle, temporelle et éternelle.
Quoique ce sacrifice semble regarder simplement l'in-
térêt de la créature, c'est cependant un hommage que
nous rendons à Dieu, un aveu de notre dépendance et
de l'indigence où nous sommes de son secours, en le
reconnaissant pour la source et la cause de tous biens.
Il ne faut pas oublier que dans tous ces sacrifices les
prêtres et le peuple devaient participer à la victime en
en mangeant une partie. Celte manducation était essen-
tielle. Quoique, dans l'holocauste, la victime fût consu-
mée tout entière, le peuple ne laissait pas d'y participer,
en quelque sorte, en mangeant d'une autre hostie qu'on
offrait avec l'holocauste.
Telle était la grande loi et l'indispensable condition
DE PERSÉVÉRANCE. 22$
du sacrifice, loi révélée, condition imposée par Dieu
lui-même, puisque, chose très-remarquable! celte par-
ticipation à la victime avait lieu chez toutes les nations.
« Par toute la terre, dit Pélisson, on mangeait la
chair des victimes. Dans toutes les nations, le sacrifice
qui finissait par là était regardé comme un festin so-
lennel de l'homme avec Dieu : d'où vient que l'on
trouve si souvent dans les anciens poêles païens le fes-
tin de Jupiter, les viandes de Neptune, pour signifier les
victimes dont on mangeait après les avoir immolées à
ces fausses divinités ; et s'il y avait parmi les Juifs des
holocaustes, c'est-à-dire des sacrifices où la victime
était entièrement brûlée en l'honneur de Dieu, on les
accompagnait de l'offrande d'un gâteau, afin qu'en ces
sacrifices mêmes il y eût à manger pour l'homme *. »
On communie avec la Divinité par l'entremise des
substances qui lui sont immolées : telle fut la foi du
monde entier avant la naissance du Sauveur. Nous le
répétons, la communion faisait partie du sacrifice ; elle
en était le complément et le lien de l'unité religieuse.
Cette idée universelle était juste et prophétique. Elle
annonçait une autre communion, comme les sacrifices
anciens annonçaient un autre sacrifice '.
* Traité de l'euch., pag. 182. Paris, 1694.
* Après l'abolition des sacrifices grossiers de l'ancienne loi, la
conservation du culte extérieur exigeait un signe, symbole de la
victime morale. Jésus-Christ, avant de quitter la terre, pourvut à
la grossièreté de nos sens qui ne peuvent se passer de signe ma-
tériel : il institua l'eucharistie, où, sous les espèces sensibles du
pain et du vin, il cacha l'offrande invisible de son sang et de nos
cœurs.
224 CATÉCHISME
Ce sacrifice est celui du Calvaire. Il est temps de
montrer quMl répond parfaitement aux sacrifices an-
ciens et qu'il les accomplit tous. 1" Le sacrifice du Cal-
vaire est holocauste ou latreutique ; car il est tout con-
sacré et tout offert à Dieu, pour qui il est immolé tout
entier; 2^ il est pacifique ou d'actions de grâces, puis-
qu'il est offert pour remercier Dieu de ses bienfaits et
pour lui rendre hommage de ses dons; S** il est propi-
tialoire, puisqu'il a été offert pour expier les péchés du
monde et pour satisfaire à la justice divine ; 4° il est
impétratoire, puisqu'il a été offert pour mériter et ob-
tenir à tous les hommes les grâces et les biens néces-
saires à la vie du corps et de l'âme, du temps et de l'é-
ternité ; il accomplit et remplace tous les sacrifices an-
ciens, puisqu'il est d'un prix infini : telle est la doctrine
de l'Eglise catholique ^
Comme tous les sacrifices anciens, le sacrifice de la
nouvelle alliance doit être accompagné d'une commu-
nion à la victime sainte ; et comme ce sacrifice est ce-
lui de tous les temps, de tous les pays jusqu'à la fin du
monde, il faut que la communion à la victime qui y est
offerte soit possible à toutes les générations qui vien-
dront sur la terre jusqu'à la consommation des siècles.
Et voilà qu'il est entré dans les incompréhensible des-
seins de l'amour tout-puissant de perpétuer jusqu'à la
fin du monde, et par des moyens bien au-dessus de no-
tre faible intelligence, ce même sacrifice du Calvaire,
• Conc. Trid., sess. 22, c. 2 et can. 3.
DE PERSÉVÉRANCE. 225
malériellement offert une seule fois pour le salut du
genre humain.
Par une immense bonté, attaquant une immense
dégradation, la chair divinisée el perpétuellement im-
molée de la victime du Calvaire est présentée à l'homme
sous la forme extérieure de sa nourriture privilégiée;
et celui qui refusera d'en manger ne vivra point ^.
Et comme la parole, qui n'est dans l'ordre matériel
qu'une suite d'ondulations circulaires excitées dans
l'air, et semblables, dans tous les plans imaginables, à
celles que nous apercevons sur la surface de l'eau frap-
pée dans un point; comme cette parole, dis-je, arrive
cependant dans sa mystérieuse intégrité à toute oreille
touchée dans tout point du fluide agité, de même l'es-
sence corporelle de celui qui s'appelle parole, rayon-
nant du centre de la toute-puissance, qui est partout,
entre tout entière dans chaque bouche, et se multiplie
à l'infini sans se diviser. Plus rapide que l'éclair, plus
actif que la foudre, le sang théandrique pénètre les
entrailles coupables pour en dévorer les souillures -. Par
une véritable affinité divine, il s'empare des éléments
de l'homme, et les transforme sans les détruire ^.
C'est ainsi que, depuis la venue du Rédempteur,
l'homme communie à Dieu, non plus d'une manière
figurative, mais d'une manière réelle et substantielle ;
' Joan., VI, 54.
* Adbaereat visccribus nieis... ut io nie non remaneat scelerum
macula. Liturg. de la messe.
* Eclaircisseiueuts sur les sacrifices.
T. VII. 15
226 CATÉCHISME
et il en sera de même tant qu'il y aura des hommes à
sanctifier.
Or, la continuation du sacrifice de la croix, qui met
l'homme en état de participer par la manducation à la
grande victime du Calvaire, c'est le sacrifice de l'autel,
c'est la messe. Cette simple explication nous fournit la
réponse à notre troisième question : La messe est-elle
un vrai sacrifice?
Oui, la messe est un vrai sacrifice. En effet, la messe,
ou le sacrifice de l'autel, est le même que celui de la
croix. A l'autel et au Calvaire, je vois la même victime,
le même prêtre, les mêmes fins : la seule différence est
dans la manière donl le sacrifice est offert : sanglante
au Calvaire, elle est non sanglante à l'autel.
Et d'abord, à l'autel et au Calvaire, c'est la même
victime, notre Seigneur Jésus -Christ, qui s'offre et
s'immole sous les espèces du pain et du vin.
C'est le même prêtre. Au Calvaire, Notre-Seigneur
s'immola lui-même : C'est moi-même qui donne ma vie ;
ce n'est pas un autre qui me Vote malgré moi; c'est moi
qui la sacrifie de mon plein gré ; de même à l'autel. Le
prêtre mortel n'est que le ministre du Prêtre éternel ; il
n'agit que par son ordre et par délégation, suivant cette
parole : Faites ceci en mémoire de moi. Pour montrer
encore mieux que le prêtre n'agit qu'au nom de Jésus-
Christ, il ne dit pas : Ceci est le corps de Jésus-Christ,
mais Ceci est mon corps. Le prêtre secondaire s'efface et
disparaît pour laisser le prêtre principal convertir la
substance du pain et du vin en la substance de son
corps et de son sang.
DE PERSÉVÉRANCE. 227
A l'aulel et au Calvaire, l'objet du sacrifice esl le
même. Dieu esl le seul à qui il esl oflferl. C'est pour la
gloire de Dieu, pour reconnaître parfaitement son soii-
verain domaine, en lui offrant une victime égale à lui,
qu'eut lieu le sacrifice du Calvaire. Il en est de môme
du sacrifice de l'autel. Jamais l'Eglise catholique n'offre
la messe à un Saint, à un Ange, pas même à l'auguste
Marie. Le sacrifice étant l'acte du culte suprême, il ne
peut sans idolâtrie être offert à aucune créature ; et les
hérétiques, qui osent accuser l'Eglise de le faire, la
calomnient.
Il y a quinze cents ans que saint Augustin leur
répondait : « Nous ne bâtissons point de temples,
nous n'ordonnons point de prêtres, nous n'instituons
point de sacrifices pour les Martyrs ; car ils ne sont
pas nos dieux : c'est leur Dieu qui esl notre Dieu.
II est vrai que nous honorons leurs tombeaux comme
ceux de bons serviteurs de Dieu qui ont combattu
pour la vérité jusqu'à la mort et répandu leur sang
pour propager la vraie Religion et vaincre l'erreur;
mais qui a jamais entendu un prêtre catholique, de-
bout devant l'autel consacré à Dieu sur le corps d'un
martyr, dire dans ses prières : Pierre, Paul ou Cyprien,
je vous offre ce sacrifice? Lorsqu'on l'offre sur leurs
monuments, on l'offre à Dieu, qui les a faits hommes
et martyrs, et qui les a associés à ses Anges. Que si ces
solennités ont été instituées sur leurs sépulcres, c'est
afin de rendre grâces au vrai Dieu de la victoire qu'ils
ont remportée, et que cela nous excite à nous rendre
228 CATÉCHISME
dignes, en imilanl leur courage, d'avoir pari à leurs
couronnes et à leurs récompenses. Tous les actes de
religion et de piété qui se pratiquent aux tombeaux des
saints Marlyrs sont donc des honneurs qu'on rend à leur
mémoire, et non des sacrifices qu'on leur offre comme
à des dieux. En un mot, quiconque connaît l'unique sa-
crifice des Chrétiens qui s'offre à Dieu sur ces tombeaux,
sait aussi qu'on n'y sacrifie point aux Martyrs ^ »
Le sacrifice de l'autel est offert pour les mêmes fins
que celui du Calvaire, pour adorer Dieu, pour le re-
mercier, pour expier nos péchés et pour lui demander
ses grâces : telle est encore la foi de l'Eglise univer-
selle; telle est aussi la parole de Notre - Seigneur :
Faites ceci en mémoire de moi, c'est-à-dire : offrez,
comme je viens d'offrir, la même victime, au même
Dieu, et pour les mêmes fins ^. »
Le sacrifice de la messe est donc le même que celui
du Calvaire : la seule manière de l'offrir est différente '.
Que dis-je? Au sacrifice de la messe le Sauveur re-
nouvelle non-seulement les mystères de sa morl, mais
encore ceux de sa résurrection et de sa vie glorieuse.
1° II y renouvelle les mystères de sa mort. En chan-
geant le pain en son corps, Jésus-Christ offre ce corps
adorable comme il l'a ofl'ert sur la croix; l'Eucharistie
' Cité de Dieu, Ht. 8, c. 27-
* Conc. Trid., sess. 22, c. 1, etc.
" Uaa enim eademque est hostia, idem nunc offerens sacerdotis
niinisterio, qui seipsum tune in cruce obtulit, sola offerendi ra-
tione diversa. Id., c. il.
DE PERSÉVÉRANCE. 229
renferme sa passion'. Nous n'annonçons sa mort en le
mangeant, suivant l'expression de saint Paul, que parce
qu'il offre sur nos autels sa mort précieuse *; et il est vrai
de dire, avec saint Cyprien, que le sacrifice que nous
offrons est la passion même du Sauveur^. Tout l'appareil
extérieur du Calvaire qui manque à l'autel n'avait rien
de commun avec le sacrificateur; l'essentiel du sa-
crifice de la croix consistait en l'oblation que Jésus-
Christ fit de son corps. La même chose a lieu sur
l'autel.
2° Il y renouvelle les mystères de sa résurrection et
de sa vie glorieuse. A l'autel, le Sauveur s'offre comme
à sa résurrection, puisqu'il y offre son corps immortel
et glorieux; il s'y offre comme à son ascension, puis-
qu'il y monte encore de l'autel de la terre au sublime
autel du ciel, suivant les paroles du Canon, pour y aller
résider et intercéder en notre faveur, offrant ainsi tou-
jours une môme hostie. C'est pour cela que nous disons
à la messe que nous offrons ce sacrifice pour renouveler
la mémoire de la passion, de la résurrection et de l'as-
cension de notre Seigneur Jésus-Christ. Voilà donc à la
messe la réunion de tous les mystères qui ont été les
diverses parties, ou la continuation, ou le fruit du sa-
crifice du Sauveur. Voilà donc à la messe l'accomplisse-
ment littéral de cette prophétie de David : En donnan t
• Cœnam suam dédit, passionem suam dédit. S. Aug., in Psal. 21 .
« 1 Cor., XI, 26.
* Passio est enirn Domini sacriflciura quod offerimus. Epist. 63
ad Cœcil.
230 CATÉCHISME
sa nourriture à ceux qui le craignent, il a renouvelé
la mémoire de toutes ses merveilles*.
Ces explications répondent d'avance à notre qua-
trième question : La messe est-elle nécessaire?
Oui, la messe est nécessaire dans le plan chrétien
de notre sanctification. Il est vrai, le sacrifice du Calvaire
a pleinement satisfait à Dieu pour tous noi péchés ; il a
pleinement acquitté toutes nos dettes, car il est d'un
prix infini; il suffit, et au delà, pour sanctifier mille
mondes, fussent-ils mille fois plus coupables que le
nôtre. Tout cela est vrai, et néanmois la messe est né-
cessaire ; car il faut que le sacrifice du Calvaire se con-
somme en nous, il faut qu'il nous soit appliqué, iden-
tifié par la communion à la grande victime. Or, cette
divine victime ne pouvait pas être mangée par les fidèles
sur le Calvaire. Voilà ce qui manquait à l'autel de la
croix, et c'est à l'aulel de l'Eglise que celte manduca-
tion s'accomplit par la communion. La môme victime
est offerte sur le Calvaire et sur nos autels ; mais au
Calvaire elle n'est qu'offerte, ici elle est offerte et dis-
tribuée, suivant l'expression de saint Augustin ^. C'est
à l'autel, ajoute saint Ambroisé, que s'accomplit la
perfection du sacrifice de la croix, car Jésus-Christ nous
y nourrit réellement tous les jours du sacrement de sa
passion ^.
' Ps. ex.
» Conf., lib. 9, c. 12 et 13."i
^ SigaiAcaas passionem Domini Jesu, cujus quotidie vescimar
sacrameato. Jn Psal. 43.
DE PERSÉVÉRANCE. 231
Ainsi, par le sacrifice de la croix Jésus-Christ paya
le prix de notre rançon, et par celui de l'autel il nous
applique le fruit de ce paiement. Il suit de là que le
sacrifice de la grande victime, commencé sur le Cal-
vaire, ne se termina pas alors, mais commença pour
durer aux siècles des siècles *. Il faut que toutes les gé-
nérations venant en ce monde trouvent le divin banquet
préparé, et qu'elles puissent se sanctifier, se diviniser,
se christianiser, s'il m'est permis de le dire, en s'in-
corporant le sang et la chair du Christ, victime unique,
éternelle, catholique du ciel et de la terre. La messe
est donc absolument nécessaire dans le plan chrétien
de notre sanctification.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir institué le sacrifice de nos autels pour perpétuer
le sacrifice du Calvaire et nous en appliquer le fruit;
faites-moi la grâce d'assister toujours à la sainte messe
avec les dispositions nécessaires pour en profiter.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour,
j'assisterai au sacrifice de l'autel, comme j'aurais assisté
au sacrifice du Calvaire.
* B. Lig., Selva, t. 2, p. 197.
232 CATléCHISME
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME REXDC SENSIBLE,
Du sacrifice et de la messe
Q. Qu'est-ce que le sacrifice?
R. Le sacrifice est l'offrande faite à Dieu d'une chose
qu'on détruit en son honneur pour reconnaître son sou-
verain domaine sur les créatures. Le sacrifice n'est
plus qu'une sainte offrande. Pour qu'il y ait sacrifice,
il faut que la chose soit détruite ou changée.
Q. Le sacrifice est-il nécessaire?
R. Le sacrifice est nécessaire. Dieu étant l'auteur
de toutes choses, le maître absolu de la vie et de la
mort, il veut qu'on reconnaisse son souverain pouvoir
sur tout ce qui existe, autrement il n'aurait pas agi
pour sa gloire, ce qui serait contraire à son infinie sa-
gesse. Le sacrifice est le seul moyen de reconnaître ce
pouvoir absolu de Dieu sur tout ce qui existe; le sa-
crifice est donc nécessaire. Efi détruisant une créature
à l'honneur de Dieu, l'homme lui dit par cette action :
Je reconnais que vous êtes le maître de la vie et de
la mort de tout ce qui existe, je reconnais votre souve-
rain empire sur toutes les créatures et sur moi-même.
Q. Pourquoi des sacrifices sanglants?
R. Les sacrifices sanglants sont pour expier le pé-
ché. Si l'homme était resté innocent, il n'y aurait point
eu de sacrifices accompagnés de la mort de la victime,
puisque saint Paul nous dit que la mort n'est entrée
DE PERSÉVÉRANCE. 233
dans le monde que par le péché. Mais l'homme ayant
péché et s'étant rendu digne de mort, il y a eu des sa-
crifices sanglants. En les offrant, l'homme dit à Dieu :
Je confesse que j'ai mérité d'être mis à mort comme
cette créature que je vous immole.
Q. Qu'est-ce qui a établi les sacrifices?
R. C'est Dieu qui a établi les sacrifices. L'homme
n'aurait jamais imaginé que le sang d'un animal pût
plaire à Dieu et expier le péché. 11 est vrai que le sa-
crifice des animaux, non plus que celui des autres créa-
tures, n'était pas agréable à Dieu pour lui-même,
mais parce qu'il représentait un sacrifice d'un prix in-
fini qui devait un jour avoir lieu. Aussi Dieu l'avait dit
aux Juifs, en leur annonçant le sacrifice futur.
Q. Combien y avait-il de sortes de sacrifices chez les
Juifs ?
R. Il y avait chez les Juifs "quatre sortes de sacri-
fices : 1« l'holocauste où la victime était consumée par
le feu : on l'offrait pour adorer Dieu ; 2° le sacrifice
pacifique, pour le remercier; 3" le sacrifice propitia-
toire, pour expier le péché; 4° le sacrifice impétratoire,
pour demander les grâces de Dieu. Dans les sacrifices,
les fidèles et les prêtres mangeaient de la chair de la
victime; c'était une espèce de communion avec Dieu
par le moyen des viandes qui lui étaient immolées.
Dans l'holocauste, on offrait un gâteau, afin qu'il y eût
quelque chose à manger. Tous ces sacrifices ont élé
rejetés comme incapables d'honorer Dieu suivant qu'il
le mérite.
234 CATÉCHISME
Q. Par quoi ont-ils été remplacés?
R. Ils ont été remplacés par un sacrifice unique et
éternel, le sacrifice du Calvaire. Ce sacrifice honore
Dieu parfaitement, et nous acquitte de tous nos devoirs
et de toutes nos dettes, puisque la victime en est d'un
prix infini. Cette victime, c'est notre Seigneur Jésus-
Christ, le Fils de Dieu lui-même.
0- Qu'est-ce que la messe?
R. La messe est la continuation et le renouvellement
du sacrifice de la croix. A l'autel et au Calvaire c'est
la même victime qui s'immole, c'est le même prêtre
qui l'immole ; elle est offerte au même Dieu et pour les
mêmes fins, c'est-à-dire pour adorer Dieu, le remercier,
expier et demander. La seule différence entre la messe
et le sacrifice du Calvaire, c'est qu'à l'autel Notre-
Seigneur est offert d'une manière non sanglante, tan-
dis qu'au Calvaire il est offert d'une manière san-
glante.
Q. La messe est-elle nécessaire?
R. La messe est nécessaire. Il faut que nous parti-
cipions à la victime du Calvaire en mangeant sa chair
et en buvant son sang. C'est par la messe que cette
manducation devient possible. Le sacrifice de la croix
est le prix de notre rançon, le sacrifice de l'autel en est
l'application à chacun de nous.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remereie
d'avoir institué le sacrifice de nos autels pour perpétuer
DE PERSÉVÉRANCE. 235
le sacrifice du Calvaire et nous en appliquer le fruit ;
failes-moi la grâce d'assister toujours à la sainte messe
avec les dispositions nécessaires pour en profiler.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, j'assisterai
au sacrifice de l'auteU comme j'aurais assisté au sacri-
fice du Calvaire.
236 CATÉCHISME
Xir LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Excellence du sacrifice de la messe.— Le prêtre.— Ses préparations.
— Ses vêtements. — .Vniiet. — Aube. — Cingulon. — Manipule. —
Etole. — Chasuble. — Etole du diacre. — Dalmatiquc.— Tunique
du sous-diacre. —Surplis. — Chape.
Si un sauvage sorti du fond des déserts arrivait tout
à coup dans une de nos villes chrétiennes, et qu'on lui
dît : Il y a parmi nous un sacrifice dans lequel, à la
voix d'un prêtre, le ciel s'ouvre, le Fils du grand Esprit
descend sur un autel, s'immole entre les mains du sa-
crificateur, et nous donne sa chair à manger et son sang
à boire, afin de nous faire vivre de sa vie et de faire de
nous des dieux ; quelles pensez-vous que seraient les
pensées de ce pauvre sauvage ? quel son respect pour
un si auguste sacrifice? quel son désir d'y prendre part?
quelles sa préparation, sa frayeur religieuse avant d'y
participer? quel son attendrissement en y participant?
quelles sa reconnaissance et sa joie après y avoir par-
ticipé ?
Or, tous ces sentiments, nous devons, oui, nous
devons les éprouver. Que dis- je? ils doivent être en
nous d'autant plus parfaits que nous sommes plus ri-
ches de lumières et de grâces. Cependant, que chacun
de nous mette ici la main sur sa conscience, et qu'il
DE PERSÉVÉRANCE. 237
dise s'il ne doit pas envier la foi et les dispositions du
sauvage ignorant dont nous venons de parler. Hâtons-
nous de changer ; autrement, quelles excuses aurons-
nous à présenter au souverain Juge? quelles réponses à
ce reproche trop bien mérité : Malheur à toi, Beth-
sdide ; malheur à toiy Corozam ; car si les miracles que
fai opérés devant tes yeux eussent été faits en faveur
de Sodome et de Gomorrhe, c'est-à-dire des peuples les
plus sauvages et les plus corrom,pus, ils auraient fait
pénitence dans la cendre et le cilice.
Pour détourner de nous cet anathème, apportons dé-
sormais à l'auguste sacrifice les dispositions que de-
mandent et le prêtre qui l'offre et la victime qui est
offerte, et à laquelle nous devons participer. Dans cette
vue, recueillons soigneusement les précieuses instruc-
tions, les pieux sentiments dont l'Eglise nous offre une
source abondante dans tout ce qui précède ou accom-
pagne la célébration de nos augustes mystères.
Prenez d'abord le prêtre qui en est le ministre, et
voyez avec quel soin on le prépare à cet emploi tout
divin ; considérez cet homme devenu supérieur en puis-
sance aux Anges mêmes : l'Eglise l'a tiré de la masse
commune pour l'élever h des fonctions qui font trem-
bler les esprits célestes.; elle l'a séparé, elle l'a long-
temps éprouvé, elle l'a fait passer par beaucoup de de-
grés avant qu'il ait pu arriver au sanctuaire. Il a fallu
former son cœur, orner son esprit, s'assurer que ses
lèvres seraient les fidèles dépositaires de la science, et
sa conduite le modèle du troupeau. Le pontife de la
238 CATÉCHISME
nouvelle alliance, après avoir consulté le ciel et la terre,
> ,., . M. '. *^ 1 ^ _ _ • ■ -fj;
après des jeûnes et des supplications réitérées, a fait
couler sur lui l'onction divine, l'huile du sacerdoce
royal. La parole de Jésus-Christ y est engagée, sa pro-
messe est formelle, le Saint-Esprit est descendu sur cet
homme, il lui a communiqué ses dons les plus excel-
lents et des pouvoirs surhumains.
Tant de préparations ne suffisent pas ; et voilà le mi-
nistre sacré qui se lève avant l'aurore pour vaquer à de
longues prières, lorsqu'enfin la cloche, cette trompette
de l'Eglise militante, sonne l'heure du sacrifice. Re-
cueilli, pénétré, tremblant h la vue de ses augustes
fonctions, le prêtre s'avance pour offrir la victime qui
réconcilie la créature avec son Dieu; silence au ciel,
silence à la terre : il va négocier les plus grands inté-
rêts du genre humain.
Arrivé à la sacristie, le prêtre se lave les mains en
disant : « Seigneur, purifiez mes mains, afin que je
puisse, sans souillure d'âme et de corps, accomplir votre
saint ministère. » L'usage de se laver les mains avant
la prière remonte aux siècles apostoliques ; les premiers
Chrétiens n'y manquaient jamais. C'est ainsi que dans
ses moindres pratiques l'Eglise a conservé de vénéra-
,1 - ■
blés traditions.
Arrêtons-nous maintenant à considérer les vêtements
sacrés dont le prêtre va se revêtir. Ils sont comme un
livre plein d'instruction et de piété ; souvent peut-être
on l'a ouvert à nos yeux, et nous n'y avons rien compris.
Les vêtements du prêtre qui va célébrer les saints
DE PERSÉVÉRANCE. 239
mystères sont : 1° l'amict, û" l'aube, 3" le cingulon, 4* le
manipule, 5° l'étole, 6° la chasuble. Si le célébrant est
un évoque, il en ajoute d'autres encore que nous ex-
pliquerons plus loin.
Dans l'ancienne loi, Dieu avait voulu que les prêtres
et les lévites eussent des vêtements particuliers et con-
sacrés, lorsqu'ils immolaient les victimes. Héritière des
traditions antiques, l'Eglise a voulu que ses ministres
fussent aussi revêtus d'habits particuliers et sacrés,
lorsqu'ils exerceraient leurs augustes fonctions. Le res-
pect dû aux choses saintes, et par les prêtres et par
les fidèles, en fait un devoir. D'ailleurs les hommes
n'ont -ils pas toujours besojn de signes extérieurs et
sensibles qui les rappellent intérieurement à la gran-
deur invisible des mystères? Aussi l'usage des habits
sacerdotaux remonte jusqu'aux Apôtres'. « Les vête-
ments ecclésiastiques dont se servent les prêtres et les
autres ministres pour offrir à Dieu le culte divin avec
tout le respect qu'il mérite, doivent être propres et
consacrés, et, comme tels, nul ne doit en faire usage
que les prêtres et ceux qui sont dédiés au saint minis-
tère *. » Vous venez d'entendre les paroles de saint
Etienne, pape et martyr, qui vivait en 250. « La Reli-
gion divine, ajoute saint Jérôme, a un habit pour le
ministère de l'autel, et un autre pour l'usage com-
' Euseb.,lib. 3, c. 8,
• Epist. ad Hilar. Voyez aussi Tertull., de Monogrimia, c. 12 ;
Orig., Uomil. 11 in cap. 20 Z-etiV.; Hieroa ,lib. 13, Comment, in
cap, 44 Ezech.; Bona, lib. 1, c. 24.
240 CATÉCHISME
mun. » Dans le temps des persécutions, les vêtements
sacrés étaient nécessairement moins riches ; mais,
quand l'Eglise fut en paix, et qu'elle compta parmi
ses enfants les puissants du siècle, elle ne craignit pas
de célébrer son culte avec magnificence. Tout ce qu'il
y a de grand dans le monde vient de Dieu, et doit être
consacré à sa gloire. L'or et l'argent m'apparliennent,
dit le Seigneur '. Et quel plus noble usage en peut-on
faire que de les employer au culte de celui qui les a
créés et qui nous en a fait don?
Dès l'origine, on eut pour les vêlements sacrés le
plus grand respect. Il n'était point permis aux femmes
de les toucher; on les gardait avec un soin religieux
dans des lieux consacrés. Le prêtre Rogatien faisait tant
de cas de la tunique dont il était revêtu en offrant le
saint sacrifice, qu'il la laissa par testament à saint Jé-
rôme, pour qui il avait une vénération toute particu-
lière ^
Voyons maintenant l'origine de ces divers ornements,
les changements que la propreté et la commodité y ont
introduits, les intentions de l'Eglise en les faisant pren"
dre à ses ministres, et la raison pour laquelle ils sont
de diverses couleurs, suivant les fêtes.
1° De l'amict ^. L'amict est un voile blanc que le
prêtre pose d'abord sur sa tête, et qu'il rabat ensuite sur
son cou et sur ses épaules ; il l'attache avec deux tresses
• Agg., 9.
* Hieron., Epist. ad Heliod. Epitaph. Rogat.
* Amictus
DE PERSÉVÉRANCE. 241
qui viennent se croiser sur sa poitrine. Le mot amict vient
d'un verbe latin qui signifie couvrir *. Ce vêtement fut
introduit, il y a plus de mille ans, pour couvrir le cou
que les ecclésiastiques et les laïques portaient nu jus-
qu'alors. Sa destination naturelle est donc de conserver
la voix de ceux qui doivent chanter les louanges de
Dieu, et de rappeler au prêtre la modestie avec laquelle
il doit faire usage de la sienne, et le soin qu'il doit avoir
de retrancher pendant le sacrifice toute parole étran-
gère à cette action qui doit l'occuper tout entier. Aussi
l'évêque, en donnant l'amict au jeune ordinand, l'aver-
tit qu'il est un signe de la retenue et de la modestie de
la voix.
Les fidèles qui assistent à la messe sont pour ainsi
dire cosacrificateurs avec le prêtre, obligés jusqu'à un
certain point d'y apporter les mêmes dispositions que
lui. Ils doivent donc prendre pour eux cet avertisse-
ment, et se souvenir qu'une fois en présence des saints
autels, toute conversation, toute parole avec la terre leur
est interdite.
Comme tout dans le prêtre doit rappeler Jésus-Christ,
le souverain sacrificateur, l'amict figure le Fils de Dieu
qui, descendu du ciel pour sauver le monde, couvrit
sa divinité du voile mystérieux de l'humanité '. Il est
encore le signe de ce voile d'ignominie dont on couvrit
sa face adorable, alors qu'une multitude effrénée, insul-
tant à sa qualité de prophète, banda ces yeux qui voient
• Amicire.
" Durandus, c. 2. Durantus, lib. 2, c. 'J.
T. VU. 16
242 CATÉCHISME
dans les ténèbres, et disait : « Devine, Christ, quel est
celui qui t'a frappé? » Posé sur la lêle, l'amict figure
le casque du guerrier, et rappelle au prêtre qu'il est un
soldat. En effet, le prêtre qui se dispose à offrir les
saints mystères va livrer un grand combat. Cette der-
nière signification de l'amict est exprimée dans la
prière que le prêtre récite en le prenant : « Seigneur,
mettez sur ma tête le casque du soldat, afin que je
puisse résister aux coups du Démon. »
2° L'aube ', ainsi nommée à cause de sa blancheur,
remonte à la plus haute antiquité. Le grand-prêlre de
la loi s'en revêtait pour le sacrifice ; les Païens eux-
mêmes se servaient de ce vêlement, lorsqu'ils immo-
laient à leurs dieux : c'était un vol fait à la véritable
Religion. Partout on a compris que, pour s'approcher
de la Divinité, il fallait d'autres vêtements que ces habits
de peau de bête dont Dieu couvrit l'homme coupable.
Il est remarquable que les prêtres, non-seulement
chez les Chrétiens, mais chez les Juifs et chez les Païens,
ont toujours employé les tuniques de lin dans les fonc-
tions religieuses : c'est un fait universel et incontes-
table ^ Quelle en peut être la raison? « C'est, répond
• Alba.
* ^o/ea Apulée, dans son Apologie; le même, Fables milésiennes,
Mv. 2 ; Ovide, en parlant des prêtres d'Isis :
Nec tu linigeram fier! quid possit ad I.<im
Quaesieris.
et ailleurs :
Nunc dea linigera colitur celeberrima turba.
Scbeffer dit la même chose des Pythagoriciens, de Italica Philoso-
DE PERSÉVÉRANCE. 243
un philosophe païen, parce que les vôtemenls faits de
la dépouille des animaux ne sont pas assez purs. »
Ce que Pythagore entrevoyait, nos auteurs chrétiens
nous le disent ouvertement. L'homme a toujours eu la
conscience de sa chute ; il a su que les vêtements faits
de la substance des animaux étaient un opprobre, une
punition, une livrée de dégradation : il les a quittés pour
s'approcher de Dieu, et a témoigné, en prenant d'autres
vêlements, du désir qu'il avait de recouvrer sa pureté
en revenant à Dieu. En effet, il aurait pu se servir de
vêtements de laine blanche pour ses fonctions reli-
gieuses, s'il n'avait voulu marquer que sa disposition
de pureté : mais non ; il y avait là un souvenir de la
souillure primitive, et il a pris des vêtements de lin '.
Ces vêtements nouveaux étaient donc l'emblème de la
vie nouvelle d'innocence et de sainteté qu'on venait
chercher dans les sacrifices^.
L'aube était aussi un vêtement particulier à la no-
blesse romaine : c'est cette toge ou robe traînante afifec-
phia, c. 14. ApoUonius, interrogé sur cet usage, répondit: ^estem
quant e morticinis plerique ferunt non puram esse rntiis Pytha-
goras^ linen veste usas est. (Apud Philost., lib. 8.)
* Alba lineum vestiuientum, longissimedistat a tunicis pelliceis,
quai de mortuis animalibus fiunt, quibus Adam vestitus est post
peccatum, et novitatem vitae significat, quant Cbristus et habuit
et docùit et tribuit, de qua dicit Apostolus : Exuite veterem Lo-
lUinem *.
" Durantua, lib. 2, c. 9.
* Rupert. Taitiens., lib. \, de dw. Offic, c. 20. lanoc. III, lib. 1, Myst.
MistcE, c. 36 .
244- CATÉCHISME
tée à la classe distinguée, par où l'on jugeait du rang
des personnes.
Comme il n'est point sur la terre de dignité qui égale
celle du sacerdoce, il était juste qu'on lui consacrât le
vêtement auquel l'usage attachait les idées les plus
nobles. Par sa longueur et par sa blancheur, l'aube
rappelle au prêtre la persévérance dans les bonnes
œuvres, la gravité qui doit accompagner ses fonctions,
et surtout la grande pureté qu'il doit apporter à la cé-
lébration des divins mystères : la prière qu'il récite en
la prenant ne lui laisse aucun lieu de douter de l'in-
tention de l'Eglise à ce sujet. Seigneur, dit-il, lavez-
moi, purifiez mon cœur, afin que, blanchi dans le sang
de l'Agneau, je jouisse éternellement de la joie promise
à ceux qui auront dignement rempli leurs fonctions.
Parés de leurs aubes, les ministres des autels res-
semblent à celte troupe de serviteurs fidèles que saint
Jean nous montre dans son Apocalypse, vêtus de robes
blanches, continuellement debout devant l'autel de
l'Agneau, occupés à le servir dans son temple, qui est
le ciel. Ici nous avons le même autel, la même victime,
le même sacrifice : pourquoi les sacrificateurs de l'A-
gneau n'auraient-ils pas des robes blanchies dans son
sang? Ce n'est donc pas seulement la plus belle anti-
quité, c'est encore la divine image de la Jérusalem cé-
leste, que l'aube met sous nos yeux.
Qu'à la vue de cet habit du prêtre, les fidèles se sou-
viennent de la sainteté du sacrifice auquel ils assistent,
et des dispositions d'innocence ou du moins de com-
DE PERSÉVÉRANCE. 245
ponction et de pénitence qu'ils doivent y apporter.
Jésus-Christ, dans le cours de sa passion, fut aussi re-
vêtu, par ordre d'Hérode, d'une robe blanche figurée
par l'aube, qui devient ainsi le ménaorial de celte cir-
constance des ignominies du Sauveur.
3° Le cingulon *. Après avoir pris l'aube, le prêtre
se ceint comme un guerrier prêt au combat. Le cin-
gulon et l'aube sont de la même antiquité. Les peuples
anciens, qui se servaient d'habits longs et larges, ont
toujours pris une ceinture pour marcher et pour agir
plus commodément. Aujourd'hui, le cingulon sert au
même usage. Il est destiné à retenir l'aube, qui devien-
drait incommode sans cela. De plus, il avertit le prêtre
que sa vertu doit être forte et énergique, son courage
sans faiblesse, et que pour monter à l'autel de l'Agneau
sans tache, pour boire son sang, il doit retrancher jus-
qu'au moindre sentiment de la vie sensuelle et mon-
daine. L'Eglise veut qu'en se ceignant ainsi, il demande
à Dieu de mettre autour de ses reins une ceinture d'in-
nocence et de pureté, afin de conserver la plus aimable
des vertus.
Le cingulon, qui est une espèce de corde, peut servir
à nous rappeler les liens dont le Sauveur fut lié au jar-
din des Oliviers, devant ses juges, à la colonne, et en
montant au Calvaire. En venant à la messe, les fidèles
doivent aussi se ceindre des liens du Sauveur, c'est-à-
dire retrancher toute mollesse, toute superfluité dan-
gereuse , déposer toute vanité, se resserrer dans les
' Cinguluni.
246 CATÉCHISME
bornes de la morlificalion chrétienne, afin de n'être
point embarrassés pour marcher à la suite du Sauveur
et combattre avec lui '.
4° Le manipule * que le prêtre porte au bras gauche
était autrefois une espèce de mouchoir destiné à essuyer
le visage pendant les saints offices. Sous ce rapport, le
manipule est de la plus haute antiquité. Vers le dixième
siècle, on orna ce mouchoir, on le garnit de franges et
de dorures, en sorte qu'il devint un ornement dont la
signification mystérieuse est tout à la fois l'histoire de
nos misères et la consolation de nos peines ^.
11 servait d'abord à essuyer les larmes et la sueur.
Cet antique usage du manipule nous rappelle qu'ici nous
sommes condamnés au travail ; que le ciel souffre vio-
lence; qu'il faut gagner à la sueur de notre ft-ont le
pain de la vie éternelle; que nous avons mille sujets de
pleurer pendant la nuit de notre exil, mais que viendra
bientôt le jour de l'éternité où le Seigneur essuiera nos
pleurs; jour heureux où, marchant avec allégresse,
nous nous présenterons au Père de famille, comme des
moissonneurs laborieux, portant en nos mains les ger-
bes recueillies dans les travaux et dans les larmes.
Tel est le sens de la prière que le prêtre adresse à
Dieu, en pendant le manipule à son bras : Seigneur,
que je mérite de porter le manipule des larmes et de, la
' Rabin. Maur., lib. 1, fie Instit. cleric, c. 13. S.Bernard., itA.
Sentent. Beda, lib. Collectanea- Bona, Rer. Liturg., lib. 1, c. 27.
* Manipulum
* Boua, ibid.
DE PERSÉVÉRANCE. 247
douleur, afin que je reçoive dans l'allégresse la récom-
pense promise au travail. Le Sauveur l'a adouci, ce tra-
vail, en joignant au sien les verges et les fouets dont le
manipule est la figure, et qu'il nous remet sous les yeux
pendant le saint sacrifice.
L'évêque ne prend le manipule que lorsqu'il est à
l'autel, après avoir récité le Confiteor. D'où vient cet
usage? Le voici. Autrefois la chasuble, de forme ronde,
enveloppait tout le corps, et le manipule, qui servait de
mouchoir, ne se mettait qu'en dernier lieu au bras qui
restait libre. Cet usage, alors commun à tous les prê-
tres, n'a plus lieu que pour les évêques. Le sous-diacre
lui met le manipule après la confession, parce que, dans
l'antiquité, on avait coutume de soulever la chasuble en
ce moment-là, pour qu'elle n'embarrassât pas le prêtre
montant à TauteP.
5° L'étole % qui entoure le cou du prêtre et descend
sur ses genoux, est un ornement de dignité et d'autorité.
On en fait usage dans l'administration de plusieurs sa-
crements, et toutes les fois qu'on remplit une fonction
qui a pour objet immédiat le corps adorable de Notre-
Seigneur, ou que l'on exerce certains autres ministères
pour lesquels elle est prescrite. Hélas ! la prévarication
de notre premier père nous a tous dépouillés de notre
grandeur et de notre vêtement d'immortalité, dont
celui-ci est l'image.
En voyant l'étole, prêtres et fidèles, aous devons,
* Bona, ibid.
• Stola.
248 CATÉCUiSME
rois déchus, gémir de nos perles, rendre grâces à
Jésus-Christ, qui U:'S a r(''parées, élever nos esprils et
nos cœurs vers l'immortel séjour où, participant tous
aux fonctions sacerdotales devant l'autel éternel de l'au-
guste victime, nous serons revêtus de l'étole de la gloire
et des brillants ornements d'une royauté toute divine.
Mais pour y parvenir, il faut auparavant porter l'igno-
minie de Jésus-Christ, nous charger des liens par les-
quels il a brisé les nôtres, et voilà tout ce que dit à
notre foi l'étole de nos cérémonies. Aussi, en la pre-
nant, le prêtre a-t-il soin de dire à Dieu : Rendez-moi,
Seigneur, le vêtement de l'immortalité que j'ai perdu
par la prévarication de mon premier père, et quoique
je m'approche, sans en être digne, de vos mystères sa-
crés, faites que j'arrive cependant à la félicité éter-
nelle.
L'étole, appelée dans le principe orarium, parce
qu'elle servait à essuyer le visage, était un linge très-
propre et très-fln, que des personnes de distinction por-
taient autour du cou. Elle remonte aux premiers siècles
de l'Eglise. Le concile de Laodicée, réservant ce vête-
ment d'honneur aux évoques, aux prêtres et aux dia-
cres, défendit aux autres ministres de le porter '.
' Conc Laod., can. 28. L'usage de l'étole, dans le sens que nous
venons de dire, était déjà connu des Romains. Nos pères n'inven-
tèrent pas une nouvelle mode. L'étole était l'ornement des dames
romaines : sa longueur les distinguait des personnes mal famées
ou d'une condition inférieure. Pour gagner les bonnes grâces du
peuple, Aurélien fut le premier qui lui donna Vorarium, afin que
sur le passage de l'empereur le peuple put agiter en l'air cet ora-
rium et témoigner de sa joie. Vopisc , m Aurclian.
DE PERSÉVÉRANCE. 249
6" La chasuble ' est le dernier ornement du prêtre
qui va célébrer. C'était autrefois un manteau rond et
fort large, sans ouverture sur les côtés : il était com-
mun aux laïques et aux ecclésiastiques ; mais ceux-là
le quittèrent, et l'Eglise, qui sait sanctifier les choses
les plus communes, le conserva et le donna exclusive-
ment aux prêtres pour offrir le saint sacrifice. Il y a de
cela onze cents ans. Les Grecs ont conservé la chasuble
sans aucun changement. Les Latins en ont retranché peu
à peu, depuis environ trois siècles, tout ce qui empê-
chait d'avoir les bras libres. Lorsqu'elle avait sa forme
primitive, on était obligé de la soulever pendant que le
prêtre encensait ou qu'il élevait le calice et la sainte
hostie. Cet usage de soulever la chasuble dans ces cir-
constances s'est conservé, quoiqu'on lui ait donné une
forme plus commode en la faisant moins large et en la
coupant sur les côtés, tant l'Eglise aime ce qui rappelle
son antiquité. C'est un service qu'elle rend aux sciences ;
combien d'usages perdus, si l'Eglise ne les eût immor-
talisés en les adoptant!
De là encore est venu l'usage dont peu de personnes
• Casula vel planeta. Casa signifie maison, et casula, une pe-
tite maison. La chasuble était autrefois ronde et si ample, qu'elle
enveloppait tout le corps : c'était comme une petite maison dans
laquelle un homme habitait. De là son nom. S. Isid., Origin.y
lib. 19, c. 24.
Planeta ou planète. La chasuble, qui n'avait qu'une ouverture
pour y passer la tête, et qui n'avait rien pour la fixer, pouvait
tourner facilement autour du cou : c'était donc un vêtement er-
rant, et de là assez bien nommé planète. Gemma animœ, lib. 1,
c. 207.
250 CATÉCHISME
comprennent Torigine ; savoir que, pendant le carême et
dans les aulres jours de jeûne, le diacre et le sous-diacre
servent à l'aulel sans dalmatique. En effet, comme dans
la primitive Eglise leurs fonctions étaient plus multi-
pliées les jours de jeûne et de carême, ils ôtaient leur
chasuble ou la relevaient fort haut afin d'être plus li-
bres. Diaconi levant planetas in scapulas, dit l'Ordre
romain. Aujourd'hui, ils ôlent donc leur dalmatique par
un reste de l'antique usage.
L'évêque, en donnant la chasuble au prêtre dans l'or-
dination, l'avertit qu'elle est le signe de la charité qui
doit nous revêtir tout entiers ; de cette charité qui doit se
répandre sur toutes nos œuvres et faire la gloire de nos
autres vertus, de même que ce vêtement couvre tous
les autres ; de cette charité qui doit nous faire compatir
aux misères d'autrui, et nous apprendre à les couvrir
d'un manteau de miséricorde qui les cache aux yeux
des hommes, et d'un manteau de pardon qui les efface
aux yeux de Dieu. La chasuble est encore la figure du
joug de Jésus-Christ, que les prêtres et les fidèles doi-
vent porter tous les jours ; de ce joug doux et aimable
qui fait notre gloire et notre bonheur. Une grande croix
est marquée sur la chasuble ; d'autres, plus petites, sur
les différentes choses servant au sacrifice. C'est afin que
nous ayons sans cesse sous les yeux l'obligation de porter
la croix à la suite du Sauveur, et de nous faire souvenir
que nous ne pouvons rien que par la croix; qu'elle est
toute notre espérance; que l'autel est un vrai Calvaire
où se renouvelle et se perpétue le sacrifice de la croix,
DE PERSÉVÉRANCE. 251
et où nous devons nous-mêmes nous immoler sur la
croix de Jésus-Christ.
Des ornements du prêtre, passons à ceux du diacre
et du sous-diacre qui l'assistent à l'autel. Outre l'amict,
l'aube, la ceinture et le manipule, les diacres portent
encore la dalmatique et une étole qui leur est propre ;
l'habit particulier au sous-diacre, c'est la tunique.
L'étole du diacre se place sur l'épaule gauche. Cet
usage est emprunté des Romains. Dans les fêles solen-
nelles du peuple-roi, les principaux ministres des ta-
bles mettaient une serviette d'honneur sur leur épaule
gauche. L'Eglise donna cette marque de distinction à
ceux qui servaient au banquet divin et aux tables où se
réunissaient les fidèles pour célébrer leurs innocentes
agapes. Mais ce linge blanc, attaché sur l'épaule gau-
che des diacres, voltigeait lorsqu'ils allaient et venaient
dans l'église pour remplir leur ministère. Comme il
pouvait les embarrasser, surtout lorsqu'il eut pris une
forme très-allongée, on en fit passer les deux bouts au
côté droit et on les y arrêta. C'est encore ce qui s'ob-
serve aujourd'hui.
Quel que soit notre état, nous sommes tous les dia-
cres, c'est-à-dire les serviteurs de Jésus-Chrisl. Ayons
soin de retrancher tout ce qui pourrait embarrasser nos
pieds dans la voie des commandements, ou retenir nos
mains dans la pratique des bonnes œuvres. Tels sont
les enseignements que nous donne le diacre paré de
son étole.
252 CATÉCHISME
La dalmalique ' est ainsi appelée parce que c'était
l'habit distinclif (les habitants de la Dalmalie, province
de la Grèce. Au second siècle, le pape saint Sylvestre
ordonna que les diacres s'en serviraient à l'église. Au-
paravant, ils portaient la tunique ^ La dalmatique, dans
sa première forme, avait des manches courtes et larges,
très-commodes pour ceux qui étaient obligés d'agir
beaucoup; elle devint commune aux évêques et aux
diacres. La dalmatique était de soie blanche, ornée d'or
et de deux bandes de pourpre. C'est pourquoi elle est
devenue un habit de solennité qui doit inspirer une
sainte joie, et au diacre qui la porte, et aux fidèles qui
la voient. Tel est le sens de la prière que l'évêque
adresse au diacre lorsqu'il l'en revêt dans l'ordination,
et que le diacre lui-même récite en la prenant pour
servir à l'autel ^.
L'ornement particulier du sous-diacre, c'est la tuni-
que*. Dans les premiers siècles de l'Eglise, les sous-dia-
cres servaient à l'autel revêtus seulement d'une aube;
plus tard on leur a donné la tunique, qui est aussi un vê-
tement d'honneur et de joie\ La tunique était chez les
Romains l'habit ordinaire des simples serviteurs ; main-
tenant c'est comme la dalmatique un ornement ordi-
nairement riche, fait de la même étoffe que la chasuble
' Dalmatica.
* Colobia.
5 Isid., Orig. ,nb. 19, c. 22. Bona, lib. 1, c. 24.
* Tunica.
" Honor., in Gemma animce, lib. 1, c. 229.
DE PERSÉVÉRANCE. 253
des prôlres, et il a des manches larges et courtes qui
ne gênent nullement ceux qui s'en servent.
Les ministres inférieurs portent le surplis \ Ce vête-
ment était autrefois plus long ; mais sa couleur est de-
meurée la même. Du temps de saint Jérôme, il était
déjà ordonné aux ecclésiastiques de n'assister aux saints
offices qu'en vêtements blancs : touchante prescription
par laquelle l'Eglise a voulu rappeler à ses enfants, et l'in-
nocence qu'exigent les augustes mystères, et les noces
de l'Agneau, où les saints assistent avec des vêtements
dont l'éclatante blancheur est l'image de la pureté^.
La chape ^ est un autre vêtement sacré commun aux
dififérents ordres de ministres.
C'était autrefois un large manteau , semblable à
ceux dont on se sert aujourd'hui, excepté qu'à la place
du collet il y avait un chaperon qu'on relirait sur la tête
pendant la pluie : de là le nom de pluviale donné à
la chape. Elle était en usage dans les cérémonies de
l'Eglise avant le huitième siècle*. Sa richesse, ses cou-
leurs éclatantes, figurent ce vêtement de gloire et d'im-
mortalité dont nous serons revêtus après la résurrec-
tion^.
Comme on le voit, les habits sacerdotaux sont un livre
mystérieux où le fidèle pieux peut lire de grandes
leçons de vertu, de pureté et de charité, et le savant
' Superpellicum.
'^ Bona, lib. I, c. 24.
'" Pluviale.
* Ordre romain.
' Durandus, lib. 3, c. 1.
254 CATÉCUISME
lui-même les mœurs et les usages de l'antiquité la plus
vénérable. De chacun de ces ornements, comme de cha-
cune des bénédictions et des cérémonies du culte
catholique, sort, pour ainsi dire, une voix qui dit aux
hommes chrétiens ou non : Du fond de toutes ces
choses, quinze, dix-huit, trente et quelquefois soixante
siècles vous contemplent; toutes les générations hu-
maines revivent à vos yeux, représentées par quelqu'un
de leurs rites, par quelque événement mémorable de leur
histoire. Est-il possible d'avoir delà science et de la foi
sans être saisi, en les voyant, d'un respect profond, d'une
vénération vraiment rehgieuse? Celui pour qui tout cela
n'est qu'un spectacle muet, laisse à douter s'il conserve
quelque chose de l'être intelligent'.
Quant à la richesse des ornements sacrés, sans doute
des habits brochés en or et relevés par des broderies
n'ajoutent pas à la valeur du sacrifice : le Seigneur pré-
fère des mœurs pures aux ornements les plus magnifi-
ques; mais n"est-il pas du devoir de l'homme de rendre
à Dieu le plus d honneurs qu'il lui est possible, et de
faire servir à la majesté de son culte ce qu'il y a de plus
beau et de plus riche sur la terre? Les ministres des
rois ne paraissent jamais en leur présence sans être re-
vêtus d" habits précieux; ils feraient injure à leur maître,
et croiraient manquer à sa majesté s'ils venaient auprès
de lui sans les ornements, symboles des pouvoirs qui
leur sont délégués. L'Eglise veut que les prêtres de Jé-
■ Quas aures babeat, aut quid ia hoc homini simile sit, aescio.
Cic.
DE PERSÉVÉRANCE, 255
sus-Christ agissent de la même manière ; et pour don-
ner plus de gloire à son époux et inspirer à ses enfants
plus de piété et plus de respect, elle demande que les
ornements de ses clercs soient non-seulement décents
et propres, mais toujours en rapport par leur richesse à
la condition et à la fortune des fidèles'.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir mulliplié les vêtements sacrés de vos ministres;
faites que je m'instruise désormais en les voyant, et
que je m'excite à pratiquer les vertus qu'ils représen-
tent.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amom, y étudier ai
avec soin les cérémonies de l'Eglise.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIRLE.
Vêtements du prêtre.
Q. Quels sont les ornements du prêtre qui va célé-
brer la messe?
R. Les ornements du prêtre qui va célébrer la messe
sont l'amict, l'aube, le cingulon, le manipule, l'élole et
' M. Thirat, Esprit des cérém., p. 272.
256 CATÉCHISME
la chasuble. Avant de s'en revêtir, le prêtre se lave les
mains : cet usage de se laver avant la prière remonte
aux premiers siècles de l'Eglise.
Q. Qu'est-ce que l'amicl?
R. L'amict est un voile blanc que le prêtre passe sur
sa tôle et dont il se couvre les épaules. L'usage en fui
établi, il y a plus de mille ans, pour couvrir le cou et
conserver la voix du prêtre obligé de chanter les louan-
ges de Dieu; il rappelle la modestie des paroles et le
soin que nous devons avoir de retrancher toute conver-
sation inutile lorsque nous sommes à l'église.
Q. Qu'est-ce que l'aube ?
R, L'aube est une tunique blanche, large, et qui des-
cend jusqu'aux pieds. Elle remonte aux premiers siè-
cles de l'Eglise ; elle est le symbole de l'innocence et
de la pureté sans tache que le prêtre doit apporter à
l'autel et les fidèles au saint sacrifice.
Q. Qu'est-ce que le cingulon?
R. Le cingulon est une ceinture destinée à retenir
l'aube afin qu'elle n'embarrasse pas le prêtre dans sa
marche : il rappelle les liens dont le Sauveur fut chargé
dans sa passion, ainsi que le détachement de la vie sen-
suelle.
Q. Qu'est-ce que le manipule?
R. Le manipule est un ornement que le prêtre porte
au bras gauche ; c'était dans le principe un mouchoir
destiné à essuyer la sueur et les larmes; il rappelle au
prêtre le travail des bonnes œuvres et la récompense qui
l'attend.
DE PERSÉVÉRANCE. 257
Q. Qu'est-ce que l'élole?
R. L'élole est un ornement que le prêtre passe au-
tour de son cou et qu'il croise .sur sa poitrine ; c'est le
symbole de sa dignité et de sa puissance. L'élole élait
autrefois un linge très-fin et Irès-blancque les person-
nes de distinction portaient autour du cou. L'Eglise l'a
consacré à ses usages dès les premiers siècles.
Q. Qu'est-ce que la chasuble ?
R. La chasuble élait autrefois un grand manteau
rond et large dont ]^s laïques se servaient aussi bien que
les ecclésiastiques. Les premiers ayant cessé d'en faire
usage, l'Eglise le retint et le donna aux prêtres. La cha-
suble n'avait point d'ouverture pour passer les bras,
en sorte que le prêtre était obligé de la relever lorsqu'il
voulait se servir de ses mains. Le diacre et le sous-
diacre la soulevaient eux-mêmes au moment de la con-
sécration : cela se fait encore aujourd'hui.
Q. Quels sont les ornements du diacre et du sous-
diacre?
R. Les ornements du diacre sont: l'étole, placée sur
l'épaule gauche et attachée sous le bras droit : elle est
ainsi placée pour ne pas gêner ses mouvements; la dal-
malique; c'est un ornement de forme carrée, long et
large, avec des espèces de manches courtes : il a été
donné au diacre parce qu'il est plus commode pour ceux
qui sont obligés d'agir beaucoup, comme faisaient les
diacres dans la primitive Eglise. La tunique est l'orne-
ment particulier du sous-diacre ; c'était le vêtement or-
dinaire des simples serviteurs chez les Romains.
T. TU. 17
258 CATÉCeiSMF.
Q. Pourquoi l'Eglise a-t-elle donné des vêtements
particuliers h ses minisires?
R. L'Eylise a donné des vêtements particuliers à ses
ministres : 1" afin d'inspirer plus de respect pour la Re-
ligion et surtout pour le saint sacrifice ; 2° afin de nous
rappeler les dispositions avec lesquelles nous devons y
assister. Ces ornements sont quelquefois très-riches,
parce que tout ce que nous avons venant de Dieu, il est
juste de lui en faire hommage.
PRIÈRE. ,
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir multiplié les vêtements sacrés de vos ministres;
faites que je m'instruise désormais en les voyant, et que
je m'excite à pratiquer les vertus qu'ils représentent.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, j'étudierai
avec soin les cérémonies de l'Eglise.
DB PERSÉVÉRANCl. 259
Xllie LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Vêtements des évêques. — Les pantoufles et les b.is. — La croix
pectorale. — La petite tunique et la dalmatique. — Les «ants. —
l'anneau. — La mitre. — La crosse. — Le paliium. — Le i^rémial.
— Couleurs des ornements. — parements de l'autel.
Les ornements dont nous avons parlé dans la leçon
précédente sont communs à (ous les prêtres ; il en est
d'autres réservés auxévéques; ils s'en revêtent lorsqu'ils
doivent officier solennellement : ce sont les pantoufles,
les bas, la croix pectorale, la petite tunique, la dal-
matique, les gants, l'anneau, la mitre et la crosse, et
le paliium, si c'est un archevêque, enfin le grémial.Ges
ornements comme les autres sont pleins des souvenirs
de la plus haute antiquité, et (Jonnent au fidèle éclairé
les plus touchantes leçons de sainteté et de sagesse
chrétiennes.
1*^ Les pantoufles et les bas*. La chaussure des an-
ciens, surtout des Romains, consistait en une semelle
retenue par des courroies croisées sur le pied et passées
autour de la jambe. Sous les empereurs, cette chaus-
sure fut remplacée, pour les personnes de distinction,
notamment pour les princes et les sénateurs, par une
* CaligsB, sandalia.
260 CATÉCHISME
autre plus riche appelée compagia, relevée d'or et de
pourpre, et qui couvrait mieux le pied*.
Pénétrée de respect pour les choses saintes, l'Eglise
s'empressa de donner à ses pontifes la chaussure sénato-
riale, la plus distinguée qui fut alors connue, afin que
les augustes mystères fussent offerts avec une magnifi-
cence extérieure capable d'imprimer le respect et d'ex-
citer dans les cœurs des sentiments de piété. Ailleurs
que dans leurs fonctions, les évoques portaient la chaus-
sure ordinaire. Voilà pourquoi, encore aujourd'hui, l'é-
véque, arrivé à l'église et monté sur son trône, quitte
ses souliers et revêt la chaussure antique, et la dépose
après le saint sacrifice. La prière que l'évêque récite
en prenant ce noble vêlement rappelle qu'il est le suc-
cesseur des Apôtres, envoyé comme eux pour annoncer
l'Evangile : Mettez, Seigneur, une cliaussure à mes
pieds, afin que j'aille annoncer V Evangile de la paix ;
et protégez-moi à l'ombre de vos ailes.
Par respect pour les saints mystères, l'Eglise défendit
à tous ses ministres, prêtres, diacres et sous-diacres, de
s'approcher de l'autel sans avoir les pieds couverts. Cette
défense subsista tant que subsista la chaussure romaine,
qui laissait le pied presque nu. C'est pourquoi tous por-
taient des espèces de compagia, mais différentes de
celles des évêques *.
' Compagia. f^oy. Tubéllius PoUio, Julius Capitol., et Hist. de
rAcad. des inscript. , t. 11.
* Omnis presbyter missam celebret ordine Romano cuin sanda-
liis. Capitul. Carol. Magn.^ lib. 5, c. 219.
DE PERSÉVÉRANCE. 261
2" La croix pectorale. Dans les premiers siècles de
l'Eglise, tous les fidèles, hommes et femmes, portaient
une pelile croix suspendue au cou; usage vénérable
dont on ne saurait trop déplorer la cessation. Pour le
perpétuer autant qu'il est son pouvoir, l'Eglise a voulu
que ses pontifes portassent une croix sur leur poitrine,
surtout lorsqu'ils célèbrent les saints mystères. Cette
croix, placée sous les yeux de révéque,lui rappelle et le
Dieu qui mourut pour lui, et les Martyrs qui signèrent de
leur sang la foi qu'il professe ; car cette croix pectorale
était remplie de reliques de Martyrs, comme l'indique
la prière que l'évêque récite en la prenant.
3° La petite tunique et la dalmatique ', qui sont l'or-
nement du diacre et du sous-diacre, nous rappellent que
l'évêque est revêtu delà plénitude du sacerdoce, comme
elles lui disent à lui-même qu'il doit avoir à un degré
supérieur toutes les vertus.
4<* Les gants '^. Avant le huitième siècle les gants
faisaient déjà partie du vêtement épiscopal^ ; ils rap-
pellent un fait historique de la plus haute antiquité, et
donnent à l'évêque une grande leçoifde vertu. Jacob,vou-
lant obtenir la bénédiction de son père Isaac, se présenta
devant lui les mains couvertes d'une peau de chevreau;
cette ruse, qui induisit le saint vieillard dans une mys-
térieuse erreur, valut à Jacob les bénédictions les plus
abondantes. Comme Jacob, le pontife vient demander à
' Tunicella, dalmatica.
* Chirothecae.
'' Ordre ruiuain.
262 CATÉCHISME
Dieu le Père les biens véritables : pour cela il cherche
à se confondre avec son frère aîné noire Seigneur Jésus-
Christ, comme Jacob se cacha sous le vêtement d'Esaii
pour obtenir la bénédiction paternelle. Tel est le sens
de la prière que fait l'évêque lorsqu'il prend ses gants:
Seigneur, dit-il, environnez mes mains de la pureté
du nouvel homme qui est descendu du ciel, afin qu'à
l'exemple de Jacob votre bien-aimé, qui, s'étant couvert
les mains delà peau des chevreaux, obtint la bénédiction
de son père, après lui avoir offert une viande et une
boisson excellentes, j'obtienne, en considération de la
victime salutaire offerte par mes mains, la bénédiction
de votre grâce. Ce n'est pas que Dieu puisse être
trompé; mais il veut, lorsque nous nous présentons pour
obtenir ses faveurs, que nous soyons d'autres Jacob,
c'est-à-dire d'autres Jésus-Christ.
5° L'anneau* est le signe de l'alliance spirituelle qui
existe entre l'évêque et son église, c'est comme le ca-
chet de leur contrat ; car chez les anciens, comme chez
les modernes, on appose un cachet aux contrats, afin de
les confirmer et de les rendre authentiques. De là, l'u-
sage encore existant de donner un anneau à l'épouse
dans la célébration du mariage.
L'anneau épiscopal est donc le signe et le cachet de
l'alliance de l'évêque avec son église ; c'est aussi un si-
gne d'autorité. L'évêque porte l'anneau au second doigt
de la main droite, suivant la coutume des Hébreux.
L'anneau lui rappelle encore le secret inviolable des
' Aimulus.
DE PERSÉVÉRANCE. 265
mystères, la discrétion parfaite avec laquelle il doit les
annoncer, de peur de jeter les perles devant les pour-
ceaux. Toutes ces leçons, utiles aux prêtres et aux fi-
dèles aussi bien qu'aux pontifes, sont contenues dans
les paroles adressées à l'évêque lorsque le pontife con-
sécrateur lui remet l'anneau dans la cérémonie de
l'ordination : Recevez Vanneau , marque de discrétion
et de dignité, signe de fidélité, afin que vous sachiez taire
ce qui doit être tu, manifester ce qui doit être manifesté,
lier ce qui doit être lié, et délier ce qui doit Vêtre *.
6° La mitre * nous reporte à la plus haute antiquité.
La tête du grand-prêtre et des sacrificateurs de la loi mo-
saïque en était ornée ^. L'histoire de l'Eglise fait men-
tion de la mitre de saint Jean l'Evangéliste et de l'apôtre
saint Jacques^. Il est vrai, la mitre telle que les évo-
ques la portent aujourd'hui diffère de l'ancienne par la
matière dont elle est faite, et par les ornements qui
en rehaussent l'éclat ; mais elle est la même quant au
fond. Vêtement de gloire et de dignité, la mitre rap-
pelle à l'évêque son souverain sacerdoce, la consécra-
tion de tous ses sens, et la connaissance parfaite qu'il
doit avoir de l'Ancien et du Nouveau Testament, figurés
par les deux bandes qui retombent sur ses épaules ^
Pénétré de cette pensée, l'évêque demande à Dieu, en
' Ordre romain.
• Mitra, cidaris-
^HoQor., Gemma animœ^ lib. 1, c. 214.
* Euseb., lib. 6, c. 24.
» Innoc. 111, c. 60. Antoiiin., 3 pars. Summ., Ut. 20, c. 2. Steph.
Eduens. episc, lib. de Sacram. altar., c. 11.
264 CATÉCIIISMIÎ
prenant la mitre, qu'il lui donne la force et la discrétion
nécessaire, pour éviter toutes les embûches que le Dé-
mon peut lui tendre.
7° La crosse' est lemblème de la puissance pasto-
rale, c'est la houlette du berger; touchante figure qui
nous montre l'Eglise comme un bercail ; les fidèles en
sont les brebis, les évêques les pasteurs : ce n'est point
la force aveugle et brutale qui gouverne, c'est la cha-
rité, la sollicitude éclairée et soutenue par la foi. En
donnant la crosse à l'évêque au jour de son ordination,
on lui adresse ces paroles : « Recevez le bâton, signe de
votre gouvernement sacré, et souvenez-vous de fortifier
les faibles, d'affermir ceux qui chancèlenl, de corriger
les méchants, de diriger les bons dans le chemin du sa-
lut éternel ; recevez aus^i le pouvoir d'élever ceux qui
sont dignes, et d'abaisser ceux qui sont indignes, avec
le secours de Jésus-Christ notre Seigneur. » Ainsi, ce
que le sceptre est au roi, la crosse l'est à l'évêque. Son
usage remonte aux premiers siècles du Christianisme -.
Lorsqu'il monte à l'autel, l'évêque quitte la mitre et la
crosse ; sa puissance disparaît devant celle de Jésus-
Christ. Par la raison contraire, il en reprend les in-
signes lorsqu'il se tourne vers le peuple ^.
8° Le pallium^. Si le pontife est un archevêque ou
un patriarche, après s'être revêtu de tous ses orne-
* Pedum, seu baculus pastoralis.
' Ordre romain.
' Gloss. in can. disciplinée, dist. 45.
* Pallium.
UE PERSÉVÉRANCE. 265
menls, il prend le pallium. Le pallium est un ornement
qui se porte sur les épaules; il est formé de deux ban-
delettes de laine blanche, larges de deux doigts, qui
pendent sur la poitrine et sur les épaules, et qui sont
parsemées de croix noires. Les métropolitains le portent
comme une marque de juridiction sur les églises de
leur province. On le regarde aussi comme l'emblème
de l'humilité, de l'innocence et de la charité. 11 sert
à rappeler au prélat qui en est décoré, qu'il doit, à
l'exemple de Jésus- Christ, le prince des pasteurs,
chercher la brebis égarée, et la rapporter au bercail sur
ses épaules. La matière même du pallium indique sen-
siblement celte touchante signification.
Il est fait de la laine d'agneaux parfaitement blancs.
Le jour de sainte Agnès, et dans l'église de son nom,
bâtie à Rome sur la voie Nomenlane, on bénit chaque
année des agneaux blancs dont la laine doit servir à faire
le pallium ; on les garde ensuite dans quelque commu-
nauté de religieuses jusqu'à ce que le temps de les ton-
dre soit arrivé. Les pallium faits de leur laine se dépo-
sent sur le tombeau de saint Pierre, et y restent toute
la nuit qui précède la fête de cet Apôtre. Le lendemain
ils sont bénis sur l'autel de l'église qui lui est consacrée,
et envoyés aux prélats qui ont le droit de les porter. Ce
droit est restreint à certains jours, et ne s'étend pas audelà
de l'église. Au contraire, le souverain pontife porte
toujours et partout le pallium, comme étant investi de
la suprême puissance et de la juridiction universelle de
toutes les églises*.
' BoDa, lib. 1, c. 24.
266 CATÉCHISME
Le pallium est de la plus haute antiquité. Saint Isi-
dore de Péluse ', qui vécut au milieu du cinquième siècle,
et saint Grégoire le Grand, parlent du pallium et en ex-
pliquent les différentes significations*. On en rapporte
l'origine à saint Lin, second successeur de saint Pierre^.
Il rappelle l'éphod du grand-prêlre des Juifs.
9° Le grémial. Lorsque l'évoque s'assied pendant la
messe pontificale , on lui place sur les genoux un voile
de soie ou d'autre étoffe précieuse, appelé grémial, du
mot latin gremium, giron. Il sert à reposer les mains
du pontife et à préserver ses ornements, que la sueur
pourrait ternir ^.
Tels sont les ornements particuliers aux évoques.
Si nous rétléchissons à tout ce mystérieux appareil
dont la Religion environne ses ministres lorsqu'ils doi-
vent offrir la victime sainte, voici la pensée qui se pré-
sentera naturellement à notre esprit : elle est donc bien
auguste celte victime, il est donc bien saint le sacri-
fice catholique, elles sont donc bien redoutables les
fonctions du sacerdoce! Nous-mêmes, qui assistons à
ces graves mystères, nous devons donc être bien purs!
El c'est là justement une des fins que l'Eglise s'est
proposées en établissant ses nombreuses cérémonies et
en donnant à ses prêtres tant de vêtements double-
ment vénérables et par leur antiquité et par leur si-
gnification.
' Lib. 1, epist. I3fi
• Greg. Magn., lib. 2, epi>t. 64.
^ Auctor votu.s, Jiii. eccl. S. R. E,^ lib. 1, tit. 10, c. 5.
* Ce rem- epiiC, lib, 1, c. 11.
DE PERSÉVÉRANCE. 267
La diversité de leurs couleurs n'est pas non plus
sans instruction. Le blanc, figure de l'innocence de
l'Agneau de Dieu, et le rouge, figure de son sang répandu
pour nous, remontent aux temps apostoliques; les autres
couleurs sontaussi d'une haule antiquité '. L'Église, cette
divine épouse de Jésus-Christ, se présente devant son
époux revêtue d'une agréable et mystérieuse variété; sa
gloire et sa beauté e^sentielle sont au dedans sans doute,
mais cet appareil extérieur en est l'expression. Suivant
les circonstances où elle se trouve, elle laisse paraître ses
dispositions au dehors, afin d'avertir ses enfants d'en
apporter de semblables.
Comme les qualités essentielles des mystères ou des
saints peuvent être envisagées sous différents points de
vue, les couleurs qu'on emploie pour célébrer les fêtes
ne sont pas les mêmes dans tous les diocèses; l'impor-
tant est de se conformer aux règlements des lieux où
l'on est, et de bien entrer dans l'esprit des usages que
l'on suit.
Dans le rit parisien on se sert du blanc, symbole de
la pureté et de* la sainteté, aux fêtes de Marie, à celles
des saints Anges, des docteurs, des prêtres, des confes-
seurs, des vierges, et de tous les justes qui n'ont pas
versé leur sang pour la foi : les pontifes sont exceptés,
pour eux on prend la couleur verte. La vue du blanc,
en nous rappelant l'Agneau de Dieu, nous dit : Aimez
la pureté-, les choses saintes sont pour les saints ; offrez
à Dieu une âme sans tache et digne d'être reçue un
' Durand., Rational.^ lib. 3, c. 18, n. 9.
268 CATÉCHISME
jour dans la Jérusalem c61esle, où rien de souillé n'en-
trera jamais.
Le rouge, qui présente d'abord l'idée du sang et du
feu, s'emploie pour célébrer les fêtes des martyrs et la
fête du Chef des Martyrs, noire Seigneur Jésus-Christ,
immolé pour nous dans l'Eucharistie. Comme le propre
du Saint-Esprit est d'éclairer les âmes et d'embraser
les cœurs ; comme il descendit sur les Apôtres en forme
de langues de feu, on se sert du rouge pour l'honorer.
Se pourrait-il que cette image du sang et du feu nous
laissât froids et sans courage? Le souvenir des am-
phithéâtres, le souvenir du cénacle ne nous dira-t-il
rien? n'avons-nous pas reçu le même Esprit, et ne
sommes-nous pas les enfants des Martyrs? leur sang
ne coule-t-il plus dans nos veines? pourrions-nous nous
plaindre des faibles sacrifices qu'on nous demande, en
regardant celte nuée de témoins qui ont vaincu en
s'immolant?
Paris prend le rouge à tous les dimanches ainsi qu'à
toutes les fériés d'après la Pentecôte, comme étant une
suite de cette fête, où le rouge convient aux langues
de feu qui parurent sm* la tête des Apôlres.
On prend le vert pour les ponlifes : symbole d'espé-
rance, couleur générale de la nature, le vert nous dit les
travaux de tous ces célestes laboureurs qui ont cultivé
le champ du Père de famille, soutenus dans leurs tra-
vaux par l'espérance d'une abondante moisson. Rome
emploie le vert aux dimanches ordinaires et aux
fériés; il semble juste, en effet, de consacrer par un
DE PERSÉVÉRANCE. 269
usage plus fréquent celte couleur que nous avons con-
tinuellement sous les yeux. N'est-il pas convenable que
l'habitant des campagnes, qui vient le malin recevoir la
bénédiction du Père de famille avant d'aller à son hé-
ritage, ou qui vient le dimanche se délasser devant le
Seigneur des travaux de la semaine, retrouve dans nos
temples sa prairie, son arbre, son raisin? N'est-ce pas
là une belle et touchante harmonie? Et puis, vous tous
qui aimez à contempler les merveilles de la nature,
n'êtes-vous pas heureux de rencontrer jusqu'aux pieds
des autels un mémorial des bienfaits du Créateur, et
un molif nouveau de bénir celui qui répand la verdure
sur nos campagnes, la fécondité dans nos champs, qui
habille le lis de la vallée, qui nourrit l'oiseau, musicien
des chaumières, et qui prépare des aliments à tout ce
qui respire?
Le violet, dont la teinte est moitié sombre, moitié écla-
tante, rappelle tout ensemble, et les travaux et les avan-
tages de la pénitence. 11 s'emploie dans les temps et dans
les circonstances où la douleur et l'espérance naissant de
celte même douleur, sont le fond du culte divin. Ainsi,
pendant l'Avent, on gémit, on soupire ; mais on gémit
seulement du retard; on soupire, mais ces soupirs ap-
pellent le Juste et le font descendre : on emploie le vio-
let. En carême on pleure ses fautes, mais on voit le
pardon à la fin de la sainte quarantaine ; on pleure les
souffrances de Jésus-Christ, mais on voit apparaître le
jour glorieux de sa résurrection; on pleure dans les
calamités, dans les afflictions publiques ou particulières,
270 CATÉCHISME
mais on en attend la fin des larmes mêmes que Pon
verse : cet ineffable mélange de tristesse et de consola-
tion, de douleur et d'espérance, est exprimé par le violet.
A la mort des rois, comme la puissance ne meurt pas\
et que le même coup qui fait tomber la couronne de la
tête de l'un la porte sur la tête d'un autre, on prend le
violet. Cette couleur doit dose toujours nous anéantir
et nous confondre dans notre misère, mais relever notre
courage par la considération des miséricordes infinies du
Seigneur. Elle doit toujours nous dire que nous devons
aller à la gloire par les tribulations, et que notre seule
espérance est dans la croix, notre seul bonheur ici-bas
dans l'espérance, parce qu'il n'y a sur la terre que des
joies souffrantes.
Mais quand l'Eglise pleure ses enfants, qui sont morts
tout entiers pour la vie présente, alors, n'envisageant
que les peines du purgatoire, d'où il faut les tirer,
n'entendant que leurs supplications lamentables, ne
voyant qu'avec effroi ce passage terrible du temps à
l'éternité, sentant toujours la plaie malheureuse qui a
introduit la mort dans le monde, toujours incertaine sur
les dernières dispositions de celui pour qui elle prie;
alors cette tendre mère, tout entière à sa douleur, se
revêt de noir, et se présente ainsi devant son divin époux.
Par cette lugubre couleur elle lui dit éloquemment
combien grande est son affliction, combien d'idées tristes
réveille en elle ce châtiment du péché qui s'exécute sur
* On conaait le vieil adage : Le mort saisit le vif; ou : Mort le roi,
viTC le roi !
DE PERSÉVÉRANCE. 27 1
le penre humain depuis six mille ans. Je ne sais si je
me trompe, mais il me semble que sans rien dire, le
prêtre, revêtu d'ornements noirs, est un prédicateur
bien éloquent; il me semble que de cette chasuble cou-
verte de larmes sort une voix qui dit : Souviens-toi, ô
homme, que tu es poussière, et que tu retourneras
poussière; tu ne sais ni le jour ni l'heure; sois prêt.
A ton frère, hier; à toi, demain, aujourd'hui peut-être.
Pour conclusion, les fidèles qui assistent à nos au-
gustes mystères doivent se souvenir que c'est à eux, bien
plus encore qu'aux Israélites, que s'adressent ces paroles :
Vous êtes les prêtres du Dieu vivant, une race royale,
un peuple de saints, et que les préparations que Dieu
prescrit au sacrificateur de la nouvelle alliance pour
monter à l'autel, il les demande d'eux pour en appro-
cher. Comme autrefois il envoya Moïse vers le peuple
pour le sanctifier pendant deux jours, et lui ordonner
de laver ses vêtements, parce qu'il devait être témoin
de la présence du Seigneur sur la montagne, ainsi il
veut que ses prêtres avertissent les fidèles de ne jamais
s'approcher de la montagne sainte, du vrai Sinaï, sans
cet ensemble de vertus intérieures et de dispositions ex-
térieures figurées par les vêtements sacerdotaux.
Voici les parements de l'autel et les vases sacrés qui
vont continuer le môme avertissement : ouvrons nos
esprits et nos cœurs pour le recevoir.
L'autel représente un tombeau, nous savons pour-
quoi : les tombeaux des Martyrs furent les premiers
autels du Christianisme. Telle est encore la raison pour
272 CATÉCHISME
laquelle on renferme des reliques de Saints et de Mar-
tyrs dans nos autels. Durant les premiers siècles les au-
tels étaient en bois, en pierre ou en marbre, indifférem-
ment; ils étaient massifs ou supportés par des pieds et
des colonnes. On les couvrait, pour offrir le saint sacri-
fice, d'une grande nappe en lin ou en soie, à laquelle
on donnait le nom de palJe. Dès le temps de saint Au-
gustin les autels étaient ornés de fleurs *, souvent même
des guirlandes de lis et de roses décoraient les murs des
églises-; aujourd'hui trois nappes sont posées sur l'au-
tel, celle qui est par-dessus est enrichie de dentelles et
de broderies. L'Église a prescrit l'usage de ces trois
nappes en lin, et faciles à laver, pour parer au grave
inconvénient qui pourrait résulter de la chute du calice.
L'autel doit être consacré par l'évêque ; avant cette con-
sécration, qui remonte à la plus haute antiquité, il
n'est pas permis d'y célébrer les saints mystères^.
Sur l'autel vous voyez trois cartons appelés canons,
parce qu'ils servent à diriger le prêtre, en mettant
sous ses yeux des prières qu'il serait obligé de lire avec
gêne dans le Missel. Le plus grand se place au milieu
devant le tabernacle, le second à gauche, et le troisième
à droite. L'autel, suivant l'antique usage, est placé à
l'orient, afin que les fidèles regardent le soleil levant,
image de celui qui est le vrai soleil, et dont la lumière,
* De Cii'. Dei, iib- 22, c. 8.
* S. Hier., Epitaph. Nepot. Grog Turon., de Gloria conf., c. 50,
Paulin , \atal. 3 S. FeUcis.
^ Hincmarus Remens., in Capital. Beda, Iib. 5, Hist.,c. 1 1 . 4thaD.,
^pol. ud Constantium. Euseb., Iib. 4, de rita Constantirit.
DE PERSÉVÉRANCE. 273
après avoir dissipé les ténèbres du Paganisme, éclaire
tout homme venant en ce monde *.
Au milieu de l'autel est le tabernacle, où l'on con-
serve la sainte Eucharistie. En parlant de la communion,
dans la seconde partie du Catéchisme, nous avons expli-
qué la forme des anciens tabernacles. L'usage de con-
server le saint sacrement dans un tabernacle placé au
centre de l'autel, sous le pied même de la croix, est
d'une assez haute antiquité ^ Remarquez -vous toutes
les belles traditions que vous rappelle ce mot de taber-
nacle? Le désert du Sinaï, la manne, Aaron et ses lé-
vites, toutes les merveilles accomplies en faveur de l'an-
tique Église il y a plus de trois mille ans, sont là réunies
dans ce seul mot. Aujourd'hui, ce même mot vous en
rappelle de plus grandes encore : la Cène, le Calvaire,
le passage du Rédempteur sur la terre, sa présence
perpétuelle au milieu des enfants des hommes. Con-
naissez-vous, dites-moi, un mot plus riche que celui-là?
Le labernacle est surmonté d'une grande croix;
bien des siècles déjà l'y ont vue , bien des générations
l'y ont adorée ; elle est là pour rappeler que le sacrifice
de nos autels est la continuation du sacrifice du Cal-
vaire, et pour apprendre que c'est à Dieu seul que cet
acte suprême de Religion se rapporte, et non aux Saints
ou aux Martyrs. Trois flambeaux, ou du moins un de
chaque côté, brûlent pendant la messe pour honorer le
signe de la Rédemption et rappeler les Catacombes. La
' Tertull., a(h'. raient., c. 3.
* Voyez Burchard, Ub. 5 Décret., c. 9.
T. VII. 18
2Ti CATÉCHISME
Religion, l'histoire, l'antiquité, tout ce qu'il y a de plus
propre à élever l'âme, à loucher le cœur et à saisir les
sens se trouve réuni sur un autel catholique. Si pour
l'indififérent stupide l'autel n'est qu'une pierre, pour le
savant, et surtout pour le Chrétien, il est le plus élo-
quent de tous les livres ; des volumes de commentaires
suffiraient à peine pour l'expliquer. O enfants des
hommes] jusques à quand aurez- vous des yeux pour
ne point voir?
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir pris tant de soki de m'instruire en multipliant
les ornements et les signes sacrés de la Religion ; ouvrez
mon esprit et mon cœur à ces saints enseignements.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je remercie-
rai Dieu d'avoir établi les augustes cérémonies de la
Religion.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Q. Quels sont les ornements des évêques lorsqu'ils
officient solennellement?
R. Les ornements des évêques lorsqu'ils officient
solennellement, sont : la chaussure, la croix pectorale,
la petite tunique, la dalmatique, les gants, l'anneau.
DE l»EllSévlÎRANCK. 275
ia milre, la crosse, le j)ailiUnl si c'fest un archevêque,
el le grémial.
Q. Quelle est l'origine el la signification de ces di-
vers ornements?
R. Voici l'origine et la significatioti de ces divers
ornements : la chaussure que l'évêque prend à l'église
était la chaussure des princes eldès sénateurs ^omains.
L'Église l'a donnée à ses pontifes, comme utte chaussure
plus distinguée et qu'ils ne doitenl porter que dans la
célébration des saints mystères; c'est pourquoi ils la
prennent et la quittent à l'église. Elle signifie que les
évêques sont les successeurs des Apôtres, ces grands
missionnaires qui parcoururent le monde pour annoncer
l'Évangile.
Q. Qu'est-ce que la croii pectorale ?
R. La croix pectorale est une croix que les évêques
portent sur leurjpoilrine ; c'est un reste de l'antique et
saint usage où étaient tous les premiers Chrétiens de
porter une croix suspendue à leur cou ; celle des évoques
doit renfermer des reliques, afin qu'ils aient toujours
présent le souvenir de Notre-Seigneur et des Martyrs.
Q. Qu'est-ce que la petite tunique el la dalma-
lique ?
R. La petite tunique et la dalmalique sont les orne-
ments propres aux sous-diacres el aux diacres. L'évêque
les prend pour marquer qu'il est revêtu de la plénitude
du sacerdoce.
Q. Qu'est-ce que les gants ?
R. Les gauls dont l'évêque se sert quand il ponti-
276 CATÉCHISME
fie signifient la bénédiction qu'il vient solliciter de
Dieu, et la pureté avec laquelle il s'approche de l'autel.
L'usage des gants pour l'évêque est très-ancien dans
l'Église.
Q. Qu'est-ce que l'anneau?
R. L'anneau est le signe de l'alliance que l'évêque
contracte, dans son ordination, avec son église ; il est
aussi la marque de la discrétion qu'il doit apporter dans
l'enseignement de la doctrine.
Q. Qu'est-ce que la mitre?
R. La mitre est un ornement dont l'origine remonte
jusqu'à l'ancienne loi. Le grand-prêtre des Juifs la
portait, quoiqu'elle fût d'une forme différente. Dans les
premiers siècles ce vêtement d'honneur différait aussi
de ce qu'il est aujourd'hui. Il signifie la royauté du
sacerdoce chrétien; les deux bandes qui retombent sur
les épaules marquent l'Ancien et leNdIiveau Testament,
dont l'évêque doit avoir une parfaite connaissance.
Q. Qu'est-ce que la crosse ?
R. La crosse est le sceptre de l'évêque, c'est la hou-
lette du berger ; elle lui rappelle qu'il est pasteur,
qu'il a le droit de punir les rebelles : mais qu'il est
obligé de ramener au bercail la brebis égarée, et qu'il
doit veiller sur tout le troupeau.
Q. Qu'est-ce que le pallium et le grémial?
R. Le pallium est un ornement fait de laine d'a-
gneau blanc, et marqué de petites croix noires. Il est
formé de deux bandelettes qui retombent sur la poitrine
DE PERSÉVÉRANCE. 277
et sur les épaules. Il est la marque de la charité et de
l'innocence qui doit caractériser le pasteur. Le souverain
pontife ne quitte jamais le pallium. Le grémial est un
voile de soie qu'on place sur les genoux de l'évéque
lorsqu'il est assis pendant la messe pontificale, et sem-
ble destiné à préserver ses ornements.
Q. Pourquoi l'Église se sert-elle de différentes cou-
leurs dans ses ornements?
R. L'Église se sert de différentes couleurs dans ses
ornements pour nous faire mieux entrer dans les dis-
positions demandées par les fêtes qu'elle célèbre : le
blanc nous rappelle l'innocence, le rouge la charité, le
violet la pénitence et l'espérance, le verl la patience
et la foi, le noir la pensée de nos fins dernières.
Q. Quels sont les parements de l'autel?
R. Les parements de l'autel sont : les trois nappes
dont on le couvre par respect, les chandeliers, le ta-
bernacle et la croix. Toutes ces choses nous rappellent
les plus touchants souvenirs et nous donnent les plus
salutaires instructions.
PRIÈRE.
G mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir pris tant de soin de m'inslruire en multipliant les
ornements et les signes sacrés de la Religion ; ouvrez
mon esprit et mon cœur à ces saints enseignements.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
27S CATÉCHISME
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je remer-
cierai Dieu d'avoir établi les augustes cérémonies de la
Religion.
DE PERSÉVÉRANCE. 279
ÎWi
XIV' LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Vases sacrés. — Calice. — Patène. — Ciboire. — Osten.«oir. — Béné-
diction de l'eau bénite avant la messe du dimanche. — Aspersion
de l'eau bénite.
Si les ornements des ministres'et les parements de
l'autel sont pleins de souvenirs et d'instructions, les vases
sacrés n'offrent pas un moindre intérêt à la pieuse cu-
riosité du savant et du fidèle. Et d'abord, leur consécra-
tion, leur éclat, leur richesse, nous rappellent notre con-
sécration au Seigneur et la sainteté qu'il exige de nous.
Car nous aussi nous sommes des vases sacrés ; nous de-
vons être d'autant plus saints que le Dieu trois fois
saint, dont le corps adorable touche simplement les ca-
lices et les ciboires, s'incorpore à nous. Les principaux
vases sacrés sont : le calice, la patène, le ciboire et l'os-
tensoir.
Le calice est aussi ancien que le Christianisine. C'est
dans une coupe que Notre-Seigneur consacra son sang
divin et le donna à boire à ses Apôtres. Le calice était
un vase dont les Juifs se servaient dans leurs repas ; tous
buvaient dans la même coupe, qu'on se transmettait de
main en main. Dans les premiers siècles, alors que nos
pères n'étaient riches que de leur pauvreté et de leurs
280 CATÉCHISME
verlus, les calices étaient quelquefois de verre, de
cuivre, ou de tout autre métal moins précieux ; mais
aussitôt que les ressources le permirent, les calices et
les autres vases sacrés furent d'or et d'argent. Le pape
Zéphirin défendit d'en faire désormais d'autre métal \
L'Eglise exige aujourd'hui ^que les calices soient d'ar-
gent, au moins la coupe, dont l'intérieur doit être doré.
Par respect pour le corps et le sang de Notre-Seigneur,
on consacre les vases qui servent à l'autel : celle consé-
cration est de la plus haute antiquité ^
Lorsque tout le peuple communiait sous l'espèce du
vin, les calices étaient beaucoup plus grands qu'aujour-
d'hui. On en cite un entre autres, donné par Chàrle-
magno, du poids de dix-huit livres. Ces calices avaient
ordiniiirementdeux anses, afin de pouvoir les transpor-
ter plus facilement. 11 paraît néanmoins que ce n'était
pas dans le calice principal que le peuple prenait le
précieux sang, mais bien dans des calices plus petits,
où l'on mettait une partie du sang du Sauveur, consacré
à l'autel dans le calice principal^. Celait aussi dans des
calices précieux que le peuple offrait le vin et l'eau
qui devaient être consacrés ^. Ils ont été remplacés
par les burettes. Quelque saints que fussent tous ces
vases destinés à l'autel, les évêques les plus pieux et
les plus éclairés, tels que saint Arabroise à Milan, saint
' Durantus, lib. l,c. 7.
* Ordre Rom.
' Ces calices s'appelaient calices ministeriales-
* Ces calices s'appelaient avudœ ou ham<e.
DE PERSÉVÉRANCE. 281
Anguslin à Hippone, Deo-Gratias à Carlhage, n'hési-
taient pas à les vendre pour soulager les pauvres ou
racheter les captifs : ils donnaient le moins pour le
plus.
La patène est un petit plal d'or ou d'argent doré sur
lequel repose le pain qui doit être consacré. Lorsque,
durant les beaux joursi'de l'Eglise, tous ceux qui assis-
taient à la messe avaient le bonheur de recevoir la
sainte Eucharistie, chaque fidèle présentait à l'offrande
le pain qui devait être changé au corps de Jésus-
Christ. Ces offrandes étaient placées sur la patène et
mises sur l'autel : alors les patènes étaient fort grandes;
il n'est même pas douteux qu'il n'y en eût plusieurs. Le
prêtre s'en servait encore pour rompre le pain et le dis-
Tibuer plus commodément. Aujourd'hui, la patène n'est
utile qu'au prêtre pour déposer l'hostie qu'il doit con-
sacrer au saint sacrifice. L'usage de l'offrande est aboli ;
le nombre des communiants est malheureusement moins
considérable, et l'on emploie pour distribuer l'Eucharis-
tie les ciboires, où l'on conserve les espèces consacrées.
Le ciboire, fait en forme de calice couvert, doit être
en argent. L'Eglise exige que l'intérieur de la coupe
soit doré. On gardait autrefois ce vase précieux dans
une tour ou une colombe d'argent suspendue au-des-
sus de l'autel : aujourd'hui on le place dans le taber-
nacle. Le ciboire rappelle naturellement l'arche d'al-
liance du peuple d'Israël, où était renfermée la manne,
figure de l'Eucharistie. Mais autant la réalité l'emporte
sur la figure, autant l'arche d'alliance de la nouvelle loi
282 CATÉCUISME
remporte sur l'ancienne : c'est assez dire quel doit être
notre respect pour elle.
Près du tabernacle, ou en face de l'autel, est suspen-
due une lampe nuit et jour allumée ; elle est là pour
nous rappeler que Jésus-Christ, lumière éternelle du
monde, est présent sur nos autels, qu'il attend nos ado-
rations, et que notre vie doit briller devant lui comme
un flambeau par la sainteté de nos œuvres saintes.
Dans le tabernacle se place aussi l'ostensoir. L'osten-
soir, construit en forme de gloire ou de soleil, nous rap-
pelle par sa forme le véritable Soleil dont la gloire a
éclairé le monde. Lorsque, prosternés au pied des autels,
nous voyons apparaître l'ostensoir, quels sentiments
doivent se presser dans notre âme au souvenir des peu-
ples sur lesquels n'a point encore brillé ce divin soleil,
el du monde entier avant que ce soleil se fût levé sur
lui!
L'ostensoir n'est pas aussi ancien que les au-
tres vases sacrés ; son origine remonte au temps où
l'impiété et l'erreur attaquèrent la présence réelle de
Notre-Seigneur dans l'Eucharistie. Toujours attentive
aux besoins de ses enfants, l'Eglise protesta contre le
blasphème et l'hérésie. Elle établit la fête solennelle
du Saint-Sacrement, et fournit aux âmes chrétiennes
l'occasion de manifester leur foi, et de rendre à son di-
vin époux l'adoration el l'hommage qu'il mérite dans
le sacrement de son amour. Auparavant, on se conten-
tait, à la me se, après le Canon, d'élever un peu aux
yeux des fidèles le corps et le sang de Jésus-Christ, en
DE PERSÉVÉRANCE. 2^
disant : Omnis honor et gloria : Tout honneur et toute
gloire lui appartiennent. Depuis l'hérésie de Béranger,
on fit solennellement l'élévation des saintes espèces
aussitôt après les paroles de la consécration. Dans l'in-
térieur de l'église, les assistants se prosternaient pour
adorer, et la cloche annonçait, comme elle l'annonce
encore aujourd'hui, à ceux qui n'avaient pu assister au
sacrifice, que le Fils de Dieu venait de descendre sur
l'autel, et qu'ils avaient à lui offrir leur respect et leurs
vœux.
Vers le même temps, on fit extérieurement des pro-
cessions où l'on portait avec pompe l'auguste sacrement.
Dans l'église, et à des reposoirs préparés au dehors,
on bénissait le peuple avec la sainte hostie ; on la por-
tait d'abord renfermée dans une bourse, comme nous
faisons encore dans l'administration des malades éloi-
gnés de l'église. Bientôt, pour exposer le Sauveur avec
plus de décence et de pompe aux adorations des fidèles,
on fit des tabernacles portatifs qu'on appelait melchisé-
dechs, et que nous appelons ostensoirs. On en vit de
toutes formes et de toutes grandeurs; plusieurs repré-
sentaient une tourelle percée à jour. Cet emblème est
riche d'idées chrétiennes et de souvenirs vénérables;
nous l'avons expliqué en parlant de la communion. Ces
ostensoirs étaient d'or ou d'argent doré, quelquefois en-
richis de pierres précieuses. Aujourd'hui la gloire au
moins doit être en argent, et le croissant ou cercle qui
soutient et renferme la sainte hostie doit être doré'.
' Thiers, Exposit. du Saint-Sacrement, Ht. 2,'c.l, sub fine. Bis.
toire des Sacrements, t. 11, p. 296. M.Thirat, Esprit des Cér„ 244.
284 CATÉCHISME
Nous venons de parler de tous les préparatifs au sa-
crifice redoutable. Le prôtre et ses ornements, l'autel
et ses parements, et ses vases sacrés, nous sont mainte-
nant connus. Si c'était un jour ordinaire, nous accom-
pagnerions immédiatement le prêtre à l'autel ; mais il
ne faut pas oublier que nous expliquons les cérémonies
du dimanche. Or, la messe de ce premier des jours est
précédée de la bénédiction de l'eau bénite et de la pro-
cession.
La bénédiction de l'eau rentre dans les bénédictions
générales de l'Eglise ; c'est la même raison qui l'a éta-
blie. Comme les autres, elle renferme toute l'histoire
du genre humain ; elle nous dit la création de l'homme
et de toutes choses dans un état de perfection ; la dégra-
dation de l'homme ; la victoire du Démon sur lui et
sur toutes les créatures qu'il remplit de ses malignes
influences ; la réhabilitation ou la sanctification de toutes
choses par Jésus-Christ.
La bénédiction de l'eau remonte comme les autres
aux temps apostoliques ' . «Il faut, dit saint Cyprien, que
l'eau soit purifiée et sanctifiée par le prêtre '. » L'usage
de bénir l'eau chaque dimanche avant la messe est de
la plus haute antiquité ; il se lie évidemment à la cou-
tume où étaient les premiers Chrétiens de se laver les
mains et le visage avec de l'eau bénite afin de se pu-
rifier en entrant dans l'église^. Que veut donc l'Eglise
• S- Basile, de Spir. sanclo, c 27.
Epist. 70.
^ 3Iicrolog., c. il
DE PERSÉVÉRANCE. 285
en bénissant l'eau et en la répandant sur les fidèles?
Mère tendre et pleine de sollicitude, elle veut rappeler
à ses enfants leur chute et leur rédemption; elle veut
les purifier et leur donner toute la sainteté nécessaire
pour assister dignement aux mystères redoutables ; elle
veut enfin les préserver de tout ce qui pourrait les
souiller et leur nuire : dans cette vue elle joint à ses
prières les signes les plus convenables pour montrer
la fin qu'elle se propose.
Le propre de l'eau c'est de laver, le sel préserve de
la corruption; et l'eau et le sel mêlés ensemble sont un
symbole de pureté et d'innocence. Telle est la matière
de l'eau bénite. Revêtue du pouvoir même de son divin
époux à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur
la terre, l'Eglise ordonne à ses ministres de soustraire
ces deux créatures, l'eau et le sel, au pouvoir du Démon,
et de les rendre utiles à l'homme en les rappelant, par
la sanctification, à leur destination primitive. Et le prê-
tre exorcise l'eau et le sel.
Exorciser veut dire conjurer et commander. C'est un
terme qui ne convient qu'à ceux qui parlent avec une
suprême autorité. Dans la langue de l'Eglise, exorciser
signifie conjurer le démon, le chasser, lui défendre de
nuire. Exorciser l'eau et le sel, veut dire que le prêtre
commande au Démon, delà part de Dieu et parles mé-
rites de la croix de Jésus-Christ, de laisser libres ces
deux créatures, de ne plus s'en servir pour nuire aux
hommes, en sorte qu'elles soient désormais utiles à
notre salut. Tel est le sens des exorcismes qu'on fait
286 CATÉCHISME
sur toutes les créatures inanimées. On s'adresse à elles,
mais c'est au Démon que vont les commandements; de
même que c'est sur le Démon que retomba l'anathème
divin après la chute de nos premiers pères, quoique
Dieu ne parlât qu'au serpent. Que les créatures soient
viciées, que le Démon exerce sur elles un grand empire,
qu'elles aient besoin d'être sanctifiées, c'est une vérité
de foi catholique dont nous avons donné les preuves en
parlant des bénédictions en général.
Donc, le dimanche avant la messe, le prêtre, repré-
sentant de celui qui a créé les éléments, qui a com-
mandé durant sa vie mortelle aux créatures inanimées,
à la mer, au\ vents et aux tempêtes, qui a tant de fois
chassé le Démon des possédés ; le prêtre se revêt d'un
surplis et d'une étole, et, précédé de deux clercs, dont
l'un porte uîi flambeau allumé, l'autre un peu de sel et
on aspersoir, il se rend auprès du bénitier. Dans quel-
ques diocèses l'eau se bénit à la sacristie ; ailleurs c'est
à l'autel, au chœur ou dans la nef. Ce dernier usage
est plus conforme à l'antiquité et semble faire plaisir
aii peuple ^
Aussitôt le prêtre demande k Dieu son assistance en
disant : Âdjutorium nostrum : Toute notre aide est dans
le nom du Seigneur. Les fidèles, représentés par le
clerc, répondent : Qui fecit, etc. : Qui a fait le ciel et la
terre. Dites, la confiance de l'Eglise peut-elle être
lïlienx placée?
Puis étendant la main sur le sel, en signe de com-
' Lebrun, p. 53.
DE PERSÉVÉRANCK. 287
tliandement, et pour monirer qu'il agit au nom du Tout-
Puissant, le prêtre continue ainsi :
«Sel, créature de Dieu, je t'exorcise au nom du Dieu
vivant f, du Dieu vraif , du Dieu saint f, du Dieu qui
par le prophète Elisée te fit jeter dans les eaux pour les
rendre salubres ; je t'exorcise afin que tu deviennes
pour les fidèles une source de salul, et que tu procures
à tous ceux qui le goûteront la santé de l'âme et du
corps; que l'esprit immonde, sa malice et ses ruses
fuient et disparaissent de tous les lieux où tn seras ré-
pandu, et cela, au nom de celui qui viendra juger leô
vivants et les morts et le siècle par le feu. »
Le sel délivré des malignes influences du Démon,
que reste-t-il au prêtre, sinon de conjurer le Seignetir
de venir prendre possession de sa créature, de la bénir
de nouveau et de la rendre utile au genre humain? Il
invite tous les fidèles à se réunir à lui pour obtenir la
même grâce. Prions, dit-il, et il continue ainsi :
« Dieu éternel et tout-puissant, nous implorons avec
hamililé votre souveraine clémence : daignez darf^
votre miséricorde bénir -J* et sanctifier •[• ce sel que vous
avez créé à l'usage du genre humain ; qu'il serve à tous
ceux qui en prendront au salut de leur âme et de leur
corps, et que tout ce qui en sera touché et aspergé soit
préservé de toute impureté et toute attaque des esprits
de malice. Par Jésus-Christ notre Seigneur, qui vit et
règne avec vous en l'union du Saint-Esprit, dans tous
les siècles des siècles. «Tous les fidèles, parla bouche du
clerc, répondent : « Qu'il en soit ainsi : Amen. »
288 CATÉCHISME
Voilà le sel purifié, oui, purifié, c'est-à-dire ramené
à sa cîestinalion primitive , qui était d'être utile à
l'homme, et, en procurant son avantage, de procurer la
gloire du Créateur. Oui, quoi qu'en puisse dire l'impiété
ou la légèreté mondaine, il en est ainsi. Si elle en doute,
qu'elle réponde donc aux questions suivantes : Est-il
vrai que les créatures sont viciées et assujetties au Dé-
mon qui s'en sert pour nuire à l'homme et le tenter ?
Est-il vrai que Dieu peut les purifier et les soustraire à
l'influence du Démon ? Est-il vrai qu'il le veut ? Est-il
vrai qu'il peut et qu'il veut communiquer son pouvoir
à des hommes choisis? Est-il vrai qu'il le leur a com-
muniqué? L'a-t-il dit? Répondre affirmativement à ces
questions, c'est être catholique. Y répondre négative-
ment, c'est abjurer le sens commun, c'est faire le procès
au genre humain. Et qui êtes-vous pour vous arroger
un pareil droit et pour dire : Moi seul je suis sage, seul
éclairé parmi les mortels?
Le prêtre ayant donc sanctifié le sel, reprend de nou-
veau l'attitude du commandement ; il étend la main, et,
s'adressantà l'eau, il dit :
« Eau, créature de Dieu, je l'exorcise, au nom de
Dieuf, le Père tout-puissant, au nom de Jésus-Christj,
son Fils, notre Seigneur, et par lavertuduSaint-Esprilf,
afin que tu sois une eau pure et sainte, capable de dé-
truire la puissance de notre ennemi et de le renverser
lui-même avec ses anges apostals. Par notre^Seigneur
Jésus-Christ qui viendra juger les vivants et les morts
et le siècle par le feu. »
DE PERSÉVÉRANCE. 289
El le prêlre invite les fidèles à demander avec lui
que Dieu veuille opérer ce qu'il demande. Prions, dit-il,
et il continue ainsi :
« 0 Dieu ! qui, en faveur du genre humain, avez donné
à l'eau d'immenses propriétés, écoulez favorablement
nos prières, cl répandez la vertu de voire bénédiction j
sur cet élément qui est préparé pour diverses purifica-
tions ; faites que, servant à vos mystères, il reçoive
l'effet de voire grâce divine pour chasser les démons
et guérir les malades ; que tout ce qui sera aspergé de
celte eau, dans les maisons et dans les autres lieux où
se trouveront les fidèles, soit préservé de toute impu-
reté et de tous maux ; que celte eau en éloigne tout
souffle pestilentiel, ou corrompu ; qu'elle écarte les
pièges de l'ennemi caché, et tout ce qu'il pourrait y
avoir de nuisible à la santé ou au repos de ceux qui les
habitent, et qu'enfin celte santé, que nous demandons
par l'intercession de votre saint nom, nous soit con-
servée contre toutes sortes d'attaques. Par Jésus-Christ
notre Seigneur, etc. »
Pendant ces exorcismes et ces oraisons, le prêtre fait
plusieurs signes de croix pour rappeler que ce n'est que
par les mérites de Jésus- Christ que le Démon a perdu
sa puissance, et que les créatures cessent de nous être
nuisibles.
Le prêtre prend ensuite le sel avec la main droite, et
le répand dans l'eau en forme de croix en prononçant
ces paroles : « Que le mélange du sel avec l'eau se
fasse au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »
T. VII. 19
S90 CATÉCHISME
Alors les fidèles, par la bouche du clerc, répondent: Qu'il
en soit ainsi: Amen. Vient ensuite une magnifique et
touchante prière par laquelle le prêtre conjure le Sei-
gneur, au nom de l'Eglise, de donner à l'eau bénite
toutes les vertus exprimées dans les oraisons précé-
dentes; il dit:
« O Dieu ! auteur d'une puissance invincible, et roi
d'un empire inébranlable, qui triomphez toujours glo-
rieusement, qui réprimez les efforts de toute domina-
lion opposée, qui abattez la fureur de l'ennemi rugis-
sant, et qui domptez puissamment la malice de vos
ennemis; nous vous supplions très-humblement, Sei-
gneur, de regarder d'un œil favorable celte créature
de sel et d'eau, de relever sa vertu et de la sanctifier
par la rosée de votre grâce, afin que, par l'invocation de
votre saint nom, toute corruption de l'esprit impur soit
bannie des lieux qui en seront aspergés ; que la crainte
du serpent venimeux en soit éloignée, et qu'en implo-
rant votre miséricorde nous soyons en tous lieux as-
sistés par la présence du Saint-Esprit. Par notre Sei-
gneur Jésus-Christ, etc. »
Ces prières nous apprennent que nous avons lieu
d'attendre quatre effets de l'eau bénite : 1° de chasser
le Démon des lieux qu'il a pu infester, et de faire cesser
les maux qu'il a causés ; 2° de l'éloigner de nous, des
lieux que nous habitons, et de tout ce qui sert à nos
usages; 3° de servir à la guérison des maladies; 4<' de
nous attirer en toute occasion la présence et le secours
du Saint-Esprit pour le bien de notre âme et de notre
DE PERSÉVÉRANCE. 291
corps. Nous avons vu que, suivant saint Thomas et le
commun des théologiens, l'eau bénite sert aussi à effa-
cer les péchés véniels.
Et tous ces effets sont réellement produits par Peau
bénite. Pour les révoquer en doute, il faut nier l'histoire
ecclésiastique depuis la première page jusqu ù la der-
nière; il faut regarder comme des imposteurs ou des
imbéciles les hommes les plus vertueux et les plus
grands génies qui aient jamais brillé sur la terre : Ter-
luUien, Origène, saint Augustin, saint Chrysostôme,
saint Epiphane, saint Jérôme, saint Grégoire, saint
Bernard et bien d'autres '.
C'en est assez pour justifier l'Eglise qui fait usage
de l'eau bénite, qui en asperge chaque dimanche les
fidèles et le temple où ils viennent assister aux saints
offices, et qui en conserve toujours à la porte de la mai-
son du Seigneur.
C'en est assez pour justifier les fidèles qui, suivant
les conseils de l'Eglise, ne doivent pas se contenter de
prendre de l'eau bénite dans l'église, mais encore l'em-
porter dans leurs maisons, l'y gajj-der avec soin, en pren-
dre en se couchant, en se levant, et en divers autres
temps de la journée, pour éloigner d'eux l'esprit des té-
nèbres et attirer le secours de Dieu dans mille dangers
imprévus du corps et de l'âme.
L'eau étant bénite, le prêtre, revêtu de l'aube et de
l'étole, en fait l'aspersion. L'Eglise veut purifier les fi-
dèles afin qu'ils puissent assister au saint sacrifice avec
*
* Durantus,lib. 1, c, 21.
292 CATÉCHISMB
plus d'attention, d'innocence et de piété. En faut-il da-
vantage pour nous faire prendre la résolution efficace de
pas manquer à l'aspersion? Si pendant la messe nous
sommes distraits, tièdes, pesants, n'est-ce pas notre
faute? Avons-nous pris le moyen établi par l'Eglise
pour éviter ces inconvénients?
Arrivé au pied de l'autel, le prêtre entonne ce verset
du psaume 5l.« -.Asperges me: Vous m'aspergerez, Sei-
gneur ; et le chœur continue : Avec l'hysope, et je serai
purifié; vous me laverez, et je deviendrai plus blanc
que la neige.
Pourquoi l'Eglise a-t-elle choisi ce verset? Parce
qu'il est très-propre à nous marquer les effets de l'eau
bénite?Pourquoile prophète Daviddit-il: Vousm'asper-
gerez a\ecVhysope, et non pas avec toute autre chose?
Pour trois raisons : la première, parce que l'hysope est
un petit arbrisseau dont les feuilles, pressées et touf-
fues, sont très-propres à retenir les gouttes d'eau pour
l'aspersion. La seconde, parce que la propriété médicale
de l'hysope est de purifier et de dessécher les mauvaises
humeurs ; ce qui la rend un signe très-convenable de
la purification de l'âme et du corps par l'eau bénite. La
troisième, parce que l'aspersion du sang de l'agneau
pascal sur les portes des maisons, l'aspersion de l'eau
qui purifiait de la lèpre, se faisaient avec un bouquet
d'hysope.
Ces aspersions étaient des figures de celle du sang de
Jésus-Christ. Or, il convenait que la réalité s'accomplît
par 4e même moyen que l'ombre et la figure. Pendant
DE PERSÉVÉRANCE. 293
l'aspersion, nous devons donc nous regarder comme le
peuple d'Israël, dont les tribus, passant devant Moïse au
pied du Sinaï, étaient aspergées du sang des victimes,
et demander sur nous l'aspersion du sang de Jésus-
Christ, la grande victime, c'est-à-dire l'application des
mérites de son sang précieux, qui seul peut effacer les
péchés et nous préserver de tous les maux.
Au temps pascal, c'est-à-dire depuis Pâque à la Tri-
nité, on chante : Vkli aquam : J'ai vu Veau sortir par
le côté droit du temple, etc. Tout occupée du baptême
qu'on administrait la veille de Pâque, l'Eglise a choisi
ces paroles pour en rappeler le souvenir à ses enfants.
Ce temple sacré, ouvert du côté droit, est le Sauveur
dont le côté entr' ouvert laissa couler du sang et de l'eau,
emblème du sacrement de la régénération. Entrons
donc dans les vues de cette bonne mère, et sollicitons
avec ardeur la conservation ou le recouvrement de no-
tre innocence baptismale.
Après avoir entonné VÀsperges me, le prêtre récite à
voix basse le psaume Miserere. Pour obtenir la purifi-
cation de notre âme, il faut entrer dans les sentiments
exprimés dans ce cantique du roi pénilCTit. Le prêtre
asperge :
1° L'autel. 11 jette par trois fois de l'eau bénite, au
milieu, au côté de l'Evangile et au côté de l'Epître ; il
asperge ensuite le sanctuaire, dont il fait le tour. L'E-
glise se propose par là d'éloigner de ce lieu saint et re-
doutable l'esprit des ténèbres, qui, au sentiment des
•294 CATÉCHISME
Pères, fait tous ses efforts pour troubler les prêtres et
les ministres qui servent à l'autel.
2° Le prêtre se donne de l'eau bénite à lui-même
en portant l'aspersoir à son front; il asperge ensuite
tout le peuple en descendant dans la nef. De retour à
l'autel, il invoque le Seigneur et le conjure d'accorder
à l'assemblée sainte les effets attachés à l'eau bénite.
Voici sa prière :
« Exaucez-nous, Seigneur saint, Père tout-puissant,
Dieu éternel, et daignez envoyer des cieux votre saint
ange, qui conserve, entretienne, protège, visite et dé-
fende tous ceux qui sont en ce lieu. Par notre Seigneur
Jésus-Christ. »
Et celte prière, qui a traversé bien des siècles *, qui
a passé par les lèvres de tant de saints prêtres et pon-
tifes, qui a retenti auxoreillesdetantde saints, nos pères
et nos amis ; cette prière, qui nous rappelle la puissance
des Anges protecteurs, leurs miracles de charité, à par-
tir d'Abraham et de Tobie , l'assistance de celui qui
veille à notre garde ; cette prière, dis-je, a tout ce qu'il
faut pour remplir notre cœur de confiance, d'allégresse
et de piété. Puisse-t-elle toujours produire en nous ces
saintes dispositions ! •
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi des bénédictions pour sanctifier toutes les
* Sacram. Gelas., 238.
DE PERSÉVÉRANCE. 295
créatures ; faites-moi la grâce de ne jamais m'en servir
que pour votre gloire.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je ferai tous
mes efforts pour assister à l'aspersion de l'eau bénite
avant la messe.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Vases sacrés. — Eau bénite.
Q. Quels sont les principaux vases sacrés ?
R. Les principaux vases sacrés sont : le calice, la pa-
tène, le ciboire et l'ostensoir. On les appelle sacrés parce
qu'ils sont consacrés par les bénédictions de i'évêque,
et destinés uniquement au culte de Dieu.
0- Qu'est-ce que le calice ?
R. Le calice est la coupe dont le prêtre se sert à l'au-
tel pour consacrer et pour prendre le sang précieux de
Notre-Seigneur. Le calice est aussi ancien que le Chris-
tianisme. C'est dans une coupe que le Sauveur consacra
son sang et le donna à boire à ses Apôtres. Les calices
étaient autrefois beaucoup plus grands qu'aujourd'hui,
parce que le peuple communiait sous l'espèce du vin.
Les calices doivent être, au moins la coupe, d'or ou d'ar-
gent.
Q. Qu'est-ce que la patène ?
-06 CATÉCHISME
R. La patène est une espèce de plat sur lequel le
prêtre met l'hostie qu'il offre et qu'il consacre à la
messe. La patène était autrefois très-large ; il y en
avait même plusieurs pour recevoir le pain offert par
les fidèles, qui -communiaient tous à la messe.
Q. Qu'est-ce que le ciboire ?
R. Le ciboire est un vase sacré qui ressemble à ua
calice fermé par un cou\ercle. On y garde la sainte
Eucharistie pour l'usage des fidèles et des malades. Le
ciboire se renferme dans le tabernacle ; il doit aussi être
d'or ou d'argent, par respect pour le corps de Noire-
Seigneur. Cela nous apprend quelle doit être la pureté
de notre cœur pour communier.
Q. Qu'est-ce que l'ostensoir ?
R. L'ostensoir est une espèce de tabernacle portatif
dans lequel on expose Notre-Seigneur à l'adoration des
fidèles, dans les bénédictions ou dans les processions.
L*usage des ostensoirs remonte au temps où l'on éta-
blit la fête du Saint-Sacrement.
Q. Quelle cérémonie précède la messe du dimanche?
R. La cérémonie qui précède la messe du dimanche,
c'est la bénédiction de l'eau bénite et l'aspersion. L'E-
glise bénit l'eau parce que toutes les créatures ont été
viciées par le Démon, qui s'en sert pour nous tenter et
pour nous nuire. Le prêtre met du sel dans l'eau pour
marquer que l'eau bénite empêche nos âmes de se cor-
rompre par le péché, et pour marquer aussi que le Dé-
mon n'aura plus le pouvoir d'infecter cette eau sanc-
tifiée.
DE PERSÉVÉRANCE. 297
Q. Quels sont les effets de l'eau bénite ?
R. Les effets de l'eau bénite sont : 1° de chasser les
démons ; 2° de servir à la guérison des malades ; 5° de
nous attirer le secours de Dieu; 4° de servir à effacer
les péchés véniels. Nous devons donc la prendre avec
beaucoup de respect, en avoir chez nous, en faire le si-
gne de la croix sur nous, au moins en nous levant et en
nous couchant.
Q. Pourquoi fait-on l'uspersion dans l'église ?
R. On fait l'aspersion dans l'église pour chasser le
Démon et pour purifier les fidèles, afin qu'ils assistent à
la messe avec attention, innocence et piété. L'usage de
l'eau bénite est aussi ancien que l'Eglise. La puissance
de cette eau sanctifiée a été prouvée par un grand
nombre de miracles.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi des bénédictions pour sanctifier toutes les
créatures; faites-moi la grâce de ne jamais m'en servir
que pour vôtre gloire. 9 "
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je ferai tous
mes efforts pour assister à l'aspersion de l'eau bénite
avant la messe.
298 CATÉCHISME
XV*^ LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Processions en général. — Procession du dimanche avant la messe.
— Division de la messe. — Sis:niflfation de ce mot. — Première
partie de la messe, la préparation au bas de l'autel.
L'aspersion finie, la procession commence. Avant d'y
aller, sachons ce que nous allons faire. La procession
est une marche religieuse et solennelle du clergé et du
peuple. Voici encore un de ces rites de l'Eglise catholi-
que dont l'existence remet sous nos yeux l'antiquité la
plus reculée. Chez tous les peuples il y a eu des proces-
sions : on connaît celle que fil Saloraon avec une ma-
gnificence digne de lui, pour transporter l'arche d'al-
liance dans le temple de Jérusalem ; on connaît celle du
peuple juif lorsqu'il vint à la rencontre du Sauveur,
portant en ses mains des branches d'olivier, et chantant
Hosanna, gloire au Fils de'&avid ; on connaît celles des
Païens eux-mêmes, et en particulier celle que la ville
d'Aulun faisait en l'honneur de Cybèle : elle est deve-
nue fameuse par le martyre de saint Symphorien, dont
elle fut l'occasion'.
Cette antiquité, cette universalité des processions,
ne prouve-t-elle pas que ce rit sacré est d'institution di-
' Sur les processions des Païens, voyez Brisson, lib. 2, de For-
mulis
DE PERSÉVléRANCE. 299
vine, et vient d'une révélation primitive? Où Thomme
aurait-il pris l'idée qu'une marche solennelle pouvait
honorer la Divinité? Héritière de tous les usages et de
toutes les traditions saintes et immortelles, l'Eglise, en
adoptant les processions, a pris son bien où elle l'a
trouvé, chez les Juifs aussi bien que chez les Païens.
Dès le principe elle fil acte de propriété. Ses premières
processions eurent lieu dans les Catacombes, en atten-
dant qu'elle pût les faire à la face du soleil'. Quels
étaient le recueillement et la ferveur de ces processions
de Chrétiens, la plupart destinés au martyre, marchant
à la lueur des flambeaux dans des galeries souterraines,
au milieu des tombeaux de leurs frères immolés pour la
foi, sous la conduite d'un évêque, plus vénérable en-
core par ses vertus que par ses cheveux blancs ? il est
facile de nous en faire une idée. Puisse cette idée sa-
lutaire nous accompagner nous-mêmes lorsque nous
marchons sur les traces de nos pères. Eh quoi ! la
procession du dimanche dans l'intérieur de l'église
ne se fait-elle pas dans une catacombe à la lueur des
flambeaux, entre des tombeaux de Martyrs dont les os-
sements sacrés reposent, à notre droite et à notre gau-
che, dans les chapelles latérales de la basilique? Et nous-
mêmes ne sommes-nous pas, ne devons-nous pas être
des martyrs de la paix, comme dit saint Cyprien ^, tou-
jours prêts à nous immoler et toujours immolant nos
convoitises au Dieu pour qui nos aïeux répandirent leur
' Boldetti, Observ. supra icimiter., lib. 11, c. 16, p. 529.
* Habet et pax martyres suos.
300 CATÉCHISME
sang? Que dis-je? noire foi n'esl-elle pas, suivant l'ex-
pression de Tertullien, un engagement au martyre de
sang '?
Mais pourquoi des processions? quelle est la raison,
quel est le sens de ce fait si ancien et si universel ? d'où
vient que l'Eglise le conserve si religieusement? pour-
quoi, dans ses jours de joie comme dans les temps de
deuil, ordonne-t-elle des processions à ses enfants?
Pénétrons le mystère. La procession est un grand
enseignement : c'est l'image de la vie, c'est toute l'his-
toire du monde, passée, présente et future. Qu'est-ce,
en effet, que la vie de l'homme, sinon une marche vers
le ciel? sorti de Dieu, il doit retourner à Dieu. Mais
qui dirigera sa route, sinon celui qui est la lumière et
le guide de tout homme venant en ce monde?
Et voilà que dans nos processions la croix part du pied
de l'autel : c'est Jésus-Christ sortant du sein de son Père
pour descendre parmi les hommes; la croix s'avance
accompagnée de lumières ; les fidèles se mettent à sa
suite : c'est Jésus-Christ paraissant au milieu de nous, ré-
pandant la lumière de sa doctrine, et recueillant sur son
passage les élus de Dieu, dispersés aux quatre vents ; la
croix précède la marche : c'est Jésus Christ conducteur
de l'homme dans la roule du ciel ; bientôt à la croix
se réunissent des bannières; sur lune est l'image de
Marie, sur les autres l'image des saints : viennent en-
core des châsses, espèces de chars de triomphe où re-
posent les corps sacrés des glorieux vainqueurs du
' Debitricein martyrii fidem.
DE PERSÉVÉRANCE. 301
monde et du Démon. Tous sont là pour diriger nos pas
et animer noire courage. Le peuple suit en priant, en
chantant tour à tour ses espérances et ses douleurs. Ah !
c'est ici surtout qu'est l'image de la vie, de la vie chré-
tienne. N'est-ce pas au milieu des prières, des larmes,
des soupirs que l'exilé accomplit son voyage jusqu'aux
frontières de la patrie? n'est-ce pas sur les traces de
Jésus-Christ, et sous la protection de Marie et des Saints,
que nous devons marcher vers le ciel? n'est-ce pas là
une des plus importantes leçons dont l'homme ait
besoin?
La procession est à peine en marche, que le son
des cloches se fait entendre : ce sont les trompettes de
l'Eglise militante qui annoncent le passage du grand Roi
et de son armée ; passage accompagné de combats sans
cesse renaissants contre les légions infernales, contre
les séductions du monde et les passions révoltées. La
procession décrit différentes lignes, parcourt différentes
routes : c'est Jésus-Christ parcourant le monde, appe-
lant à lui tous les hommes de l'Orient et de l'Occident.
Enfin la procession rentre dans l'église : c'est Jésus-
Christ rentrant dans le ciel, conduisant à sa suite les
élus sauvés par son sang et éclairés par ses paroles. La
croix vient se reposer au pied de l'autel, au même lieu
d'où elle était partie : c'est Jésus-Christ se reposant sur
son trône à la droite de son Père, après lui avoir conquis
un peuple entier d'adorateurs. Les fidèles, rendus au
lieu d'où ils étaient partis, c'estl'homme, enfant du ciel,
de retour au ciel ; c'est l'exilé revenu dans la patrie.
302 Catéchisme
La procession est unie ; la vie est terminée : et voilà une
grande, une louchante leçon donnée à l'homme; une
leçon plus significative, plus éloquente et plus complète
que tous les discours des philosophes*.
Telle est la signification générale des processions. La
plupart se rattachent aussi à des événements mémorables
dont elles conservent le souvenir de générations en géné-
rations. Celle du dimanche, avantla grand'messe, a été
établie pour rappeler une circonstance de la résurrection
de Notre-Seigneur.
Jl est écrit que les Anges , s'adressant aux saintes
femmes venues pour visiter le sépulcre, leur dirent :
« Allez, dites aux disciples et à Pierre : Le Seigneur
vous précédera en Galilée, » Et le Seigneur lui-même, les
rencontrant comme elles sortaient du sépulcre, leur dit,
après qu elles l'eurent adoré et embrassé ses pieds sa-
crés : « Allez, avertissez mes frères d'aller en Galilée :
là ils me verront. » L'Eglise, prenant pour elle ces pa-
roles, se met en marche tous les dimanches avant l'au-
guste sacrifice, et s'en va, comme les saintes femmes,
annoncer de toutes parts à ses enfants que son époux
est ressuscité C'est le même jour et presque à la même
heure où cet ordre fut donné sur le Calvaire aux saintes
femmes, que l'Eglise l'accomplit depuis dix-huit cents
ans, sur tous les points du globe. Et voilà comment
nos moindres cérémonies attestent à toutes les géné-
rations les grands événements sur lesquels repose
' Sur tout ceci, voyez les intéressants détails donnés par Du-
rand, Ration, div. offic, lib. 4, c. 6.
DE PERSÉVÉRANCE. 309
l'histoire du genre humain. A cette procession l'Eglise
asperge ses enfants d'eau bénite en mémoire du bap-
tême, parce que tous les dimanches de l'année sont
comme une suite du dimanche de Pâque et de la Pen-
tecôte, jours solennels où le baptême se donnait dans les
premiers siècles : la nuit qui précédait ces grandes fêtes
faisait partie des fêtes elles-mêmes. On croit commu-
nément que c'est le pape Agapet qui a établi la proces-
sion du dimanche*.
Lorsque la procession rentre dans le chœur on chante
une antienne au saint patron de l'église : on le supplie
de veiller sur les fidèles, surtout durant le sacrifice.
Celle qu'on chante à Nevers s'adresse à saint Cyr et
à sainte Julilte, sa mère, patrons de la cathédrale :
elle est ainsi conçue : Parentes nostri, etc. : « O nos
pères, et vous tous qui habitez dans les cieux, inter-
cédez pour nous auprès du Seigneur notre Dieu, afin
qu'il agisse avec nous dans sa miséricorde, qu'il nous
donne la joie du cœur, et qu'il fasse régner la paix
pendant tout le cours de notre vie. »
Ces prières et toutes les processions doivent nous
faire penser que nous sommes voyageurs sur la terre,
que le ciel est notre patrie, que nous avons besoin de
Jésus-Christ pour y tendre et pour y arriver. Il est la
voie, la vérité et la vie : la voie par où l'on marche, la
vérité où l'on tend, et la vie où Ton demeure éternelle-
ment^.
' Rupert., lib. 7, c. 20. Durandus, lib. 4, c 6. Idem, lib. 1 1 , c. 10.
Meunier, Traité des processions. Eveillon, de Process. Ecclesiœ.
* S. Aug., Tract, in Joan. Le P, Lebrun, 93.
304 CATÉCHISME
Nous voici revenus de la procession: recueillons-nous
maintenant, l'auguste sacrifice va commencer. Nous di-
viserons la messe en six parlies *.
La première comprend la préparation au sacrifice,
qui se fait au bas de l'autel; la deuxième, depuis l'In-
troït jusqu'à rOfTertoire ; U troisième, depuis l'Offertoire
jusqu'au Canon ; la quatrième, depuis le Canon jusqu'au
Pater; la cinquième, depuis la prière libéra nos jusqu'à
la Communion ; la sixième , depuis la Communion
jusqu à la fin de la messe.
Le mot messe veut dire renvoi. Dans les premiers siè-
cles de l'Eglise il y avait deux renvois des assistants. Le
premier avait lieu après l'évangile et l'instruction, lors-
que le diacre avertissait les catéchumènes, les infidèles,
les pénitents et tous ceux qui ne devaient point parti-
ciper aux saints mystères, de sortir de l'église : et ce
renvoi s'appelait la messe ou le renvoi des catéchumènes.
Le second avait lieu lorsqu'après la célébration du saint
sacrifice le même diacre disait aux fidèles : « Sortez, le
moment en est venu ^.)) Etce second renvoi s'appelait la
messe ou le renvoi des fidèles^. Le nom de messe donné
aux saints mystères semble né avec l'Eglise ; on le
trouve dès l'origine du Christianisme. Vers l'an 166, le
pape saint Pie, écrivant à Juste, évêque de Vienne, lui
dit : « Notre sœur Euprepia, comme vous vous en sou-
venez, a donné sa maison aux pauvres. Nous y demeu-
• Lebrun, ici. Le P. de Condren, Idée du Sacerdoce, etc.
" Ite, missa est.
' Bona, lib. i, c. 1.
DE PERSÉVÉRANCE. 305
rons maintenant et nous y célébrons la messe*. » En
254, le pape saint Corneille, écrivant à Lupicin, évoque
de la même église de Vienne, lui dit : * Il n'est pas
permis maintenant aux Chrétiens de célébrer publique-
ment la messe, même dans les Catacombes les plus
connues, à cause de la violence de la persécution ^ »
La première partie de la messe est la préparation
qui se fait au bas de l'autel. Le prêtre chargé du mi-
nistère le plus auguste et le plus redoutable sort de la
sacristie, paré de ses ornements, et s'avance avec mo-
destie et gravité pour consommer la grande action qui
doit réconcilier le ciel avec la terre. Encore un instant,
et il fera pleuvoir sur le monde les bénédictions les plus
abondantes, ou plutôt il fera pleuvoir le Juste, auteur
de toute grâce. Arrivé au pied de l'autel, qu'il salue
profondément, il n'ose en franchir les degrés, ou, s'il les
monte pour quelques préparatifs, il les redescend bientôt
comme repoussé par la majesté du Dieu qui va paraître.
11 se prosterne de nouveau et dit : In nomine Pa-
trisy etc. Pour sacrifier une victime, il faut avoir droit
sur sa vie; or, Dieu seul a droit sur la vie du Verbe
incarné, victime du sacrifice de l'autel. Afin donc de
pouvoir oflVir Jésus-Christ à Dieu son Père, le prêtre
a besoin de l'autorité de Dieu même. Celle autorité
lui a été promise, elle est attachée à son sacerdoce, il
l'invoque en disant : Au nom du Père.
' Soror nostra Euprepia, sicut benè recordaris, titulum domus
suœ pauperibusassignavit, ubi aiinccommorantes missasaginius
Baronius, ann. 165.
' Bona, c. 3, p. 13.
T. VII. JO
306 Catéchisme
Au nom du PèrCy qui seul a le droit de sacrifier son
Fils, parce que lui seul a droit sur sa vie; au nom du
Père, par l'autorité, par le choix et par la vocation de
qui je suis prêtre.
C'est aussi au nom du Fils, et Filii, c'est-à-dire en
sa personne et en sa place, comme faisant partie de
ce prêtre unique et éternel, comme associé à son sa-
cerdoce et revêtu de sa puissance, afin qu'il fasse sur
la terre, par mon ministère, ce qu'il fit lui-même sur
la croix, et ce qu'il fait encore dans le ciel.
C'est enfin au nom du Saint-Esprit, et Spiritus
sancti, c'est-à-dire en sa puissance; car c'est par lui
que la victime de ce sacrifice a été formée dans le sein
de l'augusle Marie ; c'est par lui que je peux avoir la
sainteté nécessaire à mes redoutables fonctions.
Telle est donc la signification du signe de la croix
que le prêtre forme sur lui au commencement de la
messe :
Au nom du Père, dont je suis prêtre ;
Au nom du Fils, de qui je suis prêtre;
Au nom du Saint-Esprit, par qui je suis prêtre ;
Au nom du Père, à qui j'ofl're le sacrifice;
Au nom du Fils, que j'offre en sacrifice ;
An nom du Saint-Esprit, par qui je l'offre en sacri-
fice.
Le prêtre a besoin de se rappeler tous ces souvenirs
pour oser entreprendre d'immoler la grande victime.
Cosacrificateurs avec le prêtre, les fidèles aussi doivent
se les rappeler ; et pour cela, ils doivent faire avec un
DE PERSÉVÉRANCE. 307
respect et une attention parliculière le si^ne de la croix,
qui commence la messe.
Elonné de ce qu'il va faire, le prêtre s'écrie : Quoi,
j'irai à la montagne sainte, je monterai à l'autel du
Dieu vivant ! Intro'ibo ad altare Dei! Ici commence en-
tre lui et le peuple assemblé, représenté par le clerc
qui répond la messe, un de ces dialogues inimitables
qu'on ne trouve dans aucune langue humaine.
Craignant que la frayetir n'arrête le prêtre, le clerc
semble l'encourager au nom de tout le peuple, que réu-
nit le désir de recueillir les fruits du sacrifice : Oui,
lui dit-il, vous irez vers le Dieu bon et clément qui ré-
jouit noire jeunesse : Ad Deum, etc.
C^s paroles ne le rassurent pas encore. Alors, s'a-
dressant directement à Dieu, il le prie d'entrer en juge-
ment avec lui, avant qu'il franchisse le pas sacré. Il
le conjure de ne point faire allenlion à ses fautes, mais
de se souvenir seulement qu'il est de la nation sainte,
et qu'il désire être entièrement séparé du mensonge et
de l'iniquité ; il le supplie de lui envoyer d'en haut sa
divine lumière, cet esprit de vérité et de foi qui peu-
vent le conduire sûrement à la montagne du salut, à
ce tabernacle auguste où réside la majesté du Tout-
Puissant.
Pendant qu'il s'occupe ainsi avec le Seigneur, tou-
jours tremblant sur son indignité, le peuple représenté
par le clerc, effrayé de celte indécision et de ces re-
tards, l'interrompt à plusieurs reprises pour l'exciter.
Il lui rappelle que le Seigneur. est notre force et notre
308 CATÉCHISME
soutien ; qu'il sait guérir nos blessures et rendre à notre
âme sa beauté ; et le peuple lui répèle : Oui, vous
irez à l'autel du Dieu qui réjouit notre jeunesse.
Cédant à ces instances réitérées, le prêtre s'écrie :
Oui, mon Dieu, je clmnterai vos louanges à la face de
la terre ; et toi, mon âme, pourquoi es-tu triste et me
troubles-tu de la sorte ?
Oui, continue le peuple, espérez au Seigneur; nous
le bénirons avec vous. Il est tiotre Sauveur et notre
Dieu.
Gloire lui soit rendue : Gloria Patri, etc., répond le
prêtre.
Et le peuple, unissant sa voix à la sienne, continue
la louange de l'auguste Trinité : Sicul crat, etc.
Mais, comme s'il se repentait de la promesse qu'il
vient de faire d'avance, le prêtre s'étonne de nouveau ;
Quoi ! je monterai à l'autel de Dieu !
Assurément, lui répond le peuple, le Dieu de miséri-
corde vous y appelle. Encore une fois, c'est le Dieu bon,
le Dieu qui réjouit notre jeunesse.
Eh bien ! c'en est fait, dit le prêtre, je mets ma force
et ma confiance dans le nom du Seigneur : Adjuto-
rium, elc.
Elle est bien placée, répond le peuple : c^est lui qui
a fait le ciel et la terre : Qui fecit, elc.
Alors, s'inclinant profondément et se frappant la poi-
trine comme le Publicain qui n'osait lever les yeux, le
prêtre se proclame coupable à la face du ciel et de la
terre. Placé entre la Jérusalem céleste et la Jérusalem
DE PERSÉVÉRANCE. 309
terrestre, il appelle ces deux cités à entendre le récit
de ses fautes, et les conjure d'en solliciter le pardon :
Confiteor, etc.
Et le peuple de la terre, unissant sa voix à celle du
peuple du ciel, répond : « Que le Seigneur Dieu tout-
puissant ait pitié de vous, et qu'après vous avoir par-
donné vos péchés, il vous conduise à la vie élernelle : »
Misereatur,eic.Ei pendant que toute l'Eglise demande
grdce et pardon pour son ministre, celui-ci reste pro-
fondément incliné dans l'attitude d'un suppliant. Avant
de se relever, il exprime le seul vœu qu'il ait dans le
cœur : Amen : « Qu'il en soit ainsi, dit-il au peuple, que
le Seigneur exauce vos prières et purifie mon âme. »
Touché de cette humilité du prêtre, le peuple com-
prend que lui aussi a besoin de pardon et de miséricorde.
Et, de fait, n'oJ!Ve-t-il pas avec le prêtre ? ne doit-il
pas être saint comme lui? Le Seigneur verra-t-il avec
complaisance l'otTrande de son ministre, si le peuple
pour qui il prie ne fait rien pour se purifier lui-même?
Et voilà que le peuple, prenant à son tour l'attitude du
pénitent, confesse humblement ses fautes, se frappe la
poitrine, et demande au prêtre, qu'il appelle son père,
de prier pour lui le Dieu tout-puissant. Et le prêtre ré-
pond : « Que le Seigneur tout-puissant ait pitié de vous,
et qu'après vous avoir pardonné vos péchés, il vous con-
duise à la vie éternelle. » Puis, mêlant sa cause à celle
du peuple, il ajoute : « Que le Seigneur tout-puissant
et miséricordieux nous accorde l'indulgence, l'absolu-
tion et la rémission de nos péchés. » Et en disant cette
310 CATÉCHISME
prière, il fait le signe de la croix, afin de rétablir en lui-
même et dans le peuple l'image de Jésus crucifié î
image d'innocence et de sainteté parfaite.
De quel œil pensez-vous que l'Eglise du ciel, celle
sœur aînée de l'Eglise de la terre, doive voir sa jeune
sœur s'humiliant ainsi et se repentant devant le Père
commun ? Les brebis prient pour le pasteur, et le pas-
teur pour les brebis. Est-il un spectacle plus attendris-
sant et plus propre à faire descendre sur la terre un
ileuve de miséricordes?
Plein de confiance, le prêtre, s'adressant au Seigneur,
lui dit : « Maintenant, Seigneur, vous vous convertirez
à nous; vous nous regarderez d'un œil favorable : ce
regard nous donnera la vie : » Deus tu conversus, etc.
Et le peuple ajoute celte touchante parole : « Et vo-
tre peuple se réjouira en vous. Votre peuple, ce peuple
que vous avez tant aimé, pour qui vous avez opéré tant
de prodiges ; ce peuple qui vous est cher comme la pru-
nelle de votre œil ; ce peuple se réjouira en vous, et la
joie des enfants fera le bonheur et la gloire du Père : »
Et plehs tua, etc. Ces prières mutuelles, ce touchant
commerce de charité, cette humiliation devant Dieu,
ont ramené dans le cœur la confiance et la joie. Le
prêtre et le peuple achèvent leur admirable dialogue
en conjurant le Seigneur de laisser monter jusqu'à l'o-
reille de son cœur le cri de leur amour.
Je dis que ce dialogue esl admirable. Si nous vou-
lions l'examiner avec les yeux profanes de la critique
littéraire, il ne serait pas difficile de montrer que l'E-
DE PERSÉVÉRANCE. 311
glise, qui le met dans la bouche de ses enfants, au mo-
ment de l'action la plus redoutable et la plus sainte, a
parfaitement connu la théorie des passions. En effet,
un sentiment vif, profond, quel qu'il soit, douleur,
amour, haine, tristesse, indignité, se replie sans cesse
sur lui-même. Vous pouvez varier les termes pour l'ex-
primer, mais c'est toujours lui. Or, voyez comment le
sentiment d'indignité, de misère, d'humilité, qui pé-
nètre le prêtre et le peuple en présence de l'autel du
Dieu trois fois saint, se répète sans cesse et s'exprime
dans chaque parole ! Mais je m'oublie.
Vlntroibo et le psaume Judîca sont en usage dans
l'Eglise romaine depuis plus de sept cents ans *. Avant le
neuvième siècle, on laissait aux évêques et aux prêtres
la liberté de faire cette préparation, selon leur dévotion,
soit seuls et en silence, soit avec les ministres. Si les
souverains pontifes ont depuis changé cet usage, gardeï-
vous de penser qu'ils se soient crus plus éclairés et plus
sages que leurs prédécesseurs ou les Apôtres, non ;
mais le temps et les circonstances l'ont exigé.
Aux messes des morts et au temps de la passion,
on supprime ce psaume, à cause de ces paroles : 0
mon âme, pourquoi êtes-vous triste? Quare tristis
es? etc. Ces paroles doivent bannir toute tristesse, au
lieu que les cérémonies lugubres de l'office des morts
et du temps de la passion l'inspirent. Cependant, à ces
messes-là même, l'Eglise n'ôte pas au prêtre la conso-
lation intérieure qu'il espère trouver à l'autel; c'est
' Innocent ni,lib. 11, de Myst. missœ, c. 13.
312 CATECHISME
pourquoi il dit toujours : J'entrerai jusqu'à l'autel du
Dieu qui réjouit ma jeunesse '.
Avant de quitter le peuple pour monter à l'autel, le
prêtre lui dit : Que le Seigneur soit avec vous : Domi-
nus vobiscum; et le peuple répond : Et aussi avec votre
esprit : Et cum spiritu tuo. Ces paroles, tirées de l'E-
criture, sont, depuis une haute antiquité, employées
par l'Eglise pour exprimer le salut mutuel du prêtre
et du peuple. Ce peu de mots renferment un grand
sens. Accoutumés à les entendre sortir de la bouche
du prêtre, et peut-être à lui répondre par habitude,
avons-nous jamais médité ce qu'il nous promet de la
part de Dieu, et ce que nous lui désirons à notre tour?
Que le Seigneur .«oit avec vous ! Eh ! que peut le
prêtre nous souhaiter de meilleur? C'est au moment
du sacrifice qu'il adresse ces paroles aux fidèles. C'est
comme s'il leur disait : « Que pendant l'auguste action
où le ciel va s'ouvrir, où Dieu va descendre, où je vais
traiter de vos plus grands intérêts, l'Esprit de Dieu repose
sur vous; qu'il forme en vous l'esprit de prière, qu'il
vous donne les saintes dispositions de repentir et de
ferveur nécessaires au succès de vos demandes. Que le
Seigneur soit avec vous dans ce moment où il désire
lui-même avec tant d'ardeur de s'unir à vous. » Est-il un
souhait plus touchant et plus étendu? N'y mettons point
d'obstacle, et il s'accomplira en notre faveur.
La réponse que le peuple fait au prêtre renferme les
mêmes vœux : Et avec votre esprit. Le peuple ne dit
' Lebrun, [>. 113.
DE PERSÉVÉRANCB. 313
pas : Et avec vous, mais : Avec votre esprit, parce que,
dit un auteur du neu\ième siècle, tout est mvslérieux
et spirituel dans les fonctions qu'il va remplir, et que
son cœur ne peut être pénétré de la grandeur de son
ministère, qu'autant que son esprit s'applique à réfléchir
sur les grandes vérités que lui présentent les prières
qu'il va réciter. En un mot, le peuple ne regarde plus
le prêtre comme un homme, mais comme un pur es-
prit, comme un ange de Dieu qui va pénétrer pour lui
dans le redoutable sanctuaire, et accomplir la fonction
la plus angélique dont une créature puisse être ho-
norée.
Ainsi le prêtre souhaite aux fidèles que Jésus-Christ
soit au milieu d'eux, el le peuple fait la même prière
pour le prêtre, afin que Jésus-Christ soit tout en tous;
que lui seul prie, aime, adore dans tous les cœurs, et
que tous les cœurs réunis ne forment qu'un seul cœur
en Jésus-Christ. Afin d'entretenir et de renouveler cette
union, on répète cette prière jusqu'à huit fois durant la
messe. Puissions-nous ne pas l'oublier !
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi le saint sacrifice de la messe, où vous
m'appliquez les mérites de votre mort et passion; fai-
tes-moi la grâce d'y assister avec plus de piété que je
n'ai fait jusqu'ici.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
314 CATÉCHISME
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je réciterai
U Confiteor au commencement de la messe avec heau-
toup de piété.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Processions. — Première partie de la messe.
Q. Qu'est-ce que les processions?
R. Les processions sont des marches religieuses et
solennelles du clergé et du peuple.
Q. L'usage des processions est-il bien ancien?
R. L'usage des processions est bien ancien. On le
trouve sous la loi de Moïse. L'Ecriture nous parle des
processions raagniflques que firent David et Salomon
pour transporter l'Arche d'alliance à Jérusalem. Les
Païens eux-mêmes faisaient des processions en l'hon-
neur de leurs faux dieux : c'était un reste de la tradition
primitive qu'ils avaient conservée, mais qu'ils profa-
naient.
Q. Que signifient les processions?
R. Les processions sont l'image de notre vie; elles
nous rappellent que nous sommes des voyageurs sur la
terre. La croix qui marche en tête, suivie des banniè-
res, montre que pour arriver au ciel nous devons suivre
les traces de Jésus-Christ et des Saints. La procession
revient au lieu d'où elle était partie, pour nous appren-
dre que nous devons retourner à Dieu, d'où nous som-
DE PERSÉVÉRANCE. 315
mes sortis. Il faut assister aux processions avec beàtt-
coup de recueillement, de piété et de modestie.
Q. Pourquoi a-t- on établi la procession du dimanche
avant la grand'messe?
R. On a établi la procession du dimanche avant là
grand'messe en mémoire de la résurrection de Jésus-
Christ. Le Sauveur étant ressuscité, apparut aux saintes
femmes, et leur dit d'aller aimoncer cette nouvelle aux
Apôtres. L'Eglise, épouse de Notre-Seigneur, prenant
pour elle ces paroles, se met en marche, chaque di-
manche matin , pour imiter le voyage des saintes femmes,
et pour annoncer à tous ses enfants la résurrection du
Sauveur.
Q. En combien de parties se divise la sainte messe?
R. La sainte messe se divise en six parties : 1° la pré-
paration qui se fait au bas de l'autel ; 2° depuis l'Introït
jusqu'à rOiïertoire; 3" depuis TOIFertoire jusqu'au Ca-
non; 4" depuis le Canon jusqu'au Pater; 5° depuis le
Pater jusqu'à la Communion ; 6° depuis la Communion
jusqu'à la fin de la messe.
Q. Que veut dire le mot de messe?
R. Messe veut dire renvoi, parce que, dans les pre-
miers siècles, le diacre renvoyait les catéchumènes à
l'Offertoire et les fidèles à la fin de la messe. Il disait
aux premiers : Catéchumènes, sortez ; et aux seconds ;
AUezy le moment de sortir est venu.
Q, De quoi se compose la première partie de la
messe?
i{.[La première partie de la messe se compose du signe
316 CATÉCHISME
de la croix, d'un psaume, du Confiteor et de plusieurs
autres prières. Dans toutes ces prières le prêtre confesse
son indignité et redoute de monter à l'autel. Le peuple
l'encourage : il craint d'être privé des fruits du sacrifice.
Le prêtre confesse publiquement qu'il est pécheur; il
se frappe la poitrine, et prie le peuple d'intercéder pour
lui. Le peuple le fait, et demande à son tour la même
grâce au prêtre ; car c'est par le repentir qu'il faut se
préparer au saint sacrifice. Le prêtre dit : Que le Sei-
gneur soit avec vous, et il répète cette parole jusqu'à
huit fois durant la messe, et le peuple répond : Et avec
votre esprit. Ces paroles renferment tout ce que nous
pouvons désirer de meilleur. Si le Seigneur est avec
nous, que peut-il nous manquer, soit pour le corps, soit
pour l'âme? Ah! que nous entendrons bien la messe,
si ;ious ne mettons point d'obstacle au souhait que nous
fait le prêtre !
PRIÈRE.
0 mon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi le saint sacrifice de la messe, où vous
m'appliquez les mérites de votre mort et passion ; faites-
moi la grâce d'y assister avec plus de piété que je n'ai
fait jusqu'ici.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je réciterai
le Confiteor au commencement de la messe avec beau-
coup de piété.
DE PERSÉVÉRANCE. 317
XVP LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Encensements. — Seconde partie de la messe, depuis l'Introït jus-
qu'à l'Offertoire. — Introït. — Kyrie eleison. — Gloria in Ex-
celsis.
Voilà le prêtre et les fiflèles qui viennent de se sou-
haiter mutuellement la vraie disposition pour bien pro-
filer de l'auguste sacrifice. Oue le Seigneur soit avec
son peuple et avec son minisire; qu'il prie, qu'il aime,
qu'il adore en eux et avec eux, et les bénédictions les
plus abondantes leur sont assurées. Après avoir recom-
mandé aux fidèles de prier toujours ; Oremus, Prions,
le prêtre part et s'avance lentement vers l'autel, redou-
blant ses instances pour obtenir d'entrer- sans souillure
dans le Saint des saints. Nouveau Moïse, il n'oublie pas,
en montant au Sinaï, le peuple bien-aimé qu'il a laissé
dans la plaine. Pour les fidèles aussi bien que pour lui-
même, il fait celte prière : « Nous vous en supplions,
Seigneur, ôlez de nous nos iniquités, afin que nous
puissions entrer dans votre sanctuaire avec un cœur pur.
Par Jésus-Christ, notre Sauveur. Amen. »
Arrivé devant le tabernacle, il s'incline profondément
et baise l'autel, pour exprimer son respect envers Jésus-
Christ, qui va bientôt y descendre, et sa vénération
pour les saints martyrs dont les reliques y sont renfer-
318 CATÉCHISME
mées. Il accompagne celle cérémonie de la prière sui-
vante : «Nous vous prions, Seigneur, par les mérites
de vos Saints, dont les reliques sont ici, et de tous les
Saints, qu'il vous plaise me pardonner tous mes péchés.
Amen. » En plaçant sous la table de Taulel les reliques
des 3iartyrs, TEglise de la terre a voulu imiter ce que
saint Jean avait remarqué dans le ciel : «J'ai vu, dit-il,
sous l'autel de l'Agneau, les âmes de ceux qui sont
morts pour le nom de Jésus'.»
C'est avec raison que le prêtre se recommande aux
Saints en général et aux Martyrs en particulier. Les
prières des uns, le sang des autres, unis aux mérites et
au sang de Jésus-Chrisl, sont d'une valeur infinie, et
leur intercession puissante est bien capable de lui obte-
nir de Dieu la rémission de toutes ses fautes.
Le prêtre fait ;'i voix basse ces deux prières, parce
qu'elles le regardent personnellement : elles sont très-
anciennes dans l'Eglise ^.
Aux messes solennelles, après que le prêtre a dit les
prières précédentes et baisé l'autel, le diacre le prie de
bénir l'encens, en lui disant : « Bénissez, mon révérend
père. » Le mol de père est bien touchant par la véné-
rable antiquité qu'il rappelle : c'était le nom que les
premiers Chrétiens donnaient aux prêtres ei aux évo-
ques, aussi bien qu'aux auteurs de leurs jours. Rien
n'est plus juste : les prêtres et les évêques ne sont-ils
pas les pères de nos âmes? L'usage de cette appellation
« Apoc, VI, 13.
• B'>na, lib. 2, 222-
DE PERSÉVÉRANCE. 319
s'est conservé inlact dans les communaulés religieuses :
c'est là que les saintes traditions de l'Eglise primitive
se sont réfugiées avec le véritable esprit de l'Evangile.
Le célébrant met de l'encens dans l'encensoir en
disant : « Soyez béni par celui en l'honneur de qui vous
serez brûlé,» et le bénit en faisant le signe de la croix.
11 reçoit l'encensoir des mains du diacre, encense la
croix, le fond de l'autel vers les chandeliers, le devant
et les deux côtés.
D'où vient l'usage des encensements, et quelle est sa
signiGcation?
Pour arriver à l'origine de l'encens dans le culte di-
vin, il faut franchir trois mille cinq cents ans, se trans-
porter au désert du Sinaï, écouter Dieu lui-même pres-
crivant à Moïse la manière de composer le parfum qui
devait être brûlé dans le tabernacle *. Quand un usage re-
pose sur une pareille antiquité et vient d'une source aussi
respectable, on peut sans doute le pratiquer sans rougir.
Une des fonctions principales des prêtres de l'ancienne loi
était de brûler de l'encens sur l'autel des parfums. Les
Païens, héritiers infidèles de la tradition primitive, con-
servèrent l'usage de l'encens dans leurs cérémonies ^
En l'adoptant pour les siennes, l'Eglise catholique ne
fut point l'imitatrice des Païens, elle ne fit que prati-
quer sous l'Evangile ce qui était ordonné sous la loi. Le
Sauveur lui-même lui apprit, par son exemple, que
l'offrande de l'encens continuerait d'être agréable à
' Exod., XXX, 34.
• Tertull., ApoL, c. 30. Arnob., lib. 2.
320 CATÉCHISME
Dieu. Parmi les présents qu'il inspire aux Mages de
déposer à ses pieds, l'encens est marqué en termes ex-
près. Plus tard, le Fils de l'homme, invité à dîner chez
un Pharisien, se plaint de ce qu'on ne lui a pas par-
fumé la tête, comme on le faisait aux personnes qu'on
voulait honorer'. Marie, sœur de Lazare, n'y manqua
point dans une occasion semblable ^. Dès les premiers
siècles, l'Eglise fit usage des encensements'^; et nous
voyons Constantin, à peine monté sur le trône des Cé-
sars, s'empresser de faire présent aux églises d'encen-
soirs d'or, pour leur servir pendant la célébration des
augustes mystères *.
Quelle est maintenant la raison de cet usage si con-
stant, si ancien et si universel?
1° L'encens qu'on brûle durant les saints mystères
est comme un holocauste offert à Dieu : on témoigne
par là que toutes les créatures doivent être employées
et consumées pour son service et pour sa gloire. La li-
turgie orientale fait connaître clairement cette inten-
tion, puisqu'elle fait accompagner l'encensement de
cette prière : Gloire à la très-sainte^ consubstantielle et
vivifiante Trinité, maintenant, toujours et dans tous
les siècles des siècles ^\
2° L'encens qu'on brûle à l'autel, d'où le parfum se
répand dans l'église, est une figure de la bonne odeur de
' Luc, VII, 46.
> Joao., xil, 3.
'• Can. des Apôtres, Liturgie de S. Jacques, etc.
* Pontifical. Pâmas., et Metaphr., in Vita S. Nicolai.
3 Euch. Grffc, p. 2.
DE PERSÉVÉRANCE. 321
Jésus-Christ,qui se répand de l'aulel sur l'âme des fidèles :
toute Tanliquité chrétienne s'accorde à lui reconnaître
cette belle et mystérieuse signification *. Les Pères nous
disent que l'encensoir représente l'humanité de Jésus-
Christ, le feu sa divinité, et la vapeur du parfum sa
grâce. «L'encensoir, dit saint Augustin, est comme le
corps du Seigneur, et l'encens comme ce même corps
offert en sacrifice pour le salut du monde et reçu comme
un doux parfum par le Père céleste *. »
Pénétrés de ces idées mystérieuses et sublimes, les
premiers Chréliens avaient tant de vénération pour
l'encens qu'on brûlait dans l'église, qu'ils tâchaient
d'en respirer l'odeur en disant ce que le prêtre dit en-
core aujourd'hui ; «Que le Seigneur allume en nous
le feu de son amour et la flamme de l'élernelle cha-
rilé •'. »
3° L'encens a toujours été pris pour une vive expres-
sion des prières que nous adressons à Dieu et du désir
ardent que nous avons qu'elles s'élèvent vers lui comme
ce doux parfum s'élève en haut. La prière qui accompa-
gnait les encensements dans les anciennesliturgies et qui
l'accompagne encore aujourd'hui, ne laisse aucun doute
à cet égard. O Jésus-Christ, dit l'Eglise orientale, qui
êtes Dieu, nous vous offrons cet encens comme un par-
fum spirituel, afin que vous daigniez le recevoir en
* s. Denis, Hierarck. eccUs., c. 3 et 4. Simon Tiiessal , de Templo.
D. Thom., 3 part., q. 83, art. 5.
* Homil. 6 in Apoc, X, 3.
' Voyez le P. Menard, p. 271.
T. TII. 21
329 CATÉCHISME
votre saint et sublime autel, d'où nous attendons les
effets de votre miséricorde '.... Que ma prière, Seigneur,
dit l'Eglise occidentale, s'élève vers vous comme cet en-
cens.
C'est sans doute pour se conformer à l'esprit de l'E-
glise, que l'an 526, à Césarée en Palestine, le saint
prêtre Zozimas, fondant en larmes, dans le moment où
la ville d'Anlioche fut abîmée, fit apporter l'encensoir
dans le chœur, y alluma de l'encens, se prosterna par
terre, et joignit à la fumée de cet encens ses pleurs,
ses soupirs et ses prières pour tâcher d'apaiser la colère
de Dieu*.
Il est doue certain que l'encens a toujours été re-
gardé comme un symbole de nos prières. Pouvait-on
en trouver un plus expressif? L'encens ne s'élève en
haut que par l'aclivilé que le feu lui donne; et nos
prières, qui ne sont réellement que les désirs de notre
cœur, ne peuvent aller jusqu'à Dieu si elles ne sont
animées par le feu de l'amour divin. Ce qui s'élève de
J'encens est de bonne odeur: leçon touchante qui
nous dit de préparer tellement notre cœur, qu'il ne s'en
élève rien qui ne soit agréable à Dieu. Tout l'encens
est consumé, il ne reste aucune partie qui ne s'élève en
vapeur ; de même tous les désirs de notre cœur doivent
lendre vers Dieu sans qu'aucun s'attache à la terre.
4*» Si l'encens représenle les prières des Saints de la
.terre, à plus forte raison représente-l-il celles des Saints
' Liturg. Chrysost., Euch,, p. 52.
• Evag., Hist. eccl., lib. 4, c. 7.
DB PERSÉVÉRANCE. 323
du ciel. El voilà pourquoi l'apôtre saint Jean nous dit :
Les vieillards étaient prosternés devant l'Agneau, ayant
chacun des coupes d'or pleines de parfums, qui sont
les prières des Saints *. Puisque l'encens représenie les
prières des saints, le premier encensement ne pouvait
être mieux placé qu'immédialemenl après la prière
Oramus te, dans laquelle nous prions Dieu d'avoir égard
aux prières des Saints pour nous faire miséricorde -.
Autrefois on encensait tout le tour de l'autel ; au-
jourd'hui, la disposition des lieux ne le perraellanl plus,
on se contente d'encenser le fond, le dessus et les trois
côtés qui paraissent.
Après avoir encensé l'autel, le célébrant remet l'en-
censoir aux mains du diacre ; celui-ci encense le prêtre.
Il faut en donner la raison. Chez tous les peuples,
et surtout en Orient, Tencensement a été une marque
d'honneur. Pour faire honneur à une personne on par-
fumait la chambre dans laquelle on la recevait ^. On ré-
pandait de l'huile odoriférante sur sa tête. On parfumait
les habits de cérémonie*. Parmi les présents que Jacob
envoya en Egypte à Joseph, il fil mettre des parfums,
et la reine de Saba fit présent à Salomon d'une quan-
tité de parfums les plus exquis °.
Conformément à cet usage, on encense l'autel, parce
qu'il est la figure de Jésus-Christ; on encense le saint
' ApOC, VIII.
* Lebrun, p. 556.
» Gant., I, H.
* Gen., XXVII, 27.
* lU Reg., X, 2.
324 CATÉCHISME
Evangile, parce qu'il renferme la parole de Jésus-Christ;
on encense les prêtres el les léviles, parce qu'ils sont les
ministres de Jésus-Christ; on encense les reliques des
Saints, parce qu'ils sont les restes précieux des membres
de Jésus-Christ; on encense les choristes, c'est-à-dire
ceux qui chantent les louanges de Dieu, parce qu'ils
sont en quelque sorte les organes dont l'Eglise se sert
pour rendre à l'Eternel, par Jésus-Christ, l'hommage
de la prière; on encense les princes et les supérieurs
dans l'ordre temporel, parce que toute autorité venant
de Dieu, on l'honore dans ceuv qui sont ici -bas les
images vivantes du Roi des rois, du Seigneur des sei-
gneurs. Il ne faut donc pas s'y méprendre : tous ces
honneurs sont relatifs et remontent à celui qui seul
mérite l'honneur, l'empire et la gloire*.
Ici commence la seconde partie de la messe. Elle
comprend Vlntroit, le Kyrie, \e Gloria in excelsis,
la Collecte, VEpître, le Graduel ou le Trait, VEvan-
gile et le Credo. L'Eglise joint ici l'instruction, la
louange de Dieu et la prière, parce qu'il faut remplir
de saintes pensées, de saints mouvements l'esprit et le
cœur des fidèles, pour les disposer à la célébration des
redoutables mystères. Cette pratique, pleine de sagesse,
nous vient des premiers siècles. Alors seulement on
avait soin de ne rien mettre dans cette partie de la
messe qui eût un rapport trop marqué au sacrifice de
l'Eucharistie, de peur de révéler les mystères aux ca-
' Cochin, Cérém. de la messe, p. 222.
DE PERSÉVÉRANCE. 325
téchumènes qui pouvaient assister à ces prières et à
ces lectures jusqu'à l'oblation '.
Lors donc que le prêtre a été encensé, il va du
côté de l'Epître et commence Vlntro'it. Le mot introït
veut dire entrée, parce qu'on le chante au moment où
le prêtre vient à l'autel. Quelques-uns croient qu'on le
chanlait pendant que les fidèles entraient à l'église, et
c'est pourquoi il se composait d'un psaume entier et
quelquefois de plusieurs ^. Ces' le pape Célestin qui a
élabli rinlroït. Auparavant, la messe commençait par
une lecture de l'Ecrilure sainte, comme cela se pra-
tique encore aux veilles de Pâque et de la Pente-
côte ^,
L'Introït, qui se composait originairement d'un psaume
entier, a été réduit à quelques versets; mais on a laissé
le Gloria Patri, parce que, dans l'office, chaque psaume
est suivi de cette prière. Et d'ailleurs, la messe pouvait-
elle mieux commencer que par la louange de la très-
sainte Trinité, à qui le saint sacrifice doit être offert?
Pourquoi l'Eglise a-t-elle choisi de préférence les
chants du roi-prophète pour composer l'Introït? Un an-
cien auteur répond en ces termes : « L'entrée du prêtre
à l'autel figure le premier avènement du Fils de Dieu
sur la terre, et l'Introït est le cri par lequel le monde
ancien appelait le Désiré des nations, et on emploie
pour s'exprimer les paroles de David, parce qu'il fut
' Lebrun, p. 157.
* Rhénan, ad Tertull., de Coron, mil.
* Amal., lib. 3, c. 5. Lib. Pontif., c. 42.
326 CATÉCHISME
du nombre de ces rois et de ces prophètes qui dési-
rèrent si ardemment de voir ce que nous voyons, et
d'entendre ce que nous entendons ^ Plus heureux que
tous ces saints personnages, les enfants de l'Eglise ca-
tholique dilatent leur cœur, expriment leur allégresse
en saluant l'avènement du Rédempteur; ils possèdent
celui que les Patriarches, les Prophètes, les rois, les
prêtres, tous les anciens justes appelaient par ces paroles
enflammées : Envoyez, Seigneur, l'Agneau dominateur
du monde; venez. Seigneur, et ne tardez pas *. »
Pendant l'Introït, auquel nous devons nous faire un
devoir d'assister, unissons nos cœurs et nos désirs à
ceux des anciens justes, entrons dans leurs dispositions ;
un ardent désir est une condition indispensable pour
bien profiter de l'auguste sacrifice. Oh! quelles eus-
sent été les dispositions d'Abraham, d'Isaac et de David,
s'ils avaient eu, comme nous, le bonheur d'assister à la
messe, à l'immolation de cet Agneau de Dieu, qu'ils
appelaient arec tant d'ardeur!
Le prêtre dit l'introït du côté de l'Epître, et s'y
tient longtemps pendant la messe. En voici la raison :
Dans les anciennes églises bien orientées, la sacristie
est au midi, à la droite de ceux qui enireni, et le
prêtre, placé de ce côté- là, se trouve plus à portée
de tous les ministres qui vont et viennent de la sacristie
à l'autel. C'est par la même raison qu'on place de ce
côté-là le siège de l'évêque ou du célébrant aux messes
solennelles.
■ Matth., XI.- Luc, X.
• Maxim., in Exposit, Liturg.
DE PERSÉVÉRANCE. 327
L'aulel, qui est le lieu propre du sacrifice, n'est
pas la place nécessaire de l'Introïl, ni de tout ce qui
précède l'oblalion. Il y a déjà plus de mille ans que le
pontife, après avoir baisé l'autel, allait se placer à son
siège, et ne revenait à l'autel que quand il fallait offrir.
Les évoques font encore de même aux messes solen-
nelles. Il est une autre raison de cet usage, c'est que
la longueur de ce qui est lu ou chanté jusqu'à l'Offer-
toire demandait qu'on se plaçât hors de l'autel, afin de
pouvoir s'asseoir ', d'autant mieux qu'aux grandes fêtes
on répétait, comme on répèle encore, l'Introït deut
fois, pour plus de solennité.
Après riniroïl, le prêtre ayant les mains jointes, en
signe d'humilité et d'anéantissement devant la majesté
de Dieu, va au milieu de l'autel, pour dire alternati-
vement avec le peuple, représenté par le clerc, trois
fois Kyrie eleison ^ trois fois Christe eleison^ et trois fois
Kyrie eleison.
Kyrie eleison sont deux mots grecs qui signifient :
Seigneur, ayez pitié. L'usage de cette prière, com-
mencé dans l'Eglise grecque, est de la plus haute an-
tiquité dans l'Eglise latine. Considérant, dit tin ancien
concile, que dans l'Eglise de Rome, aussi bien que
dans toutes les provinces d'Orient et d'Italie, s'est
établie la sainte et très-salutaire coutume de répéter
souvent avec un grand sentiment de ferveur et de
componction Kyrie eleison, nous voulons que dans toutes
nos églises, à matines, à la messe et à vêpres, on in-
• Rit. Laud., p. 98. Id., Ord. RooiaD.
328 CATÉCHISME
Iroduise, avec le secours de Dieu, ce saint usage '.
Comment avail-il commenc*^ dans l'Eglise grecque
elle-même ? Rien de plus touchant que son origine ;
la voici : Dans les premiers siècles, les catéchumènes
et les pénitents assistaient à la messe jusqu'à l'Offer-
toire. Touchés des désirs des premiers et des larmes
des seconds, les fidèles avaient soin de les recomman-
der au Seigneur. Les caléchumènes et les pénitents
se mettaient à genoux, et le diacre disait : Catéchu-
mènes^ priez ; puis, s'adressanl aux fidèles : Que les
fidèles prient pour eux, et surtout les enfants ^. Oh !
oui, les enfants, les anges de la terre, dont le cœur
pur et les mains innocentes élevées vers le fiel sont
tout-puissanis sur le cœur de Dieu. Et le diacre faisait
tout haut diverses demandes pour les catéchumènes ;
il disait : « Prions tous pour les catéchumènes, afin
que le Seigneur, plein de bonté et de miséricorde,
entende leurs prières et leur accorde les demandes
de leur cœur. > Les fidèles, et surtout les enfants,
répondaient : Kyrie eleison : c Seigneur, ayez pitié. »
Le diacre : a Qu'il leur découvre l'Evangile du Christ.»
/>5 fidèles, et surtout les enfants : « Kyrie eleison:
Seigneur, ayez pitié. »
Le diacre : « Qu'il les éclaire et qu'il leur apprenne
ses commandements. »
' Concil. Vasens. sub Leone I, can. 5.
* Lfs Constitutions apostoliques ajoutent: Que le peuple, sur
chacune des choses que le diacre propose, dise : Kyrie eleison,
et surtout les enfants. Constit. apost., liv 8, c. 5 et 6.
DE PERSÉVÉRANCK. 329
Les fidèles, et surtout les enfants ;« Seigneur, ayez
pitié. »
Le diacre : « Qu'il leur inspire une crainte chaste et
salutaire; qu'il ouvre les oreilles de leur cœur, afin
qu'ils s'occupent de sa loi jour et nuit. »
Les fidèles, et surtout les enfants : « Seigneur, ayez
pitié. »
Le diacre : « Qu'il les unisse et les mette au nombre
de ses ouailles, les rendant dignes de la régénération
et du vêlement de l'immortalité. »
Les fidèles, et surtout les enfants : « Seigneur, ayez
pitié. M
Le diacre : « Qu'il les purifie de toute tache de corps
et d'esprit, qu'il habile en eux avec son Christ, qu'il
bénisse leur entrée et leur sortie, et fasse réussir tous
leurs projets. »
Les fidèles, et surtout les enfants : « Seigneur, ayez
pitié. »
Le diacre : « Qu'ils reçoivent la rémission de leurs
péchés par le baptême, afin qu'ils soient rendus dignes
des saints mystères et de la demeure des Saints. »
Les fidèles, et surtout les enfants : * Seigneur, ayez
pitié. »
Après ces invocations en faveur des catéchumènes,
le diacre en commençait d'autres pour les pénitents.
Les fidèles, et surtout les enfants, y répondaient
comme aux premières : Seigneur, ayez pitié.
Le nombre de ces invocations n'était pas rigoureu-
sement déterminé. De là est venu que, dans le 'prin-
330 CATÉCHISME
cipe, lorsque l'Eglise eut appliqué ces prières à tous
les fidèles, le Kyrie eleison se récitait plus ou moins
de fois, suivant les circonstances. Aujourd'hui, une
pieuse coutume approuvée par l'Eglise fait dire neuf
fois Kyrie ou Christs eleison, pour imiter le chant des
Anges, qui comprend neuf chœurs. On dit trois fois
Kyrie en 1 honneur du Père, trois fois Christe en l'hon-
neur du Fils, et trois fois Kyrie en l'honneur du Saint-
Esprit, pour adorer et invoquer également les trois
personnes de la sainte Trinité.
L'Église latine a conservé les paroles grecques, pour
montrer que l'Église occidentale ne faisait qu'une avec
sa sœur l'Église orientale, et que par elles Dieu était
loué et béni dans toutes les langues*.
Désormais lorsque nous entendrons le Kyrie eleison,
reporlons-nous par la pensée dans ces anciennes basi-
liques de Conslantinople ou de Nicée, et tâchons de
le redire avec les mêmes sentiments, et surtout avec la
même innocence que les enfants de ces heureux siècles ;
ou bien encore, disons- le comme l'aveugle de Jéricho,
qui n'employa pas d'autres prières pour obtenir du Fils
de David la guérison qu'il sollicitait. Hélas ! cette prière
ne nous convient pas moins qu'à lui. Puisse-t-elle être
dans notre cœur comme elle était dans celui de tant
de Saints qui l'ont dite avant nous !
Après le Kyrie eleison, le prêtre, toujours au milieu
de l'autel, étend les mains en signe de prière, et, les
élevant jusqu'à la hauteur des épaules pour signifier
* s. Aug.^ Append., p. 44. j
DE PERSÉVÉRANCE. 331
par ce geste l'amoLir des choses célestes et le désir qu'il
a de les posséder, entonne le Gloria in excelsis Deo.
A ce dernier mot, il joint les mains et fait une incli-
nation par respect pour le nom de Dieu.
Le Gloria in excelsis touche au berceau du Christia-
nisme; les Anges ont entonné ce chant d'amour sur la
crèche de l'enfant de Bethléem, et l'Église l'a continué.
Telle est l'origine du Gloria in excelsis. Dès le temps
de saint Athanase, les fidèles le récitaient à la prière du
matin, les simples femmes le savaient par cœur *.
Depuis plus de treize cents ans au moins il est d'usage
de le dire à la messe ^.
Pendant l'Avent, le Carême, aux messes de morts,
et à certains autres jours, on ne chante point le Gloria.
L'office alors rappelle la pénitence ou la tristesse, et
l'on n'ose pas se réjouir et chanter la gloire céleste,
tandis qu'on pleure sa propre misère et les souffrances
des âmes du purgatoire.
Cantique de louanges et d'amour, le Gloria est ad-
mirablement placé après le Kyrie eleison. L'Eglise vient
de crier miséricorde vers son divin époux; pleine de
confiance qu'elle est exaucée, elle entonne l'hymne de
sa reconnaissance, et, empruntant les paroles mêmes des
Anges, elle chante le grand mystère de Tlncarnation,
qui fait son bonheur, son espérance et sa gloire ; elle en
bénit le Seigneur, et sollicite ainsi sa protection toute-
puissante.
' £>€ Pirgin. vers. fin. Constit. apost.y lib. 7, c.^47.
• Sacrament. de S. Greg.
332 CATÉCHISME
Le prêtre, qui l'entonne seul, et auquel tout le peuple
répond, rappelle bien la manière dont il fut chanté par
les Anges. Un de ces esprits célestes apparaît aux ber-
gers, et leur annonce la grande nouvelle; il n'a pas fini
de parler, qu'une multitude d'Anges, unissant leurs voix
à la sienne, chantent avec lui : Gloire à Dieu dans les
hauteurs des deux, et sur la terre paix aux hommes de
bonne volonté. L'Introït exprime les vœux des Patriar-
ches, le Gloria in excelsis en annonce l'accomplisse-
ment. Deux grandes époques du genre humain, l'époque
antérieure au Messie, et l'époque qui lui est postérieure,
se réunissent ainsi dans la seconde partie du sacrifice
catholique. Cette pensée n'est-elle donc pas assez élevée
pour nous dire quelque chose? sera-t-elle incapable
d'éclairer notre esprit, de fixer notre imagination et
d'enflammer notre cœur?
PRIÈRE.
O mon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir perpétué le sacrifice du Calvaire ; faites-moi la
grâce d'entrer dans les sentiments de componction, de
reconnaissance et de joie qu'inspirent les premières
prières de la messe.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je m'effor-
cerai de réciter le Kyrie eleison comme les premiers
Chrétiens.
DE PERSÉVÉRANCE. 333
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Encensements — Seconde partie de la messe.
Q. Que fait le prêtre en montant à l'autel?
R. En montant à l'autel le prêtre récite une prière
par laquelle il demande à Dieu d'entrer sans souillure
dans son saint tabernacle.
Q. Que fait-il lorsqu'il est arrivé à l'autel?
jR. Lorsqu'il est arrivé à l'autel, il demande à Dieu,
par l'intercession des Saints, et surtout des Martyrs
dont les reliques reposent dans l'autel, de lui pardonner
ses péchés; il baise l'autel par respect pour le Sauveur,
qui doit bientôt y descendre, et par vénération pour les
Martyrs dont les restes précieux y sont renfermés.
Q. Quelle cérémonie succède à ces prières?
R. La cérémonie qui succède à ces prières dans les
messes solennelles, c'est l'encensement. L'usage d'of-
frir de l'encens dans le culte divin fut prescrit à Moïse
par le Seigneur lui-même. Notre-Seigneur permit aux
Mages de lui en offrir, et l'Église catholique en fait
brûler en son honneur dans les solennités. L'encens
qui se consume et qui s'élève vers le ciel en parfum
d'agréable odeur nous apprend que nous devons nous
consumer, ainsi que toutes les créatures, en l'honneur
de Dieu; il marque aussi que nos prières doivent s'éle-
ver vers Dieu par le feu de la charité, et que nous
334 CATÉCHISME
devons par nos vertus répandre autour de nous la bonne
odeur de Jésus-Christ.
Q. Pourquoi encense-t-on le prêtre?
R. On encense le prêtre parce qu'il est représentant
de Jésus-Christ. Offrir de l'encens à une personne était
chez les anciens une marque d honneur. On encense
aussi les ecclésiastiques, parce qu'ils sont les ministres
de Dieu; on encense les rois et les supérieurs, parce
qu'ils sont les dépositaires de son autorité : mais l'hon-
neur qu'on leur rend se rapporte à Dieu.
Q. Que fait le prêtre après l'encensemenl?
R. Après l'encensement le prêtre va du côté de l'E-
pître, t'ait le signe de la croix, et lit l'Introït. Ici com-
mence la seconde partie de la messe. Le mot introït
veut dire entrée, parce qu'on le chante lorsque le
prêtre vient à l'autel pour y célébrer la messe. L'In-
troït se compose ordinairement de quelques versets des
psaumes. L'Église emploie les paroles du roi-prophète
pour annoncer le grand mystère qui va s'accomplir, et
après lequel les justes de l'ancienne loi soupirèrent si
longtemps. Il doit exciter en nous un grand désir de
bien entendre la messe.
Q. Quelle prière vient après l'Introït?
R. Après l'introït vient le Kyrie eleison. Ces paroles
grecques signifient : Seigneur, ayez pitié. On récite
neuf fois Kyrie ou Christe eleison pour rappeler les neuf
chœurs des Anges. L'Église latine conserve ces paroles
grecques pour montrer qu'elle ne faisait qu'une avec
l'Église orientale, et que le nom du Seigneur est béni
DE PERSÉVÉBANCK. 335
dans toutes les langues. Au Kyrie succède le Gloria in
excelsis.
Q. Qu'est-ce que le Gloria in excelsis ?
R. Le Gloria in excelsis est une hymne de louange,
de reconnaissance et d'amour, que l'Eglise adresse à
Dieu après avoir imploré sa miséricorde. Les Anges
nous ont appris les premières paroles du Gloria in ex-
celsis, et l'Eglise a continué. Cette hymne remonte jus-
qu'aux temps apostoliques. En la récitant, nous devons
nous réjouir, avec les Anges ei avec les premiers Chré-
tiens, de la naissance du Sauveur qui va bientôt s'im-
moler pour nous sur l'autel.
PRIÈRE.
O mon Dieu 1 qui êtes tout amour, je vous remerciç
d'avoir perpétué le sacriflce du Calvaire ; faites-moi la
grâce d'entrer dans les sentiments de componction, de
reconnaissance et de joie qui inspirent les premières
prières de la messe.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comnae moi-même pour
l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je
m'efforcerai de réciter le Kyrie eleison comme lespre-
ffijers Chrétiens.
336 CATÉCHISME
XVir LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Deuxième partie de la messe ( Suite ). — Oraison. — Epître. — Gra-
duel. — Trait. — Alléluia. — Prose.
En finissant le Gloria in excelsis, le prêtre fait le
signe de la croix. Cet usage nous reporte h dix-huit
siècles. C'est une iradilion des premiers Chrétiens,
qui, nous le savons, ne manquaient jamais à faire le
signe de la croi.x; au commencement et à la fin de
leurs principales actions. Pouvaient-ils, et nous-même
pouvons-nous trop souvent avoir recours à ce signe
tout-puissant, et nous rappeler que toute bénédiction
nous est venue de la croix ? Soigneuse de conserver les
saintes pratiques des premiers âges, l'Eglise a voulu
que, durant les saints mystères, on fît le signe de la
croix à la fin du Gloria in excelsis, avant l'Evangile,
après le Credo, l'Oraison dominicale, le Sanctus, etc. K
Le cantique des Anges vient de retentir ; la paix ap-
portée au monde par Jésus-Christ a été annoncée;
quoi de plus naturel que le prêtre, cet ange d'ici-bas,
la souhaite aux fidèles? Mais de quelle manière va-t-il
le faire? Il baise l'autel pour puiser la paix dans le sein
même du Sauveur; il le baise au milieu, parce que
' Durandus. Rational., lib. 5, n, 15.
DE p8:rskvékance. 337
c'est là qu'est la pierre sacrée, tombeau des martyrs et
figure de la pierre angulaire de l'Église, Jésus-Christ ;
il joint les mains, et, se tournant vers le peuple les
yeux baissés, il ouvre les mains pour marquer sa
charité et dit : Que le Seigneur soit avec vous.
En Orient, les prêtres, au lieu de dire : Dominus vo-
biscum : Que le Seigneur soit avec vous, ont toujours
dit : Pax vobis : Que la paix soit avec vous. C'est par
ces douces paroles que le Sauveur, après sa résurrec-
tion, saluait les Apôtres. Les évoques d'Occident ont
conservé cet usage. Quand ils ont dit le Gloria in ex-
celsis, ils disent : Pax vobis : Que la paix soit avec vous^
pour souhaiter aux fidèles cette paix qu'ils viennent
d'annoncer. Comme presque partout les évoques seuls,
jusqu'au onzième siècle, ont dit le Gloria in excelsis à
la messe, ils ont dit aussi seuls : ta paix soit avec vous^
ô cause du rapport de ces paroles avec l'hymne angé-
liquë.
Le peuple répond : Qu'il mt aussi ûvèû tbtre esprit.
Pleins de reconnaissance pour le souhait si avantageux
que le prêtre vient de leur faire, les fidèles lui rendent
le salut en priant pour lui '.
Riche des bénédictions de ses frères, le prêtre se
tourne du côté de l'Epître et dit : Prions. C'est la seconde
fois depuis le commencement de la messe qu'il se donne
à lui-môme et au peuple cet avertissement essentiel.
Prions ; nos cœurs viennent de s'unir par le souhait
d'une charité mutuelle; le Seignenr est avec vous,
• Remig. AntLssioil., Expos, miss.
T. VII. 2'2
338 CATÉCHISME
il est aussi avec mon esprit ; il prie en vous, il prie
en moi; ayons confiance; le Fils de Dieu, qui règne
dans nos cœurs, n'est-il pas toujours exaucé à cause du
respect qui lui est dû?
Et le prêtre tient ses mains ouvertes et élevées :
souvenirs de trois mille ans, tradition de dix -huit
siècles. Souvenirs de trois mille ans : c'était les mains
élevées vers le temple de Jérusalem que .priaient
les Israélites *. Tradition de dix -huit siècles : c'était
les mains étendues, pour imiter Jésus-Christ sur la
croix, que priaient nos pères, exprimant par cette atti-
tude leur disposition au martyre, au sacrifice entier de
leur fortune, de leur famille, de leur vie même, plutôt
que de renoncer à la foi '^; usage touchant si jamais il
en fut, et que l'Eglise a pris soin de conserver. Ah !
quand nous verrons désormais un prêtre à l'autel, sur
la montagne du sacrifice, les mains étendues, pour-
rons-nous oublier Notre-Seigneur en croix, nos pères
dans les Catacombes, se disposant au martyre? pour-
rons-nous oublier que nous sommes les enfants de
Jésus-Christ et des martyrs, et que nous devons être leurs
imitateurs, du moins par la disposition de notre cœur?
et si nous n'élevons plus nos mains pendant la prière,
élevons du moins nos affections et nos pensées.
Après avoir averti tout le peuple de prier avec lui,
le prêtre commence l'Oraison ^. Cette prière s'appelle
' Ps. xxvn.
« Tertull., Apolog,, et de Orat., c. 13.
'" Autrefois, aux stations ou processions des jours de jeûne, le
peuple se rendait dans une église où il attendait l'évêque, qui com-
DE PERSÉVÉRANCE. 330
oraison, ce qui est la même chose que prière ; béné-
diction, parce qu'elle est destinée à attirer sur l'Église
la bénédiction de Dieu ; collecte, pour deux raisons ; la
première, parce qu'elle se fait sur le peuple assemblé :
le mot collecte veut dire assemblée ; la seconde, parce
qu'elle est un précis de tout ce que le prêtre doit de-
mander à Dieu, soit pour lui-même, soit pour les
fidèles.
La plupart des collectes qui sont encore en usage ont
été rédigées par saint Grégoire et le pape Gélase; mais
le fond est de tradition apostolique *. Rien n'est plus
vénérable, et nous pouvons ajouter que rien n'est plus
complet. Les collectes de la messe forment un recueil
unique. Quelque variés que soient nos besoins, nos
vœux, nos souffrances, il n'en est pas un qui ne trouve
son expression dans ces admirables oraisons. Ajoutez
qu'il règne dans ces collectes une simplicité et une
onction qu'on cherche vainement ailleurs. A l'Eglise
catholique seule il appartenait de lescomposer.L'épouse
véritable connaît seule la manière de parler à son époux :
seule elle connaît le chemin de son cœur. Autant elle
l'emporte sur les sectes par la vérité de son enseigne-
mençait par l'oraison appelée Ad collec/am, c'est-à-dire .4 l'assem-
blée ou Sur l'assemblée. De là on allait à une autre église, où l'on
commençait la messe. Le célébrant disait : Oremus, prions. Le
diacre disait : Flectanius genua, alin que les assistants tissent à
genoux uue petite pause pendant laquelle on priait eu silence. Le
diacre d^saic ensuite : Levate. On se levait, et le célébrant disait
l'oraison, dans laquelle il exposait les demandes de l'assemblée.
Sacrainent. 6. Greg., in cap. Jejun., p. 34. Bona, lib. 2, c. à.
^' Bona, lib. 2, c. ô.
340 CATÉCHISME
ment, autant elle leur est supérieure par îa beauté de
ses prières.
Communément, aux jours de pénitence, le prêtre en
dit un plus grand nombre ; dans les grandes solennités,
il les restreint à une seule, pour fiier les fidèles sur le
mystère du jour, seul objet qui doit les occuper dans les
fêtes importantes ; car nos mystères, quelque différents
qu'ils paraissent par les objets qu'ils nous présentent, se
rapportent tous à une seule et même fin, la gloire de
Dieu et notre salut. L'Eglise veut que nous compre-
nions que c'est demander tout à Dieu, que de lui deman-
der l'application du mystère qu'elle célèbre.
Dans les fêtes des Saints, les collectes sont une de-
mande relative aux principales vertus qui ont distingué
ces amis de Dieu, et pour nous un engagement k l'imi-
tation de leurâ exemples. Mais elle a bien soin de noui
faire apercevoir la différence essentielle que U foi lui
fait mettre entre lô Saint tîu'eile honore et le Dieu qu'elle
invoque. Ici, le Saint est désigné sous Je nom de servi-
teur, et Dieu est supplié sous le nom de Seigneur et de
maître.
Les collectes s'adressent ordinairement à Dieu le
Père, parce que c'est à lui que le sacrifice est offert ;
elles finissent par cette conclusion : Per Dominum
nostrum Jesum Christum : Par Jésus- Christ notre
Seigneur. Cela veut dire que c'est en Jésus-Christ et
par Jésus-Christ que s'adresse toute prière ; car il n'est
pas d'autre médiateur entre Dieu et l'homme que le
Sauveur Jésus ; cela veut dire encore que Jésus-Christ,
I)K PERSÉVÉRANCE. 341
qui est chargO de toutes nos délies, se charge aussi de
présenter toutes nos supplications et tous nos vœux ;
cela veut dire enfin que toute grâce nous est donnée en
vue des mérites de Jésus-Chrisl. Et comme ce divin in-
tercesseur s'immole sur l'autel, et que nous le donnons
à son Père en échange des bienfaits que nous attendons,
il n'est rien de plus propre que cette formule à ranimer
notre confiance. En demandant par Jésus-Christ, nous
avons droit de tout obtenir. Puissions-nous en être bien
convaincus et pénétrés en récitant la collecte !
A la fin des oraisons, les assistants répondent : Amen.
Ce mot est une acclamation courte, mais énergique, qui
veut dire ici : « Que cela soit ainsi ; que les vœux que
vous venez de présenter au Seigneur soient exaucés.
Nous le souhaitons, nous nous unissons à vous pour le
demander ; nous promettons de n'y mettre aucun ob-
stacle, ni par des actes, ni par des volontés contraires. »
La signification de ce mot varie suivant les circonstances.
Dit après l'exposition des vérités de la foi, après le chant
du Symbole, par exemple, il signifie : cela est vrai, je
le crois. Après la demande d'une faveur ou l'exposé
d'un devoir, amen signifie j'y consens, je le désire.
Ameriy c'est encore là un de ces mots que nous ne
devons prononcer qu'avec le plus profond respect. Et le
moyen qu'il en soit autrement, si nous pensons qu'il a
passé de siècle en siècle, répété par les lèvres angé-
liques de tant de saints pontifes, de tant de vierges, de
tant de solitaires, de tant de Chrétiens, nos pères dans
la foi et nos modèles dans la vertu? Il a été prononcé par
342 CATléCHISME
les martyrs dans les Catacombes, dans les prisons et
même sur les échafauds; il semble encore couvert de
leur sang, et parfumé de l'encens de leur cbarilé '.
Que sera-ce si nous pensons que cet Amen, prononcé
par les Anges et par les Saints, retentit perpétuellement
et retentira aux siècles des siècles sous les voûtes d'or de
la Jérusalem céleste? Oh ! ranimons notre foi, et l'Eglise
de la terre nous représentera d'une manière sensible
l'Eglise du ciel, si, en chantant le même cantique, nous
le chantons dans le même esprit. Si nous ne savons dire
qn^Amen, efforçons-nous du moins de le dire comme
les Anges, les élus et les Saints. Prenons-y garde ; en
répétant ce beau mot, navons-nous jamais mentiPNous
disons Amen à tout ce que l'Eglise demande et promet
en notre nom, et peut-être n'en suivons-nous pas moins
la perversité de nos volontés et de nos désirs 1 0 mon
Dieu ! qu'est-ce donc que l'amen de l'hypocrite, Vamen
de l'avare, Vamen de l'ambitieux, Vamen du vindicatif,
l'amen des voluptueux, sinon une outrageante ironie?
Malheur à celui qui s'en rend coupable !
Après l'oraison, le célébrant dit d'une voix intelli-
gible Vépître, parce que c'est une instruction pour le
peuple. Aux grand'messes, c'est le sous-diacre qui la
chante. Autrefois cette fonction appartenait au lecteur,
parce que l'épîlre ne se chantait pas, elle se lisait ^.
L'usage de lire l'Ecriture dans les assemblées de re-
' s. Justin, Apol., 2.
* De là le nom de lutrin, lectrin, letriu, lectricium, lectoriam,
le^eoHum, donné au pupitre sur lequel on la lisait.
DE PERSÉVÉRANCE. 818
ligion remonte à la plus haute antiquité. Les Juifs
commençaient leurs prières dans les synagogues par la
lecture de Moïse et des Prophètes '. Les premiers Chré-
tiens imitèrent cet usage dans leurs réunions du di-
manche. Nous nous assemblons, dit Tertullien, pour
lire les divines Ecritures, et y voir ce qui convient aux
divers temps ^. A la lecture de l'Ancien Testament on
joignait celle du Nouveau : On lit dans l'assemblée, dit
saint Justin, les écrits des Prophètes et des Apôtres ^.
L'Eglise a religieusement conservé cet usage.
Non-seulement on lisait dans la primitive Eglise les
livres de l'Ecriture sainte, mais encore les actes des
Martyrs *. On aimait surtout à lire les lettres des sou-
verains pontifes et des autres évêques, qu'on appelait
lettres de paix ou de communion. Par ce commerce de
lettres, l'unité, la paix, la communion était conservée
entre le pontife de Rome, chef suprême de l'Eglise, et
les évêques et toutes les Eglises du monde. Ces lettres
faisaient encore distinguer les Catholiques des Héréti-
ques. On les envoyait d'une Eglise à l'autre, afin que
les fidèles connussent quels étaient ceux avec qui ils
devaient communiquer ^.
Cette lecture est appelée épitre, parce qu'elle est or-
dinairement tirée des épîtres des Apôtres, et surtout de
' Act., XIII et XV.
» Apol., c. 39.
5 ^poL, 2.
* Euseb., lib. 5, c. 1.
» Bona, lib. 2, c. 7.
344 CATÉCHISMK
saint Paul. Redevables aux Grecs et aux Barbares, mis-
sionnaires du monde entier, les Apôtres ne pouvaient
pas séjourner longtemps au milieu des Eglises qu'ils
avaient fondées. Pour soutenir dans la foi les enfants
qu'ils venaient d'enfanter à Jésus-Christ, ils leur écri-
vaient, au milieu de leurs courses et de leurs tra-
vaux, des lettres pleines d'utiles conseils. Jamais fa-
mille n'éprouva autant de joie à recevoir des nouvelles
d'un père chéri, que ces fervents Chrétiens en avaient
à recevoir les lettres de leurs pères dans la foi. Ces mo-
numents de leur sollicitude et de leur charité étaient
conservés avec un soin extrême. Par respect on les li-
sait, comme les paroles de Dieu même, dans les as-
semblées saintes. Les évêques en développaient le sens
aux fidèles : c'est ce qui nous a valu tant de beaux ou-
vrages des Pères de l'Eglise.
On s'assied pendant l'épître ; nos pères le faisaient
aussi, afin d'écouter la lecture avec plus de recueille-
ment et d'attention. Ecoutons-la comme nous écoute-
rions saint Pierre, saint Paul ou saint Jean, s'ils parais-
saient au milieu de nous : c'est leur propre parole qui
retentit à nos oreilles, comme elle retentissait aux
oreilles de nos pères. Puisse-t-elle faire sur nous les
mêmes impressions qu'elle faisait sur eux !
Nous sommes redevables à saint Jérôme de la distri-
bution des épîtres et des évangiles pour tout le cours
de l'année; il envoya son travail au pape Damase.
L'Eglise romaine l'adopta, et c'est de celte Eglise, mère
DE PERSÉVÉRANCE. 345
et maîtresse de toutes les autres, que nous vient l'ordre
que nous suivons encore aujourd'hui *.
Et maintenant, pourquoi lil-on i'épître avant l'évan-
gile? Ce n'est pas sans une raison profonde. Dans l'in-
troït, nous avons entendu la voix des Prophètes ; dans
I'épître, nous entendons celle des Apôtres, voix d'hom-
mes inspirés qui nous préparent à entendre la voix du
Maître. Ne semble-t-il pas entendre l'apôtre saint Paul
écrivant aux Hébreux : Dieu a parlé aux hommes par
plusieurs voix et de plusieurs manières, et enfin par son
Fils? Ne semble-l-il pas voir le Sauveur lui-môme re-
nouvelant à la messe ce qu'il faisait durant sa vie mor-
telle, lorsqu'il envoyait saint Jean-Baptisle ou ses Apô-
tres deux h deux devant lui, pour lui préparer les
voies? Ne semble-t-il pas voir les douces clartés de
l'aube et les rayons dorés de l'aurore, préparant nos
yeux aux feux étincelants du soleil? Que de souvenirs
dans l'ordre de nos lectures saintes ^ !
La parole de vie vient de tomber, par la lecture de
I'épître, sur le cœur des assistants, comme une rosée
salutaire, pour les vivifier et leur faire produire des fruits
dignes de la récompense éternelle. Pleins de reconnais-
sance, les fidèles répondent qu'ils sont disposés à faire
ce qui leur a été enseigné. Leur réponse est exprimée
par le graduel ou répons, par le trait, par V Alléluia et
la prose.
' Bono, lil). 2, c. 7. Durantus, lib. 3, c. 18. Le livre de saint Jé-
rôme est intitulé Cornes, vel Lectionarius. Pamel., t. 2 Liturgicor.
«DurantuSi lib. 2, c 18. AIruin., de Çelebr. niissa.
346 CATÉCHISME
Le répons ou la réponse des fidèles se nomme gra-
duel, parce que les choristes chargés de la proclamer
se plaçaient sur les degrés inférieurs de l'ambon ou du
jubé. C'est encore ce qui s'observe aujourd'hui. Nous
voyons aux grandes fêles ceux qui doivent chanter le ré-
pons et l'alléluia venir se placer à côté des choristes,
au lutrin, qui représente l'ambon ^
Les répons établis, ou plutôt mis en ordre par saint
Grégoire, sont toujours analogues aux vérités et aux
exhortations contenues dans l'épître ^. Les fidèles y pro-
lestent de leur bonne volonté et de leurs saines dispo-
sitions à se conformer entièrement aux préceptes apo-
stoliques.
Dans les jours de tristesse et de jeûne, comme pen-
dant le carême, la réponse du peuple ou le répons s'ap-
pelle trait, parce qu'elle se chante lentement et d'un
ton lugubre. C'est le gémissement de l'exil ^.
Au contraire, lorsque l'Eglise est dans la joie, comme
dans le temps pascal et les dimanches consacrés à la
mémoire de la résurrection de son époux, le chant du
répons est moins grave ; il est même précédé et suivi
de l'alleluia.
' Raban Maur., lib. l, de Instit, cleric, c. 33.
' C'est Saint Jérôme quî, comme nous l'avons dit plus haut,
distribua, à la prière du pape Daoïase, les psaumes, les évangiles
et les épitres dans l'ordre où ils sont. Les papes saint Grégoire et
Gélase y ajoutèrent les oraisons, les répons et les versets. Saint Ani-
broise y ajouta les graduels, les traits et l'alleluia. 11 le fit pour
entrejenir la piété des catholiques de Milan, obligés de veiller dans
leurs églises pour en défendre l'entrée aux Ariens.
* Hug. à S. Vict., Specul. eccl., c. 7. Alcuin, de divin. O/fic,
cap. de Septuagesima.
DE PEKSÉVÉRANCE. Z¥7
L'alléluia est un mot hébreu qui veut dire louet
Dieu, mais qui exprime en môme temps un mouve-
ment, un transport de joie, qu'on n'a pas cru pouvoir
rendre par aucun mot grec ou latin ; ce qui l'a fait con-
server partout dans sa langue originale.
Il faut le dire, l'alléluia est un mot de la langue du
ciel, que la Jérusalem bienheureuse a laissé tomber sur
la terre, et que l'Eglise voyageuse s'est empressée de
recueillir. Il est pour elle le chant de ses grandes solen-
nités, jours heureux oîi elle s'efforce de participer d'a-
vance aux joies de sa sœur aînée, en bégayant son
éternel cantique. Saint Jean, dit le cardinal Bona, enten-
dit dans le ciel les chœurs des Anges qui chantaient
alléluia sur leurs harpes d'or, afin que nous sachions
que ce mot ineffable est descendu du ciel dans l'Eglise ' .
Cette coutume de chanter l'alléluia est louée par
saint Augustin comme une tradition de la plus haute
antiquité. « Nous ne disons pas l'alléluia avant Pâque,
dit ce grand évêque, parce que le temps de la passioia
de Jésus-Christ marque le temps des afflictions de celte
vie; et sa résurrection désigne la béatitude dont nous
jouirons un jour. C'est dans cette vie bienheureuse que
nous louerons Dieu sans cesse; mais, pour le louer
éternellement, il faut commencer de le louer en ce
monde. C'est pourquoi nous chantons plusieurs fois al-
léluia, en nous excitant ainsi les uns et les autres à louer
Dieu ; mais faites que tout ce qui est en vous le loue,
' Lib. 2, c. C, p. 368. .
348 CATÉCHISME
votre langue, votre voix, voire conscience, voire vie et
vos actions *. »
L'alleluia est donc réservé pour les temps de joie.
Mais quoi ! ne devons -nous pas louer Dieu en tout
temps? Sans doute. Aussi, lorsque l'Eglise nous fait
quitter l'alléluia à la Septuagésirae, elle nous fait dire :
Laus tibi, Domine, rexœternœ gloriœ : Louange soil
à vous, Seigneur, roi d^éternelle gloire. Ces paroles
renferment le sens principal de l'alléluia, mais non pas
le transport ou l'effusion de joie qu'il inspire ou qu'il
exprime; Iransport de joie qui ne cessera jamais dans
le ciel, mais qui est souvent, hélas ! interrompu dans
la vallée des larmes ^.
L'Eglise prolonge tant qu'elle peut le chant de l'al-
léluia ; elle voudrait qu'il lui fût déjà permis de ne plus
l'interrompre. De là ce grand nombre de notes dont il
est chargé. «Nous avons coutume, dit saint Bonaventure,
de multiplier les notes sur la dernière lettre de l'allé-
luia, parce que la joie des Saints dans le ciel est indi-
cible et interminable ' . » Cette longue suite de notes
s'appelle neume.
Le mot neume signifie souffle. C'est, comme nous ve-
nons de le dire, une longue suite de notes qu'on chante
à la suite de l'alléluia. On les chante aussi, dans cer-
taines églises, après la dernière antienne de l'office du
soir, aux jours des grandes solennités. Par cette longue
' /n Psal. cxLViil et cxviii.
'■• Durantus, lib. 2, c. 20.
^ De Exposit. missw, c. 2.
DE PERSÉVÉRANCE. 349
suite de sons inarticulés, l'Eglise marque que les pa-
roles lui manquent pour exprimer le ravissement de son
admiration et les langueurs de son amour, quand elle
pense aux magnificences et aux délices de la Jérusalem
céleste. Quelle parole humaine, en effet, pourrait dire
ce que l'œil de l'homme n'a point vu, ce que son oreille
n'a point entendu, ce que son cœur même, tout vaste
qu'il est, ne saurait concevoir! En entendant l'Eglise
chanter ses neumes, ne vous semble-t-il pas voir la
reine de Saba, ravie hors d'elle-même à la vue des
gloires de Salomon, manquer de paroles pour exprimer
ce qu'elle éprouvait/ ? Et cependant ces richesses ne
lui appartenaient pas, ce palais n'était pas pour elle.
Enfants du véritable Salomon, héritiers de son trône,
futurs compagnons de son bonheur, ah ! efforçons-nous
d'exciter en nous, à la vue du ciel, du ciel qui nous est
desiinèt qaelques«uns des i@ntimentg de la reine étran«
gère î
Les neumes ont donné lieu aux proses { Voici de quelle
iïianière. Sous cette longue suite de notes, on plaça
quelques paroles, puis quelques versets, qui exprimaient
la joie et qui étaient comme une suite de l'alléluia. Peu
à peu on en augmenta le nombre, enfin on en fit des
hymnes, c'est-à-dire des chants de joie, analogues à la
fête. Ce changement eut lieu vers le neuvième siècle.
De là vient 1" que l'Eglise romaine, toujours fidèle aux
anciens usages, n'a qu'un très-pelit nombre de proses ;
de là vient 2° que les proses furent et sont encore appe-
' Non habebat uUra spiritum.
350 gâtéchishe
lées sequentia, ce qui veut dire suite]; en effet, elles sont
la suite ou le prolongement de l'alléluia ; de là vient
3° qu'on ne dit les proses qu'aux messes où l'on chante
l'alléluia.
Il faut excepter la messe solennelle pour les morts,
où l'on dit la prose Dies irœ. Quoique, suivant l'opi-
nion commune, elle soit l'ouvrage du cardinal Mala-
branca, qui mourut en 1294, elle ne fut dite à la messe
qu'au commencement du dix-septième siècle. C'était par
respect pour l'ancien usage, qui ne permettait pas de
dire de prose quand il n'y avait pas d'alléluia. Enfin on
a cessé de faire attention aux raisons de l'institution des
proses, pour ne plus y voir qu'une marque de solennité.
En conséquence, on n'a pas voulul'ôter aux grand'messes
de morts, où se trouve souvent une nombreuse assem-
blée.
JjuC moi prose signifie discours libres qui n'est pas gêné
comme les vers. On a eu raison d'appeler ainsi ces
hymues, dont la plupart sont écrites dans un style fort
libre, quoique rimées. 11 y a dans ce laisser-aller quel-
que chose qui convient bien à la prière. Ici comme par-
tout, on voit cette familiarité touchante, et quelquefois
naïve, de l'épouse quand elle parle à son divin époux.
Je ne sais, mais la mesure des vers, l'obligation de ren-
fermer sa pensée dans un nombre voulu de syllabes,
gêne les épanchements du cœur, comprime ses élans et
refroidit son ardeur. Pour tout dire, en un mot, il me
semble que les proses, surtout les anciennes, prient, et
que nos hymnes modernes ne prient pas ou ne prient
DE PERSÉVÉRANCE. 351
guère. On croit communément que le premier auteur
des proses fut un moine de Saint-Gall, en Suisse, nommé
Notker. Il vivait vers l'an 880 K
Il est donc vrai, quels que soient ses cérémonies, ses
prières ou ses chants, l'Eglise catholique vous apparaît
toujours la même, toujours attentive à nous tracer dans
son culte extérieur les vertus que nous devons prati-
quer, les sentiments qui doivent nous animer pour nous
rendre agréables à Dieu. Le Chrétien charnel qui ne
voit que la superflcie des cérémonies sacrées, qui n'en-
tend que celte harmonie extérieure qui frappe l'oreille
du corps, trouve quelquefois nos chants et nos solennités
froids et insipides; que dis-je? il ose se dédommager
par de sacrilèges plaisanteries de l'ennui qu'il a éprouvé
dans le temple de Dieu. Ne vous en étonnez pas ; il lui
manque un sens, le sens de la foi : c'est un aveugle qui
veut juger des couleurs. Mais le Chrétien qui vit de
l'esprit, attentif à tout dans la maison du Seigneur, pé-
nètre la fin de toutes nos cérémonies; il ne s'y dit pas
une parole, les ministres n'y font pas une démarche,
qu'il n'en découvre le motif, qu'il n'en pénètre le sens
et qu'il ne s'en applique le fruit.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir mêlé les instructions et les prières pendant la
> Radulf. Tungrensis, prop. 23. Coroel- Schultingus, Biblioth
ecct., t. 1, p. 2, c. 6 et 7.
352 CATKCHlSMi;
seconde partie de la messe, afin de me préparer digne-
ment aux saints mystères ; faites-moi la grâce d'être
attentif au sens de tous les cantiques et de toutes les
cérémonies.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour Tamour
de Dieu; et, en témoignage de cet amouT, j'écouterai
Vépître avec un grand désir d'en profiter.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Seeoodc partie de h messG (Suite).
Q, Que fait le prêlra en finissant le Gloria in
Ri En flnisâènt le Gloria in exceîsiS) le prêtre fait le
signe de la croix. C'est pour imiter les premiers Chré*-
tiens, qui faisaient ce signe adorable avant et après
leurs principales actions. C'est aussi pour rappeler le
sacrifice de la croix qui va s'accomplir sur l'autel.
Q. Que fait-il ensuite ?
R. Ensuite il baise l'autel afin de puiser dans le sein
du Sauveur, représenté par l'aulel, la paix qu'il va sou-
haiter aux fidèles ; car, après avoir baisé l'autel, le prê-
tre se tourne vers le peuple, étend les bras en signe de
charité, et dit : Que le Seigneur soit avec vous. Le peu-
DE PERSÉVÉRANCE. 353
pie répond : Et avec votre esprit. Le prêtre, revenu au
côté de l'Epîlre, dit: Prions : Oremus. C'est la seconde
fois, depuis le commencement de la messe, qu'il se
donne à lui-môme et au peuple cet avis important.
»
Aussitôt il commence la prière appelée collecte.
Q. D'où lui vient ce nom ?
R. Ce nom a été donné à cette prière : l' parce qu'elle
ge fait pour l'assemblée; le mot collecte veut dire assem-
blée ; 2» parce qu'elle contient en abrégé toutes les de-
mandes que tes fidèles présentent au Seigneur. Les
collectes sont très-vénérables par leur antiquité; la
plupart remontent, pour le fond, jusqu'aux temps apo-
stoliques. Nous devons les réciter avec la même ferveur
que les premiers Chrétiens.
Q. Gomment se termine la collecte ?
R. La collecte se termine par ces mots : Par notre
Seigneur Jésus-Christ. C'est au nom de Jésus-Christ que
nous prions ; c'est par ses mérites que nous attendons
l'effet de nos demandes. Le peuple répond : Amen : Qu'il
en soit ainsi ; c'est-à-dire nous désirons obtenir tout ce
qui est exprimé dans la prière ; nous promettons de n'y
point mettre obstacle, ni par notre volonté, ni par notre
conduite. Cela nous apprend dans quelles dispositions
nous devons répondre Amen.
Q. Qu'est-ce que l'épîlre ?
R. L'épître est une lecture des livres saints qui suit
la collecte. On l'appelle épître, parce qu'elle est ordi-
nairement tirée des lellres des Apôtres, et surtout de
saint Paul. On s'assied pendant l'épître afin de l'écouter
T. VII. -23
3S4 CATÉCHISME
àYec plus de recueillement. L'épître est suivie du gra-
duel ou répons. Le graduel est un verset tiré de l'Ecri-
ture, qui contient la réponse que le peuple fait à l'épî-
tre. Il répond qu'il est disposé à pratiquer les instruc-
tions qu'il vint d'entendre. On l'appelle graduel, parce
qu'il se chante sur les degrés du lutrin. Dans les jours
de deuil et de jeûne, on chante cette réponse du peuple
d'un ton triste et traînant si alors on l'appelle le trait.
Dans les jours de joie, on le chante d'un ton plus gai ;
il est précédé et suivi de l'alléluia.
Q. Qu'est-ce que l'alléluia et la prose ?
R. L'alléluia est une expression de joie. C'est le chant
des Saints dans le ciel. Pour marquer l'allégresse qu'il
inspire, on multiplie les notes sur la dernière lettre de
l'alléluia. On a ensuite mis des paroles sous ces notes ;
c'est de là que sont venues les proses qu'on appelle aussi
séquences, ou suite, parce qu'elles sont comme la conti-
nuation de l'alléluia. En les chantant, ou en les enten-
dant chanter, nous devons entrer dans l'esprit de l'E-
glise et nous réjouir par la pensée du ciel.
PRIÈRE.
O mon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir mêlé les instructions et les prières pendant la
seconde partie de la messe, afin de me préparer digne-
ment aux saints mystères ; faites-moi la grâce d'être
attentif au sens de tous les cantiques et de toutes les
cérémonies.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
DE PERSÉVÉRANCE. SS5
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amom, j'écouterai
'l'épître avec un grand désir d'en profiter.
356 CATÉCHISME
XVIIP LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Seconde partie de la messe ( Suite ). — Evangile. — Credo. — Troi-
sième partie de la messe, — Offertoire. — Offertoire dans les
premiers siècles.
En répondant à Tépître par le graduel ou le trait,
l'alléluia el la prose, toute l'assemblée des fidèles s'est
montrée disposée à mettre en pratique les saintes le-
çons qui lui sont données. La voix des Prophètes el des
Apôtres vient de la préparer à entendre une voix plus
sainte encore, celle du Fils de Dieu, le maître des Pro-
phètes et des Apôtres. Le voici qui va parler, on va
lire l'Evangile; recueillons-nous pour l'entendre, ou
plutôt étudions les cérémonies qui en accompagnent la
lecture ; elles suffisent pour nous donner les disposi-
tions que la foi demande de nous.
Le prêtre vient au milieu de l'autel, lève les yeux au
ciel, puis, s'indinant profondément, il fait cette prière :
« Dieu tout-puissant, puritiez mon cœur et mes lèvres ;
ô vous. qui avez purifié les lèvres du prophète Isaïe avec
un charbon ardent, daignez par votre pure miséricorde
sanctifier mon cœur, afin qu'il puisse annoncer digne-
ment votre saint Evangile. » C'est ainsi que ne se
croyant jamais assez pur pour répéter les paroles de
DE PERSÉVÉRANCE. 357
vie qui sorlirent autrefois de la bouche de l'Homme-
Dieu, le prêtre fait instance auprès du Seigneur pour
qu'il soit dans son cœur et sur ses lèvres. Pendant ce
temps-là les fidèles aussi doivent demander à Dieu que
leurs cœurs deviennent cette bonne terre où la semence
sacrée fructifie et rapporte au centuple.
L'usage de lire l'Evangile à la messe remonte au
moment même où ce livre divin fut écrit *. N'est-il pas
bien juste que ceux qui assistent au sacrifice de Jésus-
Christ connaissent ses préceptes et ses actions, et mar-
quent publiquement qu'ils les respectent et qu'ils les
aiment? L'Evangile est le prédicateur de la croix, il n'a
triomphé que par elle. Voilà pourquoi le prêtre, avant
de le lire, le marque d'abord de ce signe adorable, et le
fait ensuite sur son front, sur ses lèvres et sur son cœur :
tous les assistants l'imitent.
Nous faisons le signe de la proix sur notre front
pour marquer que nous croyons les vérités contenue^
dans l'Evangile, qu'elles sont notre gloire et que nous
n'en rougirons jamais^; sur nos lèvres, pour marquer
que nous sommes prêts à les professer hautement de-
vant le monde , ou comme nos pères, en face même
des tyrans, s'il était nécessaire ; sur notre cœur, pour
montrer qu'elles y sont gravées, que nous les aimons
et qu'elles seront toujours la règle de nos pensées et
de nos affections. A la lecture de l'Evangile tous les
fidèles se tiennent debout, comme des gens prêts au
' Bona, lib. 2, c. 7.
* S. Aug., in Psal. cxli-
358 CATECHISME
combat et disposés à marcher courageusement à la
suite de Jésus-Christ partout où il les appellera. Cette
coutume est de la plus haute antiquité \
En finissant la lecture, le prêtre baise l'Evangile en
signe d'amour et de respect. Tout le peuple, représenté
par le clerc, répond : Louange soit à vous, Christ. Ja-
mais louange fut-elle mieux méritée ? Que sommes-
nous ? nous sommes des captifs du Démon, des exilés
du ciel, des voyageurs qui traversent le désert de la vie,
la vallée des larmes. Qu'est-ce que TEvangile? c'est la
bonne nouvelle ; c'est aux captifs la nouvelle de leur
délivrance, aux exilés la nouvelle que les portes de la
patrie leur sont ouvertes, aux voyageurs la iiouvelle
qu'un guide charitable et sûr est descendu du ciel pour
les protéger et les conduire jusqu'au terme. Oh! si
nous sentons ce que nous sommes depuis l'Evangile,
ce que nous fûmes avant l'Evangile, ce que nous serions
encore sans l'Evangile, avec quel profond sentiment
de reconnaissance nous dirons : Gloire soit à vous,
Christ, Christ, Sauveur du monde.
Aux grand'messes, la lecture de l'Evangile est ac-
compagnée de cérémonies pleines de mystères, toutes
propres à nourrir la piété et le respect profond que nous
devons à la parole de Dieu. Le diacre porte le livre des
Evangiles sur l'autel. L'usage de mettre et de prendre
le livre des Evangiles sur l'autel vient de ce qu'autre-
fois on le portait en cérémonie à l'autel dès le com-
mencement de la messe. L'Eglise voulait qu'on se re-
• Ordre Rom.
DE PERSÉVÉRANCE. 359
présentât Jésus-Christ lui-même, en voyant le livre qui
contenait ses divines paroles '.
L'honneur de chanter l'évangile est réservé au diacre.
Le respect dû à ce livre divin, la majesté de* cérémo-
nies qui en accompagnent la lecture, exigeaient que
cet ofOce fût rempli par le minisire sacré qui approche
le plus de la dignité sacerdolale ^
Autrefois dans l'Eglise d'Alexandrie, cette noble
fonction n'était remplie que par l'archidiacre, et dans
plusieurs autres l'évangile était dit par des prêtres, et
par des évêques aux grandes fêtes, comme à Constanti-
nople le jour de Pâque '. Nous dirons en passant qu'à
Rome, lorsque le souverain pontife célèbre la messe so-
lennelle, l'épître et l'évangile se chantent en grec et en
latin : c'est un cardinal qui chante l'évangile. La divine
parole annoncée dans ces deux langues rappelle l'anti-
que union de l'Orient et de l'Occident. Puisse la divine
Providence la rétablir un jour !
Le diacre monte à l'autel, se met à genoux et récite
la prière que nous avons rapportée plus haut : Dieu
tout-puissant, purifiez, etc. Dans ce diacre qui monte
à l'autel ne vous semble- t-il pas voir Moïse, appelé par
la voix de l'Eternel sur le mont Sinaï, au milieu des
foudres et des éclairs, pour recevoir la loi et la trans-
mettre au peuple d'Israël? Le diacre se prosterne au
pied de l'autel et en présence du livre de la Ipi, parce
' Amalar., de Offic. eccL, lib. 3, c. 5.
• Bona, lib. 2, c. 7.
» Sozom., Hist,,\ib. 7.
360 CATÉCHISME
qu'il sait qu'il n'appartienl point à l'homme de devenir
l'organe des vérités éternelles. Il se relève et prend sur
l'autel le livre qui contient ces adorables vérités, ce qui
signifie qu'il les reçoit de la bouche même de Jésus-
Christ, que l'autel représente, afin que les fidèles n'i-
gnorent pas que ce sont les vérités du ciel qui vont leur
être manifestées.
Le diacre se remet à genoux, demande la bénédiction
au prêtre ou à l'évéque, et lui baise la main. Le diacre
avait demandé à Dieu de pouvoir dignement annoncer
l'évangile; il demande, maintenant au prêtre ou à
l'évéque la permission de l'annoncer ; car dans l'Eglise
nul ne doit exercer de ministère s'il n'y est appelé.
Répondant à sa demande, le célébrant lui dit : Que le
Sewneur soit dans votre cœur et sur vos lèvres, afin que
vous annonciez dignement et comme il faut l'évan-
gile. Comme il faut, c'est-à-dire avec piété et modestie,
afin qu'il vous soit utile à vous-même, et que tous ceux
qui l'entendront en soient édifiés. En recevant la béné-
diction du célébrant, le diacre lui baise la main pour
lui marquer son respect et sa reconnaissance.
Alors le diacre, précédé de l'encens, qui signifie et
la prière qui peut seule rendre la parole de Dieu fé-
conde, et la bonne odeur des vertus que cette parole
répand dans les cœurs *, marche vers le lieu qui doit
le mettre à portée d'être entendu du peuple. Le thuri-
féraire est précédé de trois ministres, dont deux portent
des flambeaux allumés, le troisième la croix. Ces cierges
' Àppend. ad Sacr. S, Greg., p. 258.
DE PERSÉVÉRANCE. 361
allumés qui précèdent le Livre sacré sont un signe de la
joie que nous donne l'évangile, et rappellent aux Chré-
tiens que Jésus-Christ, dont ils vont entendre la parole,
est la lumière qui éclaire tout homme venant en ce
monde : le feu de ces lumières est le symbole de la
charité que l'évangile doit allumer dans nos cœurs. Un
des ministres porte la croix. Cet étendard du Sauveur
rappelle éloquemment que c'est lui qui va parler dans
son Evangile, et que ce sont des maximes de crucifie-
ment qu'il va faire entendre.^ Il veut que ses disciples
en aient l'image sous les yeux, afin qu'ils s'accoutu-
ment à en porter le sentiment dans le cœur.
Le diacre élève le livre, non-seulement pour qu'il
soit vu et honoré de tous ceux qui vont l'entendre, mais
encore pour annoncer que c'est une morale descendue
du ciel qui va les instruire. A celte vue tous ceux qui
sont dans le chœur se lèvent par respect ; pénétré du
même sentiment, le clergé se tient aussi debout sans
s'appuyer en aucune manière sur les stalles'.
' C'est ce qui a toujours été recouimandé, depuis qu'on s'est
servi de quelque appui dans l'église. La lougueur de l'oftice ne
permettant pas à tout le monde de se tenir debout sans appui, on
introduisit, vers l'an 800, l'usage de s'appuyer sur des bâtons. On
s'en est servi aux ix*, x", xi^ et xii'' siècles; on fit même alors
ces bâtons en forme de potence, qu'on appelait reclinatorin, pour
s'y mieux appuyer. Plus tard, on fit des formes et des stalles, et ce
petit appui qu'on appelle miséricorde, sur lequel ou s'appuie sans
paraître assis. Mais, dès qu'on était à l'évangile, tout le monde
quittait les bâtons ou potences, et on se tenait debout, comme
des serviteurs devant leur maître. ( Araalar., Ijb. 3, de eccl. Offic,
c 18.) Les Chrétiens orientaux se servent encore de bâtons en forme
de potence, qu'ils quittent à l'évangile. Voy, Lebrun, p. 225.
362 CATÉCHISME
Jusqu'au neuvième siècle, le diacre, arrivé au jubé ou
au lieu destiné à lire l'Evangile, se tournait au midi,
c'est-à-dire du côté des hommes, qui, séparés des
femmes, occupaient cette partie de l'église. Depuis le
milieu du neuvième siècle le diacre se tourne au sep-
tentrion. Une raison mystérieuse a causé ce change-
ment. L'aquilon représente le souffle du malin esprit.
Et l'Ecriture, dit un ancien auteur S nous apprend elle-
même cette signification, puisqu'elle adresse au Démon
ces paroles : O Lucifer, tu disais en ton cœur : Je m'éta-
blirai à l'aquilon -. Ainsi on se tourne, en lisant l'évan-
gile, vers le côté gauche de l'église, qui est ordinai-
rement le septentrion, pour montrer qu'on se propose de
dissiper, par la parole de Dieu, les mauvaises impres-
sions du souffle de l'aquilon, c'est-à-dire du Démon.
A peine le diacre a-t-il élevé la voix pour dire aa
peuple : Dominus vobiscum : Que le Seigneur soit avec
vous, et il en a plus besoin que jamais dans ce moment
solennel : que tout le peuple se lève en répondant : Et
cum spiritu tuo :Et avec votre esprit. Et dans les siècles
passés vous auriez vu tous les fidèles déposant respec-
tueusement leurs bâtons, et les chevaliers des difl"érents
ordres militaires, et la noblesse polonaise tirer l'épée
du fourreau et la tenir élevée pendant toute la lecture
de l'évangile, témoignant ainsi de leur disposition à
combattre vaillamment et à verser leur sang pour la
défense de la Religion. L'histoire est là, brillante de
• Remig. Antiss., Erposit. missot.
* Isai.,xiY., 1.
DE PERSÉVÉRANCE. 363
leurs faits immortels, pour attester que ce n'était pas
une vaine cérémonie '.
Le diacre, formant le signe de la croix sur le livre sa^
cré, puis sur son front, sur ses lèvres et son cœur, an-
nonce ensuite celui des évangôlisles qui nous a transmis
la vérité que l'Eglise va proposer à notre méditation.
Quoique Jésus-Christ ail conûé à quatre de ses disci-
ples le soin de nous transmettre ses préceptes et ses
actions, il règne entre eux un tel concert, un si parfait
accord, que c'est toujours la suite du saint Evangile de
Jésus-Christ : Sequentia sancti Evangelii. Aussi répon-
dons-nous : Que la gloire vous en soit rendue, à mon
Dieu !
Le livre des Evangiles étant placé sur un pupitre, ou
tenu par le sous-diacre, le diacre, selon le rit romain,
l'encense de trois coups : un au milieu, un à la droite, et
le troisième à la gauche, comme pour montrer que
c'est là la source du parfum de la divine parole qui doit
se répandre dans nos esprits ; selon le rit parisien, c'est
le thuriféraire seul qui, au lieu d'encenser le livre, en-
cense le diacre qui va prononcer hautement cette sainte
parole ^.
Après que le diacre a chanté l'évangile, le sous-diacre
porte le livre ouvert au célébrant qui le baise ; et il est
encensé comme le principal ministre, qui doit, suivant
l'expression de saint Paul, répandre en tout lieu la bonne
•
» Bona, lib. 2, c. 7.
* Lebrun, p. 230. Cet usage remonte à plus de huit cents ans. On
le trouve dans l'Ordinaire du Mont-Cassin, écrit Ters l'an 1100.
364 CATÉCHISME
odeur de la connaissance de Jésus-ÇJinstK De tout cet
appareil que l'Eglise met à la lecture de l'Evangile, de
toutes les prières qui la prc^cèdent, de toutes les céré-
monies qui l'accompagnent et qui la suivent, que de-
vons-nous conclure? sinon que nous ne devons jamais y
assister qu'avec un cœur pur ou du*moinsavec un cœur
pénitent; et que la crainte, la vénération, la docilité, la
confiance et la fidélité sont autant de dispositions rela-
tives à cette cérémonie.
Le dimanche et les jours de fêtes la lecture de l'Evan-
gile est suivie de l'instruction. Cet usage est aussi
ancien que le Christianisme : nous le voyons pratiqué
depuis les temps apostoliques^. Rien n'est plus naturel.
L'Evangile est comme la manne qui tombait dans le dé-
sert ; elle avait besoin de préparation pour devenir la
nourriture des Israélites. Pour être l'aliment de notre
vie spirituelle, l'Evangile aussi a besoin de préparation ;
c'est un pain qu'il faut rompre aux petits, c'est-à-dire
aux fidèles. Et voilà l'importante fonction dont le prêtre
va s'acquitter.
L'instruction de la grand'messe s'appelle prône ; ce
qui veut; dire annonce ^. En effet, le prêtre annonce,
et les fêtes de la semaine, et les futurs mariages, et
enfin la parole de Dieu, qui n'est que le commentaire
de l'Evangile. Dans un grand nombre de diocèses,
toutes ces choses sont précédées par d'admirables prié-
•II Cor., XI, 14.]
» Just., j^pol. 2.
' Prseconium.
dle perskvvîrance. 365
res, appelées prières du prône. La famille catholique,
réunie au pied de l'autel, prie pour ses supérieurs
spirituels et temporels, pour les vivants et pour les
morts ; usage qui nous apprend à tous que la charité
est catholique comme la foi, et que pour participer
au même sacrifice, nous ne devons, comme nos pères,
n'être qu'un cœur et qu'une âme. On voit par là combien
il est important d'assister à la messe paroissiale.
Avons-nous jamais réfléchi sur tout ce qu'il y a de so-
cial dans cette instruction évangélique du dimanche?
Vous ne trouvez rien de semblable chez les peuples les
plus célèbres de l'antiquité. Grâces soient rendues à
Jésus-Christ de nous avoir préparé dans son Eglise un
cours d'instruction ignoré, jusqu'à lui, de tous les sages
de la terre! et dans celte instruction, voyez quelle mo-
rale! l'humilité, dont le nom n'a point de synonyme
chez aucun philosophe de l'antiquité, mise à la place
de l'orgueil , une des maladies les plus incurables de
noire nature; l'amour de Dieu et des hommes prêché
comme la fin et le sommaire de la loi ; toutes les vertus
recommandées, tous les vices proscrits, tous les pen-
chants de l'homme pour le bien excités et soutenus par
de dignes motifs ; telle est l'instruction évangélique dont
l'égalité sainte des Chrétiens fait une des plus tou-
chantes maximes. La philosophie reconnaissait encore
des libres et des esclaves, des patriciens et des plébéiens,
elle appelait les empereurs des dieux; lorsque déjà l'E-
glise donnait à tous les hommes le nom de frères, de
Irès-chers, d'enfants de Dieu , d'héritiers de sa gloire;
366 CATÉCHISME
lorsqu'elle établissait sur la terre l'image de la société
du ciel, et qu'elle leur apprenait, comme elle le fait
encore aujourd'hui, à consacrer le septième jour par
la communion des mômes prières et des mêmes rites *.
A peine le prêtre est-il descendu de chaire qu'il re-
paraît à l'autel d'oîi il entonne le Credo. C'est une pro-
testation solennelle que l'on croit toutes les vérités dont
on vient d'entendre l'explication, et que l'on sera fidèle
à les suivre dans la pratique. Le Symbole que nous chan-
tons à la messe est celui qui fut composé en 325 par le
concile général de Nicée. Il est aussi appelé Symbole de
Constantinople , parce que le concile général qui se
tint en cette ville y ajouta des explications opposées
aux nouvelles erreurs des Macédoniens. L'Eglise a cru
que celte formule, plus étendue que celle qui nous vient
des Apôtres, n'en serait que plus propre à inspirer aux
Chrétiens le respect pour les dogmes qu'elle renferme,
et la fidélité à les honorer. C'est toujours la même foi
que nous professons, soit que nous récitions la formule
transmise par les Apôtres, soit que nous chantions avec
l'Eglise le Symbole de Nicée et de Constantinople.
Oh ! que cette pensée est propre à donner de l'énergie
à notre foi ! Si un miracle de la puissance divine appelait
subitement dans une de nos églises les catholiques de
toutes les contrées de l'univers, si le même miracle ré-
veillait les générations éteintes dans chacun des dix-
huit siècles qui nous précèdent, et les réunissait aux
générations vivantes, et qu'il nous fût donné d'entendre
• fûiy. Jauf fret, du Culte public^ p. 244.
DE PERSÉVÉRANCE. 367
leur chant et leur langage, nous les entendrions toutes
redire le même Symbole que nous répétons et que nos
neveux répéteront après nous.
Si le même miracle dont nous parlons rappelait à la
vie tous les Hérétiques, tous les Protestants des divers
siècles et des divers pays, et qu'on demandât à chacun
d'eux sa profession de foi; qu'enlendrions-nous? une
confusion de voix, véritable image de l'enfer ou de la
tour de Babel; autant de symboles que de sectes, que
d'individus dans chaque secte; symboles opposés les
uns aux autres, variables suivant les temps et les pays.
Si la vérité est une, dites de quel côté elle se trouve :
chez les Catholiques ou chez les Protestants?
Jusqu'au cinquième siècle on ne récitait point le
Symbole durant la messe ; le vendredi saint seulement
l'évêque le disait à haute voix pendant l'instruction
qu'il adressait aux catéchumènes. Mais les erreurs des
Macédoniens faisant quelques progrès, Timolhée, évo-
que de Conslanlinople, le fit chanter comme une protes-
tation contre l'hérésie'. Ce fut en 510. Cet usage passa
bientôt en Occident ^ Toutefois on ne le disait pas encore
à Rome au commencement du onzième siècle. Voici à
cette occasion les remarquables paroles d'un ancien au-
teur'^ témoin occulaire du fait qu'il raconte.
« En 1016, l'empereur saint Henri étant venu à
Rome, fut très-étonné de voir qu'on ne chantait pas le
• Theodor. Lector., lib. 2 Collectaneorum.
• Conc. ïolet. 3, can. 2.
• Berno Augiens., de Rébus ad miss, pertin., c 2.
368 CATÉCHISME
Credo à la messe ; il en demanda la raison aux clercs, qui
lui répondirent en ma présence : « L'Eglise romaine ne
chante pas le Credo parce qu'elle n'a jamais été souillée
d'aucune hérésie ; mais que, suivant la doctrine de Pierre,
elle demeure immuable dans l'intégrité de la foi catho-
lique. Elle n'a donc pas besoin de le chanter comme
les églises qui ont pu tomber dans l'erreur. » Néan-
moins, le saint empereur fit instance auprès du souve-
rain pontife pour que le Symbole fût chanté à Rome
comme dans le reste de la chrétienté ; le pape Benoît Vlll
se rendit à sa prière, et le Symbole fut chanté ; ce qui
a continué jusqu'à ce jour '.
Lorsqu'en chantant le Credo on est arrivé à ces mots ;
4?( homo factus est : Et il s'est fait homme, on se pro-
sterne ou l'on s'incline pour honorer les abaissements
de Jésus-Christ. « C'est par l'humiliation, dit saint Au-
gustin, qu'il faut approcher d'un Dieu humble ; humi-
liation, non de nos corps, mais de notre cœur qui doit
se pénétrer des sentiments d'un Dieu, fait esclave pour
nous rendre la liberté ; fait homme, homme pauvre, lui
qui commande à la nature entière; homme inconnu,
lui qui descendait des rois de .luda, et qui avait été
établi le roi des nations; homme mortel, lui qui n'avait
point mérité la mort par le péché. Que toute créature
s'abaisse donc au souvenir d'un mystère où un Dieu,
du haut de sa gloire, est descendu dans le profond abîme
des humiliations et des indignités, pour sauver le monde
coupable. »
' Bona, lib, 2, c 8.
DE PERSÉVÉRANCE. 369
Maintenant on dit le Symbole dans certains jours pour
trois raisons principales. La première, c'est pour procla-
mer de générations en générations les triomphes que
l'Eglise a remportés sur les anciennes hérésies ; la se-
conde, c'est le concours du peuple : on le dit tous les
dimanches, qui de tout temps ont été les jours de l'as-
semblée des Chrétiens ; la troisième, à cause du rapport
du Symbole avec la fête qu'on célèbre : on le dit aux fêtes
de Notre-Seigneur, parce qu'il est parlé de lui dans le
Symbole ; on le dit aux fêtes des Apôtres qui nous ont
annoncé la foi, et à celles des docteurs qui l'ont prêchée
et défendue.
Nous avons vu que dans les premiers su'cles de l'E-
glise on ne chantait pas le Credo. Lorsqu'on devait le
dire on faisait sortir les catéchumènes ; alors commen-
çait la messe des fidèles. Tout ce qui précède depuis le
commencement jusqu'après l'instruction composait celle
des catéchumènes. Nous voici donc arrivés à la troi-
sième partie de la messe ; elle comprend le commence-
ment du sacrifice ou l'oflertoire , et les prières qui le
suivent jusqu'à la préface.
Lors donc que toutes les prières, toutes les cérémo-
nies, toutes les instructions dont nous venons de parler,
et qui formaient la préparation au redoutable sacrifice,
étaient achevées, le diacre donnait ordre aux catéchu-
mènes, aux pénitents, aux Juifs, aux Hérétiques de se
retirer; ceux-là seuls étaient admis à rester qui avaient
reçu la grâce du baptême, et qui étaient censés l'avoir
conservée intacte ou recouvrée par la pénitence. Cet
T. VII. 24
370 CATÉCHISME
ancien usage nous apprend quel respect profond l'E-
glise a (oujonrs eu pour les divins mystères; et cet usage
seul serait une preuve de sa foi à la présence réelle de
Jésus-Christ dans l'Eucharistie ; cet usage nous dit aussi
quelle sainteté nous devons apporter à la messe. Si les
pécheurs n'en sont plus exclus comme autrefois, l'E-
glise veut du moins qu'ils n'y assistent qu'avec un dé-
sir, un commencement de conversion, avec ces gémis-
sements qui, parlant d'un cœnr contrit et humilié, ap-
pellent la miséricorde du Seigneur.
Avant l'offertoire le prêtre salue de nouveau les fi-
dèles de la manière accoutumée : Dominus vohiscum.
Le peuple, de son côté, voyant approcher le moment
terrible, et sentant plus vivement que jamais combien il
lui importe que son sacrificateur soit revêtu de la vertu
d'en haut, répond en lui souhaitant encore l'assistance
du Seigneur. Et cum spiritu tuo. Aussitôt qu'il est re-
tourné vers l'autel, le prêtre dit Oremus : Prions ; exhor-
tant l'assemblée à se tenir de plus en plus unie à Dieu,
à mesure que tout se dispose plus prochainement à
la grande action. Incontinent il récite la prière appelée
['offertoire, parce que c'est durant ce temps-là que dans
la primitive égHse les fidèles offraient le pain et le vin
destinés au sacrifice '.
Voici de quelle manière se faisait cette offrande:
chaque fidèle apportait le vin et le pain qu'il voulait
présenter à l'autel. Les hommes d'abord, et ensuite les
femmes déposaient leurs offrandes sur des nappes blan-
' Boua, lib. 2, c. 8-
DE PERSÉVÉRANCE. 371
ches. L'évêque recevait ces oblations, qui étaient mises
par un sous-diacre dans une nappe tenue par deux
acolytes. L'archidiacre recevait les petits calices ou
burettes ' que chaque fidèle lui présentait, et en versait
du vin dans un grand calice tenu par un sous-diacre.
L'archidiacre mettait surTautel autant dQ dons offerts*
qu'il en fallait pour la communion du peuple, ou bien
les présentait à l'évoque, qui les y plaçait lui-même;
puis il versait à travers un couloir le vin dans le calice
où devait se faire la consécration ; un sous-diacre allait
recevoir du premier chantre la burette d'eau', et l'ap-
portait à l'archidiacre, qui en versait dans le calice,
après quoi il la plaçait sur l'autel devant le pontife, à
droite des oblations^.
Les prêtres et les autres ministres de l'Eglise fai-
saient leurs offrandes à l'autel, au lieu que les fidèles
les faisaient hors du chœur ou de la balustrade qui
séparait le clergé du peuple ^. C'est là que l'évêque ou
' Aaiulas.
« Oblata.
* Fontem.
* Ordre romain.
= Ainsi tous les fidèles offraient à l'autel du pain, du vin, de
l'huile, et toutes les choses nécessaires pour la célébration des
saints mystères et pour la communion. Quand on avait pris ce
qu'il fallait pour cet usage, les ministres de l'autel vivaient du
reste et des autres aumônes faites à l'Eglise. La diversité du pain
et du vin qui étaient offerts pour consacrer n'était pas sans in-
convénient. L'Eglise trouva bon qu'une seule personne offrit le
pain, le vin et le luminaire nécessaires pour le sacrifice, et que le
reste des fidèles offrissent en argent ce qu'ils auraient la dévotion
de donner pour la subsistance des ecclésiasiiqucs De là nos of-
372 CATÉCHISM&'
le prêlie officiant allait les recevoir. Par respect pour
la dignité souveraine dont il était revêtu, l'empereur
était excepté de celle règle générale pour les laïques.
Il portait lui-même son offrande à l'autel : savoir, le
pain qu'il avait pétri de ses propres mains. C'est à roc-
casion de cet, usage qu'eut lieu un des faits les plus
remarquables de noire sainte antiquité. Voici de quelle
manière saint Grégoire de Nazianze le rapporte.
L'empereur Valons, étant à Césarée, vint à l'église le
jour de l'Epiphanie, environné de tous ses gardes, et se
mêla, pour la forme, au peuple catholique, car il était
Arien. Quand il entendit le chant des psaumes, qu'il vit
ce peuple immense, et l'ordre qui régnait dans le sanc-
tuaire et aux environs, les ministres sacrés plus sem-
blables à des anges qu'à des hommes, saint Basile de-
vant l'autel, le corps immobile, le regard fixe, l'esprit
uni à Dieu, comme s'il ne fût rien arrivé d'extraordi-
naire, ceux qui l'environnaient remplis de crainte et de
respect; quand, dis-je, Valons vit tout cela, ce fut pour
lui un spectacle si nouveau, que la tête lui tourna et sa
vue s'obscurcit. On ne s'en aperçut pas d'abord, mais
quand il fallut apporter à Vautel son offrande qu'il
avait faite de ses mains, voyant que personne ne la re-
fertes aux grand'raesses du dimanche. Nous avons encore un yes-
tige de cet usasre dans la messe solennelle pour un défunt, où l'on
offre du pain, du vin, du blé, des cierges et de l'argent. Cette ac-
tion n'est pas une pure libéralité ; mais une action qui répond à ce
qui s'est toujours pratiqué dans tout sacrifice, où celui qui l'of-
frait devait fournir l'hostie, et à l'usage le plus religieusement
observé p;ir les anciens fidèles.
DE PERSÉVÉRANCE. 373
cevait, suivant la coutume, parce qu'on ne savait si
saint Basile voudrait l'accepter, il chancela de telle
sorte, que si un des ministres de l'autel ne lui eût
tendu la main pour le soutenir, il serait tombé honteu-
sement '.
Pendant tout le temps de l'oblation on chantait des
psaumes. Cette coutume était déjA en pleine vigueur
au quatrième siècle ^ ; mais son origine remonte beau-
coup plus haut. Transportons-nous au temple de Jérusa-
lem, et nous verrons le peuple juif offrant ses holo-
caustes et ses prémices au chant des cantiques, au son
des trompettes et des cymbales, afin de témoigner de
la joie avec laquelle il présentait au Seigneur les dons
qu'il avait reçus de sa magnificence. Non moins recon-
naissants que les Juifs, nos pères aussi ont accompagné
leur offrande du chant des hymnes sacrées. Nous avons
hérité de leur usage, avons-nous aussi hérité de leur
piété envers Dieu ? L'offertoire, que nous chantons en-
core, est donc une leçon bien précieuse et un souvenir
bien vénérable. On le chante lentement, afin de laisser
au prêtre le temps de faire l'offrande du pain et du vin,
ainsi que les prières qui l'accompagnent.
Lorsque l'offrande du peuple était finie, l'évêque al-
lait s'asseoir sur son siège, s'y lavait les mains et re-
tournait à l'autel. Préparons-nous à l'y suivre.
' Fleury,t. 4, p. 244.
^ S. Aug., Retract., lib. 2, c. 2.
374 CATÉCHISME
PRIÈRE.
Omon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir environné le saint sacrifice de tant de prières
et de cérémonies si propres à ranimer ma foi et ma
piété ; failes-moi la grâce d'en bien pénétrer l'esprit.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amom, j'écouterai
la lecture de l'Evangile comme j'aurais écouté Notre-
Seigneur en personne.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Seconde et troisième partie de la messe. — Corporal. — Palle. —
Purificatoire. —Offrande du pain. — Mélange du vin et de l'eau.
— Offrande du calice. — Pain bénit. — Quêtes.
Q. Comment se fait la lecture de l'évangile?
R. La lecture de l'évangile se fait au milieu d'un
grand nombre de prières et de cérémonies bien propres à
nous inspirer un profond respect pour cette divine pa-
role. Aux messes solennelles, le diacre qui doit lire
l'évangile se met à genoux au pied de l'autel, prie le
Seigneur de purifier ses lèvres et son cœur ; il se relève,
prend le livre, se remet à genoux, et demande au célé-
brant la permission dechanler l'évangile, car nul ne doit
exercer de fonctions dans l'Eglise s'il n'y est appelé.
DE PERSÉVÉRANCE. 375
L*évangile est précédé de la croix, de cierges allu-
més et de l'encens. Le diacre souhaite aux Gdèles que
le Seigneur soit avec eux, afin qu'ils profilent de la
lecture sainte ; il fait le signe de la croix sur le livre
des Evangiles, pour nous rappeler que l'Evangile est le
prédicateur de la croix ; il le fait sur son front, sur
ses lèvres et sur son cœur. Tout le peuple doit l'imi-
ter. On répond à la lecture de l'évangile en disant :
Louange soit à vous, Seigneur Jésus-Christ ; car Tévan-
gile est un grand bienfait de Dieu à notre égard. On
se tient debout pendant l'évangile, pour marquer qu'on
est prêt à marcher à la suite de Jésus-Christ.
Q. De quoi est suivie la lecture de l'évangile?
R. La lecture de l'évangile est suivie de l'instruc-
tion; c'est l'explication des vérités qu'on vient de lire :
cette instruction s'appel prône, ce qui veut dire an-
nonce, parce que le prêtre y annonce les fêtes de la se-
maine, les futurs mariages, et enfin la parole de Dieu.
Cela nous montre qu'il est bien important d'assister à la
messe de paroisse.
Q. Que fait le prêtre après l'instruction?
R. Après l'instruction le prêtre revient à l'autel et
entonne le Credo ou le Symbole. En le chantant, nous
protestons que nous croyons fermement toutes les vé-
rités qui viennent de nous être enseignées. Après le
Credo commence la troisième partie de la messe, qui
s'étend jusqu'à la préface. Tout ce qui précède jusqu'à
l'offertoire s'appelait autrefois la messe des catéchu-
mènes, et le diacre les faisait sortir, ainsi que les pé-
376 CATÉCHISME
nitents, après rinstrQclion. Cela nous apprend que nous
devons être saints, ou du moins sincèrement contrits
pour assister au saint sacrifice. Le prêtre se retourne vers
les assistants, souhaite que le Seigneur soit avec eux,
et les invite à redoubler de ferveur en disant : Prions.
Q. Quelle prière fait-il alors?
R, Alors il récite la prière qu'on appelle l'offertoire,
parce que c'est durant ce temps-là que les fidèles of-
raient à l'autel le pain et le vin qu'ils avaient apportés
pour le sacrifice. On chantait pendant l'offertoire pour
montrer la joie qu'on éprouvait à offrir au Seigneur
les dons reçus de sa bonté. Nous devons aussi, pen-
dant l'offertoire, nous offrir à Dieu de bon cœur pour
être immolés avec Notre-Seigneur.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir environné le saint sacrifice de tant de prières
et de cérémonies si propres à ranimer ma foi et ma
piété ; faites-moi la grâce d'en bien pénétrer l'esprit.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, j'écouterai
la lecture de l'évangile comme j'aurais écouté Notre-
Seigneur en personne.
DE PERSÉVÉRANCE. 377
XIXe LEÇON.
L£ CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Troisième partie de la messe (Suite). — Offertoire dans les temps
actuels.
Nous savons de quelle manière se faisait l'ofTerloire
jusqu'au neuvième siècle : nous allons dire comment il
se fait aujourd'hui. Le prêtre découvrele calice : l'usage
de couvrir le calice d'un voile existait déjà aux premiers
âges du Christianisme ', il témoigne du respect que
l'Eglise a toujours porté aux vases destinés à l'autel. Il
étend le. corporal, c'est-à-dire le linge sur lequel doit
reposer le corps de Jésus-Christ. Le corporal doit être
de lin, parce que le linceul qui enveloppa Notre-Seigneur
était de lin: il y a quatorze cents ans que saint Jérôme
le disait ainsi. L'Eglise a établi l'usage du corporal pour
une plus grande propreté et pour parer aux inconvé-
nients qui pourraient arriver si une goutte de sang ve-
nait à tomber sur l'autel. Le corporal était autrefois
aussi long et aussi large que le dessus de l'autel ; et il
était si ample, qu'on le repliait sur le calice pour le
couvrir ^. Mais comme cela était embarrassant, surtout
depuis qu'on a fait l'élévation du calice, que quelques-
' Canon apost., 72. Bona, lib. l, p. 25.
« Greg. Tur., Hist., lib. 7, c. f2.
378 CATÉCHISME
uns voulaient tenir couvert même en l'élevant, on a fait
deux corporaux plus petits : l'un qu'on étend sur l'au-
tel, et l'autre plié d'une manière propre à couvrir le
calice; entre les deux toiles de ce dernier, on a rais un
carton, afin qu'il fût plus ferme et qu'on le prît plus
commodément. On lui a toujours laissé le nom de palle,
qui veut dire manteau ou couverture '.
Le calice découvert, le prêtre prend la patène, sur
laquelle est placé ce petit pain rond et mince que nous
appelons hostie, c'esl-à-dire victime, parce qu'il doit
être changé en la victime sainte, et lient la patène avec
les deux mains à la hauteur de la poitrine. Il élève les
yeux vers le ciel, puis les abaisse, exprimant, par cette
posture et par ce geste, qu'il offre à Dieu, qui est au
ciel, cette hostie si sainte et si pure, quoiqu'il ne soit
qu'un indigne pécheur; il dit en même temps : a Re-
cevez, Père saint, tout-puissant et éternel, cette hostie
sans tache que je vous offre, moi qui suis votre indigne
serviteur, à vous qui êtes mon Dieu vivant et véritable,
pour mes péchés, mes offenses et mes négligences qui
sont sans nombre, pour tous les assistants et pour tous
les fidèles chrétiens vivants et morts, afin qu'elle pro-
fite à eux et à moi pour le salut et la vie éternelle.
Ainsi soit-il. »
Le prêtre achève cette prière en faisant le signe de
la croix, comme pour placer déjà la victime sur la croix
où elle doit être immolée'; il met ensuite la patène à
' Paliium; Bona, lib. 1, c. 27.
• Durandus, lib. 4, c. 30, n. 15.
DI PERSÉVÉRANCE. 379
moitié sous le corporal, et couvre l'autre moitié avec le
purificatoire, afin de la conserver plus proprement jus-
qu'à ce qu'il en ait besoin pour la fraction de l'hostie;
il purifie le calice avec un petit linge appelé pour cela
purificatoire. Il y met le vin, puis de l'eau, mais en
petite quantité, parce que la matière du sacrifice, celle
dont le Sauveur se servit, est le vin, et non un autre
liquide quelconque. Ce mélange de l'eau et du vin est
aussi ancien que l'institution de la sainte Eucharistie.
La tradition nous apprend que le Sauveur mit de l'eau
dans la coupe de vin qu'il consacra ^ : en cela il se con-
formait au rit des Juifs, suivant lequel il devait y avoir
dans la coupe pascale du vin mêlé avec de l'eau.
Ce mélange est plein de mystères ; voici celui qui est
le plus instructif pour nous : l'eau représente le peuple ;
cette idée nous est donnée par saint Jean lui-même^ et
par plusieurs saints Pères*. Nous ne devons fairp qu'un
même corps avec Jésus-Christ, et par conséquent nous
devons être consacrés avec lui; il s'est fait semblable à
nous en prenant notre nature ; mais il veut que l'union
soit parfaite et que nous lui devenions semblables en
nous revêtant de sa divinité. Or, ce mélange d'eau et
de vin est une image de cette union adorable de Dieu
et de l'homme qui s'est faite dans l'incarnation ; de l'u-
• f^oy. les liturgies de saint Jacques, de saint Basile, de saint
c;hr)sostôme;S. Justin,^/}»/. 2; S. Cypr., lil». 2, epist. 3, etc.,ctc
Bona, lib. 2, c. 9.
' Apoc., XVII, 15.
^ S. Cyril., epist. 63.
380 CATÉCHISME
nion de l'homme avec Jésus-Christ, qui se fait dans la
communion; et de la consommation de l'homme en
Dieu, qui se fera par la gloire '. Telles sont les grandes
idées qu'exprime la prière que le prêtre fait en bénis-
sant celte eau représentant le peuple fidèle, celte eau
qui ne va plus faire qu'un avec le vin du sacrifice, ce
peuple qui, par la transsubstantiation, ne va plus faire
•qu'un avec Jésus-Christ.
«0 Dieu ! dit le ministre sacré, qui avez admirable-
ment formé l'homme dune nature si noble, et qui l'a-
vez rétabli d'une manière encore plus admirable, faites
que, par le mystère de cette eau et de ce vin, nous de-
venions participants de la divinité de votre Fils Jésus-
Christ, notre Seigneur, qui a bien voulu se rendre par-
ticipant de notre humanité, lui qui, étant Dieu, vit et
règne avec vous en l'unité du Saint-Esprit, dans tous
les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »
Aux messes de morts, le prêtre ne bénit pas l'eau par
le signe de la croix : c'est une suite de la signification
mystérieuse de Teau. On n'emploie pas ce signe exté-
rieur pour bénir l'eau, qui signifie le peuple, parce
qu'on est tout occupé des âmes' du purgatoire, qui ne
sont plus en voie d'être bénies par le prêtre.
Nous avons dit qu'on ne met dans le calice qu'une
petite quantité d'eau, afin, dit un concile, que la majesté
du sang de Jésus-Christ y soit plus abondante que la
fragilité du peuple représenté par l'eau \
• Mixtura Dei et hominis. S. Aug
' Concile de Tribur, eau. 19, terni vers l'an 895-
DE PERSÉVÉRANCE. 381
Aux messes solennelles, c'est le sous-diacre qui met
l'eau dans le calice ; le diacre présente le pain et le vin,
afin que nous sachions bien que le prêtre n'oftre pas
seul, qu'il ne sacrifie point pour lui seul, qu'il ne rem-
plit point un ministère étranger au reste des fidèles. Le
diacre et le sous-diacre, qui tiennent comme le milieu
entre le laïque et le prêtre, représentent ici le peuple
tout entier; et, en mettant entre les mains du prêtre les
substances qui doivent être consacrées, ils offrent en
quelque sorte au nom du peuple, par les mains du
prêtre. Quelle leçon pour nous!
Quelle autre leçon dans les éléments que le Sauveur
a choisis pour son sacrifice! Le pain, qui est composé de
plusieurs grains de blé> et le vin, qui est fait de plusieurs
grains de raisin, ne représentent-ils pas admirablement
l'Eglise, composée de plusieurs membres, qui sont tirés
de la masse corrompue, pour être encore changés en
Jésus-Christ et devenir son corps mystique, comme ce
pain et ce vin sont changés réellement en son corps na-
turel et en son sang véritable? Quel éloquent enseigne-
ment de cette vérité, base de toutes les sociétés, principe
de toutes les vertus et de tous les sacrifices généreux :
Vous ne devez tous former qu'un cœur et qu'une âme!
Le pain et le vin tiennent donc la place de ceux qui
les offrent, et en eux de toute l'Eglise ; car le pain et le
vin élantla nourriture, la subsistance et comme la vie des
hommes, quand ils les offrent à l'autel, ils y offrent en
quelque façon leur vie ; ils s'y oH'renl eux-mêmes h
Dieu pour être sacrifiés à sa gloire avec Jésus-Christ
382 CATÉCHISME
leur chef: telle es(, en effet, la vraie disposition dans
laquelle on doit être pour faire l'oblation du pain et du
vin avec le prêtre. EteS'\'Ous à une bonne table, dit
l'Ecriture, à la table d'un grand? sachez- qu'il faut que
vous rendiez la pareille *. Quelle est cette grande table,
demande saint Augustin, sinon celle où nous recevons
le corps et le sang de Jésus-Christ? et que signifient ces
paroles : Sachez qu'il faut que vous rendiez la pareille,
sinon ce qu'a dit saint Jean : Comme Jésus-Christ a
donné sa vie pour nous, il faut de même que nous don-
nions notre vie pour nos frères^? » Ainsi, assister à la
messe en esprit de victime, de victime immolée avec
Jésus-Christ, et pour les mêmes fins que Jésus-Christ,
c'est-à-dire pour la gloire de Dieu et le bien de nos
frères, telle est la grande disposition avec laquelle nous
devons venir au sacrifice auguste : cette disposition ren-
ferme toutes les autres.
Le calice ainsi préparé, le prêtre revient au milieu
de l'autel, et l'ofire comme il a offert le pain, mais avec
celte différence qu'il ne parle plus seul, mais au nom
de toute l'assemblée, qu'il élève pour ainsi dire vers le
ciel dans celte eau mêlée au vin du calice. Il dit donc,
en tenant les regards fixés vers les saintes montagnes,
et le calice à la hauteur de son front : «Nous vous of-
frons, Seigneur, cette coupe salutaire, et nous supplions
votre clémence de la faire monter comme une odeur
agréable, en présence de votre divine majesté, pour
' Eccli., XXXI, 12.
* S. Aug., Serm. 31.
DE PERSÉVÉRANCE. 383
notre salul et celui du monde entier. Ainsi soil-il. »
Celte belle prière nous montre clairement ce que dit
Tertullien, que Jésus-Christ est le prôtre catholique du
Père; son sang a purifié la terre et le ciel; car il est la
victime de propitiation pour nos péchés^etnon-seulement
pour les nôtres, mais pour ceux de tout l'univers^.
Après cette prière, le prêtre forme avec le calice le
signe de la croix sur Tautel, pour montrer qu'il met
l'oblation sur la croix de Jésus-Christ; puis, comme
nous avons lieu de craindre que notre indignité ne mêle
à l'offrande quelque chose qui soit désagréable à Dieu,
le prêtre s'incline, les mains jointes sur l'autel, en signe
de suppliant, et il dit au nom de tous les assistanis ce
que disaient les jeunes Hébreux captifs à Babylone, qui
s'offraient courageusement en holocauste pour être je-
tés dans la fournaise : « Recevez-nous, Seigneur, nous
qui nous présentons devant vous avec un esprit humilié
et un cœur contrit, et faites qu'aujourd'hui notre sacri-
fice s'accomplisse en votre présence, d'une manière qui
vous le rende agréable. »
Alors le prêtre élève les yeux et les mains au ciel
pour appeler l'Esprit saint, cet esprit de feu, cet esprit
sanctificateur, qui consumait quelquefois visiblement
les holocaustes anciens, et qui tous les jours consum(%
en les changeant d'une manière si admirable, les dons
que nous offrons. Pour cela il dit : « Venez, sanctificateur
lout-puissant, Dieu éternel, et bénissez ce sacrifice pré-
paré ù la gloire de votre saint nom. » A ce mot bénissez,
' 1 Joan., II, 2.
384 CATÉCHISME
il fait le signe de la croix sur le calice et sur l'hostie,
pour marquer que ce n'est que par la vertu de la croix
qu'il attend du Saint-Esprit la sanctification des dons
qui doivent être changés au corps et au sang de Jésus-
Christ.
Oh ! que ce moment est précieux pour nous offrir !
quel motif de confiance ! Nous ne sommes point pré-
sentés seuls à Dieu, hélas ! qui voudrait de notre indi-
gnité? mais, présentés avec Jésus-Christ, nous ne fai-
sons plus qu'un avec lui. Dieu ne peut, pour ainsi dire,
plus nous repousser, et ccmme il ne peut rien refuser
à son Fils, comme il l'exauce toujours, suivant l'expres-
sion de saint Paul, par le respect qui lui est dû, il est
forcé de nous recevoir avec lui. Notre misère, notre
imperfection est cachée et comme absorbée dans la di-
gnité infinie de la personne de Jésus- Christ. Entrons
bien avant dans les sentiments d'oblation auxquels la*
circonstance nous invite; offrons le bien qui est en nous,
afin qu'uni aux mérites du Sauveur, il soit purifié des
imperfections dont nous le mêlons, et devienne digne de
Dieu ; oiïrons le mal qui est en nous, afin qu'il soit ca-
ché et consumé par la grande charité de la victime ;
offrons notre corps et tous ses sens, notre âme et toutes
ses facultés. Jésus-Christ, notre premier-né, ne réserve
rien. Des lors que nous venons à son sacrifice, nous ces-
sons de nous appartenir ; nous consentons à être victimes
avec lui ; nous consentons à tout rendre à Dieu, de qui
nous avons tout reçu, cl à qui tout appartient.
Aux grand'messes, après la prière Offerimus : Nous
DE PERSl!;VÉRANCE. 3S5
offrons, le diacre ôfe la patène de dessus l'autel et la
donne h un acolyte qui la tient couverte jusqu'au Pater.
Quelle est la raison de celte C('>r(''inonie? Durant les
sixpremiers siècles, on consacrait le pain sur la patène' ;
mais depuis on l'a placé sur le corporal : dès lors on n'a
plus eu besoin de la patène que pour rompre l'hostie.
On aurait pu la laisser sur l'autel, comme cela se fait
aux messes basses, si elle avait toujours été aussi petite
qu'elle est à présent; mais lorsque les assemblées
étaient fort nombreuses, et qu'un très-grand nombre
de fidèles y communiaient, la patène, qui devait conte-
nir tout ce que le prêtre consacrait, élait un fort grand
plat dont il était à propos de débarrasser l'autel après
l'oblation^. Telle est la raison de cette cérémonie qui,
en nous rappelant la ferveur de nos pères pour la com-
munion, nous reporte au delà de onze siècles.
Si la patène, au lieu d'élre portée à la sacristie, est
gardée dans l'église par un des ministres, c'est afin
qu'elle soit sous la main du prêtre au moment où il en
aura besoin. Vers la fin du Pater, l'acolyte la remet au
sous-diacre, celui-ci au diacre, qui la tient élevée un
instant, afin d'avertir le peuple que le moment de la
communion approche ; il la porte ensuite à l'autel, et la
présente au célébrant * .
Ces prières et ces cérémonies achevées, le diacre,
• Sacr. S. Greg., apud Menard, p. 154.
* Il est parlé de patènes d'or et d'argent qui pesaient vingt-cinq
et trente livres.
^ Riibnq. du Miss, paris.
T. VII. 25
386 CATÉCHISME
aux grand'messes, présente la navette au célébrant qui
bénit l'encens, et il encense d'abord le pain et le vin.
Nous l'avons dit, l'encens est un symbole de nos prières
et de l'oblation de nous-mêmes. Le prélre encense le
pain et le vin pour marquer plus sensiblement que nous
joignons à ces oblations nos vœux, nos personnes et nos
biens. C'est ce qu'expriment très-clairement les prières
que le prêtre récite pendant l'encensement des obla-
tions et de l'autel.
Dans certaines églises, c'est après l'encensemenl
qu'a lieu l'offrande du pain bénit, ainsi que les diffé-
rentes quêtes. Voici deux usages trois fois vénéra-
bles, et par leur antiquité, et par les touchants sou-
venirs qu'ils rappellent, et par les leçons qu'ils nous
donnent.
On connaîtra que vous êtes mes disciples, disait le
Sauveur, si vous vous aimez les uns les autres. Fidèles
à ce commandement, nos pères dans la foi ne formaient
qu'un cœur et qu'une âme; l'Église n'était qu'une
grande famille répandue dans toutes les parties du
monde. Mais tous ces frères qui s'aimaient sans s'être
jamais vus voulurent se donner un signe sensible de la
charité qui les unissait ; ils choisirent le plus énergique
de tous, le pain. Comme le pain est composé de plu-
sieurs grains de blé tellement mêlés qu'ils ne forment
plus qu'un seul et même tout, de même ils expri-
maient, en se l'envoyant, qu'ils étaient un entre eux; un
en quelque sorte comme les personnes divines sont un
entre elles. On donna à ce pain le nom d'eulogie, parce
DE PERSÉVÉRANCE. 387
qu'avant de l'envoyer on le bénissait. Cet usage re-
monte aux temps apostoliques*. Bien plus, on s'en-
voyait aussi l'Eucharistie ; des diacres la portaient aux
églises les plus éloignées \ Telle est l'origine du pain
bénit.
Il a donc été d'abord en usage pour marquer et en-
tretenir l'union entre les Chrétiens éloignés les uns des
autres; il l'a été ensuite pour être un signe d'union
entre tous ceux qui se trouvent ensemble à la même
messe. Le signe d'union par excellence est la sainte
Eucharistie ; mais, hélas ! tout le monde ne commu-
niant plus, l'Église a institué un autre signe qui supplée
à la réception du corps et du sang du Sauveur, afin que
les Chrétiens d'aujourd'hui puissent dire encore, quoi-
que dans un sens différent, ce que disaient les Chré-
tiens des premiers jours : Nous participons tous au
même pain \ Dites, est-il possible de trouver un moyen
plus propre à rappeler aux hommes celte grande vé-
rité, qui est la base des sociétés et la garantie du bon-
heur public, qu'ils sont tous frères, tous égaux devant
Dieu, puisqu'ils mangent tous le même pain; qu'ils
doivent tous s'aimer les uns les autres, et ne faire
qu'une grande famille ? 0 mon Dieu ! pourquoi faut-il
que voire Religion sainte soit si peu comprise et si
mal observée * !
' Paulin, Epist. 41 ad Aug.
* Id., ibid., et Euseb., lib. 3, c. 24.
* I Cor., X, 17.
* Dans le diocèse de Besançon, on ne distribue pas de pain bénit
le jour de Pàque, parce que ce jour-là, tout le monde étant censé
participer à la réalité, la figure devient inutile.
388 CATÉCHISME
Ce qui précède nous fait comprendre dans quels sen-
timents de respect, de joie, de charité et de confiance il
faut être pour recevoir le pain bénit. 1^ Nous devons le
respecter; les Pères de l'Église avertissent les fidèles
de porter le plus grand respect à ces dons, parce qu'ils
ont reçu la bénédiction des prêtres, et de ne pas per-
mettre que la moindre parcelle en soit foulée aux pieds,
même par une négligence involontaire ; 2° nous devons
le recevoir avec des sentiments de joie et de charité.
N'est-il pas bien doux pour des frères de se trouver
ensemble à la table de leur père commun, d'y man-
ger le même pain, sans distinction de riches ou de
pauvres, de savants ou d'ignorants? de penser que des
millions de cœurs battent à l'unisson du leur, et que
ce pain de fraternité qu'ils mangent en ce moment,
d'autres frères le mangent aussi en Asie, en Amé-
rique, en Chine, et jusque dans les îles naguère sau-
vages de rOcéanie? Cette grande leçon de charité fut-
elle jamais plus nécessaire que dans un siècle où
l'égoïsme tend à dessécher toutes les âmes, et où le
luxe a mis une énorme disproportion entre les hommes?
3° Nous devons le manger avec une sainte confiance ;
nous devons à la bénédiction qui sanctifie ce pain fra-
ternel une juste confiance, qui nous persuade que ce
pain, béni pour nous, peut éloigner de nos corps, et
plus encore de nos cœurs, tout ce qui pourrait en trou-
bler l'harmonie, et qu'il produira en nous cet effet.
L'Eglise met cette pratique et toutes les bénédictions
OË PERSÉVÉRANCE. 389
du même genre au nombre de celles que les théolo-
giens nomment sacramentales \
Bien différents de ceux que Notre Seigneur a institués,
ces rites n'opèrent point par leur propre vertu, mais ils
opèrent en vertu des mérites de Jésus-Christ, joints aux
dispositions qu'on y apporte; ils ne remettent pas les
péchés par leur nature, mais ils obtiennent des grâces
de sanclification et de persévérance pour les justes, des
grâces de conversion pour les. pécheurs qui mangent ce
pain avec un cœur contrit et humilié. C'est pour ainsi
dire une seconde communion, infiniment moins pré-
cieuse et moins redoutable que la participation au pain
de vie; mais qui la supplée en quelque sorte dans ceux
qui ne sont pas préparés suffisamment, qui les y dispose
et qui leur en fait naître le désir *,
Avec le pain bénit oh offre un cierge et une pièce de
monnaie. Cet usage nous reporte à la plus haute anti-
quité, où les fidèles offraient eux-mêmes tout ce qui
était nécessaire au sacrifice et à la subsistance des mi-
nistres sacrés : le pain, le luminaire et les aumônes.
Dans beaucoup d'églises, la distribution du pain bénit
est suivie de la quête. Rien ne nous semble plus naturel
et plus touchant que cet usage. En effet, les doctrines
et les cérémonies de l'Eglise doivent toutes se traduire
en bonnes œuvres ; car la charité est essentiellement ac-
tive. Les enfants de la grande famille viennent de man-
ger le pain de la fraternité. L'Eglise veut qu'ils donnent
* Sacraineotalia-
'^ Foy. Cochin, Sacrifice de In messe, 220.
390 CATléCHISME
des marques réelles, efficaces de celte charité qui les
unit. Elle se présente donc à eux, implorant leur com-
passion pour ceux de leurs frères qui sont dans le be-
soin. Ce sont des orphelins qu'il faut soutenir; des
pauvres honteux qu'il faut loger et entretenir; des
vieillards infirmes à qui il faut procurer les soulage-
ments que réclament leur âge et leurs souffrances;
des malades, des mourants, des morts même, car les
morts aussi sont nos frères, à qui des secours tem-
porels ou spirituels sont nécessaires ; enfin c'est Jésus-
Christ lui-même qui demande pour son autel, qui n'est
pas décoré avec toute la décence convenable ; pour son
temple, dont la nudité et la pauvreté excitent la com-
passion des pauvres eux-mêmes.
Ces motifs de nos quêtes existaient déjà il y a dix-
huit siècles, et le monde vit le grand Apôtre parcourant
les vastes provinces de la Grèce et de l'Asie, faisant
dans les assemblées des fidèles des quêtes pour leurs
pauvres frères de Jérusalem. Il établit, dit saint Chry-
sostôme, qu'elles auraient lieu le dimanche. En con-
séquence, le jour du soleil, c'est-à-dire le dimanche,
« chacun de nous, disent Tertullien et saint Justin, ap-
porte à l'assemblée sa modique offrande, selon ses
moyens : personne n'est taxé ; c'est comme un trésor
de piété que nous employons au soulagement des pau-
vres, des infirmés, des orphelins, des exilés, de ceux
qui sont condamnés aux mines pour la cause de la foi. »
Demanderez-vous pourquoi saint Paul établit que les
quêtes et les aumônes se fissent principalement le di-
DE PERSÉVÉRANCE. ^iSlf
manche? Saint Chrysostôme va vous répondre : « C'est
parce que le dimanche est le jour où l'enfer a été vain-
cu, le péché détruit, les hommes réconciliés avec Dieu,
notre race rendue ù son antique gloire ; que dis-je ? à une
gloire plus grande, où le soleil éclaire l'étonnant miracle
de l'homme devenu tout h coup immortel. Paul, voulant
toucher notre cœur, a choisi ce jour pour solliciter no-
tre charité, en nous disant : Songe, 6 homme ! de quels
maux tu as été délivré, de quels biens tu as été comblé
dans ce jour. Si donc nous célébrons l'anniversaire de
notre naissance par des repas et des présents que nous
donnons à nos amis, combien plus devons-nous honorer
par nos libéralités ce jour qu'on peut appeler sans
crainte le jour de la renaissance de tout le genre hu-
main ' ? »
Le même Père exhorte ensuite tous les fidèles à mettre
de côté quelque chose tous les dimanches pour les pau-
vres; car saint Paul n'excepte personne quand il dit que
chacun, unusquisque, mette à part quelque aumône. Les
pauvres ne sont pas exemptés, puisqu'ils ne sont pas si
pauvres que la veuve de l'Evangile, qui n'avait que les
deux moindres pièces de monnaie et qui les donna.
L'éloquent patriarche donne ensuite la raison pour
laquelle l'Eglise permet que les pauvres mendient à la
porte de ses temples : « C'est afin, dit-il, que chacun
puisse purifier ses mains et sa conscience par l'aumône
* si nos natalitia celebramus, etc.; quanto magis Dobis dies iste
observandus, quum siquis natalitium totius oaturae humante ^p-
pellet, non errabit. Serm, 22.
392 CATÉCHISME
avant d'y entrer. Sans doute il est saint l'usage qui
établit des fontaines devant les portes des églises et des
oratoires, afin qu'on puisse se laver les mains avant d'y
entrer et de prier, mais plus saint encore et plus néces-
saire est l'usage qui place les pauvres à la porte de nos
temples pour laver les taches et les souillures de notre
âme avant de nous présenter devant la majesté du Dieu
trois fois saint : or, nos pères ont établi les pauvres à
la porte de nos églises, comme des fontaines de purifi-
calion; car l'aumône est bien plus puissante pour puri-
fier nos âmes que l'eau elle-même pour purifier nos
mains '. »
Gardez-vous donc bien d'abolir les quêtes de nos
grand'messes! vous effaceriez un des plus précieux ves-
liges de notre sainte antiquité. Que les Protestants, qui
ne tiennent à rien dans le passé, et dont les doctrines
divisent au lieu d'unir, aient supprimé les quêtes dans
leurs prêches, on le conçoit ; mais l'Eglise catholique les
conservera tant qu'elle sera la fidèle héritière du passé,
tant qu'elle portera dans son cœur un amour de mère,
tant qu'elle saura que c'est par des œuvres et non
par de vaines paroles que la charil'"' doit se produire.
El puis, quelle préparation meilleure au sacrifice et à
\a sainle communion que cette aumône faite pour l'a-
mour du Dieu qui va se donner à nous, et en présence
des fidèles pour les édifier ?
Revenons maintenant à l'autel. Voici le prêtre qui re-
tourne du côté de l'épître el qui se lave les doigts. Celte
S<?nn. 25.
1>E PERSÉVÉRANCE. 393
cérémonie, de la plus haute antiquité, est fondée sur
deux raisons, l'une naturelle et l'autre mystérieuse. La
raison naturelle, c'est que les deux cérémonies qui pré-
cèdent, savoir : la réception des offrandes des fidèles,
comme cela se pratiquait dans les siècles passés, et l'en-
censement, qui se pratique encore aujourd'ui, peuvent
salir les mains, et demander que le prêtre les lave par
une raison naturelle et de bienséance ; la raison mysté-
rieuse, c'est d'apprendre aux prêtres et aux fidèles qu'ils
doivent, pour offrir le sacrifice, se purifier des moindres
taches. « Vous avez vu, dit saint Cyrille de Jérusalem,
qu'un diacre donne à laver les mains au prêtre qui offi-
cie et aux autres prêtres qui sont autour de l'autel. Pen-
sez-vous que ce soit pour nettoyer le corps? nullement ;
car nous n'avons pas coutume, quand nous entrons dans
l'église, d'être en tel état que nous ayons besoin de nous
laver pour nous rendre nets. Mais ce lavement des mains
nous rappelle que nous devons être purs de tous nos pé-
chés, parce que nos mains signifient les actions; laver
nos mains n'est autre chose que pu|:ifier nos œuvres *. »
Conformément à cette pensée, la rubrique ne prescrit
aux prêtres que l'ablution de l'extrémité des doigts.
Cette ablution, dit saint Denis, ne se fait pas pour
effacer les souillures du corps, elles ont été déjà la-
vées, mais pour marquer que l'âme doit se purifier des
moindres taches ; c'est pour ce sujet que le prêtre se
lave seulement l'extrémité des doigts et non pas les
mains ^.
' Catéch. M) st., 5.
*DyoDi8., lie EccL Hier., c. 53.
394 CATÉCHISME
En se lavant les mains, le prêtre dit le psaume
Lavabo, qui convient si parfaitement à cette action, que,
dès les premiers siècles, on le récitait déjà dans la
même circonstance*. Ce spectacle ne dira-t-il rien aux
fidèles? Eux aussi ne doivent-ils pas être purs pour as-
sister aux redoutables mystères ? Qu'ils répètent donc
alors dans toute la sincérité de leur cœur : Lavez-moi,
Seigneur, de plus en plus de toutes mes iniquités, pu-
rifiez les pensées de mon esprit et les désirs de mon
cœur, afin que je puisse m'unir aux dispositions du
prêtre et participer à la grâce et aux fruits du sacrifice.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de me rappeler par l'olTrande du pain bénit que nous
sommes tous frères ; faites-nous la grâce de nous ai-
mer les uns les autres comme les enfants d'une même
famille.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je
donnerai à la quête le dimanche toutes les fois que je
le pourrai.
> Liturg. de S. Chrys. Euchol. Grœc, p. 60.
DE PERSÉVÉRANCE. 89^
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Troisième partie de la nusse (Suite).
Q. Que fait le prôtre après avoir récité l'offertoire?
R. Après avoir récité l'offertoire le prêtre découvre
le calice. Le calice est couvert par respect pour la
consécration. Cet usage remonte à la plus haute anti-
quité. Il étend ensuite le corporal. Le corporal est un
linge carré, destiné à recevoir le corps de Notre-Sei-
gneur. Le corporal doit être de lin, parce que le linceul
dont le Sauveur fut enveloppé était aussi de lin. Il ôte
la palle. Le mot palle veut dire couverture ou manteau.
Autrefois le corporal était plus long et plus large qu'au-
jourd'hui; on s'en servait pour recouvrir le calice. On
le partagea ensuite. On mit un carton entre la partie
du corporal destinée à couvrir le calice, afin de pou-
voir l'ôter et la remettre plus aisément. De là est venue
la palle. Le prêtre prend ensuite la patène, sur laquelle
repose l'hostie ; il lève les yeux au ciel et offre à Dieu
le pain qui doit être changé au corps de Notre-Seigneur.
Q. Pour qui l'offre-t-il ?
R. Il l'ofifre pour lui, pour les assistants et pour tous
les fidèles vivants ou morts. Il prend ensuite le calice
dans lequel il verse du vin et un peu d'eau. On met un
peu d'eau dans le calice pour représenter l'union du
peuple fidèle avec Notre-Seigneur. En bénissant l'eau
le prêtre fait une prière par laquelle il demande que
396 CATÉCHISME
nous devenions participants de la divinité de Jésus-
Christ, comme lui-même est devenu parlicipant de
notre humanité. 11 offre ensuite le calice pour le monde
entier; puis il s'humilie devant Dieu et conjure le Saint-
Esprit de venir consumer ces offrandes en les changeant
au corps et au sang de Jésus-Christ. Aux grandes messes,
on encense le pain et le vin offerts sur l'autel, par res-
pect pour ces dons consacrés, et pour rappeler aux
fidèles que leurs cœurs et leurs prières doivent monter
vers Dieu et devenir avec les oblations un sacrifice d'a-
gréable odeur.
Q. Qu'est-ce que le pain bénit?
R. Le pain bénit est une marque de la charité et de
l'union qui doit régner entre tous les Chrétiens. Au-
trefois les différentes Eglises s'envoyaient la sainte Eu-
charistie, pour marquer qu'elles étaient unies entre
elles. On envoya plus tard du pain bénit appelé eulo-
gie. Nous devons prendre le pain bénit avec respect,
avec joie, avec confiance, en esprit de charité et avec le
désir de la communion dont il est la figure.
Q. Quelle est l'origine et la raison de la quête qu'on
fait à la messe?
R. L'origine de la quête qu'on fait à la messe est
aussi ancienne que le Christianisme. On fait la quête
pour marquer que la charité des Chrétiens n'est pas
seulement en paroles, mais en bonnes œuvres.On donne
à Jésus-Christ dans la personne des pauvres; on lui
donne aussi pour les ornements de son temple. La
quête est donc une bonne œuvre et un bon exemple.
DE PERSÉVÉRANCE. 397
Q. Pourquoi le prcHre se lave-t-il les doigts après
l'offerloire ?
B. Après l'offertoire, le prêtre se lave les doigts :
1° parce que la réception des offrandes des fidèles
qui avaient lieu autrefois et l'encensement peuvent
salir les doigts; 2^ parce qu'il doit être purifié des
moindres taches pour offrir le saint sacrifice. Il récite
en se lavant un psaume, bien propre à former en lui
ces dispositions d'humilité et de sainteté. Nous de-
vons demander nous - mêmes à Dieu qu'il nous pu-
rifie de plus en plus, afin de participer aux fruits du
sacrifice.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de me rappeler par l'offrande du pain bénit que nous
sommes tous frères; faites-nous la grâce de nous ai-
mer les uns les autres comme les enfants d'une même
famille.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je
donnerai à la quvle le dimanche toutes les fois que je
le pourrai.
398 CATÉCHISME
XX^ LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Troisième partie de la messe (Suite).— Ora/e fratres. — Quatrième
partie de la messe.— Préface. — Sanctus. — Canon. — Dyptiques.
Après que le prêtre, au nom de l'Eglise, a offert le
pain et le vin, et que lui et les fidèles se sont offerts eux-
mêmes pour reconnaître le souverain domaine de Dieu,
et pour l'expiation de leurs péchés, il revient au milieu
de l'autel, s'incline un peu, présente à la sainte Tri-
nité cette oblation, et lui exprime le but qu'il se pro-
pose en la lui offrant ; c'est en mémoire des mystères
de Jésus-Christ et en l'honneur des Saints ; c'est-à-dire
pour remercier Dieu des faveurs dont il les a comblés et
pour mériter leur protection. Pour cela, il dit la prière
suivante : « Recevez, Trinité sainte, cette oblation que
nous vous offrons en mémoire de la Passion, de la Ré-
surrection et de l'Ascension de Jésus- Christ notre Sei-
gneur, et en l'honneur de la bienheureuse 3Iarie, tou-
jours vierge, de saint Jean-Baptiste, des apôtres saint
Pierre et saint Paul, de ceux-ci* et de tous les Saints,
afin qu'elle serve à leur honneur et à notre salut, et
' Des saints dont on fait la fête : tel était autrefois le sens de
ces paroles. Aujourd'hui elles signifient : De ceux dont les reliques
sont ici.
DE PERSÉVÉRANCE. 399
que ceuï dont nous faisons mémoire sur la terre dai-
gnent intercéder pour nous dans le ciel. Par Jésus-
Christ notre Seigneur, ainsi soit-il. >
Celle antique prière * renferme toutes les personnes
qui ont droit au sacrifice, quoique d'une manière bien
différente : Dieu à qui le sacrifice est offert; Jésus-Christ
qui en est la victime, non simplement offerte à Dieu,
mais offerte en mémoire de sa propre Passion, de sa
Résurrection et de son Ascension, par conséquent
comme élevée devant le trône de Dieu pour être tou-
jours présente devant sa face, et y plaider notre cause ;
l'Eglise du ciel et de la terre qui s'unissent pour par-
ticiper à ce sacrifice catholique. L'Eglise militante y
communie sacramentellement et en reçoit de nou-
veaux fruits de vie. L'Eglise triomphante y communie
aussi, mais d'une manière invisible, et c'est par cette
communion continuelle que la vie glorieuse de Jésus-
Christ est communiquée aux Saints dans le ciel ^.
En récitant celte prière, le prêtre tient les mains
joinles sur l'autel et la tête inclinée ; il exprime par là
(ïu'il se reconnaît indigne d'offrir le grand sacrifice à la
lûajesté suprême, et combien il faut être innocent pour
se présenter devant Dieu de la part du genre humain.
Enfin il baise l'autel, figure de Jésus-Christ, pour y
puiser les dispositions saintes dont il sent de plus en
plus la nécessité. Afin de les communiquer aux fidèles,
' Bona, lib. 2, c. 9.
» Le P. de Goudren, Idée du Sacerdoce, etc.
4Ô0 CATJ^CHISME
il se retourne vers eux et leur dit en ouvrant les bras de
sa charité : Priez, mes frères, afin que mon sacrifice,
qui est aussi le vôtre, soit reçu favorablement de Dieu,
le Père tout-puissant.
Le prêtre dit d'un ton un peu élevé : Priez, mes frères,
afin d'être entendu, au moins de ceux qui sont autour
de l'autel, puisque son invitation s'adresse aux assis-
tants. Le plus ancien motif de cette exhortation est
venu de l'otfrande du peuple qui durait longtemps, et
qui pouvait causer des distractions ' ; mais le principal
motif est que, plus le moment du sacrifice approche,
plus aussi la prière et le recueillement sont nécessaires.
Le prêtre, jusqu'à ce moment confondu avec le peuple,
a en quelque sorte conversé avec lui, par les différents
souhaits qu'il a formés en sa faveur, par les diverses in-
structions qu'il lui a données, par les prières mêmes
qu'il a faites en son nom. Voici qu'il va quitter les
fidèles pour s'enfoncer dans le secret du sanctuaire ;
nouveau Moïse, il va monter sur la redoutable monta-
gne pour s'y entretenir avec Dieu. Mais il n'oublie pas,
avant de faire cette grande démarche, qu'il y porte les
faiblesses inséparables de l'humanité, et qu'il a besoin,
dans cette occasion redoutable, d'être aidé par les priè-
res du peuple, et il dit : Priez, mes frères : Orate, fratres;
priez pour moi, comme le disaient les prêtres il y a plus
de huit cents ans% dans cette circonstance de la messe ;
priez pour moi, pauvre pécheur, comme le disent en-
' Steph. Eduens. episc, de Sacr. altar., c. 12.
• Miss. Illvric.
DE PERSKVÉRANCE. 401
core les Chartreux, qui ont retenu cet ancien usage *.
Par cette prière, le prêtre prend congé du peuple qu'il
ne verra plus jusqu'à ce qu'il ait consommé le sacri-
fice. Durant tout ce temps, il ne se tournera plus vers
lui, pas même lorsqu'il dira : Domimis vobiscum, bien
que ce soit une salutation qui se fait toujours en regar-
dant les personnes qu'on salue. Tout occupé du grand
mystère qui va s'opérer, et dévotement tourné vers l'au-
tel, comme s'il était renfermé dans le Saint des saints,
bien éloigné du peuple, il ne terminera ses prières
secrètes qu'en criant fort haut, pour exhorter les fidèles
à tenir leur âme élevée à Dieu.
A VOratefiatres, le prêtre, se tournant vers les fidèles,
leur dit : Mes frères. Ce mol touchant date de dix-huit
siècles ; il a retenti dans les Catacombes ; il a été pro-
noncé par des peuples de saints : c'était le nom que se don-
naient nos pères dan&la foi. Et quand les Païens étonnés
leur demandaient : « Comment étes-vous tous frères? » ils
répondaient : « Parce que nous sommes tous nés d'un
même père, qui est Jésus-Christ, et d'une même mère,
qui est l'Eglise -. » Oh ! que ce nom devient touchant
dans celte circonstance où le prêtre le prononce : Mes
frères, unis par les liens du sang, soyons-le par le lien
de la charité ; ne nous séparons pas dans ce moment,
où il s'agit de notre cause commune ; nous allons tous
nous asseoir h la même table, rompre le même pain; et
Oïdin. Cartu.<si<tn., o. 2G, n. 21.
Lucie cstis, o;nnos fratrcs? De uiio p^tre,' Christo; 'de iiiia
'7 atrc, Ecriesia. Araob., in l'sttl. 133.
1. VU. 2(i
402 CATECHISME
ce pain enireliendra en nous une même vie ; le même
sang divin coulera dans nos veines, et deviendra pour
nous le gage du même héritage : Mes frères !!
Il dit mon sacrifice, qui est aussi le vôtre. Il est le
mien, j'en suis le ministre. Il est offert pour moi, la vic-
time m'appartient. Il est aussi le vôtre, vous l'offrirez
vous-mêmes par mes mains : la victime est à vous.
Il ajoute : Afin qu'il soit favorablement reçu. Mais
quoi ! peut-elle être rejetée, cette oblalion du sang d'un
Dieu, du Fils unique du Père ? non ; mais j'ai une autre
victime à offrir avec celle-là, c'est vous, c'est moi, et le
Dieu trois fois saint peut trouver des taches dans cette
seconde victime ; il peut voir dans nos mains des injus-
tices, dans nos cœurs des désirs criminels, dans nos con-
sciences des souillures. C'est pour vous engager à de
nouveaux sentiments de douleur et de gémissement sur
nos péchés communs, que je vous renouvelle l'avertis-
sement de prier : Orate, fratres.
A une invitation si juste et si utile, le peuple répond :
Oui, nous prierons afin que le Seigneur reçoive de vos
mains le sacrifice pour l'Iionneur et la gloire de son
nom, pour ndîre utilité et pour celle de toute l'Eglise.
Dans cette belle prière est une leçon de charité mu-
tuelle. Elle nous rappelle que nous sommes tous les en-
fants d'une même famille. C'est à Dieu, notre Père
commun, que le sacrifice va être présenté ; c'est Jésus-
Christ, notre frère, qui va s'offrir; c'est par les mains
d'un ministre choisi d'entre nous, qu'il va être offert;
c'est pour la sanctification de tous que s'est consommé
DE PERSÉVÉRANCE. 403
le grand mystère qui va se renouveler sous nos yeux.
Si nous voulons que nos prières soient accueillies, gar-
dons-nous de mettre à nos vœux ni restriction ni ré-
serve.
Le prêtre répond : Amen : Qu'il soit ainsi ! Et il récite
l'oraison appelée Secrète. EWe porte ce nom parce qu'elle
se dit à voix basse. Voilà donc le prêtre entré dans le
secret du sanctuaire, pour y traiter seul à seul avec
Dieu. Et que fait le nouveau Moïse dans ce mystérieux
entretien? Il demande au Seigneur que les oblations
des fidèles lui soient agréables et leur obtiennent toutes
les grâces que son infinie sagesse connaît leur être né-
cessaires. Pour s'unir au prêtre dans ce moment, les
assistants doivent demander à Dieu qu'il daigne les
purifier, les sanctifier, afin qu'ils soient dignes de lui
être présentés comme une hostie sainte, vivante et d'a-
gréable odeur. Cette disposition est d'autant plus im-
portante, que l'instant de la consécration approche.
Voici la quatrième partie de la messe qui commence;
elle comprend depuis la Préface jusqu'au Pater.
Le mot préface veut à\re prélude, introduction, ac-
tion ou discours qui précède. C'est, en effet, pour précé-
der le Canon et pour y préparer, que l'Eglise fait dire la
Préface immédiatement avant de commencer les prières
qui le composent. Elle a voulu, en mettant une préface
avant l'action par excellence, imiter Jésus-Christ, qui
commence par rendre grAces à son Père avant de res-
susciter Lazare, et avant de changer le pain en son
corps, et e vin en son sang.
404 CATÉCHISME
La Préface est un chant de triomphe et de gloire;
c'est une invitation à élever son cœur vers Dieu et à
s'unir aux hiérarchies des Anges pour le louer et le
bénir. Elle est de toute antiquité dans l'Eglise, et vient
probablement des Apôtres '. Saint Cyprien exprime clai-
rement le motif qui l'a fait instituer : « Le prêtre, avant
de commencer la prière ( le Canon est la prière par
excellence), prépare l'esprit des frères par cette préface,
Sur-sum corda, en haut les cœurs, afin que le peuple
soit averti par sa propre réponse : Habemus ad Domi-
mun : Nous les tenons élevés vers le Seigneur, de l'obli-
gation où il est de ne s'occuper que de Dieu seul -. »
On compte généralement onze préfaces qui remontent
à une plus ou moins haute antiquité : la préface com-
mune pour tous les jours qui n'en ont pas de propre ;
celle de Noël, de l'Epiphanie, du Carême, de Pâque,
de l'Ascension, de In Pentecôte, de la Trinité, des Apô-
tres, de la Croix et de la sainte Vierge. Les églises par-
ticulières en ont ajouté quelques autres, d'une date
moins ancienne '.
Le prêtre a quitté le peuple; il a pris congé de lui
en lui faisant de solennels adieux et se recommandant
à ses prières. Nouveau Moïse, il est entré dans le sanc-
tuaire pour n'en plus sortir que le grand mystère de
notre rédemption ne soit consommé. Pour marquer
d'une manière sensible cette séparation mystérieuse,
• s Augustin, Epist. ad Januar, c, 54.
• De Or.it. Domini.
" C- su; . t. i.
DE PERSÉVÉRANCK. 405
on tirait aulrefois des rideaux avant la Préface, et on
fermait les portes qui séparaient le sanctuaire du reste
de l'église ' ; on ne les rouvrait qu'au moment de la
communion.
C'est du fond de celte solitude redoutable que le
prêtre, après avoir appelé la bénédiction de Dieu sur les
offrandes des fidèles, élève tout à coup la voix pour
entonner l'hymne de l'éternité : Per omnia, secula
seculorum iDans tous les siècles des siècles. Gomme s'il
disait : Le Seigneur accepte vos dons, il agrée le sacri-
fice, le sacrifice qui va devenir pour vous une source
de bénédictions; comment m'aurait-il refusé? je l'ai
prié au nom de son Fils adorable, qu'il exauce toujours,
et qui vit et règne avec lui dans tous les siècles des
siècles. Le peuple, partageant la joie du prêtre, s'em-
presse de répondre : Amen, qu^il soit ainsi. Nous con-
sentons à l'oblatioii que vous venez de présenter, et
dont nous sommes les victimes; nous sommes heu-
reux que le Seigneur daigne l'agréer : Amen, qu'il soit
ainsi. Et les voûtes du temple retentissent de celte pro-
testation solennelle, et les échos de la Jérusalem d'en
haut la redisent aux Anges attendris. Ici commence
entre le prêtre et les fidèles un dialogue à la beauté
duquel ajoute encore le chant inimitable qui l'accom-
pagne^.
Que le Seigneur soit avec vous, dit le prêtre du fond
' Liturg. de S. Jacques, de S. Hasile et de 6'. Chry.sost.
'^ Concilior, t. 4.
CATECUISME
du sanctuaire; préparez-vous, de grandes choses vont
s'accomplir.
Qu'il soit aussi avec votre esprit, répond le peuple :
plus que jamais son assistance vous est nécessaire.
En haut les cœurs, dit le prêtre. 0 Dieu! quand on
pense que cette admirable invitation est sortie mille
fois de la bouche des Chrysostôme, des Ambroise, des
Basile, des Augustin, et qu'elle a retenti aux oreilles de
millions de Saints et de Martyrs; quand on pense aux
impressions qu'elle a produites sur celte multitude de
cœurs, avec quel respect profond ne devons-nous pas
l'écouter, avec quelle ferveur ne devons-nous pas ré-
pondre !
Nous les tenons élevés vers le Seigneur. Cela est-il
vrai? nos cœurs sont-ils bien réellement dégagés des
affections terrestres? Dans ce moment solennel avons-
nous oublié, et nos plaisirs, et nos affaires, et les baga-
telles qui nous amusent? Le ciel qui va s'ouvrir, la vic-
time qui va descendre sont-ils tout pour nous? Hélas!
que dis-je? sont-ils quelque chose pour nous? L'Église
le désire, le prêtre aime à le croire, c'est pourquoi il
ajoute :
Rendons grâces au Seigneur notre Dieu, et pour celte
heureuse disposition, et pour les bienfaits dont il nous
a comblés jusqu'à présent, et pour les faveurs signalées
qu'il s'apprête à nous accorder encore. Et les fidèles,
dans un transport de reconnaissance et d'amour, répon-
dent par acclamation :
Il est juste et raisonnable.
DE PEKSÉVÉRANCE. ^&1
Assuré des dispositions des assistants, dont il vient
en quelque sorte de recueillir les suffrages, le prêtre se
trouve chargé de tous les vœux ; il devient l'interprète
de tous les cœurs, et, répétant la réponse du peuple, il
la porte aux pieds du trône de Dieu. Aux motifs de
justice qui nous engagent à rendre grâces à Dieu, il
ajoute des motifs d'intérêt : Rendre grâces au Seigneur,
dit-il, estime chose vraiment digne et juste, équitable
et salutaire en tout temps et en tout lieu; et pour le
prouver le prêtre rappelle la sainteté, la puissance, la
bonté infinie de Dieu: Pater omnipotens,œterne Deus.
Dans chaque fête il signale quelques-uns de ses bien-
faits analogues à la circonstance, puis il ajoute l'éter-
nelle et sublime conclusion de toutes les prières catho-
liques : Per Jesum Christum. Toutes ces actions de
grâces nous les rendons par Jésus-Christ. Médiateur
entre la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste.
Dieu par nature, homme par obéissance, roi du ciel,
Seigneur du genre humain, Dominum nostrum, c'est
lui qui a délié notre langue pour la mettre en état de
louer Dieu, c'est lui qui associe notre voix à la voix des
esprits bienheureux; et c'est par lui que toute la milice
céleste rend à Dieu des hommages proportionnés au
rang que lui a marqué l'Éternel : Per quem majesta*
tem tuam. Alors, ô moment solennel ! des cantiques
des Anges et des cantiques des hommes il se forme un
seul cantique, une seule voix qui redit et qui redira
éternellement: Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu
des armées : Sanctus, sanclus, etc.
408 CATÉCHISME
Le Sanclus est une hymne que la terre doit au ciel.
Isaïe, ravi en esprit, l'entendit chanter alternativement
par les Séraphins, et saint Jean dit que les Saints en
feront retentir éternellement la Jérusalem céleste'. Le
Sanctus est donc un de ces refrains sublimes que l'Eglise
triomphante a envoyés à sa sœur, l'Église militante,
pour qu'elle apprenne à le bégayer dans l'exil, et qu'en
le bégayant elle se consohH dans l'espérance de le chan-
ter un jour. Le Sanclus se trouve dans les plus anciennes
Liturgies ^
En disant le Sanctus le prêtre baisse le ton, et parce
que cette variété soulage celui qui récite, et parce qu'elle
réveille l'attention ; il le prononce néanmoins d'une voix
intelligible, parce que le peuple a toujours été invité
à dire ce cantique ^ ; de là vient qu'aux grand'messes il
est encore répété par le chœur. Pour marquer un plus
profond respect en récitant le Sanctus^ le prêtre joint
les mains et se tient incliné. On sonne une clochette
pour avertir les assistants que le prêtre va entrer dans
la grande prière du Canon qui doit opérer la consécra-
tion du corps de Jésus-Christ.
Le Sanctus se termine par ces paroles : Hosanna in
exceîsis : Sauvez-7wus, je vous prie, vous qui habitez
les hauteurs des deux. Hosanna, cri de joie, acclamation
pleine d'énergie, est un mol hébreu comme amen et
alléluia, que l'Église a consacré sans le traduire.
* Apoc, IV, 8.
* Liturg. de S. Jacques. S. Cyril., Catéch., myst. 5.
* S. Greg. Nyss,, Orat de non diff. Baptism.
DE PERSÉVÉRANCE. 409
En disant ces derniers mois, le prêtre se redresse et
fait sur lui le signe de la croix, parce que c'est par la
vertu de la croix que nous avons part aux bénédictions
que Jésus-Christ est venu répandre sur la terre. Suit
immédiatement le Canon,
Le mot canon veut dire règle. Ce nom a été donné
à la prière de la messe qui commence par ces mots :
Te igitw\ et qui s'étend jusqu'au Pater, parce qu'elle
renferme toutes les prières prescrites par l'Église pour
offrir le saint sacrifice , et qu'on ne doit jamais
changer.
Les prières du Canon sont de toute antiquité ', el le
concile de Trente dit avec raison qu'elles sont composées
des paroles mêmes de Notre-Seiyneur, des traditions
des Apôtreset des pieuses institutions des saints papes '^.
Les Pères appellent aussi le Canon la prière, c'est-à-
dire la prière par excellence, parce qu'on y demande le
plus grand de tous les dons, qui est Jésus-Christ ; Vac-
ttOH,c'est-ci-dire l'action par excellence, parce que c'est
dans cette partie de la messe que s'accomplit la plus
sublime action qui se puisse concevoir '-\ L'action par
excellence, c'est le sacrifice; aussi, dans les langues
anciennes, agir et sacrifier, action et sacrifice s'expri-
ment par le même mot.
Le Canon est, dans le corps des prières catholiques,
' Vigil. papa, Epist. ad prœfect. Jirucar. Cypr., de Ornt, dont.
lODOC. I, Epist ad Décent.
■ Sess. 22, c. 18 et c. 4.
* Strab., de Reb. eccl., c. 22.
410 CATÉCHISME
ce qu'il y a de plus excellent et de pins ancien : on ne
peut citer un temps dans l'Eglise où le saint sacrifice se
soit offert avec d'autres prières. Dès lors quelle vénéra-
tion n'exigent pas dans la foi des paroles que nos pères
ont prononcées avant nous ! des prières dont ils faisaient
leur unique consolation, et qui, pendant les persécu-
tions, attiraient sur eux la force et le courage néces-
saires pour résister aux tyrans, subir los tortures et
répandre leur sang pour la religion.
Lors donc que le prêtre a fini le Sanctus, il élève les
yeux et les mains au ciel. C'est pour imiter le Sauveur,
qui, avant d'opérer ses miracles, s'adressait au Père
qui règne dans les cieux. Mais bientôt il baisse les yeux,
joint les mains, et s'incline pour prendre la posture d'un
suppliante Ensuite il baise l'autel qui représente Jésus-
Christ, pour lui exprimer son amour et son respect, et
lui demander qu'il donne à sa prière d'être puissante
sur le cœur de Dieu, et il dit : « Nous vous supplions
donc. Père très-clément, et nous vous conjurons, par
notre Seigneur Jésus -Christ votre Fils, d'avoir pour
agréables et de bénir ces dons, ces offrandes, ces sacri-
fices saints et sans tache que nous offrons premièrement
pour votre sainte Eglise catholique, afin qu'il vous plaise
de lui donner la paix, de la conserver, de la maintenir
dans l'union, et de la gouverner par toute la terre, et
avec elle votre serviteur notre pape N. , et notre évê-
que N., ei noire roi N., et tous ceux dont la créance est
orthodoxe , et qui font profession de la foi catholique
et apostolique. »
DE PERSÉVÉRANCE. tll
Ces mois, nous vous supplions donc, marquent dis-
tinctement que cette prière est la suite des précédentes.
Les fidèles ont déclaré dans la Préface qu'ils tenaient
leurs cœurs en haut, qu'ils unissaient leurs volontés et
leurs voix aux Anges et aux Saints pour rendre gloire
â Dieu, et le prêtre conclut qu'il est temps de deman-
der au Seigneur la bénédiction et la consécration du
sacrifice.
Eh disant ces dons, ces offrandes, ces sacrifices
saints et sans tache, le prêtre fait trois fois le signe de
la croix sur le calice et sur l'hostie, pour montrer que
c'est par les mérites de la croix de Jésus-Christ qu'il
demande à Dieu de bénir le pain et le vin, et de le chan-
ger au corps et au sang du Sauveur, comme des dons qui
viennent de lui, comme des présents que nous lui offrons,
comme la matière du sacrifice pur et sans tache qui va
lui être fait.
Pendant le reste de cette prière le prêtre tient les
mains étendues à la hauteur des épaules : ne vous
semble-t-il pas voir Moïse sur la montagne, Jésus-
Christ sur la croix, nos pères dans les catacombes?
c'est ainsi qu'ils priaient. Ce spectacle si riche de sou-
venirs ne dira-t-il rien à notre cœur?
Dans la première prière du Canon, l'Eglise exprime
le but qu'elle se propose en offrant l'auguste sacrifice :
la paix et l'union parmi ses enfants; la conservation du
souverain pontife, centre de l'unité catholique, et repré-
sentant de Jésus-Christ sur la terre ; celle de l'évêque du
lieu, parce qu'il est établi pour conduire une partie du
412 CATÉCHISME
troupeau ; celle du roi, qui est l'évêque du dehors ; enfin
la grâce h tous ceux qui professent la foi catholique et
apostolique. Pendant cette prière, les fidèles s'unissent
aux prêtres pour demander à Dieu qu'il agrée leurs
dons, qu'il exalte sa sainte Eglise, et qu'il accorde à ses
enfants de passer une vie paisible et tranquille sous la
conduite de ceux qu'il a appelés à les gouverner'.
Après avoir rappelé la fin principale pour laquelle le
sacrifice est offert et prié pour toute l'Eglise, le prêtre
récite la seconde prière du Canon dans laquelle il
recommande à Dieu tous les assistants, et en particu-
lier ceux pour qui il va offrir la sainte victime : « Sou-
venez-vous, Seigneur, dit-il, de vos serviteurs et de vos
servantes N. N. (Ici il s'arrête pour les désigner), et de
tous ceux qui sont ici présents, dont vous connaissez la
foi et la dévotion, pour qui nous vous offrons ou qui
vous offrent ce sacrifice de louanges pour eux-mêmes,
pour tous ceux qui leur appartiennent, pour la rédemp-
tion de leurs âmes, pour l'espérance de leur salut et de
leur conservation, et qui vous rendent leurs vœux, Dieu
éternel, vivant et véritable. »
Reconnaissez-vous dans cette prière le cœur ma-
ternel de l'Eglise? Santé de l'âme et du corps, paix,
union, charité, salut éternel pour tous ses enfants :
voilà ce qu'elle demande à son divin époux ; voilà ce
qu'elle veut que nous demandions les uns pour les au-
tres. Mais ce n'est pas assez pour sa tendresse : après
avoir réuni tous ses enfants qui voyagent encore avec elle
' Lebrun, art. 11, p. 412 et suiv.
DE PERSÉVÉRANCE. 413
sur celte terre, après leur avoir dit de ne former tous
entre eux qu'un cœur et qu'une âme, après les avoir
mis en quelque sorte sous ses ailes, comme la poule y
met ses poussins, cette tendre mère nous avertit d'é-
lever nos yeux avec elle ; de contempler nos frères qui
régnent dans les cieux, qui nous tendent les bras, et les
anges qui se préparent à mettre nos prières dans leurs
encensoirs d'or, pour les présenter au Seigneur comme
un parfum d'agréable odeur.
Elle nous rappelle donc le dogme consolant de la
communion des saints qui ne fait des Chrétiens de la
terre et des Chrétiens du ciel qu'une seule famille dont
les intérêts sont communs. Mes bien-aimés, nous dit-
elle, vous que j'enfante maintenant à. lésus-Christ, vous
êtes en communion avec vos frères aînés : leurs prières
appuieront les vôtres : votre sacrifice est le leur. Et la
voilà qui se met à nous réciter le nom de quelques-uns
de ces illustres habitants des cieux : celui de Marie noire
mère et la mère de Jésus -Christ notre frère ; celui des
Apôtres et de quelques martyrs. « Etant en communion,
dit le ministre sacré, et honorant la mémoire, en pre-
mier lieu, de la glorieuse Marie, toujours vierge, mère
de Jésus-Christ, notre Dieu et notre Seigneur, et de
vos bienheureux Apôtres et Martyrs, Pierre et Paul,
André, Jacques, Jean, Thomas, Jacques, Philippe, Bar-
Ihélemi, Matthieu, Simon et Thaddée; Lin, Ciel, Clé-
ment, Xisle, Corneille, Cyprien, Laurent, Chrysogone,
Jean et Paul, Côme et Damiens, et de vos saints, aux
mérites et aux prières desquels daignez accorder qu'en
4t4 CATÉCHISME
toutes choses nous soyons munis du secours de votre
protection, par le naôrae Jésus-Christ notre Seigneur.
Amen, qu'il soit ainsi.
Pendant cette prière, le prêtre lient les mains éle-
vées, et il fait une inclination par respect, aux noms de
Jésus et de Marie.
Il semble qu'il suffisait, sans nommer un aussi grand
nombre de bienheureux, de dire : Honorant la mé-
moire de vos saints, aux mérites et aux prières des-
quels daignez accorder, etc.; mais l'Eglise a voulu
perpétuer le souvenir d'un usage précieux des premier^
sifîcles.
11 y avait autrefois dans chaque église trois cata-
logues ou dyptiques qu'on conservait avec beaucoup
de soin. Le moi dyptique veut dire tables pliées en
deux.
Sur le premier dyptique on écrivait le nom de la sainte
Vierge, des Saints, des Apôtres et surtout des Martyrs;
plus tard on y inséra aussi le nom des évêques morts en
odeur de sainteté. Quand on voulait déclarer un homme
saint, on mettait son nom sur le dyptique des saints.
De là est venu le mot canoniser, parce qu'on le récitait
pendant le Canon.
Sur le second on mettait le nom des fidèles qui vi-
vaient encore et qui étaient recommandables par leur
dignité , ou par les services qu'ils avaient rendus ^
l'Eglise ; ce catalogue renfermait les noms du pape, du
patriarche, de l'évêque, du clergé du diocèse, des rois,
des princes, des magistrats, etc.
DE PERSÉVÉRANCE. 415
Sur le troisième on inscrivait les noms des fidèles
morts dans la communion de l'Eglise.
Ces trois catalogues étaient publiquement récités à
l'église pendant le saint sacrifice de la messe par le
prêtre, ou par un diacre, ou par un sous-diacre.
De cet antique usage, nous avons conservé des ves-
tiges. Au commencement du Canon nous récitons les
noms du pape, de l'évêque, du roi, etc.; au premier
Mémento, les noms des vivants ; au second, les noms
des morts; et avant et après la consécration, les noms
des principaux saints de l'Eglise. Au prône on trouve
encore les restes de la même tradition. On y prie pour
les vivants et pour les morts, on nomme les uns et les
autres. A notre avis, rien n'est plus touchant et plus
charitable *. Voyez comme dans toute notre liturgie
respire la grande vertu du christianisme, la vertu qui
a civilisé le monde, la vertu qui fait encore la force des
Etals, le bonheur des familles et le charme de la vie, la
charité.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
des grandes leçons de ferveur et de charité que vous
me donnez dans les prières du saint sacrifice ; aidez-
moi à les bien comprendre et à les réciter comme les
premiers Chrétiens.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose et mon prochain comme moi-même pour l'amour
V f'oy. M. Thirat, p. 332; Lebrun, p. 410.
416 CATÉCHISME
(le Dieu ; el, en témoignage de cet amour, j'assisterai
à (a messe en esprit de victime.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Troisième et quatrième partie de la messe.
Q. Quelle prière fait le prêtre après le lavement des
mains?
R. Après le lavement des mains le prêtre revient au
milieu de l'autel, élève les yeux au ciel et supplie la
sainte Trinité d'agréer le sacrifice qu'il offre à sa gloire,
et pour la remercier des faveurs accordées aux saints
dont il implore la protection.
Q. Que fait-il ensuite?
R. Ensuite il baise l'autel, se tourne vers le peuple
et lui dit : Priez, mes frères. C'est pour prendre congé
des assistants, avant d'entrer dans le sanctuaire, et
commencer la grande action du sacrifice. En ce moment
on tirait autrefois des rideaux qui cachaient le prêtre
el l'autel, on ne les rouvrait qu'après la communion.
Le peuple répond en conjurant le Seigneur de recevoir
le sacrifice que le prêtre va lui offrir. Le prêtre dit en-
suite la Secrète.
Q. Qu'est-ce que la Secrète?
R. La Secrète est une prière par laquelle le prêtre
demande à Dieu qu'il veuille bénir les dons des fidèles
el les fidèles eux-mêmes, afin qu'ils lui soient un sa-
DE PERSÉVÉRANCE. 417
crifice agréable. Celle prière s'appelle Secrèle parce
que le prêtre la récite à voix basse. Ici commence la
quatrième partie de la messe qui s'étend jusqu'au Pater.
Le prêtre termine la Secrèle en élevant la voix et disant :
Dans tous les siècles des siècles : il vient de prier au
nom de Jésus-Christ fils de Dieu et notre Sauveur, qui
vit aux siècles des siècles, il en avertit les fidèles, afin
d'animer leur confiance, et les fidèles répondent Amen,
qu'il soit ainsi : nous consentons à tout ce que vous
venez de demander pour nous.
Q. Qu'est-ce que la Préface ?
R. La Préface est une introduction à la grande prière
qu'on appelle le Canon. L'Eglise nous y invite à rendre
gloire à Dieu d'avoir bien voulu agréer nos offrandes ;
pour l'en remercier dignement, nous nous réunissons à
toute la cour céleste, et nous chantons avec elle le can-
tique de l'éternité : Saint, saint, saint est le Seigneur,
le Dieu des armées : Hosanna in excelsis veut dire :
Sauvez-nous, je vous prie, vous qui êtes au plus haut
des cieux. C'est alors que nous devons tous unir nos
cœurs à ceux des Saints, afin d'être prêts à recevoir le
Sauveur quand il descendra sur l'autel.
Q. Qu'est-ce que le Canon?
R. Le mot canoji veut dire règle. Le Canon de la
messe, ce sont les prières prescrites par l'Eglise pour
offrir le saint sacrifice et qu'il n'est pas permis de
changer. Le Canon est de toute antiquité. Il se com-
pose des paroles mêmes de Noire-Seigneur, des tradi-
tions apostoliques et de quelques mots ajoutés par les
X. vu.
418 CATÉCHISME
souverains pontifes. Nous devons le réciter avec un
profond respect et une grande confiance. Dans la pre-
mière prière du Canon sont marquées les fins princi-
pales pour lesquelles le sacrifice est offert : la gloire de
Dieu, le bien de l'Eglise catholique ; dans la seconde
on nomme les personnes qui ont une part principale à
la messe, ceux pour qui on l'offre et les assistants;
dans la troisième l'Eglise nous rappelle que nous som-
mes en communion avec toute la cour céleste. Elle
nous engage à ne former tous qu'un cœur et qu'une
âme, et à mettre toute notre confiance dans l'interces-
sion des Saints. Nous devons pendant ce temps-là prier
les uns pour les autres, et nous unir plus spécialement
aux prières de la sainte Vierge et des Saints.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
des grandes leçons de ferveur et de charité que vous
me donnez dans les prières du saint sacrifice ; aidez-
moi à les bien comprendre et à les réciter comme les
premiers Chrétiens.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, j'assisterai
à la messe en esprit de victime.
o/'-\o
DE PERSÉVÉRANCr:. 419
XXI' LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Quatrième partie de la messe (suite). — Consécration. — Eléva-
tion. — Prières qui la suivent.
Dans la prière précédent l'H^ise de la terre est
entrée en communion avec l'Eglise du ciel ; les deuv
sœurs sont réunies pour offrir le grand sacrifice qui les
réjouit l'une et l'autre. Le prêtre est leur ministre ; en
leur nom il va prendre possession de la victime : le voici
qui étend les mains sur le calice et sur l'hostie. Et cette
importante cérémonie vous reporte à trois raille ans.
Vous voyez sous vos yeux Aaron et les anciens pontifes,
successeurs d' Aaron, étendant les mains sur la tête des
victimes, en prendre possession au nom de Dieu, et
exprimant par ce signe que l'animal, dont le sang allait
couler, était substitué à leur place, à la place de l'homme
coupable et digne de mort. Ainsi fait le prêtre catho-
lique.
Mais ce n'est plus sur une victime figurative qu'il
étend les mains, c'est sur la victime véritable at-
tendue pendant quarante siècles ; et, comme celles
d' Aaron, ses mains étendues disent que c'est lui
qui est coupable, lui qui doit être sacrifié à la
place de la victime innocente. Oh! dans quels senti-
420 CATÉCHISME
ments, prêtres et fidèles, ne devons -nous pas nous
unir à cette prière ! quel saint tremblement doit nous
saisir, quand nous voyons cette redoutable cérémonie et
que nous entendons ces paroles par lesquelles la sainteté
de Dieu s'empare de la victime : Les voici : Hanc
igitur, etc. ! « Nous vous prions donc, Seigneur, de re-
cevoir favorablement cette offrande de notre servitude
et de toute votre famille, d'établir nos jours dans votre
paix, de nous prései^r de la damnation éternelle et de
nous mettre au nombre de vos élus, par notre Seigneur-
Jésus-Christ. Ainsi soit-il. »
Le prêtre dit de notre servitude. Ces paroles signi-
fient les prêtres qui sont plus que les fidèles, la servi-
tude ou les serviteurs de Dieu ^
La paix en ce monde, l'exemption du péché, le salut
éternel, voilà les avantages que nous attendons du sa-
crifice et que nous exprimons |dans celte prière. De-
mandons-les avec confiance , le sang de l'auguste
victime est assez puissant pour nous les obtenir.
Le ministre sacré a pris possession de la victime ; il
retire ses mains, les joint en signe d'humilité, car il va
solliciter le plus grand des miracles. C'est par anticipa-
tion qu'il a pris possession de la victime ; car jusqu'ici
il n'y a sur l'autel que du pain et du vin, éléments du
sacrifice. Il s'agit d'obtenir leur transubstantiation au
corps et au sang de l'Homme-Dieu. Le prêtre donc,
recueillant les pensées de sa foi, s'arme du pouvoir
• LebruD, p. 441.
DE PERSÉVÉRANCE. 421
sublime dont il a été revêtu, et, s'adressant au Créateur
des mondes, il lui dit de prononcer, suivant sa promesse,
sur le pain et le vin, pour les changer au corps et au
sang de Jésus-Christ, le fiât tout-puissant qui fit jaillir
la lumière et qui créa l'univers : « Nous vous prions
donc, ô Dieu, lui dit-il, qu'il vous plaise de faire que
celte oblation soit en toutes choses bénie, admise, rati-
fiée, raisonnable et agréable, afin qu'elle devienne pour
nous (fiât) le corps et le sang de votre très-cher fils
notre Seigneur Jésus-Christ. »
Cette prière renferme un sens profond qu'il faut
expliquer. Nous demandons que cette oblation soit
bénie en toutes choses, c'est-à-dire entièrement, par-
faitement bénie ; en d'autres termes, changée au corps
et au sang du Sauveur, ce qui est la bénédiction par
excellence; et qu'ainsi la divine victime, la victime es-
sentiellement bénite, nous communique toutes ses bé-
nédictions. L'Eglise renferme en général tout ce qu'elle
peut souhaiter touchant l'oblation de l'autel, en deman-
dant qu'elle soit bénie en toutes choses ; mais, pour mieux
marquer celte grande grâce qu'elle attend, elle dé-
taille par les quatre mots suivants tout ce qu'elle es-
père de Dieu.
Admise, qu'il l'accepte, qu'il l'agrée, et que l'obla-
tion que nous faisons de nous-mêmes ne soit pas non plus
rejetée, mais admise avec celle de Jésus-Christ.
Ratifiée, qu'elle devienne une victime permanente,
qui ne change point comme les anciens sacrifices des
animaux, qui ont été révoqués, et que notre oblation
422 CATÉCHISME
soit aussi irrévocable, de sorte que nous n'ayons jamais
le malheur de nous séparer de Dieu.
Raisonnable. Ici, raison humaine, tais-toi; adore
dans le silence celui qui d'un mol créa l'univers, et
qui peut en parlant opérer des prodiges plus facilement
que tu ne parles ta pensée. Nous demandons que la vic-
time qui est sur l'autel devienne une victime humaine,
raisonnable, et même la seule douée de raison, la rai-
son par excellence, la seule digne de nous réconcilier
avec Dieu ' ; car toutes les victimes dont le sang coula
sur les autels du monde antique durant quarante siè-
cles n'étaient pas raisonnables, n'étaient dignes ni de
l'homme, ni de Dieu.
Agréable, c'est-à-dire que l'oblation de l'autel de-
vienne le corps et le sang du Fils bien-aimé, en qui le
Seigneur a mis toutes ses complaisances.
Nous ne demandons pas seulement que cette obla-
tion devienne tout cela, mais même qu'elle le devienne
pour nous, pour notre bien.
Et ces prodiges de puissance et de bonté, voyez-vous
avec quelle simplicité de paroles l'Eglise les demande !
Avec autant de simplicité que l'Ecriture exprime le
plus grand des miracles dans Tordre de la nature, la
création : Fiat lux : Que la lumière soit; le plus grand
dans l'ordre religieux, l'incarnation: Qu'il soit fait se-
lon votre parole, l'Eglise demande le prodige qui ren-
ferme tous les autres, le grand miracle du changement
du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ?
' Lebrun, suprà. Le P. de Condrcn, Idée du sacrifice.
DE PERSÉVÉRANCE. 423
Que cette ablation devienne pour nous le corps et le
sang de votre cher fils Notre-Seigneur Jésus- Christ!...
Est-ce là du sublime? Trouvez quelque chose de com-
parable dans les auteurs profanes! Il est donc vrai, Re-
ligion sainte ! vous réunissez tous les titres à l'amour
du Chrétien et à l'admiration de l'homme éclairé. A
chaque page de votre liturgie comme à chacun de vos
dogmes et de vos préceptes, brille le cachet de votre
céleste origine.
En prononçant les prières que vous venons d'expli-
quer, le prêtre fait plusieurs signes de croix, pour mar-
quer que c'est au nom tout-puissant de Jésus-Christ
qu'il demande le miracle.
Enfin nous voici au moment où le Fils de Dieu, l'é-
ternel, le fort, le tout-puissant, le créateur des mondes,
va se rendre obéissant à la voix d'un mortel. Le prêtre
essuie sur le corporal le pouce et le second doigt de
chaque main, afin d'en ôter l'humidité ou ia poussière,
et de les mettre plus en état de toucher décemment le
corps du Seigneur. Avec les doigts qu'il a purifiés, et
qui ont été consacrés par l'ordination, il prend l'hostie,
et il dit avec respect et piété, d'un ton simple et uni,
comme faisaitle Sauveur, dont il tient la place, lorsqu'il
opérait des miracles : « Qui (Jésus-Christ), la veille de
sa Passion, prit du pain dans ses mains saintes et véné-
rables, et ayant levé les yeux au ciel, vers vous, ô Dieu,
son Père tout-puissant! vous rendant grâces, le bénit, le
rompit, et le donna à ses Disciples en disant : Prenez et
mangez ; ceci est mon corps. » .
424 CATÉCHISME
Le miracle est accompli ! Et le prêtre tombe à ge-
noux ; et les assistants se prosternent; et la cloche, cette
trompette de l'Eglise militante, avertit au loin les fidè-
les d'adorer; et on les voyait jadis, au bruit de l'airain
sacré, se mettre à genoux dans les maisons, dans les
rues et dans les champs, et réciter l'oraison du Seigneur.
Cependant le prêtre élève le corps adorable du Fils de
Dieu qui vient de s'incarner dans ses mains , et à ce
moment de l'élévation, les anciennes basiliques étaient
émues : on ouvrait les portes saintes, on tirait les ri-
deaux qui avaient caché le sanctuaire ; et saint Chry-
sostôme disait à son peuple : « Regardez l'intérieur du
sanctuaire comme l'intérieur du ciel, pour voir des
yeux de la foi Jésus-Christ et les rhœurs des Anges
prosternés autour de l'Agneau'. Considérez la table du
Roi ; les Anges en sont les serviteurs ; le Roi s'y trouve
en personne. Si vos vêtements sont purs, adorez et com-
munie;^ *. »
Après avoir déposé sur le corporal le corps du Sei-
gneur, le prêtre continue: « De même, après qu'on eut
soupe, prenant aussi ce précieux calice entre ses mains
saintes et vénérables, et vous rendant pareillement grâ-
ces, il le bénit, et le donna à ses Disciples en disant :
a Prenez et buvez-en tous ; car ceci est le calice de mon
sang, le sang du nouveau et éternel Testament, mys-
tère de foi', qui sera répandu pour vous et pour plu-
' Homil. 3 in Epist. ad Ephes.
2 Homil. 61 ad pop. Jntioch. Alors l'élévation n'avait lieu qu'a-
yant la communion.
' Mystère de foi, Paroles du Sauveur conservées par la tradition.
DE PERSÉVÉRANCE. 425
sieurs, en rémission de vos péchés. Toutes les fois que
vous ferez ces choses, vous les ferez en mémoire de moi.»
Ces dernières paroles sont le titre du pouvoir du
prêtre et la preuve éternelle du mystère qu'il vient
d'accomplir. Le Tout-Puissant, c'est-à-dire celui qui
opère ce qu'il veut en parlant, lui a dit : « Vous ferez
ce que j'ai fait; vous changerez le pain en mon corps
et le vin en mon sang. » Et le prêtre le fait. Et ce n'est
ni rimpie, ni l'incrédule, ni l'hérétique, qui mettront
des bornes à la puissance du Tout-Puissant.
Le prêtre fait de nouveau l'élévation du calice ; puis
il le repose sur l'autel après l'avoir adoré. L'élévation
et l'adoration de l'Eucharistie n'ont pas toujours été
faites comme à présent; jusqu'au commencement du
douzième siècle, les prêtres élevaient en même temps
le calice et l'hostie à ces paroles : Omnis honor : Tout
honneur et toute gloire dans les siècles des siècles. On
observe bien encore cette petite élévation ; mais l'Eglise,
pour protester contre l'erreur des hérétiques, qui ont
osé attaquer le dogme de l'Eucharistie, et pour donner
aux fidèles l'occasion de manifester solennellement leur
foi, a établi l'usage d'élever, après la consécration, le
corps et le sang de Jésus-Christ, et de l'offrir à l'ado-
ration des Chrétiens.
L'élévation, telle que nous la pratiquons aujourd'hui,
oh ! oui, le Sacrifice de l'HommeDicu est bien le mystère de fol par
escellence! mystère de foi pour tousjles siècles anciens qui l'atten-
daient, mystère de foi pour tous les siècles postérieurs au Messie,
qui le croient sans que la raison humaine puisse le comprendre.
426 CATÉCHISHË
remonte donc au commencement du douzième siècle,
et l'hérétique Béranger en fournit la cause par ses blas-
phèmes contre la présence réelle de Jésus-Christ dans
le sacrement de son amour. Plus tard, on la fit encore
avec plus de raison, lorsque Luther et Calvin, dévelop-
pant l'hcrésie de l'archidiacre d'Angers, attaquèrent
avec une fureur implacable le dogme de la sainte Eu-
charistie. On ne se contenta pas de sonner la cloche
pour avertir tout le monde de se prosterner ; on alluma
aussi des torches pour rendre ce moment plus solen-
nel *. Vous voyez celte dernière cérémonie se pratiquer
encore avec pompe dans nos messes solennelles.
La consécration et l'élévation finies, le prêtre étend
les bras et continue la grande action. Docile au com-
mandement exprès du Sauveur, qui dit à ses Apôtres
et à leurs successeurs : Toutes les fois que vous ferez
ces choses, faites-les en mémoire de moi; le prêtre dit :
«C'est pourquoi, Seigneur, nous qui sommes vos ser-
viteurs, et avec nous votre peuple saint, en mémoire
de la très-heureuse passion de votre Fils Jésus-Christ
Notre-Seigneur, et de sa résurrection des enfers, et de
sa glorieuse ascension au ciel, nous offrons à votre in-
comparable majesté, de vos dons et de vos bienfaits
l'hostie -J- pure, l'hostie -J* sainte, l'hostie -J* sans tache,
le pain sacré f de la vie éternelle, et le calice f du salut
perpétuel. »
Oh ! que celle prière est propre à élever l'âme et â la
pénétrer de religion ! Quoique le sacrifice de la messe
' Lebrun, p. 471.
DE PERSÉVÉRANCE. 427
soit spécialement destiné à nous rappeler la mémoire de
la Passion de Jésus-Christ, l'Église, suivant l'ordre de
son divin époux, fait aussi mention des mystères de la
Résurrection et de l'Ascension, parce qu'ils ont avec la
Passion un rapport essentiel. Ainsi nous communi-
quons, dans le sacrifice de l'aulel, à Jésus-Christ mort,
et qui par sa mort a détruit l'empire que la mort avait
sur nous, en bornant au temps notre mort, qui devait
être éternelle, et en faisant de la mort le passage à une
vie qui n'aura pas de fin; nous communiquons à Jésus-
Christ ressuscité, dont la résurrection est le principe et
le modèle de la nôtre ; nous communiquons à Jésus-
Christ montant aux cieux, et par là nous y montons en
quelque sorte avec lui; tellement que nous pouvons
nous envisager dès à présent comme les citoyens du
ciel. Est-il possible de se rappeler les différents fruits
de tous ces grands mystères, et de conserver si opiniâ-
trement l'amour des choses sensibles ?
En disant celte prière, le prêtre fait cinq fois le signe
de la croix sur le corps et le sang du Sauveur. Or, il
faut savoir qu'il y a une grande différence entre les si-
gnes de croix qui se font après la consécration et ceux
qui la précèdent ou l'accompagnent. Les premiers ont
pour but d'attirer des grâces ou de marquer qu'on les
attend par les mérites de la croix de Jésus-Christ, et ils
sont joints à des mots qui expriment la faveur qu'on
désire, la bénédiction qu'on sollicite ; les seconds ne
sont institués que pour montrer que les dons placés sur
l'autel sont le corps el le sang réels de Jésus-Christ, et
428 CATÉCHISME
que le sacrifice de la messe est le même que celui de
la croix. Aussi depuis la consécration n'y a-t-il point de
mot qui invile Dieu à bénir.
Dans la prière que nous expliquons, le prêtre fait cinq
signes de croix : trois sur l'hoslie et le calice en même
temps, un sur l'hostie seule, et l'autre sur le calice. Oh !
qu'il y a d'éloquence dans celte répétition multipliée du
signe adorable ! L'Eglise veut nous pénétrer de cette
grande pensée que la victime de l'autel est la victime
du Calvaire. Et voilà qu'elle s'épuise en quelque sorte
à redire cette vérité à nos yeux, à nos oreilles, à tous
nos sens, afin de la faire descendre jusqu'à notre cœur.
Par les cinq signes de croix dont nous parlons, le prê-
tre semble donc dire : Nous ofl'rons à Votre Majesté
suprême l'hostie sainte qui s'est ofiferte sur la croix;
Vhostie pure qui a été attachée à la croix; Vhostie sans
tache qui a été immolée sur la croix ; le pain sacré,
c'est-à-dire Jésus-Christ, pain vivant, éternel, descendu
du ciel, qui est mort sur la croix pour nous donner la
vie; enfin te calice du salut, le sang de Jésus-Christ,
médiateur de la nouvelle alliance ; sang qui a été ré-
pandu sur la croix pour la rédemption de nos péchés.
Nous le répétons, l'Eglise veut que, dans ces moments
tout à la fois si précieux et si redoutables, le prêtre et
les fidèles soient tout occupés de Jésus-Christ immolé
sur l'autel : pouvait-elle, dites-moi, employer un moyen
plus propre de leur en rappeler le souvenir, que ces
signes de croix tant de fois multipliés? Pouvait-elle
mieux leur manifester sa foi au miraculeux changement
DE PERSÉVÉRANCE. 429
qui vient de s'opérer ? Enfin, pouvait-elle mieux leur
dire : Soyez au pied de l'autel comme vous auriez été
sur le Calvaire ' !
Ln Dieu est sur l'autel. Victime d'un prix infini, of-
ferte à un Dieu, comment ne serait-elle pas agréable ?
Pourquoi donc la prière suivante, par laquelle on con-
jure le Seigneur de recevoir favorablement l'hoslie que
nous lui présentons ? Ah ! c'est que l'auguste victime
est offerte par les mains d'un mortel ; c'est qu'à l'hostie
sans tache se joignent d'autres hosties infiniment moins
pures, les cœurs des fidèles. Et voilà que l'Eglise, rap-
pelant au Père éternel que le sacrifice de Jésus-Christ
est le sacrifice catholique, le sacrifice dont les anciens
n'étaient que des ombres, conjure le Seigneur de donner
à ses enfants les saintes dispositions qui animaient les
antiques sacrificateurs, lorsqu'ils immolaient les victi-
mes figuratives : l'innocence d'Abel, la foi d'Abraham,
la sainteté de Melchisédech ; et le prêtre dit : « Daignez
regarder d'un œil favorable et propice l'oblation que
nous vous faisons de ce saint sacrifice, de celte hostie
sans tache, comme il vous a plu agréer les présents du
juste Abel, votre serviteur; le sacrifice d'Abraham, no-
tre patriarche, et celui que vous a offert votre grand-
prêtre Melchisédech. »
Rentrons ici en nous-mêmes ; avons-nous l'innocence
et la générosité d'Abel, qui offrait les plus précieux de
ses agneaux ? Avons-nous la foi et le courage d'Abraham,
qui déjà tenait le glaive pour immoler Isaac? Avons-nous
• Lebrun, p. 488. Bona, lib. 2 c. 13.
430 CATÉCHISME
la sainteté de Melchisédech, qui nous apparaîtsans père,
sans mère, sans généalogie ; c'est-à-dire détaché de
toutes les affections humaines ? Si nous n'avons pas ces
dispositions, demandons-les avec ardeur durant cette
prière. Si elles nous manquent entièrement, comment
profiter du sacrifice, comment participer à la commu-
nion qui approche ?
La prière suivante doit nous inspirer d'autres senti-
ments. Je vois le prêtre qui prend tout à coup l'attitude
d'un suppliant, il baisse les .yeux, il s'incline profondé-
ment, il joint les mains comme un humble vassal, et les
pose sur l'autel. Pourquoi tout cela? La prière qu'il
fait va nous l'apprendre : « Nous vous supplions, ô Dieu
tout-puissant, de commander que ces dons soient portés
par les mains de votre saint Ange sur votre autel su-
blime, en présence de votre divine majesté, afin que
nous tous qui, en participant à cet autel, aurons reçu
le corps j et le sang ^ sacrés de votre Fils, nous soyons
remplis de toutes les bénédictions et de toutes les
grâces du ciel. Par le même Jésus-Christ notre Sei-
gneur. »
Comment faire comprendre le sens profond de cette
magnifique prière ? Dans la précédente, le prêtre a con-
juré le Seigneur d'avoir pour agréable l'hostie qu'il lui
offrait. Tout à coup, comme saisi d'une inspiration d'en
haut, il trouve un moyen infaillible de faire recevoir cette
victime, et nos vœux et nos cœurs qui l'accompagnent ;
donc, s'adressant à Dieu, il le supplie d'ordonner que
la victime lui soit portée au pied de son trône, par
DE PERSÉVÉRANCE. 431
la victime elle-même. Par respect pour Jésus-Christ, le
prôlre n'ose le nommer à Dieu le Père ; il se contente
de le désigner par ces mots : Votre Ange. Oui, cet Ange
par excellence, cet Ange du grand conseil, cet Ange
médiateur de l'alliance *, qui, égal à Dieu, est sûr de
faire agréer et son sacrifice et le nôtre, et d'attirer sur
nos têtes une rosée de toutes sortes de bénédictions. Les
signes de croix, dont le prêtre accompagne sa prière,
indiquent la présence réelle de celle victime sainte, de
cette victime céleste, sur l'autel delà terre. Une humi-
lité profonde, un désir ardent de la sainteté, afin que
rien dans notre cœur ne s'oppose h l'accueil favorable
de nos vœux, telles doivent être nos principales dispo-
sitions durant cette prière.
Nous voilà, nous qui vivons sur la terre et qui assis-
tons au sacrifice, nous voilà bien recommandés au Sei-
gneur ; on vient d'appeler sur nos têtes toutes ses béné-
dictions. Dans ce moment précieux où elle peut tout
obtenir, l'Eglise oubliera-t-elle ses autres enfants, ses
enfants qui ne sont plus? Ah! vous ne sauriez pas ce
que c'est qu'une mère : dans son cœur sont tous ses
enfants; les plus pauvres, les plus nécessiteux y tien-
nent la plus large place. Voilà donc l'Eglise catholique
qui prie pour ses enfants défunts. Sa prière même est
une leçon pour les vivants ': elle prie pour ceux qui
nous ont précédés ; donc nous les suivrons. Le prêtre
dit : « Souvenez-vous aussi. Seigneur, de vos 'serviteurs
et de vos servantes N. N, qui nous ont précédés avec le
' Const. apost., lib. 8, c. t2.
432 CATÉCHISME
signe de la foi et qui dorment du sommeil de paix. »
Aces mots, le prêtre joint les mains sur sa poitrine,
tient les yeux affectueusement dirigés vers la sainte
hostie, et prie en siience pour les défunts qu'il a l'inten-
tion de recommander à Dieu, puis il continue :
« Nous vous supplions, Seigneur, d accorder par votre
miséricorde, à eux et à tous ceux qui reposent en Jésus-
Christ, le lieu du rafraîchissement, de la lumière et de
la paix. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur. Ainsi
soit-il '. »
Pendant cette prière, nous devons aussi recommander
nos morts et ranimer notre foi sur les grands motifs que
nous avons de prier pour eux : la gloire de Dieu, la
charité, la justice et notre propre intérêt.
Voici maintenant l'Eglise qui revient à nous, qui
sommes sur la terre. Durant l'offrande de l'auguste sa-
crifice, nous voyons cette tendre mère, dans une agita-
tion pleine de sollicitude, monter au ciel, descendre au
purgatoire, revenir dans la vallée des larmes, réunissant
tous les vœux, tous les besoins, sollicitant toutes les
prières, toutes les recommandations, afin de profiter plei-
nement du riche trésor qui lui est ouvert dans les mérites
de la victime. Ainsi, avant la consécration, elle a fait mé-
moire de la communion des saints, dans laquelle il était
nécessaire d'offrir le sacrifice catholique du ciel et de la
terre ; elle vient de solliciter pour les âmes du purga-
toire l'entrée de la Jérusalem céleste, maintenant elle
' Cette prière se trouve dans les plus anciennes liturgies- Bona,
lib, 2, c. 14. Durantus, lib. 2, c. 43.
DE PERSÉVÉRANCE. 433
sollicite la même grâce pour ses enfants voyageurs. Le
prêtre donc demande instamment pour lui et pour les
fidèles le bonheur du ciel.
Touché de son indignité, il se frappe la poitrine, s'a-
vouant pécheur, comme lePublicain de l'Evangile. Afin
que les assistants puissent l'entendre, s'unir à lui, s'hu-
milier et implorer tous ensemble la divine^miséricorde,
il dit, en élevant un peu la voix : « Et à nous aussi, pé-
cheurs, qui sommes vos serviteurs, et qui espérons en
la multitude de vos miséricordes, daignez nous donner
part au céleste iiérilage et nous associer avec vos saints
Apôtres et Martyrs, avec Jean, Etienne, Matthias, Bar-
nabe, Ignace, Alexandre, Marcellin, Pierre, Félicité,
Perpétue, Agathe, Lucie, Agnès, Cécile, Anastasie, et
avec tous vos saints, en la compagnie desquels nous vous
prions de nous recevoir, non pas en considérant nos mé-
rites, mais en nous faisant grâce et miséricorde. Par
Jésus Christ notre Seigneur. »
On nomme dans cette prière les saints qui étaient
honorés d'un culte particulier par l'Eglise de Rome,
mère ei maîtresse de toutes les églises. Ils sont tous
martyrs, et appartiennent aux différents états : prophè-
tes, apôtres, papes, évêques, prêtres, clercs, femmes et
vierges. De là une consolante leçon pour nous : on peut
donc se sauver dans toutes les conditions, et les saints
qui sont au ciel offrent aux justes qui souffrent une
garantie de leur félicité éternelle.
Le prêtre vient de solliciter l'entrée du ciel pour les
morts et pour les vivants par Jésus-Christ. Il va mar-
T. VII. is
434 CATÉCHISME
quer, en finissant le Canon, la raison pour laquelle il
fait toutes ses demandes par ce divin médiateur, et il dit :
« Par qui. Seigneur, vous créez toujours tous ces biens,
TOUS les sanctifiez f, vous les vivifiez y, vous les bénis-
sez f et vous nous les donnez. C'est par lui f, et avec
luif, et en luif que tout honneur et toute gloire ap-
partiennent à Dieu tout-puissant f, en l'unité du Saint-
Esprit f, dans tous les siècles des siècles. Amen. »
Ainsi, la raison pour laquelle nous formons toutes
nos demandes au nom de Jésus -Christ, c'est que Dieu
nous accorde par lui tous les biens et toutes les grâces.
Le prêtre dit : Par qui vous créez, etc. En elTet, c'est
par Jésus-Christ que Dieu le Père a créé toutes ces
choses, le pain et le vin, devenus le corps et le sang de
Jésus-Christ, non-seulement en les tirant du néant aux
premiers jours du monde, mais en les renouvelant par
un miracle continuel qui fait produire tous les ans à la
terre de nouveaux grains et de nouveaux raisins ; ce
qui fait dire à Jésus-Christ lui-même : Mon Père jus-
qu'à ce jour ne cesse point d'opérer, et j'opère aussi con-
timiellement.
C'est en Jésus-Christ que ces dons offerts sur l'autel
deviennent des dons sacrés séparés de l'usage commun.
Vous les sanctifiez. C'est par Jésus-Christ que Dieu
les vivifie en les changeant au corps et au sang pré-
cieux, qui sont la vraie nourriture de vie. Vous les
vivifiez. C'est par Jésus-Christ, sanctifiant et vivifiant,
que Dieu le Père répand sur le pain et sur le vin les
bénédictions célestes, et qu'après l'avoir ainsi béni il
DE PERSËVÉKAMCE. 43S
nous le donne pour être en nous noire véritable vie.
Vous les bénissez et vous nous les donnez. C'est aussi
par Jésus-Christ, comme le vrai médiateur, avec Jé-
sus-Christ, comme Dieu égal à Dieu, en Jésus-Christ,
comme consubslantiel à son Père, que tout honneur et
toute gloire est rendue à Dieu Père tout-puissant.
En est-ce assez pour mériter que Dieu nous exauce
quand nous demandons par Jésus-Christ ?
Le prêtre, en récitant ces magnifiques paroles, fait plu-
sieurs signes de croix, trois d'abordsur l'hostie et le calice
à ces mots : Sanctifiez, vivifiez, bénissez, pour marquer
que c'est par les mérites de la croix de Jésus-Christ que
nous avons l'eucharistie, et que par conséquent le pain
et le vin sont sanctifiés, vivifiés, bénis. Il ne fait point
de signe de croix en disant vous créez, parce que toutes
choses ont été créées par Jésus-Christ comme sagesse
du Père, Verbe éternel, et non comme incarné et im-
molé sur la croix. Les autres signes de croix qui accom-
pagnent cette prière expriment que l'hostie et le calice
contiennent indivisiblement Jésus-Christ mort sur la
croix, et que par son sacrifice le Père et le Saint-Esprit
sont dignement honorés.
Et nous aussi ayons soin de nous unir à la sainte
victime pour honorer le Père et le Saint-Esprit, pour les
louer, et commencer sur la terre l'hymne que nous de-
vons chanter dans le ciel. Je ne sais si je me trompe,
mais il me semble que durant cette prière il nous im-
porte surtout de tenir nos cœurs en harmonie avec nos
lèvres, de peur que ces belles paroles ne soient démen-
436 CATÉCHISME
lies par noire attache aux créatures. En prononçant
cette sublime prière nos voix sont unies à celle des
Anges et des Saints. Mais si, de retour dans nos mai-
sons, nos pensées sont tout aussi terrestres, nos désirs
tout aussi charnels, nos penchants tout aussi déréglés,
alors nous tombons en quelque sorte du ciel sur la terre;
nous quittons le séjour de l'immortalité pour nous amu-
ser dans celui de l'exil, et, comme des insensés, nous
préférons le langage des hommes à celui des amis de
Dieu. Puisse-t-il n'en être jamais ainsi!
PRIÈRE .
O mon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir institué l'auguste sacrifice de nos autels ; faites-
moi la grâce d'y assister comme j'aurais assisté à celui
(lu Calvaire.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, j« serai pro-
fondément recueilli pendant la consécration.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Quatrième partie de la messe.
Q. Que fait le prêtre avant la consécration ?
R. Avant la consécration le prêtre prend possession
de la victime ; pour cela, il étend les mains sur le pain
DE PERSÉVÉRANCE. 437
et le vin, et demande, en vertu du sacrifice qu'il va
offrir, les biens temporels et spirituels qui nous sont né-
cessaires. Pendant que le prêtre fait cette prière, nous
devons nous considérer comme des victimes et nous of-
frir à Dieu. Le prêtre demande ensuite le plus grand
des miracles, le changement du pain et du vin au corps
et au sang de Jésus-Christ, et il a le droit de le deman-
der et le pouvoir de l'obtenir.
Q. Qui lui a donné ce pouvoir?
R. C'est Notre-Seigneur lui-même, quand il dit à ses
Apôtres et à leurs successeurs, après avoir consacré le
pain et le vin : Faites ceci en mémoire de mot. Le
prêtre s'adresse donc au Dieu qui a tiré le monde du
néant par une seule parole, el il le conjure de changer
le pain et le vin au corps et au sang de Notre-Seigneur ;
ensuite il rappelle ce que fît le Sauveur dans la der-
nière cène, puis il prononce d'un ton simple et uni,
comme Jésus-Christ lui-même quand il faisait des mi-
racles, les paroles delà consécration.
Q. Pourquoi élève-t-on l'hoslie et le calice?
jR. On élève l'hostie et le calice pour faire adorer le
Sauveur qui vient de s'immoler. Les fidèles se proster-
nent alors, et témoignent ainsi de leur foi à la présence
réelle de Jésus-Christ dans l'eucharistie. Après l'éléva-
tion du calice le prêtre fait une prière par laquelle il
offre Notre-Seigneur à Dieu son père, en mémoire de sa
passion, de sa résurrection et de son ascension : cela
nous rappelle que Jésus-Christ est sur l'autel dans un
étalde mort mystérieuse, et aussi dans un état de gloire,
438 CATÉCHISME
et qu'en le recevant nous communiquons à ses souffran-
ces et à sa gloire.
Q. Quelle prière fait ensuite le prêtre?
R. Le prêtre fait ensuite une prière par laquelle il
conjure Dieu de recevoir favorablement la victime qu'il
lui présente et les cœurs des fidèles qu'il lui ofifre en
même temps. Pour cela, il lui rappelle la bonté avec
laquelle il a reçu les sacrifices d'Abel, d'Abraham et de
Melchisédech qui n'étaient que des figures du sacrifice
de l'autel. Pendant cette prière nous devons demander
à Dieu qu'il nous donne l'iunocence d'Abel, la foi d'A*
braham et la sainteté de Melchisédech. Pour obtenir ce
qu'il demande, le prêtre dit à Dieu de se faire présenter
la victime par Jésus-Christ même, bien sûr que nos cœurs
et nos vœux dont elle est accompagnée lui seront alors
agréables ; il lui demande en même temps les effets du
sacrifice, qui sont les biens de la grâce en ce monde et
le ciel dans l'autre.
Q. Pour qui prie-t-il ensuite?
JR. Ensuite le prêtre prie pour les âmes du purgatoire;
il demande pour elles comme pour nous l'entrée dans la
Jérusalem céleste; il sollicite cette grâce pour lui-même
et pour les assistants, par l'intercession des Saints et sur-
tout de Notre-Seigneur, par qui nous recevons tous les
biens que nous demandons en Dieu, et par qui Dieu lui-
même reçoit tout honneur et toute gloire. Pendant toutes
ces prières nous devons ardemment désirer le ciel, qui
estl'eiret du sacrifice, et nous confier pleinement pour
l'obtenir aux mérites infinis de Notre-Seigneur.
DE PERSÉVÉRANCE. 439
PRIÈRE.
0 mon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir institué l'auguste sacrifice de nos autels; faites-
moi la grâce d'y assister comme j'aurais assisté à celui
du Calvaire.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je serai pro-
fondément recueilli pendant la consécration.
440
CATECHISME
XXir LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.*
Cinquième partie de la messe. — Pater.— Prières et cérémoniesqui
le suivent. — Fraction de l'I ostie — Le baiser de paix. — Jgnus
Dei. — Prières avant la coainiuuion. — Communion. — Prières
après la communion.
Le prêtre, renfermé dans le secret du sanctuaire,
vient, pendant le Canon, de traiter tète à tête avec Dieu
des intérêts du peuple. En finissant celte suite de priè-
res, il rend grdces par .Tésus-Chrisl, et élève la voix en
disant : Dans tous les siècles des siècles ; et le peuple
s'empresse de souscrire à tout ce que le prêtre vient de
faire et de demander pour lui, et il dit : Amen, qu'il
soit ainsi. Ce mot termine le Canon et la quatrième
partie de la messe.
La cinquième est une préparation à la communion.
Or, qu'est-ce qu'un peuple qui communie ? Ce sont des
enfants qui viennent s'asseoir à la table du père de fa-
mille, qui mangent le pain, qui boivent le vin que sa
tendre sollicitude leur a préparé. Et quel pain, grand
Dieu ! et quel vin vont être servis à la table divine ! Pour
rappeler cette touchante idée d'une famille qui s'assied
à la même table, l'Eglise veut que ses enfants saluent
Dieu du doux nom de père, et aussitôt elle leur met
sur les lèvres l'Oraison dominicale. Mais cette oraison
DE PERSÉVÉRANCE. 441
est si sainte, elle nous élève à une dignité si haute en
nous permettant d'appeler Dieu notre père, que l'Eglise
a cru devoir, dans une courte Préface, exposer que ce
n'est que d'après l'ordre de Jésus-Christ lui-même que
ses enfants osent la réciter.
Pendant que le prêtre la prononce, ayons grand soin
d'exciter dans notre cœur un vif sentiment d'humilité et
de reconnaissance ; car, instruits par des préceptes sa-
lutaires, et formés par une institution divine, nous
osons dire : Notre père, Pater noster, etc. Oh ! quelle
consolation pour nous que l'Eglise nous fasse réciter
l'Oraison dominicale dans un moment où Jésus-Christ,
qui en est l'auteur, est immolé sur l'autel pour nous ob-
tenir de son Père toutes les demandes qu'elle contient!
L'usage de réciter le Pater pour se préparer à la com-
munion est de toute antiquité. Puisse-t-il passer sur
nos lèvres comme il a passé depuis dix-huit siècles et
sur les lèvres de l'Homme-Dieu, et sur celles des Apô-
tres, des Martyrs, et de tant de Saints, nos pères et nos
modèles !
Dans ITEglise orientale, le Pater est dit par tout le peu-
ple, et dans l'Eglise latine par le prêtre seul*. L'Eglise
latine veut que le prêtre récite seul, à voix intelligible,
l'Oraison dominicale, afin que tout le monde l'entende
plus distinctement. Cependant, afin que tout le peuple
y prenne part, on lui fait réci-ter la dernière demande,
qu'il doit dire comme récapitulation de toutes les autres.
Ainsi, en prononçant ces mots : Délivrez-nous du mal,
' S.Oré<^.,Scrm. 58, in. Mntth.,G, de Orat. dont., c 10-
442 CATÉCHISME
les fidèles disent : Délivrez-nous du mal, afin que vous
soyez toujours glorifié en nous, que vous y régniez
seul ; que nous fassions votre volonté, que nous obte-
nions de votre bonté les biens spirituels et temporels,
que nous méritions le pardon de nos péchés par l'a-
mour sincère de nos frères, et que notre faiblesse ne
soit point exposée aux tentations. Le prêtre répond :
Qu'il en soit ainsi, Amen : Que vous soyez délivrés du
mal.
Et il explique cette demande du peuple en exprimant
les maux dont nous désirons la délivrance, et les inter-
cesseurs par la médiation desquels nous l'attendons;
il dit : « Délivrez -nous, Seigneur, de tous les maux
passés, présents et futurs; nous vous en supplions par
l'intercession de la bienheureuse et glorieuse Marie,
mère de Dieu, toujours vierge, de vos bienheureux
Apôtres Pierre, Paul et André, et de tous les Saints;
donnez-nous, par un effet de votre bonté, la paix du-
rant nos jours, afin qu'étant soutenus par le secours de
votre miséricorde, nous soyons délivrés de tout péché,
et exempts de toute sorte de troubles. Par le même Jé-
sus-Christ notre Seigneur, votre Fils, qui étant Dieu vit
et règne avec vous dans l'unité du Saint-Esprit, dans
tous les siècles des siècles. Amen.
Avant cette prière et vers la fin du Pater, le diacre
essuie la patène, afin qu'elle soit plus propre ; le prêtre la
prend et la tient appuyée sur l'autel, afin d'être plus à
même de s'en servir pour faire le signe de la croix. A
ces mots : Donnez-nous la paix, il fait sur lui le signe
DE PERSÉVÉRANCE. 441
de la croix avec la patène et la baise par respect, comme
l'inslrument de la paix, le vase dans lequel doit bien-
tôt reposer le corps adorable de Jésus-Christ. Il s'en
sert en môme temps pour faire le signe de la croix,
parce que c'est par la- croix que le Sauveur a détruit
tout ce qui s'opposait à notre paix. Il met la patène sous
l'hostie, afin de pouvoir prendre cette dernière plus fa-
cilement. Il découvre ensuite le calice, fait une génu-
fluxion pour l'adorer, et, prenant l'hostie, il la rompt
en trois au-dessus du précieux sang, afin que les parties
qui pourraient s'en détacher tombent dans le calice
même.
Pourquoi cette fraction de l'hostie ? C'est pour rap-
peler l'un des plus vénérables souvenirs de la religion.
Avant de le distribuer à ses Apôtres, le Sauveur prit le
pain et le rompit en disant : Prenez et mangez. Il est
donc vrai que dans la plus petite de nos cérémonies est
un trésor de souvenirs et de piété. Cette division de
l'hostie a lieu dans toutes les églises d'Orient et d'Occi-
dent^. Une des parties est mise dans le calice ; la se-
conde était autrefois distribuée au peuple ; le prêtre
communiait avec la troisième. Dans l'antiquité, l'hostie
consacrée par le prêtre était plus large et plus épaisse,
il était possible d'en donner une portion aux fidèles ;
aujourd'hui, étant plus petite, le prêtre la consommé
• De là vient Tient que, dans plusieurs églises, on donne à baiser
la patène dans les offrandes, en disant : Pax vobis, que la paix aoit
avec vous.
* Euchol. graec, p. 81, ad hom. Amalar^ lib. 3, p. 635. Bona,
lib. 2, c. 15.
444 CATÉCHISME
tout entière ; les petites hosties servent à la communion
du peuple.
Le prêtre, tenant entre le pouce et l'index de la main
droite la particule de l'hostie qu'il va mêler au précieux
sang, fait trois signes de croix sur le calice d'un bord à
l'autre, en disant : Que la paix du Seigneur soit tou-
jours avec vous ; et le peuple répond : Et avec votre
esprit.
Le prêtre fait le signe de la croix sur le sang du Sau-
veur, car c'est par ce songe divin que toutes choses ont
été pacifiées '; il le fait trois fois en l'honneur des trois
personnes de la sainte Trinité.
Durant les six premiers siècles, ce souhait du prêtre.
Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous, était
le signal de la paix que les Chrétiens devaient se don-
ner en s'embrassant. Et vous auriez vu tous ces enfants
de la même famille, appelés à la table. du Père com-
mun, le Dieu de charité, s'embrasser tendrement,
pour marquer qu'il n'y avait dans leur cœur ni amer-
tume, ni aversion, ni froideur, mais la charité la plus
firanche et la plus vive ; et vous auriez entendu les
Païens s'écrier : Voyez comme ils s'aiment, et comme
ils sont prêts à mourir les uns pour les autres ! Et cette
société naissante trouva dans sa charité le principe de sa
victoire sur le paganisme, car l'union fait la force. Les
hommes donnaient aux hommes le saint baiser, les
femmes aux femmes; et tout ce peuple de frères s'ap-
prochait ensuite de la table de l'Agneau, à laquelle,
' ColoSS., l, XX-
DE PERSlSvÉRANCE. 445
suivant le langage des saints docteurs, les pacifiques
ont seuls le droit de s'asseoir'.
Si l'Eglise, dans sa profonde sagesse, a changé ce
touchant usage, elle a en conservé les vestiges. Aux
grand'messes nous voyons encore le diacre donner
au sous-diacre la paix qu'il vient de recevoir du prêtre,
car le prêtre, avant de donner la paix, baise l'aiiîel,
figure de Jésus-Christ, et autrefois il baisait la sainte
hostie, pour marquer que c'était dans le cœur même
du Sauveur qu'il puisait la paix. Du sous-diacre, cetle
paix se communique ensuite à tous les ecclésiastiques
qui sont présents. Ainsi l'esprit de l'Eglise n'a point
changé, et les fidèles qui assistent à la messe doivent
en ce moment demander à Dieu la paix, et faire un
acte de charité envers le prochain, se rappelant ces
paroles du divin Maître : Lorsque vous présenterez
votre offrande à l'autel, si vous vous rappelez que
votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre
offrande devant rautel, allez vous réconcilier, puis vous
viendrez offrir votre présent^.
Mais quelle est celte paix que le prêtre souhaite aux
fidèles, et que les fidèles doivent demander? La paix
du Seigneur : Pax Domini; la paix, le seul héritage
temporel que du haut de la croix l'Homme-Dieu légua
à ses enfants, la paix intérieure de l'âme que le monde
ne saurait donner; en un mot, la paix avec Dieu et avec
' Hie ., in epist. ad hœc vcrha : Salutate invicem in osculo
sancto.
•Matlh., vu.
446 CATÉCHISME
DOS frères, et la paix de l'Eglise par la cessation des per-
sécutions. La première est la disposition à la commu-
nion, la seconde en est le fruit. Pour donner une vive
image de cette paix divine, le prêtre, pendant que le
peuple répond : Et avec votre esprit, laisse tomber dans
le calice la portion de l'hostie qu'il lient à la main droite,
et il dit : « Que ce mélange et celle consécration du
corps et du sang de notre Seigneur Jésus -Christ soit
faite pour la vie éternelle à nous qui le recevons. Amen.»
Autrefois on scellait les alliances par le sang des
victimes, ou par le sang des parties contractantes ; cha-
cun se tirait un peu de sang, on le mêlait, et avec ce
saug ou signait le contrat. Et ici c'est dans le sang divin,
dans le sang de l'alliance éternelle que le prêtre scelle
l'alliance, l'union, la paix des fidèles entre eux et avec
pieu. Ainsi, une paix perpétuelle et universelle, voilà
ce que l'Eglise demande par cette prière comme l'effet
du sacrifice de Jésus-Christ, offert par la consécration
et consommé par la communion.
Le mélange qui se fait dans le calice des espèces du
pain et du vin marque : 1" l'union de Dieu et de
l'homme qui se fit dans l'incarnation, appelée par saint
Augustin mélange de Dieu et de l'homme^ ; 2° le second
mélange de Dieu et de l'homme qui se fait par la com-
munion de la terre ; 3'^ celui qui se fera par la com-
munion éternelle du ciel, communion parfaite dans
laquelle, tous les voiles étant ôtés, les saints seront
consommés dans la paix et dans l'unité de Dieu.
' Mixtura Dei et hominis
DE PERSÉVÉRANCE. iit
Mais comment parvenir à celte paix si désirable, à
cette unité divine, si nous n'avons une victime qui
nous réconcilie avec Dieu en se chargeant de nos pé-
chés? Hélas! tant que le mur de division élevé par le
péché subsistera, toute union entre Dieu et l'homme
demeure impossible. L'Eglise le sait, et voilà pourquoi
s'adressant à Jésus -Christ, elle l'invoque en qualité
d'Agneau et de victime de Dieu : Agneau de Dieu, lui
dit-elle jusqu'à trois fois, qui effacez les péchés du
monde, ayez pitié de nous, donnez-nous la paix. Elle
l'invoque trois fois pour montrer par cette instante
prière et par ce nombre mystérieux le besoin infini
qu'elle a de sa grâce et de sa miséricorde, pour être
réconciliée avec Dieu dans ce monde, et parfaitement
unie à lui dans la paix du ciel. En disant ces mots le
prêtre se frappe la poitrine, et les fidèles doivent l'imi-
ter, pour marquer que c'est là dans notre cœur qu'est
le seul obstacle à la paix, le péché, et pour conjurer
l'Agneau divin de venir l'ôter.
Aux messes de morts on dit : Agneau de Dieu qui
effacez les péchés du monde, donnez-leur le repos. Tout
occupée de ses enfants défunts, l'Eglise sollicite pour
eux le seul bien désirable, le repos du ciel; et le prêtre
ne se frappe pas la poitrine ; ce n'est pas pour lui,
mais pour ses frères trépassés qu'il sollicite la paix.
Pour devenir par la communion un même corps et
un même esprit avec Jésus-Christ, il faut que nous ne
soyons tous entre nous qu'un cœur et qu'une âme par
la charité ; il faut que nous ne soyons tous qu'un seul
448 CATÉCHISME
pain dans lequel tous les grains de blé sont tellement
pétris et mêlés ensemble, que ce n'est plus qu'une seule
chose : disposition essentiellement chrétienne et si né-
cessaire à la communion, que l'Eglise la demande avec
une nouvelle ferveur par la prière suivante.
Le prêtre s'étant incliné, les mains jointes sur l'autel,
les yeux modestement fixés sur le Dieu de la paix qui
repose devant lui, il dit : * Seigneur Jésus-Christ, qui
avez dit à vos Apôtres : Je vous laisse la paix, je vous
donne ma paix, n'ayez pas égard à mes péchés, mais à
la foi de votre Eglise, et daignez la pacifier et la réunir
selon votre volonté, vous qui étant Dieu vivez et régnez
dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »
Cette prière, qui remonte au neuvième ou au dixième
siècle *, et que le désir de la paix, si rare dans ces mauvais
jours, a fait admettre, ne se récite pas aux messes de
morts, parce que la paix que nous demandons pour l'E-
glise militante ne convient pas à l'Eglise souffrante; mais
combien elle nous est nécessaire à nous qui vivons au
milieu des orages et des révolutions! Craignant que
ses propres péchés n'y soient un obstacle, le prêtre
la demande par la foi de l'Eglise. En efiFet, c'est la foi
qui prie, et l'Eglise seule étant la maison de la foi,
seule aussi elle est la maison de la prière ; à l'exclusion
de toutes les sectes, l'Eglise catholique seule a reçu
l'esprit de la prière; il n'y a que cette chaste colombe
qui gémisse, et dont les gémissements ineffables soient
' Ordre romain, Mirro/og., messe d'/lliryc, etc.
DK PERSÉVÉRANCE. 449
écoutés du Seigneur, parce que ceux-là seuls sont for-
més par son Esprit.
Dans les premiers siècles, l'Eglise n'avait placé ici
aucune oraison, parce que toutes les prières qui ont
précédé la communion peuvent être regardées comme
une préparation suffisante; mais plusieurs saints prêtres
n'ont pu apercevoir le moment de la réception du pré-
cieux corps de Jésus-Christ sans être saisis de respect
et d'un saint tremblement, qui leur ont fait demander
avec plus d'instance la rémission de leurs péchés, et la
grâce de participer dignement à la sainte Eucharistie.
Cette disposition avait fait introduire plusieurs prières
pleines de sentiments les plus tendres; l'Eglise en a
choisi deux que, depuis six ou sept cents ans, elle fait
réciter tous les jours *. Les fidèles qui doivent commu-
nier n'ont rien de mieux à faire que de s'unir au prêtre,
d'entrer dans l'esprit de ces prières, et de les réciter
avec lui.
Voici la première : a Seigneur Jésus-Christ, Fils
du Dieu vivant, qui, par la volonté du Père et la
coopération du Saint-Esprit, avez donné par votre mort
la vie au monde, délivrez-moi par ce saint et sacré
corps, et par votre sang, de toutes sortes de maux, et
faites que je m'attache toujours inviolablement à votre
loi, et ne permettez pas que je me sépare jamais de
vous, qui, étant Dieu, vivez et régnez avec le Père et le
Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles. Ainsi
soit-il. »
' Lebrun, p. 597.
T. VII. 29
450 CATÉCHISME
Celle prière a cela d'admirable qu'elle nous rappelle
que ce n'est que par la morl de Jésus-Christ que le
monde a été vivifié. Or, nous participons à la mort et
au sacrifice de Jésus-Christ par la communion, de même
que les Juifs n'avaient part aux sacrifices de la loi
qu'en mangeant la chair des hosties, et en communiant
ainsi avec Dieu par le moyen des hosties qui lui étaient
offertes. La communion eucharistique, c'est-à-dire
sensible au corps de Jésus-Christ, n'a été instituée que
comme un moyen pour communier intérieurement et
invisiblement à la grâce et à l'esprit de tous les mystères
de l'Homme-Dieu*.
Dans la seconde prière le prêtre ranime ses senti-
ments d'humilité et de componction, et demande à
• « C'est la voie ordinaire, continue le P. de Condren, dont nous
venons de citer les paroles. Quoique la grâce soit souvent reçue
avant et sans la communion, mais non sans rapport à la commu-
nion, la réception même de la grâce est une communion intérieure
aux mérites, à l'esprit et à la grâce de Jésus-Christ. C'est pour-
quoi saint Augustin a cru que cette communion est nécessaire
même aux enfants pour être sauvés; non qu'il ait cru que les en-
fants baptisés qui mouraient sans recevoir par leur bouche le
corps de Jésus-Çhrist sous les apparences du pain fussent privés
du salut, mais parce qu'il y a une si grande liaison et une telle
dépendance entre le Baptême et l'Eucharistie, que la nécessité du
premier enferme la nécessité de l'autre, le vœu, pour ainsi dire,
le droit, le désir et la nécessité de l'Eucharistie étant renfermés
dans le Baptême, commi' la nécessité de la nourriture est insépa-
rable de la vie d'un enfant qui vient de naître, qui ne peut con-
server sa vie sans nourriture, et qu'il en témoigne le besoin et le
désir pnr tout ce qui paraît en lui. C'est la raison pour laquelle
autrefois on ne séparait pas ordinairement ces trois sacrements,
le Baptême, la Confirmation et l'Eucharistie. » Vidée du sacerdoce
de Jésus- Christ, p. 386.
DE PERSÉVÉRANCE. 431
Notre-Seigneur que son corps adorable lui soitjun pré-
servatif contre les péchés mortels, et un remède salu-
taire pour les péchés véniels, il dit : « Seigneur Jésus-
Christ, faites que la réception de votre corps, que je rae
propose de prendre, tout indigne que j'en suis, ne tourne
pas à mon jugement et à ma condamnation; mais que
par votre bonté il me serve de défense pour mon âme
et pour mon corps, et de remède salutaire, vous qui,
étant Dieu, vivez et régnez dans tous les siècles des
siècles. Ainsi soit-il.»
Après ces oraisons, le prêtre, sur le point de com-
mencer le sacrifice, fait une génuflexion pour adorer le
Sauveur, se relève, prend entre ses mains la sainte
hostie, en disant : Je prendrai le pain céleste, et j'in-
voquerai le nom du Seigneur. Où trouver des paroles
qui conviennent mieux à une âme pénétrée d'amour
pour Jésus-Christ, et du désir de le recevoir? Le prêtre
voudrait s'unir à son Dieu; dans son cœur est le même
sentiment qui faisait dire au Sauveur, en parlant de sa
Passiou : J'ai désiré ardemment démanger cette Pâque
avec vous. Mais ce sentiment d'amour n'y est pas seul,
celui de son indignité l'accompagne. Et voilà que le
prêtre s'anéantit, s'humilie devant le Dieu trois fois
saint; et avec la mêm^e confiance que le centenier, dont
il emprunte les paroles, il sollicite un miracle, un mi-
racle qui, le purifiant de ses taches, le rende digne de
recevoir son Dieu. Il se frappe la poitrine en répétant
trois fois : Seigneur, je ne suis pas digne que vous en-
triez dans ma maison; mais dites seulement à votre
452 CATÉCHISME
parole^ et mon âme sera guérie. Oui, dites à voire pa-
role, messagère de votre volonté toute-puissante, elle
partira, et viendra guérir mes blessures.
Cependant du fond de son humilité le prêtre se sou-
vient de ce commandement de Jésus-Christ : En vérité,
en vérité, je vous le dis : Si vous ne mangez la chair du
FilsdeVhomme,et si vous nehuvez son sang, vousn' aurez
point la vie en vous. C'en est fait, la confiance et l'amour
l'emportent, et le prêtre dit, en faisant le signe de la
croix avec la sainte hostie : Que le corps de Jésus-
Christ notre Seigneur garde mon âme pour la vie
éternelle. Ainsi sait-il.
Cette prière nous fait connaître que le corps de Jésus-
Christ nous est donné comme un gage de la gloire du
ciel, comme des arrhes de la vie bienheureuse, comme
un viatique pour nous aider à passer de l'exil à la patrie.
Le sang, la chair de l'Homme-Dieu devient en nous
comme un sel qui préserve notre âme de la corruption
du péché, qui consume ce qu'elle a de terrestre, qui la
rend agréable à Dieu, et lui donne pour ainsi ^dire le
goût du ciel; et le prêtre, nourri de cette nourriture
d'immortalité, peut regarder sans pâlir la tombe en-
tr'ouverte ; il y descendra sans crainte : dans sa chair
repose le gage de la résurrection future.
Après avoir pris la sainte hostie, le prêtre emploie
l'instant dont il a besoin pour l'avaler à exprimer vi-
vement au Sauveur son amour et sa reconnaissance.
Aussitôt qu'il est en état de parler, il dit : « Que ren-
drai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a accor-
DE PERSÉVÉRANCE. 453
dés? Je prendrai le calice du salut, et j'invoquerai le
nom du Seigneur en chantant ses louanges, et je serai
à couvert de mes ennemis. » Et en effet quel sentiment
peut être dans un cœur où Jésus réside en personne,
sinon un sentiment de reconnaissance et d'admiration?
et quelles paroles sur des lèvres qu'il vient de sanctifier,
sinon un cantique de louanges? Le prêtre découvre
ensuite le calice, l'adore en faisant la génuflexion, puis
ramasse avec un soin respectueux les parcelles de la
sainte hostie qui pourraient être restées sur le corporal
pour les mettre dans le calice, et prenant la coupe
sacrée, il dit : Que le sang de notre Seigneur Jésus-
Christ garde mo7i âme pour la vie éternelle. Àinst
soit-il.
C'est en ce moment qu'a lieu la communion des
fidèles. Nous avons expliqué dans la deuxième partie
de cet ouvrage de quelle manière communiaient les
premiers Chrétiens ' ? Nous n'avons qu'un mot à dire
sur les cérémonies et les prières qui accompagnent
aujourd'hui la communion des fidèles.
Par la bouche du clerc ou du diacre, les commu-
niants, agenouillés sur les marches du sanctuaire ou
sur les degrés de l'autel, font la confession générale de
leurs péchés : Confiteor. Cet usage remonte au delà
de cinq cents ans. Le prêtre se tourne vers eux et dit :
« Que le Dieu tout-puissant ait pitié de vous, et, qu'après
vous avoir pardonné vos péchés, il vous conduise dans
' Foy. encore là-dessus les intéressants détails donnes par Du-
rantus, lit». 2, c 55.
454 CATÉCHISME
la vie éternelle. » Par la bouche du ministre tous répon-
dent : Qu'il soit ainsi : Amen. Le prêtre ajoute : « Que
le Seigneur tout-puissant et miséricordieux vous accorde
l'indulgence, le pardon et la rémission de tous vos pé-
chés. » Leurs cœurs répondent : Qu'il soit ainsi : Amen.
Prenant alors la sainte hostie, qu'il tient élevée sur le ci-
boire, le prêtre dit : € Voici l'Agneau de Dieu,voici celui
qui efface les péchés du monde. » Et il ajoute trois fois :
« Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans
ma maison, mais dites seulement une parole, et mon
âme sera guérie. » Le prêtre s'approche, et donne la
sainte communion en faisant le signe de la croix qu'il
accompagne de ces paroles : « Que le corps de notre
Seigneur Jésus-Christ garde votre âme pour la vie
éternelle?»
Dans plusieurs églises, les fidèles répondent : Qu'il
soit ainsi : Amen. Mais si partout ils ne l'expriment pas
de bouche, ils doivent le dire du plus profond de leur
cœur. Quel vœu plus beau, plus utile pourraient-ils
former ?
En Allemagne et dans plusieurs parties de la chré-
tienté, on présente aux fidèles qui viennent de com-
munier du vin et de l'eau pour se purifier la bouche.
Cet usage fort ancien a encore lieu dans les ordinations
et, dans beaucoup d'endroits, le jour de la première
communion générale '.
Par respect pour le Sauveur, le prêtre se purifie la
bouche et les doigts, afin qu'il n'y reste rien des saintes
* Lebrun, p. 636.
DE PERSÉVÉRANCE. 455
espèces. Cetusage vénérable remonte jusqu'au douzième
siècle. Auparavant on se contentait, après la commu-
nion, de se laver les mains et de jeter l'eau dans la
piscine ou lavoir; c'était un lieu décent et consacré à
cela. Depuis cette époque, le prêtre fait deux ablutions,
une avec du vin pur, l'autre avec du vin et de l'eau que
le clerc ou le sous-diacre lui verse sur les doigts. Mais
pendant qu'il est occupé de ces scènes extérieures, son
âme, unie à son Dieu, entretient avec lui un saint com-
merce ; elle lui demande quoi? Ah ! que peut, que doit
demander une âme voyageuse, exilée, qui est unie à son
Dieu, à son père, à sa fin, sinon qu'il daigne immorta-
liser cette union? Tel est le sens des deux prières sui-
vantes :
« Faites, Seigneur, que nous conservions dans un
cœur pur le sacrement que notre bouche a reçu, et que
ce don temporel devienne pour nous un remède éter-
nel. » Et en se purifiant les doigts, il ajoute : « Qu'ils
demeurent attachés à mes entrailles, ô Seigneur! votre
corps que j'ai reçu et votre sang que j'ai bu ; et faites
qu'il ne reste en moi aucune tache de mes péchés,
après avoir été nourri par des sacrements si saints et si
purs. Vous qui vivez et régnez dans tous les siècles des
siècles. Ainsi soit-il. »
Quelles plus belles prières les fidèles qui ont eu le
bonheur de communier pourraient-ils réciter en ac-
tions de grâces? Mais qu'ils aient communié réelle-
ment ou spirituellement, les assistants doivent pendant
ces instants si précieux et si courts s'entretenir avec
456 CATÉCHISME
Jésus-Christ, l'adorer, le remercier, et lui demander
avec confiance tout ce qui peut leur être nécessaire
pour le corps et pour l'âme. Le moment qui suit la
communion, dit sainte Thérèse, est le temps le plus
précieux de la vie.
PRIÈRE.
O mon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
de m'avoir permis d'assister si souvent à votre adorable
sacrifice ; je vous demande pardon de toutes les irrévé-
rences dont je m'y suis rendu coupable.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je
communierai sacramentellement ou spirituellement
toutes les fois que j' entendrai la messe.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Cinquième partie de la messe.
Q. Où commence la cinquième partie de la messe ?
R. La cinquième partie de la messe commence au
Fater. Le Pater est précédé d'une préface ou prière
préparatoire : on la dit par respect pour l'Oraison domi-
DE PERSÉVÉRANCE. 457
nicale et pour nous aider à la bien faire. Le peuple, par
la bouche du diacre, récite cette demande du Pater qui
renferme toutes les autres : Mais délivrez-nous du mal.
Dans la prière suivante le prôtre explique à Dieu les
maux dont nous désirons la délivrance, et il la sollicite
par l'intercession de la sainte Vierge et des Saints.
Q. Que fait-il ensuite ?
R. Ensuite le prêtre rompt l'hostie sur le calice, et
en met une parcelle dans le précieux sang, pour mar-
quer l'union intime que nous allons contracter avec
Notre-Seigneur parla comnjunion. Il dépose les deux
autres sur la patène pour s'en communier. Il dit en
même temps : « Que la paix du Seigneur soit toujours
avec vous. » C'est à ce moment que les premiers Chré-
tiens se donnaient le baiser de paix. Ils exprimaient
par là qu'ils s'aimaient très-tendrement comme des
frères. La charité pour le prochain est une condition
essentielle pour bien communier.
Q. Qu'est-ce que VAgnus Dei ?
R. VAgnus Dei est une prière par laquelle le prêtre
demande à Noire-Seigneur qu'il nous donne la paix,
la paix en ce monde et en l'autre; car c'est là le pré-
cieux effet de la sainte communion. 11 récite après cela
trois belles prières pour se disposer immédiatement à
recevoir Noire-Seigneur. Nous devons nous-mêmes les
réciter avec une grande dévotion, c'est un excellent
moyen de nous préparer à la communion.
Q. De quoi sont-elles suivies ?
R. Ces prières sont suivies de ces paroles du cenle-
45S CATÉCHISME
nier : « Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez
dans ma maison ; mais dites seulement une parole, et
mon âme sera guérie. » Le prêtre connaît son indignité,
et il demande au Seigneur de guérir son âme, afin
qu'elle soit en état de le recevoir. Il prend ensuite le
corps et le sang de Jésus-Christ.
Q. Pourquoi dit-on le Confiteor avant de commu-
nier ?
R. Avant de communier on dit le Conjiteor pour
s'exciter à la componction et à l'humilité ; car le Con-
fiteor est une accusation générale et publique de tous
les péchés. En communiant les fidèles le prêtre leur
dit: «Que le corps de notre Seigneur Jésus-Christ garde
votre âme pour la vie éternelle. » Nous devons désirer
ardemment qu'il en soit ainsi.
Q. Qu'est-ce que les ablutions?
R. Les ablutions sont des purifications par lesquelles
le prêtre nettoie sa bouche et ses doigts afin qu'il n'y
reste rien des saintes espèces. En les faisant, il récite
des prières comme actions de grâces de la communion.
Nous devons les réciter aussi, quand même nous n'au-
rions fait que la communion spirituelle.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de m'avoir permis d'assister si souvent à votre adorable
sacrifice ; je vous demande pardon de toutes les irrévé-
rences dont je m'y suis rendu coupable.
DE PERSÉVÉRANCE. 459
Je prends la résolution d'aimer Dieu par- dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-môme pour
l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je
communierai sacramentellement ou spirituellement
toutes les fois que j'entendrai la messe.
460 CATÉCHISME
XXllP LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Sixième partie de la messe. — Communion. — Postcommunion. —
Ite missa est. — Bénédiction. — Evangile de saint Jean. — Com-
ment il faut sortir de la messe.
La sixième et dernière partie de la messe, c'est l'ac-
tion de grâces. Dans la société la reconnaissance est un
devoir sacré. Honte à celui qui ose s'en affranchir, il
est flétri. La plus grande injure qu'on puisse adresser à
quelqu'un, c'est de lui dire : Vous êtes un ingrat. La
reconnaissance est aussi un devoir commandé par la Re-
ligion; Jésus-Christ ne condamne-t-il pas hautement
ces lépreux qui, après leur guérison, ne vinrent pas le
remercier? A la messe, il a daigné nous accorder la plus
grande de toutes les grâces. Oh! il n'était pas à craindre
que l'Eglise, celte épouse si tendre, manquât de lui en
rendre de solennelles actions de grâces ; elle l'a fait
dans tous les siècles. « Après qu'on a participé à ce grand
sacrement, dit saint Augustin, toutse termine parl'action
de grâces '.» Ce qui se pratiquait alors se pratique encore
aujourd'hui, et puisse notre reconnaissance égaler celle
de nos pères !
La dernière partie de la messe contient XAnlimne
' Epist. 149.
DE PERSÉVÉRANCE. 461
de la communion, Toraison appelée Postcommunion,
Vite missa est, la Bénédiction et l'évangile de saint Jean :
In principio^ etc.
Dans les beaux jours de la primitive Eglise, alors
que tout le peuple communiait, on chantait pendant la
distribution de l'Eucharistie des psaumes qui avaient
rapport à cette action sainte. En Orient, c'était le beau
cantique commençant par ces mots : Comme le cerf al-
téré soupire après la source d'eau vive^ ainsi mon âme
soupire après vous, ô mon Dieu ! En Occident, c'était le
psaume trente-trois : Je bénirai le Seigneur en tout
temps : sa louange sera toujours sur mes lèvres\
Nous imitons ce pieux usage lorsque dans nos grandes
solennités on chante des psaumes ou des cantiques pen-
dant la communion. Quoi de plus beau? Les festins des
rois et des grands de la terre sont accompagnés de
chants et de musique ; ne fallait-il pas que des chants
mélodieux retentissent pendant le festin sacré auquel
Dieu lui-même, hôte, nourriture et convive, invite ses
enfants? Et pendant que les voûtes de nos temples ré-
sonnent des chants de notre amour, les Anges, présents
au divin banquet, redisent sur leurs harpes d'or et la
bonté de Dieu et le bonheur de l'homme.
Lorsque la communion touchait à sa fin, l'évêque
faisait signe au chef du chœur, et on chantait le Gloria
Patri pour terminer l'hymne du festin. La ferveur des
fidèles ayant malheureusement diminué, on a réduit les
psaumes à un verset qu'on nomme antienne, parce qu'il
' Bona, lib. 2,''c. 17/
462 CATlêCHISMB
se chantait alternalivemenl par les deux chœurs. Telle
est la prière de la messe que nous appelons Commu-
nion.
Le prêtre la récite du côté de l'épître, car, pendant
qu'il a recouvert le calice, le clerc a reporté le missel
de ce côté-là. C'est la place qui convient le mieux au
livre, parce qu'elle est du côté du siège de l'évêque et du
prêtre. On l'y laisserait toujours si une raison mysté-
rieuse n'avait déterminé à lire l'Évangile du côté de
l'aquilon, et si, depuis l'Offertoire, il ne fallait dégager
le côté de l'autel où l'on apporte les ablutions, les bu-
rettes, où l'on prépare le calice, etc.; la sacristie, d'où
l'on porte tout ce qui est nécessaire, étant ordinaire-
ment de ce côté.
La Communion récitée, le prêtre vient au milieu de
l'autel, le baise par amour et par respect, puis, se tour-
nant vers le peuple, il l'invite à la prière et à la recon-
naissance par ces mots : Que le Seigneur soit avec vous,
et le peuple répond : Et avec votre esprit. Le prêtre re-
vient au missel, et, au nom de tous, dit : Oremus : Prions,
et il récite à haute voix la Postcommunion, qui est
une prière d'actions de grâces. Ah ! si nous connais-
sons le don de Dieu et la faveur qu'il vient de nous
faire, avec quel profond sentiment d'amour ne dirons-
nous pas à la fin de cette prière : Amen, ainsi soit-il,
amour, actions de grâces, reconnaissance éternelle.
Le nombre des Postcommunions est le même que ce-
lui des Collectes et des Secrètes avant la Préface. En
effet, il est juste d'égaler le nombre de nos remercî-
DE PERSÉVÉRANCE. 463
ments à celui de nos demandes. Aux Postcommunions on
ajoute en carême une oraison qu'on appelle prière sur
le peuple; elle est précédée de cette invitation faite par
le diacre : Humiliate capita vestra Deo : Humiliez vos
têtes devant Dieu. Quel que soit le motif qui ait fait in-
stituer celte prière, qu'on l'ait dite pour les fidèles qui
n'avaient pas communié ou pour les pécheurs qui ac-
complissaient leur pénitence, les assistants, pendant
qu'on la récite, doivent humilier leurs cœurs, et de-
mander à Dieu qu'il les change et les sanctifie.
Après la Postcommunion, le prêtre, revenu au milieu
de l'autel qu'il baise avec amour, se retourne vers le
peuple et lui adresse ses derniers vœux : Que le Seigneur
soit avec vous. Oh ! oui, avec vous, pieux Chrétiens, qui
êtes venus dès l'aurore, comme les fidèles Israélites,
recueillir la manne tombée du ciel ; nourrissez-vous du
pain sacré dans le cours de cette journée qui commence;
voyageurs de l'éternité, vous y trouverez la force de con-
tinuer votre route vers la patrie ; que le Seigneur soit
avec vous pour vous éclairer, vous protéger, vous con-
soler, vous conserver le fruit du sacrifice, et vous rap-
peler ce que vous avez vu ce malin et ce que vous avez
fait.
Pénétré d'une reconnaissance plus vive que jamais
pour le prêtre qui a été le ministre du grand sacrifice, le
peuple répond : Et avec votre esprit. Voilà donc les sou-
haits que le pasteur et le troupeau, le père et les enfants
s'adressent au pioment de se quitter. En connaissez-
vous de plus heureux et de plus touchants?
464 CATÉCniSME
Enfin le prêtre donne le signal du départ en disant :
Ite, missa est. Ces paroles signifient littéralement, al-
lez, c'est le renvoi ; pour dire, il est permis de sortir,
vous pouvez vous en aller. A la grand'messe, c'est le
diacre qui prononce ces paroles; il le fait au nom du
prêtre ou de l'évêque dont- il est le principal minisire.
Dans les premiers siècles, il avertissait les catéchu-
mènes et les pécheurs de sortir de l'église avant l'of-
frande et l'action du sacrifice ; il lui appartenait donc à
la fin de la messe de renvoyer les fidèles.
Autrefois on disait : Ite, missa est, lorsqu'après la
messe il n'y avait pas d'autre office, alors le peuple pou-
vait se retirer; mais si l'on devait réciter d'autres priè-
res ou faire quelque cérémonie, le prêtre ou le diacre,
à la place de Vite missa est, disait : Benedicamus Do-
mino : Bénissons le Seigneur ; et aux messes de morts :
Requiescant in pace: Qu'ils reposent en paix. Ainsi, au
lieu d'avertir les fidèles que la prière était finie, on les
engageait à rester pour bénir le Seigneur ou pour de-
mander à Dieu, en faveur des défunts, un repos et une
paix éternelle.
Aujourd'hui, l'on dit Vite missa est toutes les fois
qu'on a récité â la messe le Gloria in excelsis; on le re-
garde par conséquent comme une marque de joie et d'al-
légresse, et c'est sans doute ce qui l'a fait supprimer
les jours de la férié, et surtout pendant tout le temps
de l'Avent et du Carême. Ces jours-là on dit : Benedi-
camus Domino, pour inviter les assistants à prier encore
et à se sanctifier par l'oraison, le jeûne et la pénitence.
DE PERSIÉVÉRANCE. 465
Aux messes de morts, on dit : Requiescant in pace :
Qu'ils reposent, en paix, parce que l'Eglise est tout oc-
cupée de procurer à ses enfants défunts le soulagement
dont ils ont besoin. Les fidèles répondent à Yltemtssa
est et auBcnedicamus Domino : Deo gratias : Rendons
grâces à Dieu. « Oui, disent-ils, nous nous retirons avec
joie, et nous bénissons, pleins de reconnaissance, le
Dieu qui nous a comblés de bienfaits en nous faisant
participer aux saints mystères. » Ainsi, ils imitent les
Apôtres qui, après avoir été bénis de Jésus-Christ mon-
tant au ciel, s'en retournèrent comblés de joie, bénis-
sant et remerciant le Seigneur.
Après le Requiescantin pace^ le peuple répond^men,
c'est-à-dire qu'il soit comme vous le désirez, que le Sei-
gneur comble vos vœux et donne la paix éternelle aux
âmes qui souffrent dans le purgatoire'.
La messe est finie, mais il en coûte au prêtre de quit-
ter l'autel saint ; il lui en coûte de se séparer de son
peuple fidèle. Et voilà que depuis plus de sept ans la
dévotion du prêtre et du peuple ont fait deux additions
autorisées ensuite par l'Eglise ^
La première est l'oraison suivante que le prêtre dit
pour lui-même et pour le peuple ; il la récite à voix basse,
les mains jointes sur l'autel et les yeux baissés : «Rece-
vez favorablement, ô Trinité sainte, l'hommage de ma
parfaite dépendance, et daignez agréer le sacrifice que
' Lebrun, p. 642 et suiv. Durandus, lib. 5, c. 55-57. Durantus,
lib. 2, c. 56. Bona, lib. 2, c. 20. Esprit des ce'rém., p. 377.
» Microtog., c. Tî.
T. VII. ' 30
466 CATÉCHISME
j'ai offert à votre divine majesté, quoique j'en fusse in-
digne. Faites, par votre miséricorde, qu'il me soit pro-
pitiatoire et à tous ceux pour qui je l'ai offert. Par notre
Seigneur Jésus-Christ. Ainsi soit-il. »
Cette prière finie, le prêtre baise l'autel, élève les
mains et les yeux au ciel, puis, se tournant vers le peu-
ple et étendant la main, il le bénit en formant le signe
de la croix et disant : Que le Dieu tout-puissant vous
bénisse ; au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit;
et le peuple répond par l'acclamation ordinaire : Amen:
Dieu veuille exaucer le vœu que vous formez pour nous.
Aux messes de morts on omet la bénédiction : elle ne
peut leur servir, car elle n'est que pour les assistants.
Qu'elles sont belles les cérémonies dont le prêtre ac-
compagne celle dernière bénédiction ! Il prend lui-même
la bénédiction de Jésus-Christ en baisant l'autel qui le
représente, il élève les yeux et les mains au ciel, pour
montrer que c'est à ce pontife éternel qui est assis à la
droite du Très-Haut, comme le ministre du sanctuaire
divin, et comme le véritable Melchisédech, de bénir le
peuple fidèle et les enfants du véritable Abraham; de
les bénir pour le ciel et pour l'éternité, par les mérites
de ses mystères et de sa croix.
Le prêtre, nous venons de le dire, en forme le signe
adorable, en bénissant le peuple et en disant : Que le
Dieu tout-puissant vous bénisse, etc.
Que le PÈRE vous bénisse, qui nous a comblés en
Jésus-Christ de toutes sortes de bénédictions spirituelles
pour le ciel, ainsi qu'il nous a élus en lui par son amour.
DE PERSÉVÉRANCE. 461
afin que nous fussions saints et irrépréhensibles , nous
ayant prédestinés par un pur effet de sa bonne volonté^
pour nous faire ses enfants adoptifs, par Jésus-Christ
à la louange et à la gloire de sa grâce.
Que le Fils vous bénisse, en qui le Père nous a rendus
agréables à ses yeux; qui nous a rachetés par son sang,
nous donnant la rémission de nos péchés selon les ri-
chesses de sa grâce qu'il a versées sur nous, et en qui il
a tout réuni comme dans le chef, tant ce qui est au ciel
que ce qui est sur la terre.
Que le Saint-Esprit vous bénisse, qui est l'esprit de
sagesse et de révélation, pour connaître Dieu, le sceau
dont nous avons été scellés pour croire en Jésus-Christ
par la parole de vérité, l'évangile de notre salut, le gage
et les arrhes de notre héritage jusqu'à la parfaite déli-
vrance du peuple que Jésus-Christ s'est acquis à la
louange de sa gloire. Ainsi soit il.
L'Evangile de saint Jean esl la seconde addition faite
à la messe par la dévotion réunie des prêtres et des fi-
dèles. Dès le commencement de l'Eglise, les Chré-
tiens avaient pour les sublimes paroles du disciple
bien-aimé la vénération la plus profonde. Saint Augustin
ne désapprouvait pas l'usage déjà établi de son temps
de placer ce saint Evangile sur la tête pour être guéri
de quelque mal, et le pape Paul V ordonna qu'en allant
visiter les malades, on mît la main sur leur tête en ré-
citant l'Evangile de saint Jean. Les Païens eux-mêmes,
frappés de la profondeur et de la sublimité du môme
Evangile, disaient qu'on devrait l'écrire en lettres d'or
468 CATÉCHISME
dans tous les lieux d'assemblée, afin que le tout monde
pût le lire.
Les fidèles ont désiré avec tant d'ardeur qu'on le ré-
citât à la fin de la messe, qu'ils le demandaient expres-
sément dans les fondations qu'ils faisaient aux églises*.
Bientôt cette demande devint inutile : tous les prêtres
récitèrent l'Evangile avant de quitter l'autel. Le saint
pape Pie V en fît une loi. On le dit chaque jour, à
moins qu'il n'y ait double office à cause de quelque
fête : dans ce cas, on récite l'Evangile de la messe
qu'on n'a pas pu dire : par exemple, lorsque l'As-
somption de la sainte Vierge tombe le dimanche, on
célèbre l'office de celte fêle solennelle, mais le dernier
Evangile est celui de l'office du dimanche dont l'office
est supprimé.
La récitation de l'Evangile de saint Jean est accom-
pagnée des mêmes cérémonies que celle de l'Evangile
ordinaire. Au commencement, le prêtre éveille l'atten-
tion des fidèles en leur disant : Que le Seigneur soit avec
vous ; et le peuple répond : Et avec votre esprit. Le
prêtre fait avec le pouce le signe de la croix sur le car-
ton où l'Evangile est écrit, puis il le fait sur son front,
sur ses lèvres et sur son cœur, pour protester de son
amour et de sa foi. Il dit en même temps : Commence-
ment de l'Evangile selon saint Jean ; à quoi le peuple
répond: Gloire soit à vous ^ Seigneur.
Le prêtre reprend :
« Au commencement était le Verbe, et le Verbe
' Lebrun, p. 673.
DE PERSÉVÉRANCE. 469
était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commen-
cement en Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et
rien n'a été fait sans lui de tout ce qui a été fait. En lui
était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la
lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont
point comprise. Il y eut un homme envoyé de Dieu qui
s'appelait Jean; il vint pour servir de témoin, pour ren-
dre témoignage à la lumière, afm que tous crussent par
lui; il n'était pas la lumière, mais il était venu pour
rendre témoignage à celui qui était la lumière. Celui-là
était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en
ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait
par lui, et le monde ne l'a point connu. 11 est venu chez
soi, et les siens ne l'ont point reçu; mais il a donné à
ceux qui l'ont reçu le pouvoir d'être faits enfants de
Dieu, à ceux qui croient en son nom, qui ne sont point
nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté
de l'homme, mais de Dieu même. Et le Verbe s'est
FAIT CHAIR, et il a habité parmi nous, et nous avons vu
sa gloire, sa gloire comme du Fils unique du Père,
étant plein de grâce et de vérité. »
A ces mots : Et le Verbe s'est fait chair, le prêtre fait
une génufluxion pour honorer le profond abaissement
du Verbe divin, qui, pour nous racheter, a bien voulu
s'anéantir jusqu'à prendre la forme d'esclave, c'est-à dire
de l'homme esclave du Démon et du péché.
La pensée de terminer les prières du saint sacrifice
par l'Evangile de saint Jean est pleine de sagesse et de
piété. En effet, les paroles qu'il comprend résument tout
470 CATÉCHISME
ce que le Verbe a fait pour nous, dans l'éternité et dans
le temps ; elles le montrent dans le sein de son Père,
Dieu comme lui, par qui tout a été fait, qui est la vie et
la lumière du monde; elles le montrent descendu sur
la terre, véritable soleil de justice qui a lui dans les té-
nèbres, qui éclaire ceux qui étaient assis à l'ombre de
la mort; elles nous rappellent que c'est par lui que nous
sommes enfants de Dieu, car il s'est fait chair, et il a
habité parmi nous, afin de nous racheter de l'esclavage
du péché et de nous délivrer de la damnation éternelle.
Nous avons vu sa gloire dans la crèche, sur le Thabor,
au Calvaire, au sépulcre ; nous le voyons chaque jour
dans la sainte Eucharistie, et nous le louons et nous le
bénissons parce qu'il est plein de grâce et de vérité*.
A la fin de l'Evangile de saint Jean, tout le peuple,
par l'organe du clerc, répond : Deo gratias : Nous ren-
dons grâces à Dieu. Cette courte prière est si sainte, si
parfaite et si digne de Dieu, qu'on ne pouvait finir le
plus grand des mystères par une parole plus mystérieuse
et plus divine. Que pourrmis-nous penser ^ demande
saint Augustin, que pourrions -nous dire, que pour-
rions-nous écrire de meilleur que cette parole : Deo gra-
tias : Grâces à Dieu? Non, on ne peut rien dire de
plus court, rien entendre de plus agréable^ rien concevoir
de plus grand, rien faire de plus utile et d^un plus grand
fruit que cette prière : Deo gratias : Grâces à Ditu*.
' Esprit des cérém., p. 384. Lebrun, p. 676. Le P. de Condren,
p. 410.
» Epis t. 77.
DE PERSÉVÉRANCE. 471
Oh ! oui, grâces à Dieu, le ciel est réconcilié avec la
terre : l'auguste victime, attendue pendant quarante siè-
cles, vient de s'immoler ; elle a été reçue de Dieu par le
sacrifice, et des hommes par la communion. Grdces au
Père qui nous a donné son Fils; grâces au Fils qui
s'est revêtu de notre nature ; grâces au Saint-Esprit qui
nous a sanctifiés en Jésus-Christ ; grâces à l'auguste
Trinité pour tous ses dons, pour toutes ses infinies misé-
ricordes dont le sacrifice catholique est l'abrégé.
Et maintenant, comment devons -nous sortir de la
messe? comment en sortaient nos pères dès les premiers
siècles? Quelle sainteté doit régner dans nos pensées,
dans nos désirs, dans nos paroles, dans nos regards, dans
tous nos rapports avec Dieu et avec le prochain ! Ne
l'oublions pas; le ciel, la terre, l'enfer même ont les
yeux fixés sur nous : le ciel pour se réjouir de notre
bonheur; la terre pour s'édifier de notre sainteté; l'en-
fer pour nous enlever le fruit du sacrifice. Quelle vigi-
lance de notre part ! Prenons garde de réjouir l'enfer,
d'attrister le ciel, et de faire blasphémer le nom de
Chrétien parmi les hommes. Vivons comme nous au-
rions vécu le jour du crucifiement de l'Homme - Dieu,
si nous avions assisté à son immolation sur le Calvaire :
en sortant de la messe, nous descendons de la même
montagne, nous venons d'assister au même sacrifice:
serons-nous comme les Juifs qui descendiren l du Cal-
vaire plus endurcis et plus aveugles ; ou comme le cen-
tenier qui publiait hautement la gloire du Fils de Dieu ;
ou comme Marie et saint Jean dont l'amour pour le
472 CATÉCHISME
Sauveur s'était accru à proportion des douleurs dont ils
venaient d'être les témoins ? choisissons.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de vous être immolé pour moi sur le Calvaire, et de re-
nouveler chaque jour votre sacrifice sur nos autels. Je
vous supplie de mettre dans mon cœur les dispositions
du vôtre lorsque vous mourûtes sur la croix.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu; et, en témoignage de cet amour,
je sortirai de la messe avec un profond recueillement.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Sixième partie de la messe-
Q. Quelle est la sixième et dernière partie de la
messe?
R. La sixième et dernière partie de la messe est
l'action de grâces. Elle comprend l'antienne appelée
Communion, la Postcommunion, Vite missa est, la Bé-
nédiction et l'Evangile de saint Jean.
Q. Qu'est-ce que l'antienne appelée Communion?
R. L'antienne appelée communion est une prière
que le prêtre récite, et que le chœur chante aux grand'-
DE PERSÉVÉRANCE. 473
messes aussitôt après la communion. Dans les premiers
siècles, lorsque tout le monde communiait, on chantait
des psaumes. Comme on chante dans les festins des
rois, l'Eglise a voulu qu'on chantât aussi pendant le fes-
tin où l'homme s'assied à la table de Dieu même. Le
nombre des communiants ayant malheureusement di-
minué, on n'a plus récité que quelques versets des
psaumes. On les chante à deux chœurs; c'est ce
qu'on appelle la Communion ou l'antienne de la Com-
munion .
Q. Qu'est-ce que la Postcommunion?
R. La Postcommunion est une prière qui se récite
après la Communion, c'est pourquoi on l'appelle Post-
communion. On y remercie Dieu du sacrifice qui vient
d'être offert et de la communion à laquelle on a parti-
cipé. Cette prière finie, le prêtre vient au milieu de
l'autel, salue le peuple, et dit l'/fe mma est.
Q. Que veut dire Vite missa est?
R. Vite missa est veut dire : Allez, c'est le renvoi,
c'est-à-dire vous pouvez vous retirer, la messe est
finie. C'est ainsi que dès les premiers siècles on an-
nonçait aux fidèles la fin du sacrifice. Aux grand'-
messes, le diacre dit Vite missa est au nom du prêtre.
Quand la messe était suivie de quelques autres prières,
on disait : Bénissons le Seigneur : Benedicamus Do-
mino. On engageait le peuple, non pas à se retirer,
mais à continuer les louanges de Dieu. Voilà pourquoi
on dit encore Benedicamus Domino^ surtout pendant
l'Avent et le Carême.
474 CATÉCHISME
Q. Pourquoi le prêtre donne-t-il la bénédiction?
R. Le prêtre donne la bénédiction pour souhaiter auï
fidèles qu'ils conservent les fruits du saint sacrifice, et
pour leur témoigner son affection et le désir qu'il a de
leur salut.
Q. Pourquoi récite-t-il l'Évangile de saint Jean?
R. Il récite l'Evangile de saint Jean à cause du pro-
fond respect qu'on a toujours témoigné pour ces saintes
paroles. Les Païens eux-mêmes les admiraient telle-
ment, qu'ils auraient voulu qu'elles fussent gravées
en lettres d'or sur les lieux d'assemblée, afin que tout
le monde pût les lire. Du temps de saint Augustin on
plaçait l'Évangile de saint Jean sur la tête des malades
pour obtenir leur guérison, et aujourd'hui le prêtre le
récite encore en étendant la main sur le malade. A ces
mots, Et le Verbe s'est fait chair, le prêtre fait une gé-
nufiexion pour honorer le profond abaissement du
Fils de Dieu, qui, pour nous sauver, a daigné se faire
homme.
Q. Que dit le peuple à la fin de l'Évangile?
R. A la fin de l'Évangile, le peuple, par la bouche
du clerc, dit : Deo grattas : Grâces à Dieu. C'est avec
bien de la raison. Oui, grâces à Dieu le Père, qui nous
a donné son Fils; grâces au Fils, qui s'est immolé sur
l'autel pour l'amour de nous ; grâces au Saint-Esprit,
qui nous a sanctifiés par Jésus-Christ ; grâces à la très-
sainte Trinité pour tous les bienfaits dont le sacrifice
de l'autel est l'abrégé. Nous devons sortir de la messe
avec beaucoup de recueillement, et vivre pendant la
DE PERSÉVÉRANCE. 475
journée comme si nous avions assisté sur le Calvaire à
la mort du Sauveur.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de vous être immolé pour moi sur le Calvaire, et de
renouveler chaque jour votre sacrifice sur nos autels;
je vous supplie de mettre dans mon cœur les dispo-
sitions du vôtre lorsque vous mourûtes sur la croix.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je sortirai
de la messe avec un profond recueillement.
476 CATÉCUISME
XXIV^ LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Jours de la semaine considérés sous le poiut de vue de la foi. — Ils
sont des jours defétc. — La vie est la vigile de l'éternité.— Com-
ment célébrer cette fête continuelle. — Noms païens des jours de
la semaine. — Noms chrétiens. — Profonde sagesse de l'Eglise. —
Dévotions attachées à chaque jour de la semaine. — Calendrier
catholique, sa beauté, son utilité.
Le dimanche est la première fête du christianisme.
Nous venons d'expliquer en détail l'office divin et l'au-
guste sacrifice par lequel l'Eglise veut qu'on le sancti-
fie. Dans un sens, les autres jours de la semaine sont aussi
des fêtes. L'univers est un temple ; l'homme est un
prêtre, sa vie doit être une fête continuelle : telle est
la pensée des Pères de l'Eglise. « Dites-moi, deman-
dait Origène aux Chrétiens de son temps, vous qui ne
venez à l'église que les jours solennels, les autres jours
ne sont-ils pas aussi des jours de fête? ne sont-ils pas
des jours du Seigneur, des dimanches? C'est le propre
des Juifs de distinguer les jours; aussi le Seigneur leur
déclara qu'il avait en aversion et leurs calendes et leurs
jours de repos. Les Chrétiens, au contraire, considèrent
tous les jours comme les jours du Seigneur, et comme
le jour mêmedePâque, parce que tous les jours l'Agneau
céleste s'immole pour eux, et tous les jours ils le man-
DE PERSÉVÉRANCE. 477
genl. Que si le sacrifice se faisait, suivant la loi de
Moïse, vers le coucher du soleil, c'est parce que la vie
présente est comme un jour à son déclin, une nuit qui
doit être suivie du jour du soleil de justice, au lever
duquel nous entrerons dans un océan de joie et dans
une fêle éternelle'.
Deux choses résultent de ces magnifiques paroles :
1^ que la Religion complétée par Jésus-Christ a déve-
loppé toute la loi ancienne, tellement que si les Juifs
avaient certains jours de fête, c'était une ombre de ce
qui devait avoir lieu sous l'Evangile, alors que tous les
jours ne formeraient plus qu'une fête, une fête où les
hommes s'abstiendraient de tout ce qui peut offenser
Dieu ; 2» que les fêles et la vie elle-même lout entière
ne sont qu'un apprentissage de la fête du ciel ; que le
temps est la vigile de l'éternité, puisque ce n'est qu'en
vue de l'éternité que la vie est donnée à l'homme, le
temps au genre humain, et que nous pouvons toujours
nous y nourrir de la chair ou de la parole duYerbe
incarné, dont on se nourrit aussi dans le ciel.
Insislant sur cette belle idée que la vie n'est qu'une
longue fête où nous devons être saints et pieux
comme dans les solennités particulières, Origène con-
tinue en ces termes : « Le Chrétien, dit-il, qui a l'in-
telligence de sa religion, est persuadé que chaque jour
est pour lui un jour de dimanche, un jour du Seigneur
auquel il attache uniquement son cœur et ses pensées ;
que chaque jour est pour lui un vendredi, et même un
» Homil, XQin Gen.
478 CATÉCHISME
vendredi saint, parce qu'il y dompte ses passions, et
reçoit en sa chair les impressions de la croix de Jésus-
Christ; que chaque jour est pour lui un jour de Pâque,
parce qu'il continue incessamment à se séparer de ce
monde de corruption et de passer au monde invisible et
incorruptible, en se nourrissant de la parole et de la
chair du Verbe humanisé ; enfin, que chaque jour est
pour lui un jour de Pentecôte, parce qu'il est ressuscité
en esprit avec Jésus-Christ, il s'est élevé avec lui jusque
dans le ciel, jusqu'au trône du Père, où il est assis avec
Jésus-Christ et en Jésus-Christ, par lequel il reçoit la
plénitude de l'Esprit saint '. »
Tous les jours de Tannée sont donc des jours saints,
des jours de fête. « Mais, continue le même Père,
comme il est beaucoup de Chrétiens qui ne veulent pas
ou qui ne peuvent pas se résoudre à passer toute leur
vie comme un seul jour de fête, il a fallu, pour s'ac-
commoder à leur faiblesse, déterminer des fêtes parti-
culières. Dans sa maternelle sollicitude, l'Eglise les a
établies afin que les plus dissipés et les plus languis-
sants pussent y acquérir une nouvelle vigueur en se
débarrassant, au moins pour un peu de temps, des af-
faires de ce monde. Toutefois ce ne sont là, suivant
l'expression de saint Paul, que des parties d'un jour de
fête, de cette fête continuelle que les justes célèbrent
toute leur vie et que les bienheureux célébreront dans
l'éternité"^. »
*Contr. Cels., lîb. 8.
» Contr. Cels., lib. 8. S. Hier., in Epist. ad Gai., c. 4.
DE PERSÉVÉRANCE. 479
Telle est l'idée sublime que le Christianisme, par
l'organe de ses docteurs, nous donne du monde et du
temps. Le monde est un temple, la vie est une fêle ,
mais une fête où l'homme déchu cherche à se réha-
biliter; et pour caractériser la vie du Chrétien sous
l'Evangile, ils ajoutent: «C'est une vérité également
importante et incontestable, que le culte religieux de la
Divinité a eu plus d'étendue et de liberté, et s'est moins
laissé borner à des temps, à des années, à des semaines,
à des jours, à des lieux, à des temples et à des autels
particuliers dans l'état d'innocence et dans les siècles
qui l'ont suivi de près, que dans les suivants. On sait
par combien de lois et de prescriptions il était gêné
sous la loi mosaïque. L'Eglise tient le milieu entre la
synagogue et le ciel ou l'état d'innocence.
Sous l'Evangile nous sommes donc comme dans un
état intermédiaire, où la première innocence se recou-
vre, mais où elle n'est pas entièrement recouvrée. Bien
plus, nous espérons dans la vie future une liberté tout
autre que celle du premier état, parce que Dieu y sera
lui seul notre temple, nous y serons le sien ; nous entre-
rons dans sa joie et dans son repos, dont toutes les fêtesde
l'état d'innocence, de la synagogue et de l'Eglise même
n'auront été que des ombres. Dans les fêtes d'ici-bas
Dieu retrace en nous, par la justification, l'image de
notre première pureté ainsi que de la liberté et du bon-
heur dans lequel il avait créé l'homme; par là il forme
en nous quelques traits de la sainteté et de la liberté
parfaite qu'il nous prépare dans le ciel. Les justes tien-
480 CATKCUISME
nenl donc maintenant du premier et du dernier état de
la liberté sainte des enfants de Dieu K i
Mais comment faire de notre vie terrestre une fête
continuelle? comment la célébrer dignement? Il faut,
suivant la pensée des Pères, nous rappeler, même lors-
que nous célébrons des fêtes particulières, que toute la
durée des siècles n'est qu'un jour de fête dont tous les
moments sont consacrés à Dieu; que tout venant de lui,
tout lui appartient et tout doit retourner à lui; que,
quelque part que nous soyons, nous sommes dans son
temple, nous marchons en sa présence, et nous vivons
en lui et de lui ; que, soit que nous buvions, soit que nous
mangions, soit que nous fassions une autre aciion, nous
devons la lui rapporter et lui en faire le sacrifice; que
l'amour de la vérité et de la justice, qui est l'amour de
Dieu même, doit demeurer dans notre âme aussi bien
dans la joie que dans la tristesse, dans la fortune comme
dans le dénùment; et que cette divine flamme doit con-
tinuellement brûler dans notre cœur, comme sur un
autel plus pur et plus précieux que les autels les plus
saints et les plus magnifiques de la terre.
A la célébration de cette fête perpétuelle qui compose
la vie des justes, et qui devrait composer celle de tous
les hommes, ne sont opposés ni le travail des mains, ni
les emplois les plus bas, ni les œuvres serviles; car le
juste animé de la charité est libre, libre de la liberté
des enfants de Dieu : aucune de ses œuvres n'est servile.
Soit qu'il taille sa vigne, soit qu'il cultive ses champs
« Clem. Alexand., Strom., lib. ', n. 512.
DE PERSÉVÉRÂirCE. 481
OU qu'il navigue sur la mer, il ne cesse pas de célébrer
celle fêle continuelle des justes, puisqu'il ne cesse point,
parmi ces occupations, d'aimer son Père céleste et de
chanter ses louanges '.
De là saint Jérôme ne craint pas de tirer cette con-
clusion, que les jours de fête n'ont rien par eux-mêmes
de plus grand que les autres ^; mais qu'il a été néces-
saire de distinguer et d'ordonner ces jours d'assemblée
dans les églises, afin de renouveler et d'enflammer da-
vantage la charité des fidèles envers Dieu, en la pré-
sence duquel ils s'assemblent, et envers leurs frères
avec lesquels ils s'assemblent.
On peut dire dans le même sens que les heures d'un
jour de fête n'ont rien en elles-mêmes de plus saint les
unes que les autres, parce qu'elles composent toutes
ensemble un jour de fête. Toutefois il a été nécessaire
d'en affecter quelques-unes au service divin, afin que
la ferveur de ces heures plus saintement employées
se répandît sur les autres et parfumât en quelque
sorte tout le reste de la journée. Les fêtes particulières
de l'année ont le même but et le même rapport avec
cette fête continuelle que les justes tâchent de célé-
brer pendant toute leur vie, comme un prélude à la
fête éternelle.
« Clem. Alexand., Strom., lib, 7, n. 512.
* Propterea dies aliqui constituti sunt, ut in unum omnes parî-
tor conveaireraus. Non quo ct^lehiior sit dies illa, qua convenimus,
sed quo qwacunique die conveniendum sit, ex conspectu rautuo
Isetitia major oriatur. In Epist. ad Gai., c. 4.
T. VII. 31
482 GATlJ.CHlSMK
La vie de l'homme ici-bas esl donc une fête; mais une
fêle qu'il doit célébrer comme le guerrier au milieu
des combats, en remportant de continuelles victoires;
comme l'exilé, en marchant constamment vers sa pa-
trie ; comme un roi tombé du trône, en cherchant par
de continuels efforts à y remonter. Pour le Chrétien,
c'est-à-dire pour l'homme qui comprend sa destinée,
la fête de la vie est donc, s'il est permis de le dire, une
fête souffrante el laborieuse. Mais courage, ô homme !
guerrier, e\ilé, roi déchu, courage! pour toi viendront
en leur temps la joie et le repos.
Quelle haute philosophie dans celte idée que la reli-
gion nous donne de notre existence temporelle ! comme
elle oriente nos pensées, nos affections, nos entreprises!
comme elle nous ennoblit ! comme elle nous encourage
à la vertu! Or, celte précieuse notion, l'homme, hélas!
l'avait oubliée, et il avait fait de sa vie la fête des dé-
mons, et son existence temporelle n'était qu'un ache-
minement à l'horrible fêle de l'enfer. Dans son aveu-
glement, il avait distingué chacun de ses jours par le
nom d'une créature ou d'une divinité infâme au culte
desquelles il ravpil consacré. Le premier des jours de
la semaine il lavait dédié au soleil, le second à la lune,
le troisième à Mars, le quatrième à Mercure, le cin-
quième à Jupiter, le sixième h Vénus, le septième à Sa-
turne ; et tous ces noms, chargés de honteux souvenirs
el souillés par des sacrifices horribles ou des actions
indignes, faisaient succéder les crimes aux crimes, el
écartaient de plus en plus l'homme coupable de sa fin
dernière.
DE PERSÉVÉRANCE. 483
Réparatrice universelle, l'Eglise calholique s'em-
pressa de détruire les dieux el de bannir leurs noms
du langage. Elle désigna tous les jours de la semaine
par un seul mot, celui de férié, mol plein d'un sens
profond, car il veut dire fête ou repos : fête, nous sa-
vons pourquoi ; repos, parce que tous les jours de la vie
doivent être la cessation du travail de péché, du travail
de ruine et de désordre auquel le genre humain se li-
vrait comme un furieux depuis sa chute sous l'esclavage
de Satan. Dans lu langue de l'Eglise, le premier jour
de la semaine fut appelé le jour du Seigneur, ou pre-
mière (érie; le lundi seconde férié; le mardi, le mer-
credi, le jeudi et le vendredi, troisième, quatrième, cin-
quième et sixième férié. Le septième jour retint le nom
de samedi ou de sabbat, qui veut dire repos, et qui rap-
pelle les traditions judaïques, et le repos du Seigneur
après la création.
Dés lors, la vie el les jours qui la distinguent rappe-
lèrent à l'homme, par leur nouveau nom, le but du
temps el l'emploi auquel il doit être consacré. L'Eglise
ne négligea rien pour bannir du langage civil les noms
profanes donnés aux jours, tant elle connaît la puissance
des mots, tant elle avait à cœur de réhabiliter la société,
enôlanlauPaganisme jusqu'au dernier moyen d'exercer
sa trop funeste influence. Le génie pénétrant de saint
Augustin avait bien saisi la pensée de l'Eglise calho-
lique : « Plaise à Dieu, s'écriait l'aigle d'Hippone, que
les Chrétiens soient chrétiens dans leur langage, et
qu'on cesse de désigner les jours de la semaine par les
noms païens ! Parlons la langue qui nous est propre, ne
484 CATÉCHISME
profanons pas notre bouche par des noms qui sentent
l'idolâtrie; que par leurs noms mêmes nous soyons
avertis que tous nos jours sont autant de jours de repos
et de fête, et que notre vie tout entière est une fête con-
sacrée au Dieu de toute sainteté *. »
Ce n'était pas assez pour l'Eglise d'avoir banni le
langage de l'idolâtrie; mère tendre et éclairée, elle
connaît bien la faiblesse de ses enfants. Et voilà que
pour tenir la ferveur constamment en haleine par de
nouveaux motifs, de pieuses et antiques traditions atta-
chèrent à chaque férié une dévotion particulière. La
première férié, ou le dimanche, fut de tout temps con-
sacré au Seigneur. Au commencement du moyen âge,
le lundi, ou la seconde férié, était consacré au culte spé-
cial du Fils de Dieu, la Sagesse éternelle. Plus tard
on le dédia au Saint-Esprit, pour implorer son assistance
au commencement des travaux de la semaine. Enfin
aujourd'hui on le consacre au soulagement des tré-
passés ; mais c'est une dévotion libre et volontaire que
l'Eglise approuve sans la prescrire.
Le m.ardi, ou la troisième férié, est généralement con-
sacré au culte des saints Anges, et spécialement des
Anges gardiens. Voyez-vous comme la piété est ingé-
nieuse à entretenir dans l'homme de touchants souve-
nirs, de nobles idées de lui-même et des sentiments de
reconnaissance? Croyez-moi, en rendant l'homme re-
connaissant, on le rend bon '.
Le mercredi, ou la quatrième férié, a été depuis les
' In PsaL xi.m.
» Amalar.. Divin Ofjtc, Jil). 4, c M,
DE PERSÉVÉRANCE. 485
temps apostoliques l'objet d'une dévolion particulière
daos l'Eglise d'Orient etdans l'Eglise d'Occident* ; c'é-
tait un jour de station, c'est-à-dire de jeûne et d'assem-
blée aux lieux de prière ou aux tombeaux des Martyrs.
On s'y rendait de grand matin et l'on n'en sortait qu'a-
près l'heure de none, c'est-à-dire à trois heures après-
midi, où finissaient la messe et le petit jeûne qui se pra-
tiquait ce jour-là. On l'appelait petit jeùne^ parce qu'il
était de trois heures moins long que le jeûne du Carême,
des Quatre-Temps, des veilles de grandes fêtes, et quiil
n'était point d'une obligation si étroite, du moins en
Occident ^.
Les mêmes exercices de piété et de pénitence avaient
lieu le vendredi, ou la sixième férié. Voulez-vous savoir
pourquoi l'Eglise avait consacré ces deux jours à rani-
mer la piété de ses enfants par le jeûne et l'oraison?
C'était en mémoire de ce qui était arrivé à Notre-
Seigneur l'avant-veille et le jour de la Passion. Le pre-
mier jour elle rappelait à ses enfants le Conseil des
Juifs où s'était prise la résolution de faire mourir Jésus-
Christ; dans le second, elle leur montrait l'exécution de
leur dessein. L'Eglise a donc cru, et qui peut la blâ-
mer? que les crimes des hommes, véritable cause de la
mort du Fils de Dieu, devaient être pour ses enfants un
sujet de tristesse et de pénitence en ces deux jours de la
semaine, comme sa résurrection était pour eux un sujet
de consolation et de réjouissance au jour du dimanche \
' s. Epipb., Hœres. 3, n. 22.
» Âibaspin., Observ.y lib. 1, c. 10. TertuH., de Oral.
^ Aug., Epist. 36 ad. CasuL, u, iO.Jiaron., sa. 34, n. 168.
486 CATÉCHISME
L'Eglise grecque, malgré toutes ses tribulations et
les diverses révolutions qu'elle a subies, s'est maintenue
jusqu'à présent dans l'usage de jeûner tous les mer-
credis et les vendredis de l'année, à quelques exceptions
près. Dans l'Eglise latine, le jeûne de ces deux jours
étant demeuré libre jusqu'au neuvième siècle, se chan-
gea depuis en simple abstinence. Celle du vendredi fut
bientôt après regardée comme d'obligation, et passa en
loi. L'abstinence du mercredi et du samedi demeura li-
bre jusqu'au quatorzième siècle. Mais l'abstinence du
mercredi s'étant peu à peu abolie, celle du samedi se
fortifia de telle sorte, qu'elle devint aussi indispensable
que celle du vendredi*.
Au jeudi, ou à la cinquième férié, se rattache un sou-
venir si consolant, que les fidèles ont honoré ce jour
par une faveur particulière. En eflfet, c'est le jeudi que
le Fils de Dieu institua le sacrement de l'Eucharistie,
dans lequel il lègue à perpétuité au genre humain sa
chair à manger et son sang à boire : sacrement auguste
qui fait du Sauveur, triomphant dans le ciel, le com-
pagnon de notre pèlerinage et le prisonnier de son amour
dans nos tabernacles. Depuis l'institution de la Fête-
Dieu surtout, les jeudis de l'année semblent avoir été
destinés à renouveler celte fête, tant par des offices pu-
blics que par des dévolions particulières. De sorte qu'il en
est à peu près de lous les jeudis de l'année par rapport
à la Fête-Dieu, comme de tous les dimanches à l'égard
de la fête de Pâque, c'est-à-dire que ceux-là ne sont
• Thomass., des Jeûnes, part. 2, c 15, n. 3, 4, et 5.
DE PERSÉVÉRANCE. 48Î
qu'une octave continuelle du mystère de l'Eucharistie,
comme ceux-ci de la résurrection.
Le vendredi, ou la sixième férié, est consacré à la
Passion. Dans une partie de la chrétienté on fermait le
barreau ce jour-là'; car le jeûne y fut observé lanl en
Orient qu'en Occident jusqu'au neuvième siècle. A celte
époque il se changea en une simple abstinence, mais
dont l'Eglise fit une loi si rigoureuse, qu'elle n'en dis-
pense plus qu'à la fêie de Noël lorsqu'elle tombe le
vendredi ^ A l'abstinence, les fidèles ont coutume de
joindre ce jour-là, vers les trois heures du soir, la réci-
tation de cinq Pater et de cinq Ave Maria, en l'honneur
des cinq plaies de Jésus-Christ.
Le samedi fut, pendantplusieurs siècles, fêté comme le
dimanche, et cela pour plusieurs raisons : d'abord, pour
honorer le repos du Seigneur après la création, et rap-
peler à l'homme que lui aussi, image de Dieu, créait en
quelque sorte durant cette vie, et qu'il entrerait un jour
dans le sabbat, ou le repos éternel, figuré par le septième
jour. Ensuite, on se souvint que le Sauveur avait souvent
choisi le jour du sabbat pour opérer des guérisons et des
miracles, et pour aller prêcher dans les synagogues. Ce
fut celte dernière considération qui détermina l'empe-
reur Constantin à porter sa loi pour faire honorer particu-
lièrement le samedi '.
Dans l'Eglise de Rome ce jour était consacré au
' Sozora., lib. I, c. 8.
• Thomass., des Jeûnes, part. 2, c. 14 et 15.
* Euseb., rit. Const., lib. 4, c. 18, p. 534.
488 CATÉCHISME
jeûne. Il en était de même à Alexandrie d'Egypte. Ces
deux églises, fondées l'une par saint Pierre, et l'autre
par saint Marc son disciple, pratiquant un même usage,
sont une nouvelle preuve du fait auquel on en rapporte
l'origine. Les anciens Romains disaient que saint Pierre,
lors de son premier voyage à Rome, où saint Marc l'a-
vait accompagné, devant combattre Simon le magicien,
un jour de dimanche, jeûna le samedi, et ordonna à
tous les fidèles de l'imiter. En mémoire du triomphe
que le saint Apôtre remporta sur le suppôt du Démon,
on retint l'usage de jeûner le samedi ' ; il s'est conservé
pendant bien des siècles.
Mais si le jeûne était particulier à l'Eglise de Rome,
il n'en fut pas de même de l'abstinence. Dès le onzième
siècle, en 1078, le pape saint Grégoire VII, dans un
concile de Rome, en fit une loi générale pour toute
l'Eglise ^. Cette loi néanmoins ne fut pas reçue par-
tout. Plusieurs provinces de la chrétienté conservèrent
l'habitude de manger de la viande. Au quinzième siè-
cle, saint Antonin , archevêque de Florence , mort
en 1459, fut consulté sur l'obligation de cette absti-
nence du samedi. Il fit cette réponse : « Il y a péché à
manger de la chair en ce jour dans les pays où la cou-
tume de n'en point manger est généralement établie ;
mais si l'on vit dans les lieux où règne la coutume con-
traire, comme en France et en Catalogne, on peut sans
• Cassian., Instit., lib. 3, c. t) et 10.
* Grat., Decr. de constcrat., lib. 5,?c. 31. Lup., t. 5, Comm,,
p 167 et 168.
DE PERSÉVÉRANCE. 489
scrupule se conformer aux usages de ces royaumes *. »
Quelques années après la mort de saint Antonin,
toute l'Eglise de France reçut la loi de l'abstinence du
samedi ; elle se contenta d'en excepter ceux d'entre
Noël et la Purification. Le diocèse de Besançon ne les
exempte même pas. Cette loi ne s'est point établie en
Espagne ; dans ce royaume on n'a point apporté jus-
qu'ici d'autre modification à la liberté de manger de
la chair, que celle de se contenter des intestins et
des issues ou extrémités des animaux les jours de sa-
medi ^. Quoique moins générale que celle du vendredi,
l'abstinence du samedi ne doit pas être moins religieu-
sement observée ; l'autorité qui prescrit l'une et l'autre
est la même : c'est l'autorité de l'Eglise notre mère,
l'épouse de Jésus -Christ, dont le Sauveur lui-même
dit : « Si quelqu'un n'obéit pas à l'Eglise, qu'il soit pour
vous comme un païen et un publicain. »
Comme on le voit, le samedi a été depuis le commen-
cement de l'Eglise en grande vénération parmi les fi-
dèles^. Vers la fin du onzième siècle, en 1095, le pape
Urbain II, pour attirer sur les Croisades les bénédictions
du Ciel par l'intercession de Marie, consacra le samedi
à la sainte Vierge, et ordonna qu'on en ferait l'office ce
jour-là^. Depuis cette époque les fidèles se font un de-
voir d'ofl'rir le samedi en l'honneur de Marie ; de témoi-
• Summ. Thoin., part. 1, tit. 12, c. 1, § 4.
* Maiian., Hist. Hisp., lib. 5, c. 6, et lib. 11, c. 24.
' Amalar., Divin. Officy lib. 4, c. 17.
\Moreri, art. Office.
4l^ CATÉCHISME
gner à cette divine mère leur tendresse et leur recon-
naissance, soit par le jeûne, soit par l'assistance au
saint sacrifice de la messe, ou par quelque autre exer-
cice de piété. Rien n'est plus touchant et plus utile.
Ainsi, chaque jour de la semaine apporte au Chrétien
un nouveau motif de ferveur et de sainteté. Croyez-vous
que cette manière de distinguer les jours ne soit pas
aussi morale que celle des gens du monde, qui ne dis-
tinguent les leurs que par la variété de leurs affaires ou
de leurs plaisirs?
Ce que l'Eglise a fait pour chaque jour de la semaine
elle l'a fait pour les mois et les années. Partez de ce
principe, que l'homme faible et inconstant a sans cesse
besoin de nouveaux motifs pour s'exciler à la vertu;
que tousies états ayantleurs devoirs et leurs peines par-
ticuliers, il faut aux hommes de tous les états des mo-
dèles de sainteté; enfin, que la vie de l'homme est une
alternative continuelle d'adversités et de prospérités,
où se trouvent quelques joies et beaucoup de larmes ;
et vous ne pourrez vous défendre d'admirer le calen-
drier catholique. Quel haut enseignement de vertu,
quelle source intarissable de consolations, quelle va-
riété de motifs il présente aux hommes de tout âge, de
tout état dans les positions de la vie !
L'impiété du dernier siècle en avait compris toute
l'influence, lorsque, dans sa haine aveugle du Christia-
nisme, elle proscrivit le calendrier, et voulut remplacer
nos fêtes chrétiennes par des fêtes comme celle de la
déesse Raison ; nos modèles catholiques, par des plantes
DE PERSÉVÉRANCE. 491
OU des instruments aratoires, et des créatures inanimées,
et substituer aux noms de nos saints des noms tels que
celui de Marat' ! Le temps, et un temps très-court, a
fait justice de leur abjecte pensée. Ah ! si vous aimez
' Nous dfinnons iri le Calendrier de la république une et ifidii-i-
sible C'est un monument déjà fort rare et «>n ne peut plus curieux
de l'absurdité des prétendus réformateurs- Voici donc les modèles
et les sujets de méditation qu'ils proposaient aux citoyens français
Je ne vous impose pas, lisez :
VENDEMIAIRE
BRUMAIRE.
FRIMAIRE.
1*"^ MOIS.
2' MOIS.
3^ MOIS.
1
Raisin-
1
Pomme.
1
Raiponce.
2
Safran.
2
Céleri.
2
Turneps.
3
Châtaigne.
3
Foire.
3
Chicorée.
4
Colchique.
4
Betterave.
4
Nèfle.
5
Cheval
5
Oie.
5
Cochon -
6
Balsamine.
6
Héliotrope.
6
Mâche
7
Carotte.
7
Figue.
7
Chou-flcur.
8
Amaranthe.
8
Scorsonère.
S
Miel.
9
Panais.
9
Alisier.
9
Genièvre
10
CUVf.
10
CHARRUE.
10
PIOCHE.
11
Pomme-de-terre.
11
Salsifis.
11
Cire.
12
Immortelle.
12
M acre.
12
Raifort.
13
Potiron.
13
Topinambour.
13
Cèdre.
14
Réséda.
14
Endive.
14
Sapin.
15
A?.E.
15
Dindon.
15
Che\reijil.
10
Belle-de-nuit.
16
Chervi.
16
Ajonc.
17
Citrouille.
17
Cresson.
17
Cyprès.
18
Sarrasin.
18
Dentelaire.
IS
Lierre.
l-J
Tournesol.
19
Grenade.
19
Sabine.
20
PRESSOIR.
20
HERSE.
20
HOYAU-
21
Chanvre.
21
Bacchante.
21
Erable-sucre-
122
Pèche.
22
Azérole.
22
Bruyère.
23
Navet.
23
Garance.
23
Roseau.
24
Amaryllis.
24
Orange.
24
O.scille.
25
Boeuf.
25
Faisan.
25
GRILLOIV-
26
Aubert^ine.
26
Pistache.
26
Pijiuèn
127
Piment.
27
Macjonc.
27
Liège.
128
Tomate.
28
Coing.
28
Truffe.
29
Orge.
29
Cormier.
29
Olive.
30
TONNEAU-
30
ROULEAU.
30
PHLLE.
492 CATÉCHISME
l'homme, si vous le comprenez, lui el sa destinée, et ses
faiblesses, et ses combats, et ses douleurs, laissez, laissez-
le chercher des exemples, des encouragements et des
consolations où il peut en trouver ; et convenez qu'après
celui de l'Eternel, le culte des Saints est encore une des
plus belles institutions dont la morale du citoyen soit
redevable au catholicisme.
Où trouverez-vous, en effet, une succession de vertus
NIVOSE
PLUVIOSE
VENTOSE
4* MOIS.
5' MOIS.
6' .MOIS.
1
Tourbe.
1
Lauréole.
1
Tussilage.
2
Houille.
2
Mousse.
2
Cornouiller.
3
Bitume.
3
Fragen.
3
Violier.
4
Soufre.
4
Perce-neige.
4
Troène.
ô
Chien.
5
Taureau.
5
Bouc.
6
Lave.
6
Laurier-thym.
6
Asaret.
7
Terre végétale.
7
Amadouvier.
7
Alaterne.
8
Fumier.
8
Mézcréon,
8
Violette.
9
Salpêtre.
9
Peuplier.
9
Marceau.
10
FLEAU.
10
COGNEE.
10
BÊCHE.
11
Granit.
11
Ellébore.
11
Narcisse.
12
Argile.
12
Brocoli.
12
Orme.
13
Ardoise.
13
Laurier.
13
Fumeterre.
14
Grès.
14
Avelinier.
14
Vélar.
15
Lapin
15
Vache.
15
Chèvre.
16
Silex.
16
Buis.
16
Epiriards.
17
Marne.
17
Lichen.
17
Doronic.
18
Pierre à chaux.
18
if.
18
Mouron.
19
Marbre.
19
Pulmonaire.
19
Cerfeuil.
20
VAN.
20
SERPETTE.
20
CORDEAU.
21
Pierre à plâtre.
21
Thlaspi.
21
Mandragore.
23
Sel.
22
Thymelé.
22
Persil.
23
Fer,
23
Chiendent.
23
Cochléaria.
24
Cuivre.
24
Traînasse.
24
Pâquerette.
25
Chat.
25
Lièvre.
25
Thon.
2G
Etain.
26
Guède.
26
Pissenlit.
|27
Plomb.
27
Noisetier.
27
Sylvie.
28
Zinc.
28
Cielamen.
28
Capillaire.
29
Mercure.
29
Chelidoine.
29
Frêne.
30
,
CRIBLE.
30
TRAINEAU
30
PLANTOIR.
DE PERSlSvéRANCE. 493
plus variée et plus féconde que dans la Vie des Saints ?
Vertus simples et populaires, qui sont ù la portée de
tous, qui ont pour objet le bonheur de tous, qui con-
viennent également à toutes les conditions et à tous les
âges, qui offrent aux pauvres comme aux riches, aux
heureux et aux malheureux, des exemples à suivre,
des œuvres à imiter, la môme récompense à espérer,
et qui portent avec elles nn attrait assez divin pour
GERMINAL
FLORÉAL.
PRAIRIAL.
?• MOIS.
8' MOIS.
9* MOIS
1
Prime-vère.
1
Rose.
1
Luzerne.
2
Platane.
2
Chêne.
2
Hémérocalle.
3
Asperge.
3
Fougère.
3
Treffle.
4
Tulipe.
4
Aubépine.
4
Angélique.
5
Poule.
5
ROSSIGNOL.
5
Canard.
6
Blette.
6
Ancolie.
6
Mélisse.
7
Bouleau.
7
Muguet.
7
Fromental.
8
Jonquille.
8
Champignon.
8
Martagon.
9
Aulne.
9
Hyacinthe.
9
Serpelet.
)0
COUVOIR.
10
RATEAU.
10
FAULX.
II
Pervenche.
11
Rhubarbe.
11
Fraise.
12
Charme.
12
Sainfoin.
12
Bétoine.
13
Morille.
13
Râtot-d'or.
13
Pois.
14
Hêtre.
14
Chamérisier.
14
Acacia.
15
ABEILLE.
15
Ver-a-soie.
15
Caille.
IG
Laitue.
16
Consoude.
16
OEillet.
17
Mélèse.
17
Pimprenelle.
17
Sureau.
18
Ciguë.
18
Corbeillc-<i'or.
18
l'avot.
19
Radis.
19
Arroche.
19
Tilleul.
20
RUCHE.
20
SARCLOIR.
20
FOURCHE.
21
Gainier.
21
Staticée.
21
Barbeau.
22
Romaine.
22
Fritillaire.
22
Camomille.
23
Marronnier.
23
Bourrache.
23
Chèvre-feuille.
24
Roquette.
24
Valériane.
24
Caille-lait.
25
Pigeon-
25
Carpe.
25
Tanche.
26
Lilas.
26
Fusain.
26
Jasmin.
il
Anémone.
27
Civette.
27
Verveine.
28
Pensée.
28
Buglose.
28
Thym.
29
Myrtille.
29
Sénevé.
29
Pivoine.
30
GREFFOIR.
30
HOULETTE.
30
CHARIOT.
1^4 CATÉCHISME
exciter l'âme à les suivre, à les cultiver et à faire des
efforts pour y atteindre.
Grâce au calendrier catholique, il n'y a point de jour
dans l'année où le pèlerin de l'éternité, l'exilé du ciel,
l'antagoniste du mal, soit délaissé à lui-même; il n'y a
point de jour où il ne reçoive, en quelque sorte, la visite
d'un homme juste qui vient lui offrir comme en tribut
tout le bien qu'il a feit. Ainsi, l'année religieuse ne se
MESSIDOR.
THERMIDOR
FRUCTIDOR
10" MOIS
11' MOIS.
12" MOIS
1
Seigle.
1
Épeautre.
1
Prune.
2
Avoine.
2
HouilloQ blanc.
i
Jlillel.
.{
Oignon.
3
Melon.
■^
Ljcoperde.
Escourpeou.
4
Véronique.
4
Ivraie.
£
S*c«os.
3
Mllet.
5
RÉLIER.
6
Tubéreuse.
6
7
Romarin.
C;>ncoinbre.
6
Pcéle.
Armoise.
7
8
g
Sucrion.
Apocjn.
Réglisfe.
8
Ec1j;i lottes.
8
Carthame.
lo
ECUELLE.
9
Absinthe.
9
Mûres.
11
Pasièque.
Fenouil.
Epincïineiie.
lu
FaUULLE.
10
ARROSOIR.
12
15
M
Coriandre.
11
Panis.
U
\o\x.
i 2
Artichaut.
12
Salicor.
i5
Teoitb.
IJ
Giroflée
13
Abricot.
16
Cilron.
CarHière.
Nerprun.
14
Lavande-
14
Basilic.
»7
iS
\b
( HAMOIS.
15
Rrebis.
>9
T.igel)e.
IG
Tabac.
16
Guimauve.
20
HOTTE.
17
Groseille.
17
Lin
21
Eglantier.
18
Gesse.
18
Amande.
23
j3
Houblon.
19
Cerise.
19
Gentiane.
24
Sorgo.
20
PARC.
20
ECLUSE.
25
Echeîisse.
21
Menthe.
21
Carline.
27
Bigarade.
Vergp-d or.
22
Cumin.
22
Câprier.
98
Mais.
23
Haricots.
23
Lentille.
39
Marron.
24
Orcanète.
24
Aunée.
5n
PiNIEi;.
25
FiNTAUE.
25
Loutre.
20
Sauce.
26
Myrte.
SANS-COLOTIDES.
27
Ail.
27
Colza.
FÎTES.
28
Vesce.
28
Lupin.
1
De la Venu.
29
Bié.
29
Coton.
3
Du Génie.
30
CHALÉMIE.
30
MOULIN.
£,
Du TraTail.
De rOpiuioD.
Des Bécoinpeiises,
DE PERSî^VléRANCE. 495
passe point que toutes les vertus dont l'homme est ca-
pable n'aient été mises à sa portée, et que la morale la
plus parfaite ne lui ait été enseignée sous tous ses rap-
ports.
Familles chrétiennes, ah ! vous avez peut-être trop
oublié le fruit immense que vous pouvez retirer d'un
tel culte pour le bonheur de vos enfants! Comme
la lecture journalière de la Vie des Saints leur serait
une excellente leçon d'égalité, de sobriété, d'obéissance,
de charité et de modestie ! Comme cette morale en ac-
tion leur serait plus utile que celle des héros de roman,
ou même que celle des personnages de l'histoire pro-
fane, si souvent dénaturée par l'imperfeclion de leurs
œuvres ! Comme ils seraient animés puissamment à faire
le bien qu'ils verraient pratiquer, car je ne sais quelle
grâce secrète et quelle voix du ciel accompagnent le
naïf récit des œuvres du juste ! Or, il est impossible,
dans le premier âge surtout, de ne pas se livrer au désir
de leur ressembler. Et qui doute que ce désir, confié à
la prudence maternelle, ne puisse devenir un jour, pour
les enfants, le germe de la plus pure vertu, et pour les
parents la source des plus abondantes consolations?
Faut-il rappeler l'exemple de saint Augustin, de saint
Ignace, de sainte Thérèse, et de tant d'autres qui ne
durent qu'à la lecture de la Vie des Saints leur retour
à la Religion, et les miracles de sainteté qui en feront
l'admiration éternelle des siècles?
El puis voyez quelle grande leçon d'équité dans la
Vie des Saints : le calendrier catholique est comme une
496 CATÉCHISME
révélation du jugement de Dieu. Toutes les vertus y
sont honorées. Dans nos saints, vous ne voyez pas seule-
ment des solitaires et des pontifes et des martyrs ; vous
y voyez des serviteurs et des maîtres, des riches et des
pauvres, des hommes de retraite et des hommes du
monde, des magistrats et des guerriers, des vierges et
des époux, des savants et des ignorants, des Grecs et des
Barbares. Toutes les conditions, tous les pays, tous les
âges, y sont représentés. Chaque vertu, qu'elle vienne
de l'Orient ou de l'Occident, des siècles passés ou des
temps modernes, qu'elle ait été pratiquée sous le
chaume ou dans les palais, y est également admise. La
faveur du peuple ou celle des grands a-t-elle jamais
exercé ici quelque influence? La richesse y a-t-elle
jamais donné un rang plus distingué, et le glaive des
despotes y a-l-il jamais fait insérer leurs noms? La
bergère de Nanterre, l'humble Geneviève, n'y est-elle
pas assise au-dessus de la génération de nos reines ?
El si Louis IX est honoré sur nos autels, est-ce sa
royauté qui l'y a mis? Il a été le soutien des faibles
et le défenseur des opprimés, il a porté les pauvres dans
son cœur, il a aimé Dieu et les hommes, il a été juste;
et c'est pourquoi la Religion l'a une seconde fois cou-
ronné. Ainsi le héros disparaît devant l'homme chrétien,
et il ne lui survit de toutes ses vertus que celles qui
méritent de lui survivre et de servir d'exemple à la
vertu de tous les mortels *.
« f'oy. Godescard, Préface de la Fie des Saints; le Spectateur
français au \i\.^ siècle^ et Jaiiffret, du Culte public.
DE PERSÉVÉRANCE. 497
Le calendrier catholique est donc une école de toutes
les vertus, un itinéraire de la terre au ciel, un guide
placé sur le chemin de la vie, qui dit à tout homme,
à toute heure et sur tous les tons : Voici les vestiges
que les saints vous ont laissés en retournant dans la
patrie, suivez-les ; à droite et à gauche sont des abîmes.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de m' avoir donné dans la vie des Saints, et dans chaque
jour de la semaine, de nouveaux exemples et de nou-
veaux motifs de me sanctifier ; faites-moi la grâce d'en
profiter pour votre gloire et pour le bonheur de mes
frères.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je lirai cha^
que jour la vie du saint.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIRLE.
Jours de la semaine et du mois.
Q. Comment devons-nous envisager les jours de la
semaine ?
R. Nous devons envisager les jours de la semaine
comme une fête continuelle où nous devons nous abste-
nir de loules les œuvres qui peuvent offenser Dieu, où
X. VII. 32
498 OATÉCHISMB
nous devons le louer, le prier, le bénir et rhonorer par
la sainteté de notre conduite. Les Pères de l'Eglise nous
disent que tous les jours sont saints et qu'ils forment le
commencement de la fêle éternelle que nous célébre-
rons dans le ciel.
Q. Pourquoi donc a-l-on établi des fêles particu-
lières?
R. On a établi des fêles particulières pour ranimer
la ferveur des tièdes et exciter leur courage en leur rap-
pelant les grands événements de la Religion, et leur
proposant de nouveaux motifs d'être vertueux. C'est
par la même raison qu'on a consacré certaines heures
du jour et de la nuit à la prière et à l'office divin, quoi-
que toutes les heures du jour et de la nuit soient éga-
lement saintes.
Q. Quel nom l'Eglise donne-t-elle aux jours de la se-
maine ?
R. L'Eglise donne aux jours de la semaine le nom
de férié. Le mol férié veut dire repos et fête. L'Eglise
veut nous rappeler que chaque jour doit être pour nous
un jour de repos par la cessation du péché et par le
détachement des créatures. Le lundi s'appelle la pre-
mière férié, le mardi la seconde férié, etc. Le samedi a
conservé son ancien nom, qui veut dire repos.
Q. Quelles dévotions particulières sont altachées à
chaque jour de la semaine ?
R. Voici les dévotions particulières et libres qui sont
attachées à chaque jour de la semaine. Le lundi est
consacré aux âmes du purgatoire, le mardi aux Anges
DE PERSÉVéHANCK. 499
gardiens, le mercredi à la Passion, le jeudi à l'Eucha-
ristie, le vendredi k la mort de Noire-Seigneur, le sa-
medi à la sainte Vierge. Dans les premiers siècles, le
mercredi et le vendredi étaient des jours de stations,
c'est-à-dire des jours de jeûne, de prière et d'assem-
blée aux tombeaui des Martyrs. C'est de là qu'est venu
l'usage et la loi de l'abstinence pour le vendredi. A
Rome, on jeûnait le samedi depuis les premiers siè-
cles. C'est de là qu'est venue la loi de l'abstinence pour
ce jour-là.
Q. Que remarquez-vous sur les jours du mois ?
R. Je remarque sur les jours du mois, que l'Eglise a
donné à chacun d'eux le nom d'un saint. C'est un Irès-
bon moyen de nous rappeler chaque jour l'exemple de
nos frères qui sont dans le ciel, et de nous encourager
à imiter leurs vertus. Les riches et les pauvres, les sa-
vants et les ignorants, les enfants et les vieillards, y
trouvent des modèles ; car il y a dans le ciel des saints
de tous les états et de tous les âges.
Q. Que devons-nous faire pour répondre à cette in-
tention de l'Eglise ?
R. Pour répondre à cette intention de l'Eglise, nous
devons lire la vie du saint de chaque jour. Les parents ne
peuvent rien faire de plus utile que de la faire lire à
leurs enfanis et de la leur expliquer.
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
de m'avoir donné dans la vie des Saints, et dans chaque
500 CATÉCHISME
jour de la semaine, de nouveaux exemples et de nou-
veaux motifs de me sanctifier ; faites-moi la grâce d'en
profiter pour votre gloire et pour le bonheur de mes
frères.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je lirai cha-
que jour la vie du saint.
DE PERSÉVÉRANCE. 501
XXV^ LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Avent. — Sagesse de l'Eglise. — Antiquité de l'Avcnt. — Pratiques
de dévotion et de péntience. — Liturgie de l'Avent. — Premier
dimanche. — Deuxième dimanche. ~ Troisième, quatrième. —
Fête de l'cspectation- — Antiennes 0.
La vie de l'homme doit être une fête continuelle ;
tous les jours, toutes les heures qui la composent
doivent être sanctifiés, en sorte qu'il n'y ait pas un
moment dans notre existence qui ne soit un hymne à
la gloire de celui qui a créé l'homme et le temps. Mais
telle est notre faiblesse, telle la préoccupation des af-
faires, telle la violence de nos passions, que l'Eglise,
dans sa sollicitude, a déterminé des jours et des temps
particuliers, spécialement destinés à purifier notre cœur
par la prière, la pénitence et la méditation des vérités
éternelles : voilà ce que nous avons vu dans le caté-
chisme précédent.
Au premier rang de ces époques salutaires il faut
placer le temps de l'Avent. En effet, l'Avent est un
temps de prière et de pénitence que l'Eglise a établi
pour préparer ses enfants à la naissance du Sauveur. Ce
que les Vigiles sont aux fêtes ordinaires, ce que le Ca-
rême est à Pâque, ce que les quatre mille ans de l'an-
cien monde furent à la venue du Messie, l'Avent l'est
502 CATÉCHISME
à fa fête de Noùl. Quatre semaines de préparations ne
vous paraîtront pas trop longues si vous considérez l'èx-
cellence du mystère qui les suit. Si le peuple d'Israël
dut se préparer avec tant de soin pour recevoir la
loi promulgui^e au sommet du Sinaï, pour franchir les
eaux du Jourdain et pénétrer dans la Terre promise,
pour participer à ses victimes impuissantes, ou pour
célébrer ses fêles figuratives : quelles pensez-vous que
doivent être les préparations des Chrétiens pour rece-
voir le Dieu du ciel, le Verbe éternel, le législateur
suprême, la victime sans tache, le type éternel de toutes
les fêles et de tous les sacrifices?
Pénétrée de ces grandes pensées, l'Eglise a institué
l'Avent pour aplanir au Messie le chemin de nos cœurs.
L'institution de l'Avent paraît aussi ancienne que celle
de la fête de Noël, quoique la discipline de l'Eglise à
cet égard n'ait pas toujours été la même. Pendant
plusieurs siècles, l'Avent fui de quarante jours comme
le Carême : il commençait à la Saint-Martin. Fidèle à
ses ancier.'j usages, l'Eglise de Milan a conservé les six
semaines de l'Avent primitif, qui avaient été adoptées
par les Eglises d'Espagne. De bonne heure l'Eglise de
Rome le réduisit à quatre semaines, c'est-à-dire à qua-
tre dimanches avec la partie de la semaine qui reste
jusqu'à Noél. Tout l'Occident a suivi cet exemple.
Autrefois on jeûnait pendant l'Avent; dans certains
pays ce jeûne était de précepte pour tout le monde,
ailleurs de simple dévotion. L'obligation du jeûne est
aMribuée à saint Grégoire le Grand, qui toutefois n'eut
DE PERSÉVÉRANCE. 503
jamais l'inlenlion d'en faire une loi générale. Dès le
milieu du v» siècle, l'an -^62, saint Perpétue, évéque de
Tours, ordonna, pour son diocèse, trois jours de jeûne
par semaine, depuis la fêle de Saint-Martin jusqu'à Noël.
Ce règlement devint général dans l'Eglise de France
au septième siècle, après la tenue du concile de Mâcon,
en 581. Cette sainte assemblée prescrivit que pour le
commun des fidèles les jeûnes se feraient le* lundis,
mercredis et vendredis de chaque semaine, depuis la
férié ou fêle de Saint-Martin jusqu'à celle de la nais-
sance de Notre-Seigneur ; et que les offices, particu-
lièrement le sacrifice de la messe, y seraient célébrés
comme en Carême; il interdit aussi l'usage de la viande
tous les jours pendant le temps de l'Avent.
La même abstinence s'observait dans les autres ré-
gions catholiques : une donation pieuse de cette époque
nous en fournit la preuve. En 753, Astolphe, roi des
Lombards, en Italie, ayant concédé les eaux de Nonan-
tula à l'abbaye de ce nom, s'était réservé quarante
brochets pour l'usage de sa table pendant le Carême
de la Saint-Martin. De là on peut inférer que, dans le
huitième siècle, les Lombards observaient le jeûne du-
rant les quarante jours qui précèdent la fête de Noël, ou
qu'ils pratiquaient du moins l'abstinence des viandes '.
Au jeûne on joignait la prière et d'autres exercices
•de pénitence. « Parmi nous, dit un ancien auteur,
depuis la fêle de Sainl-Martin jusqu'à celle de Noël,
l'abstinence de toute viande et la continence conjugale
• Martène, de rtntiq. y.ccl. discii>l., c. 10, n. 5.
504 CATÉCHISME
est commandée à tous les enfants de l'Eglise, comme
un moyen indispensable de s'approcher des sacrements
le jour de la naissance du Sauveur. « Le pape Boni-
face VIII, dans la bulle de canonisation de saint Louis,
déclare que ce digne successeur de Charlemagne passait
les jours de l'Avent en jeûnes et en prières'. Telle était
la conduite des simples fidèles.
Pour les religieux, ils jeûnaient comme pendant le
Carême; la plupart ont retenu ce pieux usage jusqu'à
ce jour. Nous ajouterons qu'il en est toujours ainsi ; c'est
celui dont tous les jours sont une continuelle préparation
aux choses éternelles, qui conserve les strictes obser-
vances de préparation et de jeûnes ; c'est celui qui n'est
plus dans la m.êlée qui garde son armure, et celui dont
toute la vie est une distraction, un enchaînement de
plaisirs et de dangers, se désarme et ne veille plus pour
se défendre de l'ennemi ^.
Cependant l'Eglise ne néglige aucun moyen de ré-
veiller dans ses enfants l'antique ferveur de leurs pères.
N'est-ce pas avec juste raison? Le petit Enfant que
nous attendons est-il moins aimable, moins saint, moins
digne de tout notre amour aujourd'hui qu'autrefois?
A-t-ii cessé d'être l'ami des cœurs purs? Sa venue dans
nos âmes est-elle moins nécessaire? Hélas! peut-être
' Rainald., ann. 1287, n. 64. Insuper deconsensu uxoris suœ re-
ginae per totum Adventum, per totam Quadragesimam ab usu ma-
trimonii mutuo continebant. Insuper in solenioitatibus, quibus
comraunicare debebat. Ducbesnc, t 5, p. 448.
- Fêtes chrét., p. 46.
DE PERSÉVÉRANCE. 505
y avons-nous relevé toutes les idoles qu'il était venu
renverser il y a dix-huit siècles. Soyons donc plus sages,
entrons dans les vues de l'Eglise, voyons comme celte
tendre mère redouble de sollicitude pour former en
nous les dispositions de pénitence et de charité néces-
saires à la bonne réception de l'Entant de Bethléem.
Dans ses offices elle quitte ses ornements de joie, elle
prend le violet en signe de componction. Le Gloria in
excelsis est omis à la messe ; mais sa tristesse est tem-
pérée par l'espérance. Voilà pourquoi le dimanche à la
messe elle répète V Alléluia. Elle le retranche aux fériés
afin de nous rappeler à la pénitence, et de dire aux
Chrétiens d'aujourd'hui : Pour vos pères tous les jours
de l'Avent étaient des jours d'abstinence et de jeûne,
qu'ils soient du moins pour vous des jours de repentir
et de prières.
Et pour exciter dans toutes les âmes ce double senti-
ment d'espérance et de componction, voici tour à tour la
voix du grand Paul, la voix d'Isaïe, la voix de Jean sur
les bords du Jourdain, la voix du Messie lui-même qui
se môle aux accents des prédicateurs et aux hymnes de
l'Eglise. Il est temps de nous réveiller, l'heure de notre
rédemption approche, la nuit avance, le jour va luire :
hâtons-nous donc de quitter les œuvres de ténèbres, et
revétons-nous des armes de lumière. Marchons avec
bienséance et honnêteté, comme il convient durant le
jour; ne vous laissez point aller aux vices, mais revêtez-
vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ \ Tels sont les
' Ad Ruai., XIII, 11.
506 CATÉCHISME
avertissements que nous donne l'apôtre saint Paul dans
l'épître du premier dimanche de l'Avent.
Afin de rendre cette leçon plus pressante, l'Eglise
nous rappelle dans l'Évangile le jugement dernier et le
second avènement du Fils de Dieu, comme si elle nous
disait : « Si vous voulez voir arriver sans crainte le Dieu
que je vous annonce, lorsqu'il descendra comme juge
suprême des vivants et des morts, préparez- vous à le
recevoir maintenant qu'il vient comme Sauveur. Heu-
reux si vous êtes dociles à mes avis! car voyez combien
son second avènement sera formidable. Il y aura des
signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles ;
les nations de la terre seront dans la consternation ; les
hommes sécheront de crainte dans l'attente de ce qui
doit arriver à l'univers ; les colonnes des cieux seront
ébranlées; alors on verra venir le Fils de l'homme sur
une nuée avec une grande puissance et une grande
majesté. Pour vous, quand vous verrez ces choses arri-
ver, ouvrez les yeux et levez la tête, parce que votre
rédemption est proche. Jugez-en par la comparaison
du figuier et des autres arbres : lorsque vous les voyez
bourgeonner, vous dites : Reconnaissez que l'été va
venir. De même, quand vous verrez ce que je vous an-
nonce, sachez que le royaume de Dieu est proche. En
vérité, je vous le dis, celte génération ne s'écoulera pas
sans que ceci s'accomplisse ; le ciel et la terre passeront,
mais ses paroles ne passeront pas. »
L'Eglise, dites-moi, pouvait elle trouver une vérité
plus capable de porter la terreur dan& les âmes, el de for-
DE PERSÉVÉRANCE. 507
cerlesChrétiens à rentrer en eux-mêmes? Mais elle veut
qu'aux larmes de la pénitence et aux terreurs du juge-
menl se mêlent les soupirs et les consolations de l'es-
pérance. Et voici qu'à l'office du soir elle les fait éclater
dans cette hymne : Slatuta décréta, dont les notes et les
paroles expriment une douce, mais profonde mélancolie.
« Enfin, voici venir les temps marqués par les décrets
du Seigneur;
))Voici venir le jour qui s'est fait attendre tant de
siècles ;
» La postérité d'un père coupable gisait souffrante
et désolée dans un lit de douleurs;
» Les hommes étaient sans force, découragés, cou-
chés dans l'ombre de la mort;
» Les terreurs de la tombe, les tourments de l'enfer,
c'était là leur partage.
» Les enfants d'Adam tremblaient et se desséchaient
dans l'attente du souverain Juge;
» Hélas ! qui pouvait les délivrer de si grands maux?
quelle main assez puissante pour guérir une si profonde
plaie?
•Vous seul, ô Christ! vous seul vous pouvez, quittant
votre trône, rendre à votre image sa forme el sa beauté:
» Cieux, ouvrez-vous au-dessus de nos têtes, el laissez
tomber votre précieuse rosée; que la terre fécondée
donne au monde son Sauveur ;
» O Fils, qui venez pour être notre libérateur, à vous
soit loute louange, avec le Père et avec l'Esprit, dans
les siècles éternels. »
SOS CATÉCHISME
Tout le peuple, qui le matin tremblait au souvenir
de la vallée de Josaphat, tressaille le soir d'une déli-
cieuse espérance, en entrevoyant la crèche de Beth-
léem , et mille chants naïfs expriment ses senti-
ments. Témoin ce cantique populaire que l'enfant et
le vieillard aiment à répéter le soir au coin du foyer :
Venez, divin Messie, changer nos jours infortunés ; ve-
nez, source de vie ; venez, venez, venez, etc.
Le second dimanche de l'Avent l'Eglise continue ses
instructions : elles deviennent de plus en plus précises,
à mesure que le grand événement approche : c'est la
lumière qui devient de plus en plus vive à mesure que
le soleil approche de l'horizon. Dansl'Epître, le grand
Apôtre fait encore entendre sa voix. Il annonce que Jésus-
Christ est envoyé pour accomplir toutes les figures et
réunir les Juifs et les Gentils dans une seule bergerie.
L'Evangile nous présente le précurseur, montrant
dans la] personne de Jésus-Christ le Rédempteur at-
tendu depuis quarante siècles. Il le connaissait, lui,
cet Agneau de Dieu, mais *es disciples ne le con-
naissaient pas. Pour les instruire, il envoya vers Jésus
deux de ses disciples, avec ordre de lui proposer cette
question et d'en attendre la réponse : « Etes-vous
celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un
autre ? » Jésus ayant opéré en leur présence plusieurs
miracles auxquels, suivant Isaïe, on reconnaîtrait le
Christ, Jésus leur répondit : « Allez dire à Jean ce que
vous avez vu : les aveugles voient, les boiteux mar-
chent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent,
DE PERSÉVÉRANCE. 509
les morts ressuscitent ; l'Evangile est annoncé aux pau-
vres : et bienheureux celui qui ne se scandalisera pas
à mon sujet. »
Plus le moment solennel approche où le Messie
doit faire son entrée dans le monde, plus l'Eglise re-
double ses exhortations. Le troisième dimanche saint
Paul nous parle encore dans l'Epître et nous invite à la
joie : l'aurore de notre délivrance brille à l'horizon ; à
la joie il veut que nous joignions la prière, c'est-à-dire
ce désir ardent qui attire Dieu en nous et qui appellera
le Messie dans nos cœurs. Dans l'Evangile, saint Jean-
Baptiste, plus que prophète, n'annonce plus le Messie,
il dit qu'il est déjà dans le monde. El en effet il était déjà
parmi les Juifs ; et nous aussi nous l'adorons déjà dans
le sein de sa mère, lorsque nous entendons cet Evangile.
Le précurseur ajoute une parole qui se vérifie, hélas !
encore aujourd'hui : Il est au milieu de vous, et vous ne
le connaissez pas. Puis empruntant la voix d'Isaïe,il fait
retentir les voûtes de nos temples, comme autrefois les
échos du Jourdain, de ces puissantes paroles : «Voix de
celui qui crie au désert : rendez droites les voies du
Seigneur; abaissez les collines, comblez les vallées,
c'est-à-dire préparez et votre esprit et votre cœur et
vos sens à la réception du Messie. Le voici qui vient,
et je ne suis pas digne de délier les cordons de ses
souliers. » Et celui qui tient ce langage est le plus grand
des enfants des hommes î Oh ! combien le Messie est
grand, sainf, respectable! Avec quel zèle ne devons-
nous pas nous préparer à le recevoir !
510 GATÎÉCHISMB
Enfin, le quatrième dimanche, lorsque le divin En-
fant est au moment d'entrer dans le monde, lorsque
cet aimable époux frappe déjà à la porte de nos
cœurs, l'Eglise termine toutes ses instructions par cette
parole : Toute chair verra le Sauveur envoyé de Dieu ;
parole ravissante qui nous dit : Soyez prêts, les temps
sont accomplis, le soleil de justice et de vérité va briller
à l'horizon ; sa lumière va se répandre sur tous les
hommes sans distinction de riches ou de pauvres, de sa-
vants ou d'ignorants : encore un coup, soyez prêts.
Sentez-vous tout ce qu'il y a de saisissant dans cette
dernière parole : Toute chair verra le Sauveur envoyé de
Dieu? Ne nous contentons pas d'admirer la sagesse avec
laquelle l'Eglise gradue ses instructions pendant l'Avenl,
entrons dans son esprit ; augmentons de ferveur et de
recueillement à mesure que nous approchons de la
naissance du Désiré des nations, qui doit être aussi le
désiré de notre cœur.
Atin de rendre brûlants nos soupirs et nos vœux, l'E-
ghse a établi la fête de V Expectation ou de l'attente du
divin enfantement. Celte fête, fixée au 16 décembre,
continue pendant toute une octave '.En France même
elle dure neuf jours. Voilà pourquoi, à partir du 15 dé-
cembre jusqu'au 23, l'Eglise chante à Vêpres, avant et
après le cantique de la sainte Vierge, les grandes antien-
nes. On les appelle vulgairement les antiennes 0, parce
qu'elles commencent toutes par cette invocation. Elles
se répètent trois fois chaque jour à l'office du soir, en
' Fo}-. Bailiet, 2a décembre 588.
DE PERSÉVÉRAirCB. 511
sorte que la fêle de l'expeclation est une espèce de neu-
vaine de soupirs, de gémissements, d'invocations. Il est
impossible d'avoir la foi et de ne pas les réciter sans en-
trer dans les sentiments qu'elles expriment. On les dit
pendant neuf jours, en l'honneur des neuf chœurs an-
géliques. On conjure les esprits célestes de soupirer
avec nous après la venue du libérateur qui a pacifié tout
ce qui est au ciel et sur la terre. Par leur variété, ces
antiennes expriment et les différentes qualités du Messie
et les différents besoins du genre humain.
Depuis sa chuto l'homme est un ignorant, il a besoin
de science : l'Eglise la demande pour lui par la première
antienne:
OSapientia :« O Sagesse qui êtes sortie de la bouche
du Très-Haut ! qui atteignez votre but avec force et qui
disposez toutes choses avec douceur ; venez nous en-
seigner la voie de la prudence. »
Depuis sa chute l'homme est un esclave du Démon,
il a besoin d'un puissant libérateur: l'Eglise le demande
pour lui par la seconde antienne :
Oi4do«m;«0 Dieu puissant, et Conducteur de la mai-
son d'Israël! qui vous êtes montré à Moïse dans le buis-
son ardent, et qui lui avez donné la loi au Sinai, venez
nous racheter par la puissance de votre bras. »
Depuis sa chute l'homme est vendu à l'iniquité, et a
besoin d'un Rédempteur : l'Eglise le demande pour lui
par la troisième antienne : >
O Radix Jesse ;« O Racine de Jessé I qui êtes exposée
comme un étendard aux yeux des nations devant qui
512 CATÉCHISME
les rois garderont le silence, à qui les Gentils offriront
leurs prières; venez nous racheter, ne tardez pas. »
Depuis sa chute l'homme est un prisonnier enfermé
dans la prison ténébreuse de l'erreur et de la mort ; il
a besoin d'une clef pour en sortir : l'Eglise la demande
pour lui par la quatrième antienne :
O Claris David : « 0 Clef de David, et sceptre de la
maison d'Israël 1 qui ouvrez et personne ne ferme, qui
fermez et personne n'ouvre ; venez et tirez le prisonnier
de^la prison, le malheureux qui est assis dans les ténè-
bres à l'ombre de la mort. »
Depuis sa chute l'homme est un aveugle, il a besoin
d'un soleil qui l'éclairé : l'Eglise le demande pour lui
par la cinquième antienne :
O Oriem : « 0 Orient, Splendeur de la lumière éter-
nelle et soleil de justice î venez et éclairez ceux qui
sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la
mort. »
Depuis sa chute l'homme est tout souillé, il a besoin
d'un sanctificateur : l'Eglise le demande pour lui par la
sixième antienne :
O Sancte sanctorum : « 0 Saint des Saints, Miroir
sans tache de la majesté de Dieu et Image de sa bonté !
venez détruire l'iniquité et apporter la justice éternelle. »
Depuis sa chute l'homme est comme une grande
ruine, il a besoin d'un restaurateur : l'Eglise le demande
pour lui par la septième antienne :
0 Bex gentium : « 0 Roi des nations, Dieu et Sauveur
d'Israël, Pierre angulaire qui unissez en un seul édifice
DE PERSéVÉRAMCE. 513
les Juifs elles Gentils! venez et sauvez l'homme que
vous avez formé du limon de la terre. »
Depuis sa chute l'homme a courbé la tête sous le
joug de toutes les tyrannies, il a besoin d'un législateur
équitable : l'Eglise le demande pour lui par la huitième
antienne :
0 Emmanuel : « 0 Emmanuel, notre Roi et notre
Législateur, l'Attente des nations, l'Objet de leurs dé-
sirs ! venez nous sauver, Seigneur, notre Dieu. »
Depuis sa chute l'homme est une brebis égarée et
exposée à la fureur des loups ; il a besoin d'un berger
qui le défende et qui le conduise dans de bons pâtu-
rages : l'Eglise le demande pour lui par la neuvième
antienne :
0 Pastor Israël :« O Pasteur et Dominateur de la mai-
son de David ! vous qui étiez au commencement depuis le
jour de l'éternité ; venez paître votre peuple dans toute
l'étendue de votre puissance, et régnez sur lui dans la
justice et la sagesse *. »
Connaissez-vous quelque chose de plus touchant, de
plus complet que ces magnifiques invocations? Pour
nous, il nous semble qu'une des meilleures prépa-
rations à la fête de Noël est de répéter souvent ces
belles antiennes, en nous laissant pénétrer des sen-
timents qu'elles expriment. Oh! oui, si nous voulons
passer saintement le temps de l'Avent, unissons nos
soupirs à ceux de l'Eglise, des Patriarches, des Pro-
phètes et des Justes de l'ancienne loi : adoptons quel-
• Foy. Durandus, lib. 6, c. 11.
T. VII. 33
514 CATÉCHISME
qu'une de leurs brûlantes paroles; qu'elle soit notre
oraison jaculatoire de chaque jour, et, s'il est possible, de
chaque heure du jour, afin que Dieu puisse dire de nous :
Voilà un homme de désir, et il nous exaucera. Si nous
aimons mieux, choisissons parmi les prières suivantes :
elles sont également propres à former en nous les dis-
positions que l'Eglise demande : Je vous en conjure^
Seigneur, envoyez celui que vous devez envoyer. Venez,
Seigneur Jésus, et ne tardez pas. deux, ouvrez-vous,
laissez descendre votre rosée. Divin enfant Jésus, venez
naître dans mon cœur pour en bannir le péché et y pla-
cer vos vertus.
A la prière joignons un recueillement plus grand,
une vigilance plus continuelle ; descendons plus sou-
vent dans notre cœur, afin de le purifier et de l'em-
bellir. Songeons qu'il doit devenir le berceau de l'enfant
divin. Mais la grande préparation, c'est le renoncement
au péché, au péché mortel surtout. Que peut-il y avoir
de commun entre le Fils de Marie et un cœur souillé
d'iniquités?
Ecoutons saint Charles exhortant son peuple à sancti-
fier r Avent, et prenons pour nous les paroles de ce grand
archevêque : « Pendant l'Avent nous devons nous pré-
parer à recevoir le Fils de Dieu quittant le sein de son
Père pour se faire homme et converser avec nous. Il
faut tous les jours dérober un peu de temps à nos occu-
pations pour méditer en silence sur les questions sui-
vantes : Quel est celui qui vient? D'où vient-il? Com-
ment vient-il? Quels sont les hommes pour qui il vient?
DE PERSÉVÉRANCE. 515
Quels soiitles motifs et quel doit être le fruit de sa venue ?
Appelons-le de tous nos vœux avec les justes et les Pro-
phètes de l'Ancien Testament qui l'ont tant attendu; et
pour lui ouvrir le chemin de notre cœur, purifions-nous
par la confession, par le jeûne et par la communion.
» N'oublions pas qu'autrefois on jeûnait tout l'Avent,
comme étant la veille de Noël. On avait raison, la
grandeur et la sainteté de cette fêle demandent bien
une aussi longue vigile et une aussi grande préparation :
du moins chacun doit encore jeûner un jour par semaine
ou plusieurs à sa dévotion. 11 faut répandre de plus
abondantes aumônes dans le sein des pauvres en ce
temps où le Père éternel nous donna et nous donne
encore tous les ans son propre Fils comme une grande
aumône, et un trésor de grâces et de miséricordes ; il
faut être plus appliqué que jamais aux bonnes œuvres
et à la lecture des livres de piété. Enfin il faut nous
disposer à ce premier avènement du Fils de Dieu, de
manière que nous puissions attendre son second avène-
ment, non-seulement sans crainte, mais avec cette con-
fiance et cette joie qui accompagne toujours une bonne
conscience '. >
De puissants motifs nous engagent à suivre les con-
seils de ce grand Apôtre des temps modernes et à sanc-
tifier l'Avent.
1" L'obéissance au précepte de l'Eglise. « Je suis la
voix de celui qui crie au désert : Préparez les voies du
Seigneur, rendez droits ses sentiers ; la cognée est déjà à
' Acta Eccl. Medioî., p. lOl'i.
516 CATÉCUISME
la racine de l'arbre. » Cette invitation que le saint précur-
seur adressait aux Juifs regarde également les hommes
de tous les siècles. Jésus-Christ vient au monde pour tous ;
c'est donc un devoir indispensable pour tous de le re-
cevoir. De peur que nous ne négligions un point aussi
essentiel, l'Eglise, toujours occupée du bonheur spirituel
de ses enfants, et fidèle interprète des oracles divins
dont le dépôt lui est confié , proclame de la manière
la plus pressante et la plus solennelle l'invitation du
saint précurseur, pendant tout le temps de l'Avent. La
Judée s'émut aux accents de cette voix prophétique
qui retentissait sur les bords du Jourdain ; les prêtres,
les lévites, les militaires, les publicains, les pécheurs
de tout rang et de tout état accouraient en foule pour
demander le baptême de la pénitence. La même voix
retentit dans nos temples. Avons-nous moins besoin de
conversion et de pénitence? avons-nous moins à craindre
de ce grand Dieu, qui vient maintenant comme sau-
veur, et qui viendra un jour comme juge? Laisserons-
nous l'Eglise s'épuiser en vain à nous répéter : « Pré-
parez vos cœurs ; voici que toute chair verra bientôt le
Sauveur envoyé de Dieu ? »
2° La reconnaissance envers le Sauveur. Qu'était
l'homme avant l'incarnation du Sauveur, que sommes-
nous sans lui? Pauvres, aveugles, esclaves, victimes
du Démon, du péché et de l'enfer, que ne lui devons-
nous pas? Et pour nous éclairer, nous délivrer, nous ra-
cheter, nous rendre nos droits perdus, que n'en a-t-il
pas coulé au Fils de Dieu? Un Dieu qui se revêt de la
DE PERSÉVÉRANCE. 517
forme d'esclave, qui se dévoue à toutes les misères de
la misérable humanité ; un Dieu pauvre, un Dieu en-
fant: cela ne dira-t-il rien à notre cœur? Nous qui avons
de la reconnaissance pour les moindres bienfaits, nous
n'en aurons pas pour un Dieu qui se donne lui-même
à nous !
3" Notre intérêt spirituel. La source des grâces ne
tarit dans aucun temps; mais les grandes fêtes sont
des jours plus propices, des jours où ces gr<1ces sont
répandues avec plus d'abondance. Toute l'Eglise, ani-
mée alors du même esprit, offre à Dieu un hommage
plus solennel, lui adresse des prières plus ferventes, et
le fléchit par des larmes plus sincères. Jésus-Christ est
né pour notre salut ; mais il ne répand ses grâces que
sur ceux qui se présentent avec un cœur préparé pour
les recevoir. Les dispositions qu'il trouve en nous sont
la mesure de ses faveurs. Eh bien, n'avons-nous rien ou
peu de chose à lui demander? Descendons dans le fond
de notre cœur, interrogeons notre vie passée, notre
état présent, notre avenir : l'abîme de nos misères ré-
pondra'.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi le saint temps de l'Avent pour me prépa-
rer à la Fête de Noël ; faites-moi la grâce de la passer
saintement.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
' i^cf^ez Thomassin, Crléb. des fêtes ;Ooé.^Ji'«Ht.
518 CATÉCHISME
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'a-
mour de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je ré-
péterai tou$ les jours, durant VAvênt, cette prière: Di-
vin Enfant Jésus, venez naître dans mon cœur.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Avent.
Q. Qu'est-ce que l' Avent?
R. Le mol avent veut dire arrivée, avènement. L'A-
vent est un temps de prière et de pénitence, établi par
l'Eglise pour nous préparer à la fête de Noël. Autre-
fois on jeûnait pendant l' Avent, les ordres religieux le
font encore. Les prières sont plus longues et plus fré-
quentes que dans les autres temps de l'année.
Q. Quels sentiments l'Eglise veut-elle nous inspirer
durant l'Avent?
R. Durant l'Avent, l'Eglise veut nous inspirer un
sentiment de pénitence el un sentiment d'espérance.
C'est par la pénitence que nous pouvons préparer nos
cœurs à la naissance du Messie ; et l'Eglise nous redit
les paroles que saint Jean adressait aux Juifs sur les bords
du Jourdain : « Faites pénitence ; préparez les voies du
Seigneur; rendez droits ses sentiers.» Elle revêt des or-
nements violets ; elle supprime V Alléluia dans une partie
de ses offices, afin de nous rappeler par ces signes ex-
térieurs l'obligation de faire pénitence. En même temps,
DE PERSÉVÉRANCE. 519
elle nous annonce dans les épîlres el dans les évangiles
de la messe la prochaine arrivée du Messie, el nous
engage à ranimer notre espérance.
Q. Que fait-elle encore?
R. L'Eglise nous rappelle encore que l'Avent repré-
sente les quatre mille ans pendant lesquels le Sauveur
fut attendu. Elle nous invite à soupirer après sa venue
comme les Patriarches et les Prophètes. Et depuis le
15 décembre jusqu'au 23 elle nous fait répéter ses
grandes antiennes, qui sont autant de soupirs ardents
vers le Messie.
Q. Que devons-nous faire pour bien passer l'Avent?
R. Pour bien passer l'Avent nous devons : 1° re-
noncer au péché ; 2° faire quelques œuvres de mortifi-
cation ; 3° désirer ardemment la venue du Messie dans
nos cœurs; 4° vivre dans un plus grand recueillement
et avec plus de ferveur que pendant les temps ordi-
naires.
Q. Quels motifs avons-nous de bien passer l'Avent?
R. Plusieurs motifs nons engagent à bien passer
l'Avent : 1° l'obéissance à l'Eglise : cette tendre mère
veut que nous ne négligions rien pour recevoir le Sau-
veur dans des cœurs bien préparés ; 2° la reconnaissance
envers Jésus-Christ : un Dieu qui se fait homme pour
l'amour de nous mérite bien la reconnaissance de notre
cœur; 3' notre intérêt spirituel. Le Sauveur ne nous
communiquera ses grâces qu'autant que nous serons
préparés à les recevoir. Notre ferveur sera la mesure de
ses libéralités.
520 CATÉCHISME
PRIÈRE.
0 mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi le saint temps de l'Avent pour me prépa-
rer à la fête de Noël ; faites-moi la grâce de le passer
saintement.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'a-
mour de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je ré-
péterai tous les jours, durant l'Avent, cette prière :
Divin Enfant Jésus, venez naître dans mon cœur.
DE PERSÉVÉRANCE. 521
imtzzmmMmwvs
XXVP LEÇON.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Immaculée Conception de 1 a sainte Vierge. — Croyance de l'Église.
— Histoire fie la fête. — Sagesse de l'Église. — Influence de cette
fête. — Office. — Comment célébrer la fête de l'Immaculée
Conception ?
Le 8 du mois de décembre l'Eglise catholique cé-
lèbre la fête de l'Immaculée Conception de la sainte
Vierge. Unanalhème divin, juste châtiment d'un grand
crime, pèse depuis six mille ans sur toute la race hu-
maine, et la souillure du péché accompagne la concep-
tion et la naissance de tous les fils du premier des cou-
pables. Le péché originel est un triste héritage qui se
transmet de génération en génération, et qui se trans-
mettra tant qu'il y aura dans les veines du genre hu-
main une goutte du sang d'Adam. Cette loi terrible,
universelle, incontestable, qui nous condamne à naître
enfants de colère, a été une fois suspendue, et c'est en
faveur de Marie. Jamais, depuis le premier instant de
son existence, la Vierge de Juda, la mère future de
l'Homrae-Dieu, ne fut souillée de la moindre tache. Tel
est le miracle et le bienfait dont l'Eglise remercie Dieu
dans la fête de l'Immaculée Conception.
Que Marie ait été conçue sans péché, il n'y a rien
de plus certain après les dogmes de foi. Les Pères de
522 CATÉCHISME
l'Eglise, organes de la tradition, déposent en faveur de
cette vérité. Il fallait qu'elle fût bien générale et bien
accréditée parmi les Chrétiens, pour que les Mahomé-
tans eux-mêmes en aient consacré le souvenir. Qui le
croirait ? l'Alcoran est un des premiers monuments où
elle se trouve consignée * ?
Déjà au quatrième siècle la plus brillante lumière de
l'Eglise, saint Augustin, exceptait Marie toutes les fois
qu'il parlait du péché originel. « C'est, dit-il, par respect
pour Marie, el pour l'honneur qui est dû à son Fils, que
nous ne parlons point d'elle toutes les fois qu'il est ques-
tion du péché ^ » El le concile de Trente, résumant la
tradition de tous les âges chrétiens, s'exprime ainsi dans
son célèbre décret touchant le péché originel : « Le saint
Concile déclare que son intention n'est pas de compren-
dre dans le décret où il est question du péché originel
la bienheureuse et immaculée Vierge Marie, mère de
Dieu; mais il ordonne de suivre sur ce point les consti-
tutions du pape Sixte IV, sous les peines portées dans ces
constitutions^. »
Or, en 1479, Sixte IV avait accordé des indulgences
à ceux qui assisteraient à l'office et à la messe de la
fête de la Conception. Quatre ans plus tard il donna une
autre constitution dans laquelle il défendit de censu-
rer cette fête ou de condamner l'opinion de ceux qui
croyaient l'Immaculée Conception.
• Bergier, art. Mahomet.
» lib. de Nat. et Grnt., c. 36, n. 42.
» Sess. 5.
DE PERSÉVÉRANCE, 523
Cette opinion, en effet, est si bien fondée, qu'il y au-
rait témérité extrême à la combattre. Ce serait d'ailleurs
enfreindre les décrets du saint Siège qui, en 1622, dé-
fendit, par l'organe du pape Grégoire XV, de soutenir,
même dans les disputes particulières, que Marie n'a pas
été conçue sans péché. El pourquoi, je le demande. Dieu
n'aurait-il pas opéré ce miracle en faveur de sa Mère?
il le pouvait, cela lui convenait, donc il l'a fait *. Ainsi
raisonnait un célèbre théologien du moyen âge, et tous
les enfants de Marie ont applaudi au raisonnemeut de
ce grand docteur.
1° Cela convenait au Père éternel. Destinée à être la
mère de Jésus, Marie fut toujours, en vertu de l'adop-
tion divine, considérée du Père comme sa fille chérie.
Il convenait donc, pour l'honneur du Fils, que le Père
préservât Marie de toute souillure. De plus, le Père avait
choisi cette fille bien-aimée pour écraser la tête du ser-
pent infernal : comment aurait-il pu permettre que
Marie en fût d'abord l'esclave? Enfin, Marie était des-
tinée à être l'avocate des pécheurs : il convenait donc
qu'elle fût exemple de tout péché, afin qu'elle pût tou-
jours se présenter devant Dieu pure de toute lâche.
0 Pour apaiser un juge, dit saint Grégoire, on ne lui
envoie pas celui qui est ou qui a été son ennemi : un tel
messager ne ferait qu'augmenter son courroux. »
2" Cela convenait au Fils. Comment croire que le
Fils de Dieu, la sainteté même, qui pouvail avoir une
mère immaculée et toujours amie de Dieu, aurait voulu
' Potuit, decuit, crgo fecit. Scot.
524 CATÉCHISME
ravoir souillée et ennemie de Dieu dans un temps?
De plus, dit saint Augustin, la chair de Jésus-Christ,
c'est la chair de Marie. Le Fils de Dieu aurait eu hor-
reur de prendre un corps dans le sein de sainte Agnès,
de sainte Gertrude, de sainte Thérèse, parce que ces
vierges, toutes pures qu'elles étaient, avaient été en
naissant souillées par le péché. S'il en eût été ainsi de
Marie, le Démon n'aurail-il pas pu reprocher à Jésus-
Christ que celte même chair dont il était revêtu avait
été souillée de son venin, que cette mère dont il se glo-
rifiait avait d'ahord été son esclave? La mère de Dieu
esclave du Démon !... oh ! il y a là quelque chose de si
choquant, de si offensif des oreilles pieuses, qu'il est im-
possible de l'entendre. Enfin, saint Thomas dit que Ma-
rie fut préservée de tout péché actuel, même véniel,
parce que sans cela elle n'aurait pas été digne de Dieu.
Mais combien en aurait-elle été moins digne si elle avait
été souillée du péché originel, qui fait de l'homme un
objet de colère aux yeux de Dieu?
3° Cela convenait au Saint-Esprit. Marie est l'épouse
du Saint-Esprit. Si un peintre habile était appelé à choi-
sir une épouse belle ou difforme, suivant le portrait
qu'il en aurait fait lui-même, quels soins n'apporterait-il
pas à réunir dans son tableau tous les genres de beauté?
Qui oserait dire que le Saint-Esprit ait pu agir autre-
ment avec Marie, et qu'étant maître absolu de former
son épouse à son gré, il ne l'ait pas enrichie de toute la
beauté qu'il pouvait lui donner, et qu'il lui convenait
d'avoir? Non, non, le Seigneur n'a point fait ainsi, té-
DE PERSÉVÉRANCE. 525
moin les noms qu'il donne à Marie. Après l'avoir formée,
il contemple avec une complaisance infinie ce chef-d'œu-
vre de sa grâce, et il lui dit ; « Vous êtes toute belle, ô
ma bien-aimée ! et il n'y a point de tache en vous : les
jeunes filles sont sans nombre, mais ma colombe est
seule belle, seule pure, seule parfaite entre les filles de
sa mère^ » Cela veut dire que toutes les âmes justes
sont filles de la grâce divine; mais il en est une parmi
elles qui a mérité le nom de colombe, parce qu'elle est
sans tache; et enfin d'unique, parce qu'elle seule a été
conçue dans la grâce ^.
Telles sont quelques-unes des autorités et des hautes
convenances qui ont fait admettre l'immaculée concep-
tion de Marie. Ils n'étaient donc pas des esprits faibles
tous ces Pères de l'Eglise, tous ces théologiens, la lu-
mière de leur siècle et l'admiration de la postérité, qui
soutenaient avec tant d'éloquence, qui croyaient avec
tant de sincérité cette auguste prérogative de Marie !
Ils n'étaient pas non plus des esprits faibles tous ces
docteurs des universités catholiques de France, d'An-
gleterre, d'Espagne et d'Italie, qui faisaient profession
de croire à l'immaculée conception de la mère de
Dieu, et qui s'obligeaient par serment à défendre cette
croyance ! Les esprits faibles sont tous ces grands gé-
nies qui courent les rues, et qui sans motifs, sans étude,
• Cant., VII.
* Voy. Gloires de Marie, par le B. Liguori. On y trouve un grand
nombre de passages des Pères de l'Eglise sur l'immaculée concep-
tion. T. 2, p. 1.
526 CATÉCHISME
blâment, rejelleni ce qu'ils ne connaissent pas, unique-
ment parce que cela ne convient ni à leur débile rai-
son ni h leur cœur dépravé, ou parce que l'Eglise ca-
tholique l'admet.
Cependant, quelque bien établie qu'elle soit, l'imma-
culée conception de la sainte Vierge n'est pas un dogme
de foi catholique. « Mais cette opinion, dit le grand
Bossuel, a je ne sais quelle force qui persuade les âmes
pieuses. Après les articles de foi, je ne connais guère
de chose plus assurée. C'est pourquoi je ne m'étonne
pas que cette école de théologiens de Paris oblige tous
ses enfants à défendre celte doctrine... Pour moi, je suis
ravi de suivre aujourd'hui ses intentions. Après avoir
été nourri de son lait, je me soumets volontiers à ses
ordonnances, d'autant plus que c'est aussi, ce me sem-
ble, la volonté de l'Eglise. Elle a un sentiment fort
honorable de la conception de Marie ; elle ne nous oblige
pas de la croire immaculée ; mais elle nous fait entendre
que cette créance lui est agréable. Il y a des choses
qu'elle commande où nous faisons connaître notre obéis-
sance ; il y en a d'autres qu'elle insinue où nous pou-
vons témoigner notre affection. Il est de notre piété, si
nous sommes de vrais enfants de l'Eglise, non-seule-
ment d'obéir aux commandements, mais de fléchir aux
moindres signes de la volonté d'une mère si bonne et
si tendre *. »
' Premier sermen sur la Conception-
Sur la demandedeMonseigneurrarcbe?êque de Paris, Hyacinthe
de Quélen, le souverain pontife Grégoire XVI, actuellement ré-
gnant, vient d'autoriser l'addition du mot immaculée dans la Pré-
DE PERSÉVÉRANCE. 527
La fêle de l'Immaculée Conception manifeste bien le
sentiment et la volonté de l'Eglise sur ce point. Celte
fête remonte au delà du douzième siècle. Célébrée d'a-
bord par quelques églises particulières, elle fut forte-
ment soutenue et propagée par saint Anselme, arche-
vêque de Cantorbéry, mort en 1109. Deux cents ans
plus tard, un concile de Londres la rendit obligatoire.
De la Grande-Bretagne cette fête passa sur le continent,
et se répandit promptement en France, en Espagne,
en Italie et dans les autres parties de la chrétienté.
Enfin, au quinzième siècle, le concile de Bâle, et sur-
tout le pape Sixte IV, lui donnèrent encore plus de
cours et de consistance par les indulgences qui y furent
attachées *.
L'institution, en apparence si tardive, d'une fête où
l'on honore le plus glorieux privilège de Marie, donne
lieu à une réflexion qui s'applique avec la même jus-
tesse à l'établissement des autres fêtes. Comme l'Eglise
n'a pas tout d'un coup, et dès son origine, décidé toutes
les questions de dogme et de morale, de même elle n'a
pas établi tout d'un coup les différentes pratiques de son
culte; elle a suivi les temps et s'est proportionnée aux
besoins des fidèles. C'est une nouvelle preuve de sa
profonde sagesse. En définissant aujourd'hui des vé-
rités de foi qui sont attaquées et qui ne l'étaient pas
face de l'office, en lucme temps que, pour donner à cette fêle plus
de solennité, il la transfère au deuxième dimanche de l'Avent.
Pouvait-il insinuer plus clairement le sentimentde l'Eglise au su-
jet de l'immaculée conception de Marie?
' Extrui'og. Comm., lib. 3, tit. 12, c. 1.
528 CATÉCHISME
hier, l'Eglise ne s'est pas crue plus sage pour cela ; elle
a fait ce que les conciles antérieurs auraient fait s'ils
eussent été placés dans les mêmes circonstances. Il en
est de même de celte augmentation de fêles, de confré-
ries, de dévotions et de pratiques saintes ; elles ne vien-
nent point d'une présomption vaine et insoutenable,
comme si nous prétendions en savoir plus que les an-
ciens. Autres temps, autres mœurs, autres besoins. L'E-
glise les connaît et prend soin d'y satisfaire : personne
mieux qu'une mère ne sait ce qui convient à ses en-
fants.
En effet, il faut juger de l'Eglise, cette divine épouse
de l'Homme-Dieu, cette incarnation permanente de
Jésus-Christ*, comme de Jésus-Christ même. A me-
sure qu'il avançait en âge, nous dit l'Ecriture, Jésus
croissait aussi en sagesse et en grâce devant Dieu et
devant ies/iommes. Ce n'est pas que la Sagesse éternelle,
bien que revêtue de notre chair, pût augmenter en
science et en sainteté; mais le Fils de Dieu, se propor-
tionnant aux lois de notre nature, faisait éclater de jour
en jour plus de sagesse et de piété, selon le progrès de
l'âge, quoique dès le premier instant de sa conception
il eût été la sagesse et la sainteté consommées.
On peut dire, ajoute le célèbre Thomassin, qu'il en
est de même de l'Eglise : cette divine épouse éclaircit,
en déployant de temps en temps les trésors de la tradi-
tion, des points de doctrine et des usages de piété qui
* Expression du célèbre théologien Mœlher, dans sa Symbolique,
2 vol.
DE PERSÉVÉRANCE. 529
n'avaient point encore paru, parce que le temps n'était
pas encore venu de les faire paraître ni d'en dévelop-
per les traditions. La plénitude du Saint-Esprit réside
et a résidé dès le commencement dans le cœur de l'E-
glise. En elle et avec elle a été, est, et sera toujours
la Sagesse éternelle ' ; mais elle ne la montre et ne la
répand au dehors que suivant les conseils de la Provi-
dence divine ; Providence maternelle qui atteint infail-
liblement son but, tout en disposant les moyens avec
douceur ; qui conduit le genre humain comme un seul
homme, et chaque homme comme tout le genre hu-
main, par les degrés des différents âges, et par des pro-
grès proportionnés à ces âges divers*.
Du reste, la fête de l'immaculée conception n'est pas
une fête purement spéculative. Comme toutes les so-
lennités catholiques, elle a une grande influence sur
les mœurs. Et d'abord, la pensée que Marie est une
rose qui ne fut jamais flétrie, une glace que le moindre
souffle ne ternit jamais, sanctifie l'imagination en lui
présentant les images les plus gracieuses, les plus sua-
ves et les plus pures. N'est-ce donc rien pour la perfec-
tion de l'humanité que d'avoir substitué un type si pur
de la femme au type infâme que présentait le Paga-
nisme, Marie à Vénus? entre ces deux idées, il y a
l'infini. Et puis la raison ne se demande-t-elle pas, au
jour de la conception de la Vierge : Pourquoi ce mi-
racle étonnant qui suspend en faveur de Marie la loi
' Mattb., xxviii.
' Foy. Thomassin, des Fêtes, p. 217.
T. Vil. 34
530 CATÉCHISME
qui condamne tous les fils et toutes les filles d'Adam à
naître dans l'iniquité? Pourquoi cette sainteté par-
faite?
Et la foi venant au secours de la raison, son enfant
et sa pupille, lui fournit cette réponse : Ah ! c'est que
Marie devait être un jour la mère de Dieu ; son chaste
sein devait être le tabernacle duYerbe éternel. Si l'arche
d'alliance devait être sainte et revêtue de l'or le plus
pur en dedans et en dehors, parce qu'elle devait ren-
fermer les tables de la loi, combien ne fallait-il pas
que Marie fût plus sainte et plus pure, pour porter dans
ses entrailles le Maître de la loi !
A cette leçon de la foi, l'homme s'écrie aussi : Oh
oui, je le comprends, Marie devait être sans tache ;
mais quoi ? l'honneur de recevoir en moi mon Dieu
en personne ne m'est-il pas réservé ? Dans la commu-
nion, ne suis-je pas associé en quelque sorte à la ma-
ternité divine? Et cette communion, ne suis-je pas, sous
peine de mort, obligé de la faire? N'est-il pas écrit :
Si vous ne mangez la chair du Fils de l'Hommey et si
vousne huvez son sang ^vous n'aurez point la vieenvous?
Oui, il faut que je communie. Mais quelle est ma sain-
teté, comparée à celle de Marie ! Et voilà que des sen-
timents profonds d'humilité, des remords salutaires, de
généreuses résolutions, se forment dans l'âme; la con-
duite se modifie, et la vigilance, et la douceur, et la
tendre piété, et l'obéissance, que sais-je? et toutes les
vertus qui font le charme de la vie, le bonheur des fa-
milles et la force de la société, éclosent comme par en-
DE PERSÉVÉRANCE. 591
enchantement au souvenir de Marie conçue sans péché,
de Marie toujours pure et sans tache, parce qu'elle de-
vait recevoir son Dieu; et voilà les sens, l'esprit et le
cœur qui se régénèrent; et voilà l'homme qui fait un
pas de plus vers la fin à laquelle il doit tendre ; et voilà,
pour la famille et pour la société, une garantie de plus
de paix et de bonheur.
Pour rendre aussi vive que possible l'influence salu-
taire du type divin que cette fête nous présente, l'E-
glise nous le fait envisager sous toutes ses faces ; elle
l'environne des plus gracieuses images, elle le fait pour
ainsi dire poser, afin que chacun de nous puisse l'étu-
dier à loisir et le copier tout entier,
Ainsi la messe de la Conception nous montre Marie
réunissant tous les genres Je gloire et de noblesse. Dans
l'Introït, l'auguste fille des rois de Juda nous apparaît
comme l'objet des antiques prophéties, comme la Vierge
par excellence, la Vierge mère d'Emmanuel, qui doit
occuper le trône de David. L'Epître nous parle de sa
puissance et de la victoire qu'elle remportera sur le dra-
gon séducteur de la race humaine ; le Graduel et le Ver-
set nous expliquent la cause et le moyen de cette grande
victoire : Marie est parfaitement sainte ; le Très-Haut a
sanctifié son tabernacle, il y a fixé sa demeure. Voici
maintenant l'Evangile qui nous raconte que cette Vierge
auguste joint à la noblesse de la vertu la noblesse de
la naissance : Marie est la fille des rois ; le sang d'A-
braham et de David coule dans ses veines.
Marie, objet des pensées et des complaisances de
532 CATÉCHISME
Dieu depuis l'éternité ; Marie, libératrice du genre hu-
main ; Marie, entrevue, désirée, saluée de loin par les
Prophètes; Marie, brillant d'une sainteté parfaite parmi
les descendants souillés du premier Adam, comme le
lis sans tache au milieu des épines; Marie, noble reje-
ton d'une longue suite d'aïeux illustres : tels sont les
différents points de vue sous lesquels l'Eglise nous pré-
sente cette enfant, qui est aujourd'hui conçue. Con-
naissez-vous un meilleur moyen d'exciter dans nos
cœurs le respect, la confiance et l'amour; de sanctifier
notre imagination par des images plus nobles et plus
sûres ?
De là, il est facile de comprendre ce que nous de-
vons faire pour célébrer dignement la fête de l'Imma-
culée Conception : 1° remercier Dieu d'avoir préservé
Marie de la tache originelle ; 2° féliciter Marie de ce
glorieux privilège ; 3° exciter en nous une grande con-
fiance en cette Vierge très-sainte. La sainteté est la
mesure du pouvoir que les Saints ont auprès de Dieu.
Quel est donc celui de Marie, la plus sainte de toutes
les créatures? quelle est sa bonté pour nous? Elle est
notre sœur, elle est notre mère, elle estnolre avocate. Ses
prérogatives lui ont été données pour le bien des hom-
mes; elle doit les faire servir à la gloire de son Fils, et
la gloire de son Fils, c'est le salut du genre humain ;
4° former la résolution d'approcher le plus près que nous
pourrons de la sainteté de Marie, puisque, d'une part,
c'est un moyen de lui plaire ; et que, de l'autre, nous
sommes appelés à recevoir dans notre cœur le Dieu en
DE PERSÉVÉRANCE. 533
vue duquel elle a 616 sancliri6e ; 5» louer Marie en
d6posant chaque jour sur son autel le tribut de notre
tendresse filiale. On peut le faire, soit par quelques lé-
gères mortifications ou par quelques prières courtes,
mais ferventes. En voici une, entre autres, à laquelle
sont attachées de grandes indulgences ; Bénie soit la
très-pure et immaculée conception de la bienheureuse
Vierge Marie.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir préservé la sainte Vierge de la tache du péché
originel ; faites-moi la grâce de conserver toute ma vie
ou de recouvrer promptement l'innocence de mon bap-
tême.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je réciterai
tous les jours trois Ave Maria en l'honneur de l'imma-
culée conception.
PETIT CATÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Immaculée Conception de la sainte Vierge.
Q. Quelle fête célèbre-t-on le 8 décembre ?
R. Le 8 décembre on célèbre la fête de l'Immaculée
Conception de la sainte Vierge. La sainte Vierge devant
534 Catéchisme
être la mère de Dieu a été préservée du péché ori-
ginel. Cela convenait à l'honneur des trois personnes
de la sainte Trinité : au Père, dont Marie est la fille ;
au Fils, dont elle est la mère ; au Saint-Esprit, dont elle
est l'épouse. Dieu pouvait préserver Marie du péché
originel et la former dans un état de sainteté comme il
avait formé Eve et les Anges ; puisque Dieu le pouvait
et que cela lui convenait, il faut conclure qu'il l'a fait.
Q. L'immaculée conception de la sainte Vierge est-
elle un dogme de foi?
R. L'immaculée conception de la sainte Vierge n'est
pas un dogme de foi, mais elle est très-certaine. Cette
croyance repose sur l'autorité des Pères, des théolo-
giens, et sur la conduite de l'Eglise. Si l'Eglise ne re-
gardait pas comme assurée l'immaculée conception de
Marie, elle n'aurait pas établi une fête pour l'honorer.
Q. Cette fête est-elle bien ancienne?
R. Celte fête est très-ancienne, puisqu'elle remonte
au delà du douzième siècle. Saint Anselme, archevê-
que de Cantorbéry, contribua beaucoup à la propager.
Enfin, les souverains pontifes ont accordé des indul-
gences à ceux qui la célébreraient dignement. En éta-
blissant cette fête, l'Eglise n'a pas acquis de nouvelles
lumières qu'elle n'avait pas dans le commencement.
Comme Notre-Seigneur croissait en grâce et en sagesse
à mesure qu'il avançait en âge, c'est-à-dire qu'il faisait
paraître successivement la sagesse et la piété qui étaient
en lui, de même l'Eglise, qui possède dès son origine
la sagesse de Dieu, ne la fait paraître que suivant
BiE PERSÉVÉRANCE. 535
l'ordre de la Providence et les besoins de ses enfants.
Q. La fête de l'Immaculée Conception est-elle bien
propre à nous sanctifier?
R. Oui, la fête de l'Immaculée Conception est bien
propre à nous sanctifier; elle sanctifie notre imagination
en nous présentant l'image de la plus pure de toutes
les vierges ; elle sanctifie notre esprit en nous avertis-
sant que nous devons imiter autant que nous le pou-
vons la sainteté de Marie, puisque nous devons recevoir
dans la communion le même Dieu dont elle fut l'au-
guste mère ; elle sanctifie notre cœur en nous inspirant
la résolution de le purifier ou de le conserver sans
souillure. Ce sont les grandes leçons que l'Eglise nous
donne dans cette fête.
Q. Que devons-nous faire pour la célébrer digne-
ment?
R. Pour la célébrer dignement nous devons : 1° re-
mercier Dieu d'avoir préservé la sainte Vierge de la
tache originelle ; 2° féliciter Marie de ce glorieux pri-
vilège ; 30 former la résolution d'éviter les moindres
fautes ; 4** faire quelques mortifications ou quelques
prières pour honorer la sainte Vierge.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir préservé la sainte Vierge de la tache du péché
originel; faites -moi la grâce de conserver toute ma
vie ou de recouvrer promptemenl l'innocence de mon
baptême.
536 CATÉCHISME
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus toute
chose, et mon prochain comme moi-même pour l'amour
de Dieu; et, en témoignage de cet amour, je réciterai
tous les jours trois Ave Maria en l'honneur de l'imma-
cuUe conception.
DE PERSÉVÉRANCE. 537
XXVIF LEÇON.
LE ' CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Quatre-Temps de l'Avent. — Antiquité des Quatre-Temps. — Sa-
gesse et bonté de l'Eglise. — OEuvres satisfactoires opposées aux
trois grandes concupiscences. — Esprit du jeûne. — Crime des
hérétiques et des impies. — Pourquoi les Quatre-Temps sont
établis.
La troisième semaine de l'Avent arrivent les Quatre-
Temps d'automne. Les Quatre-Temps sont trois jours
de jeûne qui s'observent à la fin de chaque saison. Si
l'antiquité d'une pratique d'ailleurs salutaire est propre
à la rendre vénérable, je vous laisse à penser quel res-
pect nous devons avoir pour ces jours consacrés à la pé-
nitence, et avec quelle religieuse exactitude nous devons
les observer? L'institution des Quatre-Temps remonte
aux premiers siècles de l'Eglise*; la Synagogue elle-
même nous en offre des vestiges. Le jeûne des sai-
sons de l'été, de l'automne et de l'hiver est clairement
marqué par le prophète Zacharie ^. Héritière de toutes
les saintes pratiques aussi bien que de toutes les vérités
anciennes, l'épouse de Jésus-Christ a conservé, sanc-
tifié et perfectionné l'usage du jeûne aux quatre
saisons.
' Baron., an 57, n. 126 et 127. S. Isid,, Offic, c. 37 et 38. Raban
Maur., Instit., lib, 2, 19, etc.
* vm, 19.
538 CATÉCHISME
Pour peu que nous veuillions nous donner la peine
de chercher les raisons de sa conduite, nous la trouve-
rons empreinte d'une profonde sagesse, c'est-à-dire
tout à la fois d'une parfaite connaissance : 1° de la
condition de l'homme ici -bas; 2» de son caractère;
3° d'une grande sollicitude pour son bonheur.
En effet, qu'est-ce que l'homme? c'est un roi dé-
chu, c'est un être dégradé. Voilà ce que nous dit l'in-
définissable mélange de grandeur et de bassesse que
nous trouvons en nous-mêmes.
Qu'est-ce encore que l'homme? c'est un coupable.
Voilà ce que nous crient tous les siècles et tous les
peuples ; voilà ce que nous disent les sacrifices, les
expiations de tous genres qui se retrouvent partout,
aussi bien que les misères sans nombre qui nous ac-
cablent. Ouvrage d'un Dieu bon, l'homme n'est mal-
heureux que parce qu'il est dégradé, et il n'est dégradé
que parce qu'il est coupable. Puisque nous sommes
coupables, nous sommes donc obligés'de faire pénitence.
Oui, il est ainsi; c'est la voix de la raison; c'est aussi
l'enseignement de la foi. Toutes les pages de l'Ancien
Testament rappellent cette nécessité de la pénitence.
L'Evangile confirme cette loi immuable. Combien de
fois le Sauveur du monde n'a-t-il pas dit que la pénitence
était la condition indispensable du salut ? N'est-ce pas
de sa bouche que sont sorties ces paroles : Si vous ne
faites pénitence, vous périrez tous?
Qu'est-ce encore que l'homme? c'est un être qui est
appelé à imiter un modèle divin, dont la vie a été une
DE PERSÉVÉRANCE. 539
pénitence continuelle. Ainsi, comme hommes, comme
pécheurs et comme chrétiens, nous sommes tenus à la
pénitence; elle est pour nous de droit naturel et^e
droit divin; elle est l'unique moyen de remonter sur
le trône d'où nous sommes tombés, de rentrer dans
l'ordre dont nous nous sommes écartés, enfin d'imiter
le modèle auguste auquel, sous peine de mort, nous
devons ressembler.
Mais cette pénitence, de quelle manière doit-elle se
faire? dans quel temps? Quelles œuvres faut-il s'im-
poser ? Si vous laissez à chaque particulier le soin de
résoudre ces questions, vous arriverez d'abord à une
horrible confusion d'idées, puis à des pratiques absur-
des, ridicules, monstrueuses peut-être. Interrogez l'his-
toire : dans le Paganisme, les sacrifices humains ; au
commencement de l'Eglise, les excès des Donalistes
et des Gnostiques ; au moyen âge et depuis la réforme,
les incroyables pratiques des Flagellants, des Frérots,
des Anabaptistes, des Momiers barbus, etc., etc., ne
sont-elles pas autant de monuments de cette triste vé-
rité? Ensuite, vous verrez le précepte lui-même de la
pénitence tomber en ruine; car tel est l'homme : sa lé-
gèreté, son amour-propre, sa préoccupation des choses
temporelle, son attrait pour le plaisir, son horreur pour
tout ce qui gêne ses inclinations; que sais -je? toutes
ces choses réunies feront reléguer le précepte de la
pénitence dans l'empire de la lune. Si l'on n'en conteste
pas la vérité, on trouvera mille moyens d'en éluder
l'accomplissement : il sera comme s'il n'était pas.
540 CATÉCHISME
Celui qui a créé l'homme connaissait trop bien son
caractère pour ne pas obvier à ces inconvénients. Aussi
le ^auveur a-t-il chargé son Eglise de déterminer le pré-
cepte de la pénitence, d'en fixer la pratique, et de dire
à l'homme avec une infaillible autorité : Le précepte
divin de la pénitence oblige dans telle circonstance;
pour y satisfaire, vous ferez telle pratique. Paroles pré-
cieuses, puisqu'elles mettent un frein au relâchement,
tranquillisent les âmes timorées eu leur apprenant ce
que Dieu demande d'elles, et tendent à prévenir
l'homme du malheur affreux de tomber entre les mains
de son juge sans avoir rien fait pour expier une longue
vie d'inutilités, d'iniquités peut-être.
Voyez ensuite avec quelle habileté l'Epouse de Jésus-
Christ, notre bonne mère, a mis le doigt sur la plaie du
grand malade dont la guérison lui est confiée. Cette
habileté va vous paraître évidente, si vous faites ré-
flexion à la nature des œuvres satisfactoires que l'E-
glise nous prescrit.
Semblable à ce voyageur laissé pour mort sur le
chemin de Jéricho, l'homme a reçu trois grandes bles-
sures : l'amour désordonné des richesses, l'amour
désordonné des honneurs, et l'amour désordonné des
plaisirs. Voilà ses plaies ; plaies mortelles, plaies gan-
grenées que, dans sa langue profondément philoso-
phique, l'apôtre saint Jean appelle les trois grandes
concupiscences.
Quels remèdes à ces maux, causes fatales de toutes
les larmes que l'homme répand, et il en répand beau-
DE PERSÉVÉRANCE. 541
coup ! sources de tous les crimes qui bouleversent le
monde, et ces crimes sont tels qu'ils font quelquefois
rougir de porterie nom d'homme? Cherchez, cherchei
encore ; en attendant nous disons, nous, Catholiques :
le remède de l'orgueil, c'est l'humilité ; de l'avarice, le
détachement; de la volupté, la mortification. Hommes
légers, qui souriez avec dédain aux préceptes de l'E-
glise, voyons, parlez : connaissez-vous d'autres remèdes?
L'homme est malade, vous le savez, vous le dites, vous
vous en plaignez ; puisque vous vous flattez d'en savoir
plus que le Christianisme, à l'œuvre, guérissez l'huma-
nité. Je vous vois venir, la bouche pleine de pompeuses
maximes dont vous l'assourdissez, les mains chargées de
lois innombrables que vous lui jetez sur la tête comme
un filet pour prendre une proie ; puis après vous des
armées de gendarmes, des chaînes, des cachots, et
enfin le bourreau. Ah ! nous savons ce que peuvent tous
ces remèdes ; ils ont irrité le mal, exaspéré le malade,
et rendu sa guérison mille fois plus difficile.
Bien plus éclairée est l'Eglise catholique. Avec sa
douce voix de mère, elle dit à l'homme : « Mon fils,
depuis la chute de votre père, il y a deux hommes en
vous; l'un qui, vous entraînant de tout son poids vers
la terre et vers les grossières jouissances, tend à vous
ravaler jusqu'au niveau de la brute ; l'autre qui, tendant
incessamment à vous soustraire à l'empire des sens,
vous élève vers Dieu et vous fait aspirer à tout ce qui
est bien, noble, grand, digne de vous ; c'est-à-dire d'une
gloire immortelle et d'un bonheur infini. Opposés d'in-
542 CATÉCHISME
tentions, de désirs, de sentiments, ces deux hommes,
vous le savez, se livrent au dedans de vous un combat
sans cesse renaissant, un combat dont le premier théâ-
tre fut votre berceau, et dont votre lit de mort sera le
dernier. Voilà pourquoi le Saint-Esprit vous appelle un
soldat et votre vie une milice '.
» Vous voyez, mon fils, que l'homme bon qui est en
vous doit incessamment se tenir sur ses gardes et tra-
vailler sans relâche à déjouer les ruses, à émousser les
traits et à briser les armes meurtrières de son adver-
saire. A ce prix est pour vous la victoire et le bonheur
dans ce monde et dans l'autre.
» Or, votre ennemi cherche à vous vaincre en attisant
dans votre cœur l'amour des plaisirs sensuels ; vous mor-
tifierez donc vos sens, vous lui répondrez par lejeîme. Il
tente de vous éblouir par l'éclat séduisant des biens
d'ici-bas ; il vous dit : Heureux ceux qui ont ces choses.
Vous détournerez la tête pour ne point voir fa vanité ;
vous lui répondrez : Heureux celui dont le Seigneur est
la richesse, et vous ferez l'aumône. Enfin, redoublant
d'astuce,il essaie de réveiller en vous cet orgueil funeste,
qui des Anges même fit en un clin d'œil d'horribles dé-
mons. Vous vous jetterez aux pieds de votre Dieu, vous
lui confesserez votre néant et votre dépendance, vous
prierez.
» Le jeûne , l'aumône , la prière , voilà, mon fils , les
trois armes dont vous devez vous servir ; voilà les trois
• Job, VII, 1.
DE PERSÉVléRANCE. 543
remèdes que le céleste Médecin nous a prescrits ', et
moi je vous indique le temps et la manière d'en faire
usage. »
Et maintenant, s'il est quelqu'un sur la terre qui ne
soit pas fils d'Adam et héritier de sa corruption, qu'il se
dispense de ces prescriptions salutaires, à la bonne
heure, il est d'une autre nature que nous : les lois de
l'humanité ne sont pas pour lui ; mais si tous, sans
exception, nous trouvons en nous cette loi des membres
qui répugne à la loi de l'esprit ; si tous nous ressentons
plus ou moins cet aiguillon de la chair dont Paul lai-
même, ravi au troisième ciel, éprouvait les atteintes,
quel moyen de mépriser les armes sacrées par lesquelles
tous les Saints ont vaincu, et de repousser les remèdes
qui seuls peuvent opérer notre guérison ?
Telle est donc la sagesse de l'Eglise dans les œuvres
de pénitence qu'elle nous prescrit. Attaquant tout à la
fois nos trois grandes passions, elle ne sépare jamais les
trois œuvres qui leur sont opposées : le jeûne, l'aumône
et la prière. L'avantage qui en revient ne nous est pas
personnel, et s'étend au prochain. Dans l'intention de
cette tendre mère, un des motifs du jeûne est de nous
priver d'une portion de nos aliments pour en nourrir
les pauvres. C'est ainsi que, dans le Christianisme pra-
tiqué suivant l'esprit de l'Evangile, chaque jour de jeûne
' Haec tria remediorum gênera spiritaliter commcDdaTit nohis
cœlestis medicus, elecniosynam scilicet et jejuuium et orationem,
quibus taaquam medicinalihus antidotis possemus ioTeterata mala
curare, prsesentanea pellere, et, servaudo saluteai, futura carere.
S. Aug., Serm, in P'igil. Peatecost.
544 CATÉCHISME
est un jour de dévouement pour le riche et d'assistance
pour l'indigent; c'est ainsi que le Calholicisme est, par
excellence, la religion de l'humanité et une loi d'amour;
c'est ainsi que la Religion de Jésus-Christ ne conduit
pas seulement l'homme à donner de son superflu à ceux
qui manquent du nécessaire; elle veut un sacrifice
plus parfait et une sorte d'immolation de soi-même
pour les malheureux, en exigeant de ses disciples qu'ils
prennent, chaque jour de jeûne, sur leur propre sub-
stance pour en nourrir celui qui a faim.
Plusieurs fois l'année elle multiplie ce sacrifice volon-
taire et le sanctifie par le précepte de l'amour divin,
sans lequel toute vertu est imparfaite et tout dévoue-
ment intéressé. On voit de là quel est le véritable esprit
du jeûne dans les intentions de l'Eglise. Jeûner autre-
ment, c'est-à-dire jeûner au lever du soleil pour faire
un repas plus somptueux au milieu du jour ; jeûner en
s'abstenant de la chair des animaux pour y substituer
avec le même luxe celle des poissons, c'est jeûner à la
manière d'Epicure ; jeûner et ne pas unir le jeûne à
l'aumône, c'est en quelque sorte voler sur le pauvre
l'économie d'un repas; c'est corrompre le précepte dans
son sens le plus sublime, et prêter un sujet de scandale
trop réel à la dérision des impies '.
' Ce n'est point là une interprétation arbitraire du précepte du
jeûne, c'est l'intention formelle de l'Eglise : « Les jours de jeûne,
disent les saints canons, on doit faire Taumône, et chacun doit
donner aux pauvres la nourriture ou la boisson qu'il eût consom-
mée lui-même s'il n'avait jeûné. Le jeûne, sans veilles, sans prières,
sans aumônes, n'est presque d'aucune râleur : Diebus jejuiUi elee-
DE PERSÉVÉRANCE. 545
Mais les hérétiques du seizième siècle et les phi-
losophes du dix-huitième ne sont pas moins coupables
d'avoir accusé le Catholicisme de ces abus qu'il ré-
prouve. Qu'ont-ils fait, eu soulevant leurs disciples con-
tre le précepte du jeûne et de l'abstinence? Jls ontôté
aux pécheurs un des moyens les plus salutaires de re-
pentir ; à la vertu, un de ses meilleurs appuis ; au dé-
vouement social, un de ses plus fréquents exercices :
ils ont mis l'homme en contradiction avec la morale
universelle ; car tous les peuples, sans en excepter on
seul, ont jeûné, parce qu'ils ont cru l'homme responsa-
ble de ses œuvres envers Dieu, et obligé de satisfaire
pour ses offenses ^
Elle est donc bien sage l'Eglise catholique, dans
l'obligation générale qu'elle nous impose de jeûner ;
elle ne l'est pas moins en fixant l'accomplissement de
ce précepte à la fin des quatre saisons. En effet, les
niosyna facienda est ; et cibuin vel potum quo quisque uti debe-
ret, si non jejunaret, pauperibus eroget. Pêne non valet jejuniurn
quod orationes, vigiliœ et eleemosynœ non commendant . Ex Capi»
tular. Theodulph. Aurelian. episc, an. 797, c. 34 et 38.
Ecoutons encore saint Léon : « Qu'y a-t-il de plus utile, de plus
efficace que le jeûne pour désarmer l'ennemi du salut, dompter
les passions et résister à la séduction du vice ? Le jeûne est l'ali-
ment de la vertu ; il inspire de bonnes pensées et de saints désirs;
il fait taire les appétits charnels, et renouvelle l'homme spirituel.
Mais, comme la vigueur de l'âme n'est pas maintenue par le jeûne
seul, notre abstinence, pour être agréable à Dieu, doit être accom-
pagnée des œuvres de charité. Il faut que tout ce qui est retran-
ché à la sensualité soit donné à la vertu, que notre abstinence de-
vienne la nourriture du pauvre, etc. Serm. 2 de Jejun. 10 mens.
• Woyez Jauffret. Culte public, p. 205.
T. VU. 35
546 CATÉCHISME
Qualre-Temps sont établis : l°pour demander pardon à
Dieu des fautes commises pendant la saison qui vient
de s'écouler; 2° pour remercier Dieu des faveurs qu'il
nous y a faites ; 3" pour attirer sur les ordinations les
grâces du Saint-Esprit; 4<» enfin pour nous retremper
et nous aider à passer plus chrétiennement la saison qui
va commencer.
1" Les Quatre-Temps sont établis pour demander par-
don à Dieu des fautes commises pendant la saison qui
vient de s'écouler. Hélas ! chaque saison, en variant nos
jouissances, ne fait trop souvent que varier nos péchés.
Le printemps, qui devrait être pour nous l'époque d'une
résurrection à la grâce, à la piété et à la ferveur, nous
dissipe, nous absorbe, par la pensée des entreprises
temporelles, et nous écarte de notre fin au lieu de nous
en rapprocher. Il passe sans que nous unissions une seule
lois notre cœur et noire voix à celle de toute la nature,
pour remercier le Dieu qui, dans le renouvellement de
toutes choses, pourvoit à notre subsistance et nous pré-
sente l'image de la résurrection future.
L'été excite la fougue de nos passions ; le riche se
livre dans ces beaux jours à des voyages, à des amuse-
ments souvent très-criminels; l'habitant des campagnes
viole par le travail les jours consacrés au Seigneur. Le
cœur de l'un et de l'autre reste insensible aux présents
variés que le Créateur nous fait. En automne, l'avare
entasse dans ses greniers les biens du père de famille ;
sur ses lèvres, pas une bénédiction pour le Dieu qui a
fertilisé ses campagnes, ses vignes et ses prairies. L'hi-
ver voit les banquets somptueux, les bals, les spectacles ;
DE PEttSÉVÉRAKCE. 547
il voil aussi la misère cl les larmes du pauvre qui souf-
fre la faim et le froid. L'égoïsme dur, impitoyable,
règne dans toute sa force ; et si, dans cette saison, Dieu
est quelquefois offensé des murmures du pauvre, il l'est
bien autrement de la cruelle insensibilité du riche.
Qui de nous, en rentrant au fond de sa conscience,
ne trouve pas quelques remords ? Quelle est la saison
que nous avons passée chrétiennement ? Hélas ! plutôt
quelle est celle où nous n'avons pas abusé des bienfaits
de Dieu? En faisons-nous pénitence? nous n'y pensons
même pas. L'Eglise a donc bien fait de nous en rappeler
l'obligation, de nous en prescrire les œuvres , de nous
en déterminer les jours. Sans elle, nous laisserions accu-
muler nos dettes, et nous arriverions, débiteurs insolva-
bles,aux portes de l'éternité, n'ayant d'autre recomman-
dation auprès du juge suprême qu'une vie d'iniquités.
2<* Les Quatre -Temps sont établis pour remercier
Dieu des grâces qu'il nous a faites dans la saison qui
vient de finir. Ils sont nombreux et variés les bienfaits
dont le Père céleste nous comble dans les différentes
saisons ; chacune nous apporte son tribut particulier, et
leur succession met la nature entière à notre usage. Eh
bien, dites-nous : pour trois mois de libéralités con-
stantes, trois jours de prières et de bonnes œuvres,
est-ce trop? Il est bien à plaindre le cœur qui trouve
trop pesant le fardeau de la reconnaissance. Ajoutez
que nos remercîments sont encore à notre avantage.
L'ingratitude est un vent brûlant qui dessèche la source
des grâces, tandis que la reconnaissance ouvre la main
du bienfaiteur.
548 CATÉCHISME
3" Pour attirer sur les ordinations la grâce du Saint-
Esprit. Point de société sans religion, point de religion
sans prêtres, mais point de prêtres utiles à la religion
et à la société sans les vertus de leur saint état. Quand
l'Eglise n'aurait eu que cette seule raison d'appeler tous
ses enfants à la prière, au jeûne, à l'aumône pendant
les Quatre-Teraps , croyez-vous que son commande-
ment ne serait pas fondé ? Ne sommes-nous pas tous
intéressés à obtenir de bons ministres? n'est-ce pas
de leurs exemples et de leurs leçons que dépendent, en
grande partie, notre vertu, la paix des familles, le bon-
heur du monde ? Ne sont-ils pas établis par le Seigneur
lui-même pour être le salut et la ruine d'un grand
nombre en Israël?
Le samedi des Quatre-Temps l'Eglise multiplie ses
prières ; on disait autrefois douze leçons à la messe,
le nombre en a été réduit à cinq. L'Eglise veut offrir
à ses enfants d'utiles sujets de méditations sur les
bienfaits de Dieu, et les exhorter par l'organe du
prophète à solliciter plus instamment les bénédictions du
Ciel sur ceux qui doivent participer aux saints ordres*.
4° Pour nous retremper et nous aider à passer plus
saintement la saison qui va commencer. Il est utile,
nécessaire même au voyageur qui parcourt une route
pénible, de se reposer de temps en temps ; il est utile,
nécessaire même au soldat qui est en campagne d'avoir
des jours de trêve, soit pour panser ses blessures, soit
pour réparer ses armes : à ce double titre, les Quatre-
Temps sont utiles, nécessaires même au Chrétien ;
* Rabau, Instit.y lib. 2, c. 24.
DE PERSÉVÉRANCR. 549
n'est-il pas tout à la fois un voyageur et un soldat?
Voyageur, le chemin de la vie, nous le savons bien,
n'est pour lui, ni sans danger, ni sans fatigue; son âme
a besoin de reprendre haleine. Elle le fait en se rap-
prochant de Dieu par la prière et par la mortification
de la chair. Soldat, l'homme, dans la lutte qu'il soutient
depuis le berceau jusqu'à la tombe, reçoit, hélas! plus
d'une blessure, il a besoin de remèdes, il les trouve
encore dans la prière et le jeûne. Fortifié, guéri par
ces salutaires pratiques, il peut recommencer son com-
bat et reprendre sa route avec plus de confiance. Ses
pensées élevées au-dessus de la terre, ses affections
purifiées et ennoblies, le travail lui devient plus méri-
toire, la vie plus douce; et sa famille et la société y
gagnent de bons exemples, du repos par conséquent
et du bonheur.
C'est aussi pour nous rendre meilleurs et plus heu-
reux que l'Eglise a établi les Vigiles ou veilles de gran-
des fêtes. Autrefois la nuit qui précédait nos solenni-
tés se passait à l'église : de là le nom de veille. Au-
jourd'hui on nomme vigile ou veille tout le jour qui
précède une solennité pendant lequel on observe l'ab-
stinence et le jeûne. Il y en a cinq : celles de Noël, de
Pâque, de la Pentecôte, de l'Assomption et de la Tous-
saint. Dans quelques diocèses, la fête de saint Pierrre
et de saint Paul est aussi précédée d'une vigile.
Comment ne pas admirer la sollicitude avec laquelle
l'Eglise prépare ses enfants aux grandes fêtes de la
Religion? La prière, le jeûne, les œuvres de charité,
oilà les moyens qu'elle emploie pour affaiblir en nous
550 CATÉCHISME
la vje des sens, et donner à notre âme la vigueur, la
pur('t(i, les saints désirs nécessaires àl'effusioji plus abon-
dante des gr<1ces divines qui a lieu dans les gran-
des fêles. Ce mot de vigile est tout une instruction,
Le temps est la vigile de l'éternité. Notre vie est un
jour de jeûne, de prières et de travail; l'éternité
est la solennité que nous attendons.
Si notre âge nous oblige au jeûne, accomplissons-le
fidèlement; si nous sommes dispensés de cette loi,
faisons-nous-en une d'adresser à Dieu, la veille des
grandes fêtes, des prières plus ferventes, défaire quel-
que retour sur nous-mêmes, et de former de saintes
résolutions '.
PRIÈRE.
O mon Dieu! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi les Quatre-Temps; faites-moi la grâce de
bien entrer dans l'esprit de cette salutaire institution.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par -dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je
joindrai l'aumône au jeûne et à la prière.
PETIT CA.TÉCHISME.
LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Quatre-Temps et Vigiles.
Q. Qu'est-ce que les Quatre-Temps ?
R. Les Quatre-Temps sont trois jours de jeûne qui
' Voyez Thom,, Traité du jeûne., 1 p.irt., c. 18 ; 2 part., c, 14.
DE PERSïîVÉRANClî. 55i
reviennent h la fin de chaque saison de rannt'-e. L'ori-
gine des Quatre-Temps remonte aux temps des Apô-
tres. L'Eglise a conservé et étendu cette pratique qui
était déjà en vigueur chez les Juifs ; en cela, elle a fait
preuve d'une grande sagesse et d'une grande sollici*»
lude pour notre bonheur.
Q. Comment cela ?
R, Le voici. Comme hommes, comme pécheurs et
comme Chrétiens, nous sommes obligés de faire péni-
tence. Notre-Seigneur a dit : Si vous ne faites péni^
tence, vous périrez tous. L'Eglise a déterminé ce pré-
cepte en nous indiquant le temps et la manière de
l'accomplir; sans cela, la plupart des hommes n'au-
raient fait aucune pénitence de leurs péchés, et ils se-
raient arrivés devant Dieu chargés de dettes et condam-
nés à l'enfer, ou du moins à un rigoureux purgatoire.
L'Eglise s'est donc montrée bien tendre en nous obli-
geant à accomplir le précepte divin de la pénitence.
Q. Quelles œuvres nous ordonne-t-cUe?
R' Les œuvres qu'elle nous ordonne sont : le
jeûne, la prière et l'aumône. Ces trois œuvres sont
opposées aux très-grandes passions qui sont en nous ;
l'amour du plaisir, l'amour des honneurs et l'amour des
richesses. C'est ainsi que l'Eglise nous guérit, c'est pour
cela qu'elle a établi les jeûnes et les abstinences.
Q. Pourquoi a-t-elle établi les Quatre - Temps en
particulier ?
R. Elle a établi les Quatre-Temps en particulier pour
quatre raisons : 1" pour demander pardon c'i Dieu des
552 CATÉCHISME DE PERSÉVÉRANCE.
péchés commis pendant la saison qui vient de s'écouler;
2° pour le remercier des grâces qu'il nous y a faites ;
3" pour attirer les bénédictions du Ciel sur les ordina-
tions; 4*» pour nous aider à passer plus chrétiennement
la saison qui va commencer.
Q. Qu'est-ce que les vigiles ?
R. Le mot vigile veut dire veilles. Les Vigiles sont
un jour d'abstinence et de jeûne qui précède les gran-
des fêtes de l'année. On en compte cinq : celles de Noël,
de Pâque, de la Pentecôte, de l'Assomption et de la
Toussaint. Dans quelques diocèses, la fête de saint Pierre
et de saint Paul est aussi précédée d'une vigile. Quel
que soit notre âge, nous devons passer ces jours plus
saintement que les autres, afin de nous préparer à la
célébration de la solennité et recevoir les grâces que
Dieu ne manque pas d'y accorder avec plus d'abon-
dance.
PRIÈRE.
O mon Dieu ! qui êtes tout amour, je vous remercie
d'avoir établi les Quatre-Temps ; faites-moi la grâce
de bien entrer dans l'esprit de cette ss|lutaire institu-
tion.
Je prends la résolution d'aimer Dieu par-dessus
toute chose, et mon prochain comme moi-même pour
l'amour de Dieu ; et, en témoignage de cet amour, je
joindrai Vaumône au jeûne et à la prière.
FIN DU SEPTIÈME VOLUME.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES
DANS LE SEPTIÈME VOLUME.
aUATRlÉlIE PARTIE.
r« LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
L'avocat et le mathématicien. — Définition du culte intérieur et
extérieur. — Cérémonies, rites, liturgie. — Culte extérieur né-
cessaire à l'homme, à la société. — Premier avantage du culte
extérieur. — 11 redit à nos sens toutes les vérités de la Religion,
sous les patriarches, sous la loi de Moïse, sous l'Evangile. 1
U« LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Second avantage du culte extérieur, il fixe toutes les vérités de la
R(;ligion. — Troisième avantage, c'est le premier lien social. —
Quatrième avantage, il influe admirablement sur les arts. —
Origine des cérémonies. — Variété des cérémonies. — Respect
qui leur est dû. — Empressement à les étudier. 23
UT LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Eglises , leur nécessité. — Nécessité de leur décoration. — Habil-
lements convenables et décents pour les jours de fête. — Des-
cription des anciennes églises. — Nos églises actuelles pleines
des souvenirs des Catacombes. — Crypte. — Autel. — Balus-
trade. 41
Vf" LEÇON. —LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Suite de la description de nos églises. — Flambeaux. — Chapelles
latérales. — Peintures.— Décorations. — Cloche. — Son baptême.
— Pourquoi on la sonne dans les orages. — Harmonie des clo-
ches avec nos sentiments. 6*
V» LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Des bénédictions en général. — Principes sur lesquels elles repo-
sent.—Enseignement qu'elles nous donnent. — Leur antiquité
554 TABLE
— Leurs effets.— Ceuï qui ont le pouvoir de bénir. — Cimetière.
— Cimetières en Suisse.— Cimetières près des églises, sentiments
qu'ils inspirent. — Bénédiction du cimetière. 86
VI« LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Définition, division du temps. — Fêtes. — Leur objet sous les pa-
triarches, sous Moïse, sous l'Evangile. — Fêtes des martyrs et
des saints. — Supériorité des fêtes chrétiennes. — Leur beauté,
leurs harmoni<'s, leurs avantages sociaux. — Sanctification des
fêtes. 109
VII* LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Dimanche. — Son histoire. — Son objet. — Dimanche chez les pre-
miers Chrétiens. — Prière en commun, Office. — Origine de l'Of-
fice divin. —Différentes heures de l'Office. —Leur harmonie
avec Dieu , l'homme et le monde. — Beauté de l'Office. — Office
de la nuit. — Matines. — Invitatoire. — Psaume Venite. ■-
Vm« LEÇON. —LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Matines ( suite ). — Hymne. — Antienne.— Psaumes. — Versets. —
Bénédictions. — Leçons — Répons. — Différence des matines de
neuf et de trois leçons. — Te Deum. — Verset sacerdotal. —
Laudes. — Capitule. — Hymne. — Verset. — Cantique. 151
IX" LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSUSLE.
Office du jour. — Prime. — Tierce. — Sexte. — None. —Vêpres. 172
X* LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Compiles. — Usjge de la langue latine dans la liturgie. — Sagesse
de l'Eglise — Chant, sa raison, son origine, sa beauté. — Exem-
ple de saint Augustin, — de Jean-Jacques Rousseau. 192
XP LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Nature du sacrifice. — Sa nécessité. — Sacrifices anciens. — Sacri-
fice du Calvaire. — Sacrifice sanglant. — 11 réunit en les accom-
plissant tous les sacrifices anciens. — La messe est un vrai sacri-
fice, le même que celui du Calvaire. — La messe est nécessaire. 2l4
XII' LEÇON. — LE CHRISTUNISME RENDU SENSIBLE.
Excellence du sacrifice de la messe.— Le prêtre. — Ses préparations.
— Ses vêtements. — Amict. — Aube. — Cingulon. — Manipule. —
Etole. — Chasuble. — Etole du diacre. — Dalmatique.— Tunique
du sous-diacre. — Surplis. — Chape. 236
DES MATIÈRES. 555
XIII» LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Vêtements des évoques. — Les pantoufles et les bas. — La croix
pectorale. — La petite tunique et la dalmatique. — Les gants. —
l'anneau. — La mitre. — La crosse. — Le pallium* — Le grémial.
—Couleurs des ornements. — parements de l'autel. 259
XIV« LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Vases sacrés. — Calice. — Patène. — Ciboire. — Ostensoir. — Béné-
diction de l'eau bénite avant la messe du dimaucbe. — Aspersion
de l'eau bénite. 279
XV* LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Processions en général. — Procession du dimanche avant la messe.
— Division de la messe. — Signification de ce mot. — Première
partie de la messe, la préparation au bas de l'aatel. 298
XVI» LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Encensements. — Seconde partie de la messe, depuis l'Introït jus-
qu'à l'Offertoire. — Introït. — Kyrie eleison* — Gloria in Ex-
celsis. 317
XVir LEÇON.— LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Deuxième partie de la messe ( Suite ). — Oraison . — Epître. — Gra-
duel. — Trait. — Alléluia. — Prose. 33C
XVIIl» LEÇON. — LE CHRISTUNISME RENDU SENSIBLE.
Seconde partie de la messe ( Suite ). — Evangile. — Credo — Troi-
sième partie de la messe. — Offertoire. — Offertoire dans les
premiers siècles. 3M
XIX« LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Troisième partie de la messe (Suite). — Offertoire dans les temp.s
actuels. 377
XX-^ LEÇON. —LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Troisième partie de la messe (Suite).— Ora/e fratres. — Quatrième
partie de la messe.— Préface — Sanctus.— Canon.— Dyptiques. 398
XXI* LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Quatrième partie de la messe (Suite). — Consécration. — Eléva-
tion. — Prières qui la suivent. 419
556 TABLE DES MATIÈBES.
XXU* LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Cinquième partie de la messe. — Pater. — Prières et cérémonies qui
le suivent. — Fraction de l'hostie. — Le baiser de paix. — uignus
Dei. — Prières avant la communion. — Communion. — Prières
après la communion. 440
XXm« LEÇON.— LE CHRISTL^ISME RENDU SENSIBLE.
Sixième partie de la messe. — Communion. — Postcommunion. —
Ite missa est. — Bénédiction. — Evangile de saint Jean. — Com-
ment il faut sortir de la messe. 460
XXIV» LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Jours de la semaine considérés sous le point de vue de la foi. — Ils
sont des jours de fête. — La vie est la vigile de l'éternité — Com-
ment célébrer cette fête continuelle. — Noms païens des jours de
la semaine. — Noms chrétiens. — Profonde sagesse de l'Eglise.—
Dévotions attachées à chaque jour de la semaine. — Calendrier
catholique, sa beauté, sou utilité. 476
XXV« LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Avent. — Sagesse de l'Eglise. — Antiquité de l'Avent. — Pratiques
de dévotion et de pénitence. — Liturgie de l'Avent. — Premier
dimanche. — Deuxième dimanche. — Troisième, quatrième. —
Fête de l'expectation. — Antiennes O. 501
XXVl^ LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Immaculée Conception de la sainte Vierge. — Croyance de l'Eglise,
— Histoire de la féte.^ Sagesse de l'Eglise. — Influence de cette
fête. — Office. — Comment célébrer la fête de l'Immaculée Con-
ception? 521
XXVU« LEÇON. — LE CHRISTIANISME RENDU SENSIBLE.
Quatre-Temps de l'Avent. — Antiquité des Quatre-Temps. — Sa-
gesse et bonté de l'Eglise. — OEuvres satisfactoires opposées aux
trois grandes concupiscences. — Esprit du jeune. — Crime des
hérétiques et des impies. — Pourquoi les Quatre-Temps sont
éUblis. 537
FIN OB LA TABLE DES KATlàRES.
La Bibliothèque
Uni?ersité d'Ottawa
Edxéanoe
Celai qni rapporte an volame après la
dernière date timbrée ci-dessoas devra
payer une amende de cinq soas, plus un
sou pour chaque jour de retard.
The Library
Universitj of Ottawa
Date due
For failnre lo relaro a book on or be-
fore the last date slamped below there
will be a fine of five cents, and an extra
charge of one cent for each additional day.
La Bibliothèque
Université d'Ottawa
Echéance
The Library
University of Ottawa
Date Due
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